Présentation de Valérie Ulrich, Mission Recherche et Observatoire national du suicide, DREES, Ministère de la Santé, Paris
Dans le cadre du 15e Institut d'été du CRISE, "Suicide, santé mentale et milieu de travail"
Jour 3: Postvention et retour au travail
La postvention: comment accompagner les familles endeuillées par le suicide d...
Santé mentale, suicide et expériences du travail, du chômage et de la précarité : Pistes de réflexions françaises
1. Santé mentale, suicide et expériences du
travail, du chômage et de la précarité :
Pistes de réflexions françaises
Valérie Ulrich
Mission Recherche et Observatoire national du suicide
DREES, Ministère de la Santé, Paris
Institut d’été 2019 Crise-UQAM
2. Le rôle de la Mission Recherche
• Rôle d’interface entre les chercheurs et les administrations, les
professionnels, les associations, les élus, etc.
• Animer et financer des programmes de recherche, en sciences humaines
et sociales, sur des questions sanitaires et sociales :
– Handicap et perte d’autonomie
– Organisation des soins en psychiatrie
– Inégalités sociales de santé
– Économie collaborative et protection sociale
– Politiques sociales locales
– En 2018, Santé mentale et expériences du travail, du chômage et de la
précarité
• Depuis 2013, pilotage de l’Observatoire national du suicide.
– En 2019, travaux sur le suicide lié au travail
3. Les missions de
l’Observatoire national du suicide
• Coordonner les producteurs de données sur le suicide et les tentatives de
suicide.
• Identifier, prioriser et financer des questions de recherche.
• Produire des recommandations sur l’amélioration des systèmes
d’information et en matière de recherche et d’études.
• Produire un rapport tous les 18 mois sur différentes thématiques et des
fiches statistiques.
4. Composition de l’Observatoire
• Des experts de différentes disciplines (psychiatre, médecin du travail,
médecin scolaire, urgentiste, sociologue, gériatre, etc.)
• Des associations de prévention du suicide
• 7 ministères
• Des administrations
• Des centres d’études et de recherches
• Des caisses de protection sociale
• Des acteurs régionaux
5. • Groupes de travail et assemblés plénières.
• Approche interdisciplinaire de la prévention du suicide.
• Articulation de travaux scientifiques et de réflexions d’acteurs de terrain.
• Réflexions sur des thématiques générales et spécifiques.
Fonctionnement de l’Observatoire
6. 1er rapport (novembre 2014) 2ème rapport (février 2016) 3ème rapport (Février 2018)
* Pour les deux derniers rapports, version anglaise de la synthèse disponible sur le site web de
l’ONS.
7.
8. Les appels à recherche
• « Prévention du suicide »2015
• « Comportements suicidaires
chez les adolescents et leur
prévention »
2018
2019
• « Santé mentale, suicide et
expériences du travail, du
chômage et de la précarité »
9. Mon matériau
• 4 séances du séminaire « santé mentale, et expériences du travail, du
chômage et de la précarité ».
• 2 séances de travail de l’Observatoire national du suicide sur le suicide lié
au travail.
→ En tout environ 25 contributions de chercheurs, français pour
l’essentiel
• Résultats d’enquêtes statistiques récentes.
10. Plan
Ce que l’on sait et ce que l’on sait moins
• Santé mentale / suicide et travail
• Santé mentale / suicide et précarité professionnelle / chômage
• Prévention de la santé mentale / suicide au travail
12. « Travailler pour être heureux? »
• Le travail protège la santé mentale, il peut être source de bonheur et de
dignité.
• Mais les conditions de travail et les changements organisationnels
peuvent créer une souffrance mentale pouvant pousser au geste
suicidaire.
→ Ambivalence du travail
• Quels sont les aspects du travail susceptibles de rendre les hommes
heureux ou malheureux ? Quels sont les facteurs délétères / protecteurs?
13. De nombreux ouvrage majeurs sur le lien entre
organisation du travail et souffrance
• Dejours, C. (2015). Travail, usure mentale. Essai de psychopathologie du
travail. Montrouge, France : Éditions Bayard [1980].
• Clot, Y. (2010). Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques
psychosociaux. Paris, France : La Découverte.
• Linhart, D. (2015). La comédie humaine du travail : de la déshumanisation
taylorienne à la sur-humanisation managériale. Toulouse, Éditions ERES.
• Lhuilier, D (2006). Cliniques du travail. Éditions ERES.
14. Ce que l’on sait (1)
• Intensification du travail depuis les années 1980-1990.
• Introduction de nouveaux instruments de contrôle, de scripts et de
procédures standardisés, accroissement de la rentabilité au détriment de
la qualité (lean management).
• Pression croissante à la performance individuelle, augmentation des
exigences de flexibilité et de mobilité et mise en concurrence des salariés.
