1. Intervention d’Alfredo Pérez Rubalcaba à
l’occasion de l’acte de proclamation comme
candidat du PSOE
Palacio Municipal de Congresos de Madrid ‐ 9 juillet 2011
Je n’aurais jamais imaginé qu’il y avait tant de R dans le dictionnaire, autant de mots
qui commencent par la lettre R (il fait référence à la vidéo qui a été diffusée
préalablement et dans laquelle on utilise plusieurs mots commençant par la lettre R
pour le définir). Je dois dire que je ne suis pas certain que certains de ces mots
puissent définir mon état d’âme aujourd’hui. Par exemple, le terme “relajado”
(détendu). Non, je ne suis pas détendu. J’ai regretté de ne pas voir un mot
commençant par R, très important et qui m’a séparé de José Luis [Rodríguez Zapatero]
pratiquement tous les week‐ends de ces huit dernières années : « realmadridista »
(supporter du Real Madrid). Mais je vois que cela a changé, parce que quand je faisais
ces affirmations auparavant, avant de me présenter comme candidat, les opinions
étaient divisées. Aujourd’hui, ce n’est pas mal.
Merci infiniment. Merci beaucoup de tout cœur. Vous pourrez probablement imaginer
facilement que, lorsque je suis monté à cette tribune, j’ai pensé au jour où je suis entré
dans ce parti et j’ai pensé que la dernière chose que je pouvais m’imaginer alors, c’est
qu’un jour vous me choisiriez comme candidat à la présidence du gouvernement. Cela
ne m’était pas passé à l’esprit. Par conséquent, je dois vous remercier de tout cœur.
Merci pour votre confiance, merci.
C’est une grande responsabilité, mais je suis fier, je suis content et surtout j’ai
confiance. Savez‐vous pourquoi ? Parce que je ne me sens pas seul. Je vous vois ici,
j’apprécie votre soutien et surtout j’apprécie le soutien des millions d’Espagnols qui
nous ont accompagnés pendant très longtemps, pendant de nombreuses années dans
cette démocratie. Des millions d’Espagnols… Et c’est pour cette raison que j’ai
confiance, que je suis tranquille et bien entendu fier.
Je me souvenais du jour où je suis entré en politique. Je suis entré en politique avec
beaucoup d’entre vous pour lutter pour la liberté et pour la démocratie. C’était une
époque difficile. Il y avait une dictature cruelle, impitoyable. Je sais qu’il y a
aujourd’hui des gens qui le nient, mais c’était pourtant la réalité de l’époque. Une
dictature cruelle et impitoyable. C’est à cette époque que j’ai appris, je m’en
souviens, je ne l’ai jamais oublié, que la démocratie a un maître, elle a des maîtres
qui sont les citoyens. Ce sont eux, les citoyens, qui sont les maîtres de la démocratie.
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Et je n’ai jamais oublié cela.
Je me suis engagé vis‐à‐vis de la vie politique, je suis entré en politique, parce que je
voulais être utile aux citoyens. Probablement, une trajectoire comme la mienne a
comporté des erreurs et des réussites. Mais il y a une chose que personne ne pourra
jamais me reprocher. Il y une chose dont je suis absolument sûr : je n’ai jamais renoncé
à affronter les défis. Je n’ai jamais reculé devant aucun problème, jamais. C’est
quelque chose dont je suis absolument sûr.
C’est pour cette raison que je suis ici. C’est précisément pour cette raison que je suis
ici, parce que l’Espagne traverse un moment difficile où l’attentisme, l’irresponsabilité
et l’opportunisme n’ont pas leur place. L’Espagne vit un moment difficile qui exige de
grands compromis. Et c’est pour cette raison que je suis ici. Je suis ici parce que j’ai
décidé, avec votre soutien, de m’engager, parce que je suis certain que je peux être
utile à mon pays. C’est pour cette raison que je suis ici. Je peux être utile à mon pays.
C’est un moment d’engagement vis‐à‐vis de vous tous.
Dès maintenant, je vais vous dire comment je veux faire les choses, comment nous
devons faire les choses. Nous devons être ambitieux dans nos aspirations et réalistes
dans nos propositions. C’est ainsi que nous devons être. Ambitieux, très ambitieux et
réalistes. C’est ainsi que nous devons être. Nous devons être une chose très
importante, et ceux qui me connaissent savent à quel point cela correspond à ma
personnalité, et c’est que nous ne pouvons pas promettre ce que nous ne pouvons
pas accomplir. Vous ne m’entendrez jamais m’engager sur quelque chose que je
pense ne pas être capable de réaliser. Donc ambitieux et réalistes. Voilà ma
proposition.
Et permettez‐moi de parler un peu du Parti socialiste. Avez‐vous remarqué que, en
Espagne, aucun politicien ne se définit comme un politicien de droite ? Non, il n’y en a
aucun. Ça n’existe pas. Même ceux qui se situent à la droite de la droite ne disent pas
qu’ils sont de droite. Et bien, cela aussi me distingue d’eux. J’ai été fier, tous les jours
de ma vie, de m’appeler socialiste. Fier.
Fier d’appartenir aux gouvernements de Felipe González et José Luis Rodríguez
Zapatero. Aujourd’hui, je veux les remercier tous les deux publiquement. J’ai beaucoup
appris d’eux. Ces deux hommes se sont engagés comme personne pour l’Espagne. J’ai
appris que, lorsque l’on est confronté aux difficultés, il ne fallait pas reculer. J’ai appris,
je les ai vus y laisser leur peau, s’engager lorsque d’autres se cachaient, lever la tête
lorsque d’autres tentaient de tirer avantage de la situation. Je les ai vus.
