L’immortalité a préoccupé bon nombre de grandes civilisations. La Chine s’y est pour sa part intéressée depuis la plus haute Antiquité. Ses récits mythiques évoquent les immortels au corps radiant couvert de plumes, se nourrissant de rosée, chevauchant des grues ou des dragons, tandis que l’histoire témoigne de la recherche effrénée des îles d’immortalité et des ingrédients rédempteurs. Une alchimie d’un genre particulier a également été conçue en Chine pour permettre à l’homme d’obtenir la «longue vie».
Voir l'article "Immortalité et alchimie dans la Chine ancienne" dans "Religions et histoire" n°52 (sept/oct 2013) aux éditions Faton http://bit.ly/18bakXu
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La quête de l'immortalité en Chine 1 (Muriel Chemouny 2013)
1. Immortalité en Chine ancienne (Muriel Chemouny, 2013)*
Le profond désir d’acquérir la longévité voire l’immortalité, la
recherche des contrées mythiques où vivent des immortels, la
quête et la collecte des substances permettant l’élaboration de
l’or, les prises de drogues pour obtenir cette immortalité, sont
évoqués dans toutes les grandes traditions du monde et
notamment dans les textes chinois les plus anciens. La
recherche de lieux magiques terrestres, de lieux imaginaires, la
quête d’ingrédients rédempteurs, chaque époque et chaque
peuple y répond à sa manière, la Chine en particulier avec
pour fil conducteur les multiples correspondances entre
l’univers, le macrocosme et le microcosme, l’univers en petit
qu’est l’homme.
De nombreux expérimentateurs se font piéger dans cette quête.
D’aucuns s’empoisonnent avec des substances végétales,
minérales, toxiques qu’ils pensent leur conférer l’immortalité
et leur permettre d’accéder aux lieux mythiques des immortels. Ces lieux s’éclipsent,
disparaissent aux yeux des indiscrets… Qu’ils soient adeptes de l’alchimie externe –
exotérique – consistant à fabriquer un or matériel voire un simili or – ou bien qu’ils pratiquent
l’alchimie intérieure en utilisant les ingrédients de leur propre corps pour fabriquer un or
spirituel et substantiel, ils se heurtent aux obstacles dressés tout au long de l’élaboration de
l’œuvre, tout comme leurs homologues occidentaux.
Boshanlu, brûle-parfum en bronze
avec incrustations d’or, représentant
les îles d’immortalité (époque Han)
L’immortalité est associée en Chine à des lieux particuliers qui peuvent être célestes comme
des étoiles, aquatiques tel le fond des eaux, terrestres comme des grottes, mais surtout la
montagne, entourée d’eau, tous lieux hautement symboliques, lieux où demeurent les
immortels au corps radiant et couvert de plumes dont parle le maître Zhuangzi. Cette terre de
prédilection des immortels est tellement indissociable de ceux-ci qu’on les désigne par un
idéogramme qui représente un homme et une montagne : l’homme dans la montagne ? Ou
l’homme sur la montagne ou encore l’homme, montagne lui-même, selon le principe
analogique des correspondances entre le macrocosme et le microcosme.
Deux terres d’immortalité reviennent souvent dans les récits mythologiques chinois, l’une
siège au pôle Ouest, l’autre au pôle Est. A l’Ouest, le mont Kunlun, où poussent des herbes
d’immortalité. Ici règne la Mère Reine de l’Ouest qui réside dans un palais de jade et garde le
verger des pêchers d’immortalité. A l’Est, un chapelet de trois îles montagneuses situées dans
la Mer orientale : Penglai, Fangzhang, Yingzhou. Penglai est dépeinte avec ses avenues d’or
et de platine, ses arbres couverts de perles et de joyaux, ses pagodes de lapis lazuli[1] ;
Fangzhang, elle, abrite l’arbre solaire. Quant à Yingzhou elle est aussi appelée Kunlun.
Ces trois îles et les ingrédients qu’elles renferment, des drogues rédemptrices, sont l’objet de
convoitise dès le IVe s avant notre ère en Chine. A ce propos, Sima Qian, historien de la
dynastie des Han (-IIe – +IIe siècles) et référence pour tous les historiens impériaux
postérieurs, rapporte dans ses Mémoires historiques[1] que c’est à cette époque, celle des
Royaumes combattants, à partir des empereurs Wei (378-343) roi de Qi[2], Xun (342-324) et
Chao, roi de Yan (311-279) qu’on envoie des hommes à la recherche de Penglai, Fanzhang, et
Yingzhou. Ces trois îles montagneuses plantées au milieu de la mer de l’Est – Bohai, la Mer
de Félicité -, dont il est dit qu’elles sont peu éloignées des hommes, ont pourtant la
2. particularité de ne pas pouvoir être abordées à cause du vent qui repousse les navires en
arrière et les en éloigne. Cependant notre historien nous dit qu’ « autrefois, – à vrai dire, des
gens purent y parvenir : c’est là que se trouvent les hommes bienheureux et la drogue qui
empêche de mourir. Là, tous les êtres, les oiseaux et les quadrupèdes sont blancs ; les palais
et les portes y sont faits d’or jaune et d’argent ; lorsque (ces gens) n’y étaient point encore,
ils les voyaient de loin comme un nuage ; quand ils y arrivèrent, les trois montagnes saintes
se trouvèrent renversées sous l’eau ; quand ils en furent tout près, le vent ramena soudain
leur bateau au large ; en définitive, il n’est personne qui ait pu y aborder« [3]. Mais tous ont
voulu s’y rendre, remarque Sima Qian… Tous? Non, bien entendu… Seuls les souverains et
ceux qui disposaient de moyens matériels considérables pouvaient le faire…
* Ce thème a fait l’objet d’une conférence aux Rencontres d’Aubrac en 2012 sur les
« Imaginaires de l’Eldorado » (vidéo), et d’un article dans « Religions et histoire » (n°52,
éditions Faton, septembre/octobre 2013). Le présent document ne constitue qu’une
introduction : la suite sur mon blog « Voyage intemporel »
http://voyageintemporel.wordpress.com )
Bibliographie :
- La quête de l’immortalité en chine : paysage et alchimie intérieure sous les Song, Muriel
Baryosher-Chemouny, Dervy, Paris, 1996.
[1] Traité sur les sacrifices fong et chan (Mémoires historiques, chap. XXVIII, E. Chavannes
tome 3, p. 437)
[2]
http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Sima_qian_chavannes_memoires_historiques_v6.djvu/305
[3] Traité sur les sacrifices fong et chan (Mémoires historiques, chap. XXVIII, E. Chavannes)