• Changements organisationnels permanents (restructurations, réductions
d’effectifs, changements de logiciels, déménagements).
Les professionnels sont transformés en apprentis à vie
(Danièle Linhart, séminaire de la DREES)
15. Ce que l’on sait (2)
• Affaiblissement des collectifs de travail et mobilisation de l’investissement
personnel.
• Activité empêchée et souffrance éthique
La souffrance éthique est définie comme la souffrance qui résulte de la réalisation
d’actes que le salarié réprouve moralement (C. Dejours).
• Perte du pouvoir d’agir
Le pouvoir d’agir mesure le rayon d’action effectif du sujet ou des sujets dans leur
milieu professionnel habituel, ce qu’on appelle le rayonnement de l’activité, son
pouvoir de recréation (Y. Clot).
16. Ce que l’on sait moins
• Quelles sont les ressources mobilisées, les ressources créées ou les
ressources manquantes pour faire face aux exigences de la situation de
travail ?
– Comment s’effectue le « travail de santé » ? (D. Lhuillier)
• Des innovations à examiner : slow management, entreprises libérées,
management bienveillant, organisations responsabilisantes, etc.
– Quelle diffusion réelle? Quelle pratique? Quelle mise en œuvre? Quels effets
sur la santé mentale? Quelle place du collectif de travail dans ces
organisations ?
• Quelles conséquences des nouvelles formes d’emploi et de travail et du
numérique sur la santé mentale?
17. Une avancée majeure dans la mesure des RPS :
le rapport Gollac
• En 2011, rapport sur les risques psychosociaux d’un collège d’experts,
présidé par Michel Gollac.
• Six types de facteurs de risques psychosociaux :
l’intensité du travail et le temps de travail
les exigences émotionnelles
le manque d’autonomie
la mauvaise qualité des rapports sociaux au travail
la souffrance éthique
l’insécurité de la situation de travail
18. Comment expliquer les
évolutions récentes des RPS (2013-2016)?
• Des paradoxes à éclairer :
– D’un côté, intensité du travail reste à un niveau élevé et déclin de
l’autonomie et des marges de manœuvre.
– D’un autre côté, réduction de certains risques psychosociaux :
diminution de la charge mentale, stabilisation de la demande
émotionnelle, soutien social fort et recul des comportements hostiles.
19. Quelques réflexions sur suicide et travail
• Le suicide au travail connait une couverture médiatique importante depuis
les années 1990 en France et a une résonance particulière dans l’opinion
publique.
• Selon C. Dejours, les suicides au travail résultent de la surcharge de travail
et l’absence de coopération.
• Ceux qui se suicident sont les plus investis et performants dans leur
travail.
20. Quelques réflexions sur suicide et travail
Le travail est rarement LA cause d’un suicide,
mais il est souvent EN cause dans un suicide donné
(D. Lhuillier, séminaire de la DREES)
• Limites de la comparaison statistique du taux de suicide dans une
entreprise donnée par rapport à celui de la population générale.
• Mobilisation récurrente de l’argument de la fragilité individuelle pour
dédouaner le rôle du travail.
• Actuellement, absences de données en France sur les suicides par
profession.
21. Santé mentale / suicide
et chômage / précarité
professionnelle
22. Des effets réciproques et complexes
• Le chômage et la précarité ont des conséquences directes ou indirectes
(alcoolisation, etc.) sur la santé mentale.
• Une mauvaise santé mentale augmente le risque de devenir
chômeur/précaire.
• Les problèmes de santé mentale et les épisodes de chômage / de
précarité sont favorisés par un parcours de vie globalement défavorable.
Santé mentale et chômage/précarité ont des effets réciproques et
dépendent d’un contexte social plus large.
23. Ce que l’on sait
• La précarisation de l’emploi et du travail est délétère pour la santé
mentale.
• Les travailleurs précaires sont confrontés à des trajectoires
professionnelles heurtées, occasionnant une incertitude.
• Le chômage ajoute une désocialisation et une dévalorisation de sa
personne.
• Pour les bénéficiaires d’aides sociales, les injonctions à l’autonomie,
comme contreparties aux aides, et le contrôle régulier des ressources sont
délétères pour la santé mentale (N. Duvoux).
24. Ce que l’on sait moins
• Pourquoi certains individus résistent mieux que d’autres à une même exposition
au chômage et à la précarité?
• Comment prévenir la désinsertion professionnelle ?
• Quels effets combinés entre la précarité professionnelle, la précarité financière
et la santé psychique?
• Quels effets sur la santé mentale de la reprise d’emploi ou d’activité ?
• Relativement à des chômeurs, ceux qui occupent un emploi sont-ils protégés
des atteintes à leur santé mentale, même si celui-ci est faiblement
rémunérateur et de courte durée ?
• Quels effets des fins de carrière, caractérisées par des épisodes de chômage ou
de maladie avant le départ à la retraite?