Je vais vous raconter une chose. Je n’ai pas l’habitude de raconter mes conversations
avec José Luis. Je ne fais pas cela ! Il y a des personnes qui vont à la Moncloa et, dès
qu’elles en sortent, quand elles s’engagent sur la route de retour, elles commencent à
rapporter leurs conversations. Moi pas. Cela n’a jamais été ma façon d’être. Mais c’est
vrai que l’on a écrit et raconté beaucoup de choses sur la nuit du 9 mai et je vais vous
raconter ma version. J’ai parlé avec lui cette nuit‐là, à de nombreuses reprises. À
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aucun moment, il ne me parla de votes. À aucun moment, il ne me parla de son futur
politique, ni même du PSOE. Jamais ! Savez‐vous de quoi il me parlait sans relâche ?
« Nous ne pouvons pas subir ce qui subit actuellement la Grèce. Parce que si cela
nous arrive, des générations et des générations d’Espagnols vont souffrir les
conséquences ». C’est de cela qu’il me parlait. Sans relâche. Cela a été une nuit très
difficile. Et d’ici, je souhaite te remercier, José Luis. Merci pour tout.
C’est peut être aussi un bon moment pour dire quelque chose que vous m’avez
m’entendu dire à de nombreuses reprises : notre ennemi n’est pas le Parti populaire,
ni la droite, non. Le Parti populaire est notre adversaire. Nos ennemis, ceux d’hier,
ceux d’aujourd’hui et ceux de toujours sont la peur, l’insécurité, l’injustice,
l’intolérance l’inégalité… voilà nos ennemis. Et ces ennemis nous les avons toujours
affrontés en restant fidèles à nos qualités : en tant qu’alliés du progrès et alliés du
changement. Je vais vous donner un exemple. Nous avons gouverné pendant
longtemps dans notre démocratie. Pratiquement deux tiers de la période
démocratique ont connu des gouvernements socialistes. Nous avons fait beaucoup de
choses et nous avons appris une leçon fondamentale : on ne termine jamais le travail,
on ne peut pas s’estimer satisfait, il reste toujours des choses à faire.
Je vais vous parler de quelque chose, de la lutte des femmes pour conquérir l’égalité
vis‐à‐vis des hommes. De cette lutte qu’elles ont entamée il y a des dizaines d’années,
seules. Par la suite, nous les avons accompagnées. C’est seulement au cours de ces
huit dernières années que nous avons fait de cette lutte une politique centrale du
gouvernement socialiste et nous avons énormément progressé. Mais comme je vous
le disais, il reste beaucoup à faire, énormément et cela se comprend facilement. On
ne peut pas corriger en sept ans l’injustice de plusieurs siècles, c’est impossible. Il
reste énormément de travail à faire en matière d’égalité. Mais nous l’avons fait.
Savez‐vous pourquoi nous l’avons fait? Nous l’avons fait parce que nous tenons à trois
principes essentiels ou trois règles de jeux, trois marques d’identité : les principes que
nous avons toujours maintenus ; notre capacité à nous adapter aux changements, la
transformation et une chose très importante, notre capacité à proposer un projet
majoritaire à l’ensemble des citoyens, un projet majoritaire.
Pour cette raison, les principes, les changements et le projet majoritaire ont été nos
marques d’identité. Et je vous propose que ces éléments continuent à être nos
marques d’identité. Les trois éléments : les principes, le changement et le projet pour
la majorité des Espagnols.
Aujourd’hui plus que jamais, parce que les changements sont maintenant vertigineux
et il ne s’agit pas de s’adapter au changement sans plus. Il s’agit de vivre le
changement. L’avenir n’est plus quelque chose qui va arriver, c’est quelque chose que
l’on doit conquérir. Voilà la différence. Du reste, je vous dirai que nous devons faire un
effort gigantesque. Nous devons récupérer le prestige du changement, du futur. Nous
devons rendre à l’avenir le prestige qu’il a perdu. Et pour les progressistes, c’est
énorme. Nous devons récupérer le prestige du futur. C’est très important, nous devons
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nous adapter aux changements sur la base de nos principes. Parce qu’il y a une
économie 2.0, une communication 2.0, mais il n’y a pas une liberté 2.0, ni une
justice2.0, ni une égalité 2.0. Sur la base de nos principes.
Nous devons changer et nous ne devons guère regarder en arrière. Certaines
personnes pensent que la solution à nos problèmes se trouve derrière nous. Pas
nous. Les solutions aux nouveaux problèmes, nous ne les trouverons même pas dans
ce que nous avons accompli nous‐mêmes. Si, comme certains le pensent, nous
cherchons les solutions de la crise dix années en arrière, nous ne trouverons pas les
solutions de la crise. Savez‐vous ce que nous trouverons ? Nous allons trouver
l’origine de la crise. Exactement, l’origine de la crise. Il ne faut pas regarder en
arrière.
Nous sommes un parti qui a toujours refusé de penser que toute époque révolue était
meilleure. Mais nous sommes bien plus que cela. Nous sommes un parti de l’effort,
nous savons que les choses se conquièrent avec des efforts. Entre autres choses, parce
que, jamais, à aucun moment dans notre histoire, on ne nous a offert quoi que ce soit.
Nous sommes un parti de l’effort et nous devons être fiers d’être le parti de l’effort.
Nous sommes un parti des droits. Des droits, oui, mais aussi des obligations et des
responsabilités. C’est ça le Parti socialiste. Pour cette raison, nous devons défendre
ceux qui progressent grâce à leurs efforts et nous ne devons pas défendre ceux qui
progressent en commettant des fraudes, en trompant ou en spéculant. Ceux‐là ne sont
pas nos alliés.
Je vais vous dire autre chose, et ceux qui me connaissent savent bien qu’il s’agit d’une
caractéristique qui m’est propre. Il y a une attitude, une manière de se comporter qui
est, je crois, indissociable de la vie d’un socialiste et c’est l’austérité, publique et
privée. L’austérité. Il s’agit d’un problème de cohérence. Je vais vous demander d’être
austères. Plus que cela, je vais vous l’exiger. Je vais vous exiger l’austérité dans nos
comportements, dans les comportements publics et les comportements privés.
Savez‐vous pourquoi ? Parce je pense, depuis longtemps, que si on ne vit pas comme
on pense, on finit par penser comme on vit.
J’ai commencé à réaffirmer mes valeurs démocratiques, les vôtres, les valeurs
partagées… Et je ne l’ai pas fait par hasard. Je l’ai fait parce que nous traversons une
période pendant laquelle certaines personnes doutent raisonnablement que les votes
soient plus importants que les marchés. Certaines personnes mettent en doute cette
pensée de base dans notre démocratie. Certaines personnes pensent que la politique
a perdu la bataille. Il y en a qui pensent que les marchés sont les maîtres et seront
toujours les maîtres et nous devons commencer ce discours par là. Parce que si les
marchés ont dominé, c’est du fait que quelqu’un, depuis la sphère politique, a décidé
de les laisser dominer. Et ce qui est décidé depuis la sphère politique se corrige
depuis la sphère politique. Par conséquent, nous devons commencer par affirmer
que beaucoup de problèmes que connaissent actuellement l’Espagne et le monde
sont des problèmes politiques. Et que c’est la politique qui doit les résoudre,
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toujours la politique.
C’est la politique qui doit se charger de rompre cet axiome, pratiquement irréductible,
selon lequel les bénéfices sont invariablement destinés à quelques uns et les pertes à
la majorité. C’est la politique qui doit rompre ce principe. C’est vrai que c’est
compliqué dans un monde comme celui où nous nous trouvons, avec les problèmes
auxquels nous sommes confrontés, d’aborder ces problèmes politiques depuis un seul
pays. C’est extrêmement compliqué. Il faut le faire avec beaucoup d’autres. En
coordonnant, en travaillant, en faisant de la politique… toujours de la politique, avec
beaucoup d’autres.
Je vous donnerai un exemple. Un exemple que j’ai constaté en particulier pendant les
cinq années que j’ai passées au ministère de l’Intérieur. Je vais vous parler des paradis
fiscaux. Je sais qu’ils sont horribles. Je sais que vous savez tous ce que je savais lorsque
je suis arrivé au ministère de l’Intérieur : dans les paradis fiscaux, il y a des lieux où l’on
conserve ‘le pognon’ pour ne pas payer les impôts. Mais cela va beaucoup plus loin,
c’est là que se trouve l’argent de la drogue, c’est là que se trouve l’argent de la
corruption, c’est là que se trouve l’argent du trafic des personnes. C’est intolérable,
c’est indécent, c’est absolument immoral que le monde vive avec des paradis fiscaux.
Absolument immoral. Je crois qu’ils vont disparaître. Je ne crois pas que le monde
puisse subsister pendant beaucoup plus longtemps avec autant d’indignité. Je crois
qu’ils vont disparaître. Mais pour en terminer avec les paradis fiscaux, nous ne
pouvons pas agir depuis un seul pays. Nous ne pouvons pas le faire depuis l’Espagne,
quelle que soit la volonté que nous y mettions. Nous devons nous unir. Nous devons
faire de la politique.
Nous devons nous unir. Et savez‐vous où notre union est la plus forte ? En Europe. Je
ne peux pas imaginer qu’il y ait des personnes qui tentent de résoudre les problèmes
du monde et qui disent que l’Europe ne sert à rien. Des gens qui veulent « moins
d’Europe ». Tandis que c’est l’inverse, l’Europe nous donne de la force. L’Europe nous
permet de nous présenter dans le monde avec force, avec nos principes. Nous faisons
référence à la nécessité d’instaurer une taxe sur les transactions financières.
Naturellement qu’il faut avoir cette taxe, en solidarité avec les pays plus pauvres. Nous
le demandons depuis longtemps déjà. Mais savez‐vous ce que je vous dis ? Que pour
que l’Europe réclame cette taxe dans le monde, elle doit d’abord l’imposer en Europe.
Établissons cette taxe des transactions en Europe et, depuis la force européenne,
exigeons‐la au monde. Comme je vous le dis, cessons de nous plaindre des agences de
classification américaines et créons des agences européennes. Créons des obligations
européennes.
Faisons cela pour nous défendre, pour défendre les pays qui sont attaqués jour après
jour par les spéculateurs en termes de dette souveraine. Nous devons construire aussi
plus d’Europe.
En résumé, j’essaye de structurer mon discours sur trois axes. Les problèmes sont de
très grande envergure, ils sont globaux, mais en aucun cas nous ne pouvons les
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aborder avec moins de démocratie, plutôt à l’inverse, avec plus de démocratie. En
aucun cas nous ne pourrons aborder les problèmes avec moins de politique, mais
avec plus de politique. En aucun cas avec moins d’Europe, mais avec plus d’Europe.