25. Quelques réflexions sur suicide et chômage
Le chômage est un évènement traumatique (M. Debout)
• Peu de travaux français sur suicide et chômage
• Une étude récente :
– L’augmentation de 10% du taux de chômage, a un effet sur le taux de suicide
uniquement chez les hommes (augmentation de 1,8% [0,9-2,7]), en particulier
les hommes de 25-49 ans (augmentation de 2,6% [1,3-3,9]).
• Un chômeur perd l'accès à la médecine du travail à un moment de sa vie
où il est exposé à un risque particulier pour sa santé. Pas de médecine
préventive spécifiquement adressée aux demandeurs d'emploi.
27. Prévention primaire : aspects juridiques
• En France, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et
mentale de ses salariés et il est tenu d’une obligation de sécurité de
résultat.
• L’employeur est dès lors non seulement tenu de prévenir tous les risques
au travail, mais il doit aussi faire en sorte d’éviter la réalisation du risque.
• Le 25 novembre 2015, la Cour de cassation a décidé d'abaisser la portée
de l'obligation de sécurité à une obligation de sécurité de moyens
renforcés.
• Quels effets de la jurisprudence (encore maigre) concernant la prévention
des risques pour la santé mentale au travail et du suicide lié au travail?
28. Prévention secondaire
• 24% des établissements ont mis en place des dispositifs collectifs de
prévention des RPS.
• 22% des établissements ont mis en place des mesures individuelles
– Plus répandues dans les grandes entreprises.
• Les pratiques de prévention secondaire permettent-elles de soulager les
souffrances psychiques causés par les tensions organisationnelles ?
• Quels effets des dispositifs indivualisants de prévention ?
29. Prévention tertiaire : reconnaissance de la
souffrance psychique/suicide en AT et MP
• 10 000 affections psychiques reconnues en accident du travail (AT) en
2016, soit 1,6% des AT.
• De 10 à 30 suicides par an reconnus en AT.
• 596 affections psychiques reconnues en maladie professionnelle (MP) en
2016.
• Quels effets de la jurisprudence sur la reconnaissance de la souffrance
psychique et du suicide en AT/MP?
31. Coordonnées de l’Observatoire National du Suicide :
DREES-ONS@sante.gouv.fr
Site internet de l’Observatoire National du Suicide :
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/la-drees/observatoire-
national-du-suicide-ons/article/l-observatoire-national-du-suicide-ons
32. Bibliographie
• Dossier de la DREES (2019) Santé mentale, expériences du travail, du
chômage et de la précarité, Actes du séminaire de recherche de la DREES
et de la DARES, Coordination Diane DESPRAT, à paraître.
• Baudelot, C. et Gollac, M. (2003). Travailler pour être heureux ? Le bonheur
et le travail en France. Paris, Fayard.
• Dejours, C. (2015). Travail, usure mentale. Essai de psychopathologie du
travail. Montrouge, France : Éditions Bayard [1980].
• Clot, Y. (2010). Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques
psychosociaux. Paris, France : La Découverte.
• Linhart, D. (2015). La comédie humaine du travail : de la déshumanisation
taylorienne à la sur-humanisation managériale. Toulouse, Éditions ERES.
• Lhuilier, D (2006). Cliniques du travail. Éditions ERES.
• Clot Y. (2008). Travail et pouvoir d’agir. Paris, PUF.
33. Bibliographie
• Gollac, M. Bodier, M. (dir.) (2011, avril). Mesurer les facteurs
psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser. DARES, Ministère du
travail et de l’emploi.
• Beque, M. Mauroux, A. (2017). « Quelles sont les évolutions récentes des
conditions de travail et des risques psychosociaux ? ». Dares Analyses,
n°082.
• Meneton, P. Plessz, M. Courtin, E. et al. (2017) « Le chômage : un
problème de santé publique majeur ». La Revue de l'Ires, 2017/1 (n° 91-
92), p. 141-154.
• Duvoux, N. (2008). L'injonction à l'autonomie : l'expérience vécue des
politiques d'insertion. Thèse sous la direction de Serge Paugam, Paris,
EHESS.
• Laanani, M. Ghosn, W. Jougla, E. Rey, G. (2015), « Association entre taux
de chômage et suicide, par sexe et classe d’âge, en France métropolitaine,
2000-2010 ». Bulletin épidémiologique hebdomadaire, vol. 1-2, p. 2-6.
34. Bibliographie
• Debout, M. (2015). Le traumatisme du chômage. Paris, France : Les
éditions de l’Atelier.
• Lerouge, L. (2017). L’obligation de sécurité : construction, obligation et
portée in Chaignot, N., Dejours, C., Clinique du travail et évolution du
droit. Paris, France : PUF, 143-167.
• Assurance Maladie (2018). Santé travail : enjeux et actions.