C’est ce que j’essaie de vous dire dès le début : plus de démocratie, plus de politique,
plus d’Europe.
Quand on se présente à la présidence du gouvernement en tant que candidat, il est
logique de parler dans ce premier discours de ce que les citoyens exigent de nous, de
ce qu’ils attendent de nous. Et je crois qu’ils nous demandent quatre choses. La
première est que nous les écoutions, que nous écoutions leurs demandes. La
deuxième, que nous identifions leurs problèmes. La troisième que nous proposions des
solutions. Et finalement, que nous mettions fin à leurs problèmes. C’est à la fois aussi
simple et aussi compliqué que cela. Tout cela, nous devons le faire en étant ambitieux
et réalistes. Ambitieux dans nos explications et réalistes dans nos propositions.
En résumé, nous devons répondre aux questions relatives aux problèmes des citoyens,
relatives à nos propositions et, finalement, nous devons dire ce que nous voulons faire
avec l’Espagne. À quoi doit ressembler l’Espagne de 2016. Quels changements voulons‐
nous voir dans l’Espagne de la prochaine législature. C’est cette réponse que nous
devons apporter dans un acte de campagne comme celui‐ci. Et je vais vous la donner
de manière très succincte.
Je vais vous proposer quatre aspirations. Quatre propositions, quatre compromis,
quatre objectifs. Premièrement, ce qui est urgent, c’est la création d’emploi.
Deuxièmement ce qui est important, c’est assainir l’économie et la rendre
compétitive. Troisièmement, notre choix : l’égalité des opportunités. Et
quatrièmement, ce qu’on nous demande, le changement dans la politique et la
démocratie. Ce sont là les quatre objectifs. Les quatre aspirations. Et je vous le dis, ce
sont des aspirations ambitieuses. Mais il y aura des propositions concrètes, des
solutions concrètes.
C’est dans ce sens que nous allons travailler dès maintenant et jusqu’au moment où
nous nous présenterons aux élections. C’est dans ce sens que nous allons faire notre
Conférence politique et notre programme électoral. Des aspirations et des solutions
concrètes.
Permettez‐moi de consacrer un moment de mon discours à ces quatre objectifs. Je vais
commencer par parler de l’emploi. Vous savez tous que la crise est globale. Mais en
Espagne, il existe des faits différentiels. Je vais vous parler de l’un d’eux. La bulle
immobilière. Il faut que je vous parle une minute de la bulle, parce que c’est
effectivement un fait différentiel qui s’étend sur de nombreuses années, plus de dix
ans. Nous avons construit des logements et des logements à un rythme frénétique,
totalement déséquilibré. Les entreprises se sont endettées pour construire des
maisons. Les familles se sont endettées pour acheter des maisons et les banques se
sont endettées pour octroyer des prêts et des hypothèques aux familles et aux
entreprises. Nous avons fait cela pendant dix ans. Et ensuite une crise financière est
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survenue et, si vous me permettez cette expression, elle nous a surpris avec la dette
jusqu’au cou. C’est cette dette‐là que nous devons payer. Et c’est ainsi qu’il faut
l’expliquer aux Espagnols. Nous devons payer cette dette.
Je vais vous l’expliquer en d’autres termes. Les logements ont absorbé en Espagne
près de 9% du produit intérieur brut. Dans une économie saine, les logements doivent
représenter 4 % voire 4,5%. On a donc dépassé ce taux de 5% par rapport au PIB. Et
maintenant il faut combler ces 5 % de croissance en faisant d’autres choses. Et je vais
vous le dire d’une troisième manière.
Nous n’allons pas récupérer deux millions d’emplois dans les logements. Même si la
construction reprend, et elle le fera lorsque le flux des crédits reprendra, nous ne
pourrons pas faire des logements au point de récupérer ces 2 millions de postes de
travail. Cela signifie que nous devons chercher ces postes de travail ailleurs. C’est là
l’essence de ce que nous devons proposer aux gens. Nous devons avoir des nouvelles
entreprises qui créent des nouveaux emplois dans une nouvelle économie, parce que
c’est là l’essence de notre programme et parce que nous devons combler ces 5 points
de notre PIB.
Voilà donc la perspective. Il est vrai que les logements et la crise dans d’autres secteurs
nous ont conduits à une conséquence dramatique, à savoir les millions de chômeurs,
les personnes en chair et en os, avec leurs prénoms et leurs noms de famille. Des
personnes qui ont perdu leur emploi et, par conséquent, le bien être, mais qui ont
perdu beaucoup plus : l’estime personnelle, la confiance dans l’avenir… parce que
quand on n’a pas d’emploi, on n’est sûr de rien.
Ces jours‐ci, on dit que nous nous trouvons face à une génération de personnes qui,
pour la première fois, vont vivre dans des conditions plus défavorables que celles
qu’ont connues leurs parents. Et c’est vrai. Mais on dit encore quelque chose de plus
grave : que les parents pensent la même chose ; que la génération de leurs enfants va
vivre dans des conditions plus mauvaises. Et cela, si vous le voulez, c’est plus
dramatique et, pour cela, nous ne pouvons pas nous résigner face à cette situation. Je
sais que pour qu’il y ait de l’emploi, il doit y avoir une économie saine et compétitive.
Ça je le sais déjà. Mais ce que j’essaie de vous dire, c’est que nous ne pouvons pas
attendre que cette économie saine et compétitive atteigne son plein rendement
pour chercher des formules de création d’emploi. Que nous devons aller plus vite.
Que nous ne pouvons pas supporter ce parallélisme entre la croissance et l’emploi.
Que nous devons avancer plus vite parce que l’emploi est une urgence, une nécessité
vitale pour beaucoup d’Espagnols. La question est la suivante : pouvons nous le
faire ? Et moi je vous dis que oui. Nous pouvons mobiliser, naturellement le secteur
public, mais aussi le secteur privé. Nous pouvons surmonter les obstacles. Nous
pouvons unir les volontés. Bien entendu ! Nous pouvons chercher une voie rapide pour
la création d’emploi. Et la question n’a pas trait uniquement à ce que nous pouvons
faire, la question que l’on me pose, continuellement, c’est de savoir si nous aurons de
l’argent. Parce que c’est là le quid de la question. Et je vous dis que oui, que nous
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aurons de l’argent. Je vais vous donner un exemple très simple pour vous indiquer où il
faut le chercher. Tous le monde va comprendre.
Nous effectuons actuellement une restructuration des caisses d’épargne et des
banques. Le moment arrivera bientôt, où il faudra demander aux caisses d’épargne
et aux banques de consacrer une partie de leurs bénéfices à la création d’emploi. Et
nous le ferons et nous pouvons le faire.
Il est vrai que l’Espagne a perdu des emplois et les a perdus pour d’autres raisons. Elle
a perdu des emplois notamment parce que notre régime de travail impose de manière
quasiment dramatique aux entreprises que la régulation, lorsque les choses vont mal,
soit réalisée moyennant des licenciements et cela ne peut pas continuer de cette
façon. Nous avons aussi un système économique qui admet, comme si de rien n’était,
qu’il n’est pas possible de créer de l’emploi avant d’atteindre une croissance de
l’économie de l’ordre de2% et cela ne peut pas continuer de cette façon. Par
conséquent, il fallait changer les choses.
C’est là le sens de la réforme du travail, c’est pour cette raison que nous l’avons
élaborée. Nous avons mis en œuvre la réforme du travail pour renforcer l’embauche
par rapport aux licenciements, pour flexibiliser les entreprises de façon à ce qu’elles
puissent se défendre, mieux s’organiser face aux changements qui se produisent tous
les jours. Mais nous ne pouvons pas en rester là. Nous devrons certainement proposer
de nouvelles réformes. Moi j’aime le contrat à temps partiel, je crois que nous devons
le promouvoir. Nous l’avons fait, mais il faut avancer davantage. Je pense que la
formule qui nous permettra d’avancer d’avantage consiste à chercher un accord entre
les entrepreneurs et les travailleurs. Un accord, en vertu duquel, nous donnons plus de
flexibilité à ce contrat comme l’exigent les entrepreneurs et nous donnons plus de
sécurité comme l’exigent les travailleurs. Par exemple, savez vous comment ? En
améliorant leur système de pension. Cela peut être fait et nous pouvons continuer à
améliorer l’embauche à temps partiel.
Nous avons appris une chose lors de ces années de démocratie. Une chose très
importante. Que la concertation est toujours meilleure que la confrontation. Très
important. Je regarde Pepe Griñán, parce qu’il me l’a dit à de très nombreuses
reprises et je regarde Valeriano parce qu’il me l’a dit aussi à de très nombreuses
reprises : « la concertation, toujours ». La concertation pour beaucoup de choses – j’en
ai formulé l’une ou l’autre – par exemple pour une des choses dont on parle
actuellement et sur lesquelles je voudrais préciser ma position. La concertation pour le
dialogue et le consensus en vertu desquels la modification des revenus salariaux des
travailleurs et des bénéfices des entrepreneurs suive des voies parallèles et soit
convenue en fonction d’objectifs partagés. Voilà ma proposition, se concerter pour
qu’il y ait un pacte de salaire avec des objectifs partagés. Cela renforce les entreprises.
Dialoguer et arriver à des consensus, pourquoi. Et bien, par exemple, pour voir si nous
sommes capables d’en finir avec cet écart salarial qui existe entre les hommes et les
femmes dans notre système de production. Mais que nous arrive‐t‐il ? C’est aussi
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simple et probablement aussi complexe que l’application au marché du travail, au
système productif, d’un principe que nous avons défendu dans d’autres domaines de
la vie, celui du travail égal, salaire égal. Aussi simple et aussi compliqué que cela.
Je disais qu’il nous reste beaucoup de choses à faire. Nous avons réalisé un effort
énorme pour protéger les chômeurs, un énorme effort. Nous devons maintenant faire
un effort pour les aider à trouver du travail, pour les inciter à trouver du travail. Deux
groupes me préoccupent, certains d’entre vous auront entendu mes vues sur cela, le
groupe des jeunes qui ont abandonné le système éducatif sans avoir terminé leurs
études, attirés par la construction, par les logements, par l’argent qui à cette époque‐
là était facilement gagné… et aujourd’hui ils sont sans travail et sans formation. Ce
groupe me préoccupe. Et nous ne pouvons pas oublier ce groupe qui intègre des
centaines de milliers de jeunes. Pour eux, il faut concevoir des programmes spécifiques
qui combinent les deux choses dont nous avons besoin : la formation et le travail. Il
faut les former pendant qu’ils travaillent, c’est ce que l’on appelle la formation double
et nous savons la mettre en œuvre
Un deuxième groupe me préoccupe et il se situe pratiquement à l’opposé et c’est le
groupe de ceux qui ce sont formés, de ceux qui ont des diplômes, de ceux qui ont
étudié et qui maintenant ne trouvent pas de travail. Pour ce groupe, nous devons faire
un effort supplémentaire, il faut leur donner une première opportunité, un premier
emploi, parce que nous savons que, quand on entre dans le marché de travail, c’est
beaucoup plus facile d’y rester.
Ce sont les deux groupes pour lesquels je réclamais précédemment un effort de la part
des banques et des caisses d’épargne, pour cela notamment, parce qu’il est vrai que
les bénéfices des banques et des caisses d’épargne peuvent se consacrer en partie à
ces groupes. Parce que les banques et les caisses d’épargne peuvent le faire… et les
jeunes ne peuvent pas attendre. C’est cela la réalité.
Mais je disais auparavant et, c’est vrai, que la création d’emploi de façon stable
requiert une économie saine et une économie compétitive. Nous sommes en train de
croître, encore légèrement, mais notre croissance augmentera et le moment arrivera
où nous commencerons à envisager des politiques de redistribution afin que ceux qui
se sont le plus sacrifiés lors de la crise puissent voir leur sacrifice récompensé. Je le
dirai d’une autre façon : pour que ceux qui n’ont pas souffert pendant la crise
collaborent de façon à ce que nous puissions tous sortir de la crise en même temps.
C’est peut‐être le moment de réviser certaines des choses que nous avons faites et de
les rectifier. Pourquoi pas ?
Nous avons supprimé l’impôt sur le patrimoine. Les situations étaient différentes,
l’économie différente aussi. Je crois que le moment est arrivé où nous devons réviser
cette mesure, et rétablir l’impôt sur le patrimoine, mais pas de la même manière.
Parce qu’il est vrai qu’il s’agissait d’un impôt qui sanctionnait les classes moyennes et
cela nous n’allons pas le répéter. Nous allons rétablir un impôt sur le patrimoine qui
grève réellement les grands patrimoines qui existent et qui doivent collaborer, qui
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doivent aider ceux qui ont le plus souffert durant la crise afin que nous puissions
sortir de la crise ensemble. C’est à la politique de redistribution que je pense.
L’économie est saine lorsqu’elle ne comprend pas de déséquilibres. Et ici je vais être
catégorique : les déséquilibres cela signifie avoir un déficit que l’on ne peut pas payer,
avoir une dette que l’on ne peut pas rembourser, avoir une balance des paiements très
défavorable et avoir une inflation spectaculaire. Ces déséquilibres, nous ne pouvons
pas nous les permettre. Nous prenons des mesures pour les corriger et nous devons
continuer à le faire. Nous avons un pacte avec les pays de l’euro et il faut le respecter.
Il faut respecter ce pacte parce que le déficit ne peut pas nous affecter comme il nous
a affectés au cours de ces dernières années. Nous n’allons pas tomber dans les erreurs
que nous avons déjà commises. Il n’est pas vrai que le déficit est progressiste. Ce n’est
pas vrai. Il faut le respecter, il faut continuer à assumer la dette, en la payant. Il faut
continuer à équilibrer notre balance des paiements, en exportant d’avantage et en
important moins, et il faut continuer à combattre l’inflation en libéralisant les marchés
des biens et des services.
C’est ça une économie saine, une économie équilibrée et dans le monde où nous
vivons, il faut une économie compétitive. Et la compétitivité cela consiste en beaucoup
de choses et c’est ce dont je vais parler maintenant. Une économie compétitive est
une économie qui a de bons entrepreneurs, une économie qui a des travailleurs
formés, une économie qui a de bonnes infrastructures, une économie qui a une
administration économique efficace dans laquelle il ne peut pas exister de duplicités,
une économie qui a un marché du travail sûr et flexible. Une économie qui a un
secteur énergétique efficace, une politique industrielle solide avec un système
scientifique, technologique, et d’innovation, une économie efficace. Une économie
compétitive est tout cela combiné à un système financier qui accomplit sa tâche, c'est‐
à‐dire qui prête aux entrepreneurs et aux familles afin que l’économie puisse avancer.
Permettez‐moi de faire référence à notre système financier. J’en ai déjà parlé. Nous
savons tous que les petites et moyennes entreprises n’ont pas de crédit ni de capital
circulant. Elles n’en ont pas et c’est un problème grave de notre économie. Cela doit
nous mener aussitôt que possible à achever la restructuration de notre système
financier. Le plus tôt possible. Je dirai plus, bien que cela corresponde à un sujet
totalement accessoire. Il est possible, c’est envisageable, que l’État ait à apporter un
jour du capital pour assainir l’une ou l’autre caisse d’épargne. Je vous dirai quelle est
ma position si cela arrive. Ma position, c’est que nous devons être là. Si l’État met de
l’argent, il doit être là pour bien gérer cet argent, pour s’assurer qu’il est
effectivement affecté à ce à quoi il est destiné, à savoir l’assainissement. Et pour
s’assurer, surtout d’une chose beaucoup plus importante, que lorsque nous
partirons, lorsque nous vendrons, les Espagnols ne perdent pas un seul centime.
Voilà ma proposition et nous devons en tenir compte. Pas un seul centime, et pour
cela nous devons être là.
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Je vous disais aussi que la compétitivité ou l’économie compétitive, cela signifie
beaucoup d’autres choses. Permettez‐moi de vous parler un moment des trois grands
défis auxquels l’Europe est confrontée, à savoir les défis qui figurent dans le
programme 20‐20 et qui sont très importants lorsqu’il s’agit de parler de la
compétitivité et de la création d’emploi dans notre pays.
L’Europe a trois problèmes : l’énergie qui est très chère en raison d’un système
énergétique peu efficace, le changement climatique et le vieillissement de la
population. Il est vrai que ces problèmes supposent pour l’Espagne soit un frein soit
un moteur, et que, suivant la façon dont nous les traitons, ils peuvent être un frein
ou un moteur. Je vais m’expliquer, parce que ce sont des problèmes pour lesquels
l’Espagne a une position différente, à la fois meilleure et pire.
Pire parce que cela nous affecte plus étant donné que nous avons un système
énergétique plus dépendant. Nous sommes très vulnérables aux changements
climatiques et nous avons une population vieillie. Nous n’avons pas la population la
plus vieillie, mais nous l’auront, notamment, parce que nous avons un magnifique
système de santé. Mais en plus de ces trois problèmes, avec ces trois caractéristiques
qui les aggravent, nous avons des avantages dans notre pays. Par exemple, nous
sommes les leaders en Europe en énergie alternative, par exemple si nous parlons de
changement climatique, nous avons les meilleures entreprises pour gérer le cycle de
l’eau et, par exemple, si nous parlons du vieillissement, nous avons un système
d’attention de la dépendance qui se charge des personnes dépendantes et qui nous a
placés à la tête de nombreuses connaissances de ce type de système d’aide.
Ce sont trois grandes opportunités. Des grands problèmes, des grandes opportunités,
de grands avantages compétitifs. Je fais référence à ces trois secteurs, parce que ce
sont les trois secteurs où le plus grand nombre d’emplois seront probablement créés
lors des prochaines années. Parce que nous allons devoir les aborder. Nous allons
devoir combattre le changement climatique et nous allons devoir continuer à nous
occuper de nos personnes âgées. Nous allons devoir le faire et nous allons créer des
emplois. Vous vous souvenez de ce 4% du PIB qui nous manquait, les nouveaux
emplois (perdus dans la construction) ? Une partie de ces emplois se trouve ici, dans
ces secteurs. Si j’en parle, c’est parce que ces trois secteurs ont une caractéristique
commune : ce sont des secteurs innovants. Dans ces secteurs, on innove et cela
m’amène à la dernière chose que je voulais vous dire en ce qui concerne la
compétitivité, à savoir que la compétitivité est avant tout innovation, que nous serons
plus compétitifs si nous sommes plus innovants, que nous devons innover et que, dans
ces secteurs, il y a un potentiel énorme pour l’innovation.
Innover, pourquoi ? Pour créer de nouvelles entreprises, pour entreprendre. Innover
pour mieux faire ce que nous faisons actuellement dans les secteurs traditionnels pour
exporter, innover pour créer de nouvelles entreprises et pour créer de nouveaux
emplois.
Innover, c’est entreprendre. Laissez‐moi consacrer une seconde aux entrepreneurs.
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Pour les entrepreneurs, je vais laisser ma peau, si vous me permettez cette expression
familière. Je vais tout donner, parce que je crois que cela est très important. Il faut
faire beaucoup de choses, il faut leur faciliter la tâche, la vie, par exemple avec une
fiscalité raisonnable. Il faut éliminer les obstacles pour qu’ils puissent être compétitifs,
car il existe des secteurs dans lesquels ils ne peuvent pas entrer. Finalement, il faut
éliminer les barrières administratives. Il faut faire tout cela.
L’autre jour, j’ai eu la chance de remettre avec Leire un prix à un entrepreneur âgé de
26 ans. Il s’appelle Pedro Tomás Delgado, il est originaire de la région d’Extremadura et
il a une entreprise de biotechnologie pour le traitement des eaux avec des plantes.
C’est une entreprise raisonnable. Il a 25 travailleurs et il travaille dans 30 pays du
monde. Il a prononcé un discours exceptionnel et il a dit quelque chose que je ne suis
pas prêt d’oublier. « Pour moi, il ne s’agit pas de gagner ou de perdre, mais plutôt de
gagner ou d’apprendre ». Apprendre… Qu’est‐ce qu’il essaie de nous dire ? Il nous dit
qu’on ne peut pas exiger des résultats dès le début, qu’avec les entrepreneurs, il faut
être patient, il faut être constant. Et je vais vous en dire plus : entreprendre, cela
s’apprend. Cela s’apprend dans les universités, cela s’apprend dans les écoles
secondaires, parce que, en fin de compte, entreprendre, c’est une attitude. Les
entrepreneurs ont une attitude et cela se transmet dans le système d’éducation.
Je suis enseignant et fonctionnaire. Par conséquent, je me peux me permettre de dire
ce que je vais dire, parce que personne ne risque de donner à mes mots une
interprétation erronée. Nous avons un splendide système d’éducation, le meilleur au
monde pour former des fonctionnaires. Et cela doit continuer de cette façon. Mais
maintenant, je vous dis qu’il s’agit de former des entrepreneurs, de transmettre dans
les classes – de haut en bas – qu’il faut entreprendre, qu’il faut être actif, qu’il faut
projeter nos connaissances sur le marché du travail, et qu’il faut créer des
entreprises. Cela représente un défi pour notre système d’éducation, la formation
des entrepreneurs.
Innover, former, la science sont des termes qui nous amènent immédiatement à
l’université et à notre système de science et de technologie. Ici aussi notre situation
est meilleure de ce que l’on dit souvent. Il est vrai qu’il y a des choses à faire dans ce
que nous appellerions le centre du système, dans les universités il y a des
changements à faire. Mais ce qui m’inquiète beaucoup plus ce sont les frontières des
universités, le système de science et de technologie. La frontière, c’est ce que partage
l’université avec les secteurs de production. Ici, il y a véritablement des frontières à
briser, il y a des obstacles à faire tomber. Si vous me permettez l’expression, c’est
comme si nous devions réaliser un Schengen scientifique en Espagne. Ouvrir les
frontières pour que les idées circulent librement, tout comme les travailleurs, les
connaissances… pour que depuis les universités on stimule la création d’entreprises et
la création d’emploi. C’est ce que nous devons faire. Savez‐vous que nous sommes le
neuvième pays au monde en termes de publications scientifiques, maintenant il s’agit
d’occuper la neuvième place en termes de brevets, voilà ce que doit être notre
objectif.
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Parler d’égalité. Nous connaissons bien cela, car nous sommes un parti qui
effectivement a toujours défendu la liberté. Cela ne nous distingue pas d’autres partis
démocratiques, mais l’égalité, oui, l’égalité nous distingue, et l’égalité au XXIème siècle
signifie égalité des chances. Et depuis le gouvernement, nous ne pouvons pas
promettre aux gens que nous allons réaliser tous leurs objectifs de vie, nous ne
pouvons pas le faire, mais ce que nous ne pouvons pas faire c’est ne pas dire aux gens
qu’ils vont avoir toutes les chances, les mêmes chances que tous les citoyens pour
atteindre leurs objectifs. Et cela oui nous pouvons le faire. C’est l’égalité des chances.
Il n’est écrit nulle part que notre pays doit sortir de la crise avec un plus grand niveau
d’insécurité, comme pays moins solidaire, comme pays plus excluant. Cela n’est écrit
nulle part. Et c’est bien cela l’enjeu des élections, la façon dont nous sortons de la
crise. C’est ce qui va déterminer la politique, c’est ce qui va décider le vote des
citoyens, et c’est de cela dont nous devons parler sans cesse jusqu’aux élections, en
commençant pas l’égalité des chances et de l’éducation
Permettez‐moi de parler un peu de l’éducation, c’est mon thème de prédilection.
L’éducation c’est beaucoup plus, vous le savez tous, qu’une politique horizontale. C’est
beaucoup plus. L’éducation c’est pratiquement tout, c’est de la politique économique,
parce que nous ne pourrons croître que si nous formons ; c’est une politique sociale,
parce que l’égalité continue à dépendre de l’éducation ; c’est une politique du travail,
parce que sans éducation on peut difficilement trouver du travail ; et c’est même une
politique extérieure, parce que il est vrai que les échanges éducatifs sont aujourd’hui
ce qui construit et ce qui renforce la relation entre les pays ; c’est une politique
culturelle… c’est de la politique tout simplement. Un système éducatif est ce qui
articule un pays, ce qui donne de la force à un pays. L’éducation est notre grand
instrument.
Mais derrière l’éducation, derrière ces grands principes généraux, il existe des petites
choses, les élèves, les parents, les professeurs. Qu’est ce qu’il les préoccupe, qu’est ce
qui nous préoccupe, qu’est ce qui me préoccupe : et bien l’échec scolaire, bien
entendu. En parlant d’échec scolaire, du reste, je suppose que vous aurez pensé à de
nombreuses reprises, comme moi, qu’il n’existe pas de mot aussi cruel et aussi injuste.
Mais commet peut on appliquer le mot échec scolaire, le nom d’échouer un jeune de
14, de 15, de 16 ans. Mais quelle bêtise ! Je propose que nous commencions par
retirer ce mot de notre vocabulaire, que nous parlions d’abandon scolaire même si je
sais que ce n’est pas exactement la même chose, je le sais. L’abandon scolaire a
toujours été dramatique, mais dans une société de la connaissance l’abandon scolaire
est particulièrement dramatique. Parce qu’une personne qui abandonne ses études
sans avoir acquis la formation nécessaire pour s’intégrer, peut être exclue pour toute
sa vie. C’est pour cette raison que l’abandon scolaire est aussi dramatique. Et pour
cette raison nous devons le combattre et nous devons le prévenir.
Les professeurs savent tous qu’il existe des indices de l’abandon scolaire, que lorsque
qu’un jeune, un enfant en primaire, commence à éprouver des difficultés en langue et
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en mathématiques… là il y a un problème et c’est là que nous devons agir. Et les
familles aisées ont traditionnellement bien résolu cette question, elles appelaient cela
les cours particuliers, vous vous en souvenez ? Oui, bien sûr, c’est de cela qu’il s’agit,
c’est une autre façon de dire ce que je vais expliquer, il s’agit de s’occuper des enfants
qui commencent à prendre du retard, de renforcer leurs études, de prêter une
attention particulière afin de prévenir l’abandon scolaire ; parce que c’est quelque
chose que l’on peut prévenir. Je vois que certains me regardent en disant que cela est
très cher et je dois leur répondre que oui, effectivement c’est cher, mais que
l’ignorance est bien plus chère. Voilà mon message.
Je vais prendre deux engagements vis‐à‐vis de vous. Le premier est un engagement
particulièrement innovant : je vais vous dire que je ne vais changer aucune des lois
sur l’éducation qui sont actuellement en vigueur dans notre système. Absolument
aucune loi. L’éducation n’a pas besoin de tergiversations législatives, ce dont elle a
besoin c’est d’un consensus, d’un dialogue et de stabilité dans son cadre légal. Voilà
ce dont a besoin l’éducation : des ressources, des professeurs motivés, appréciés
socialement, et des centres bien gérés. C’est de cela dont a besoin l’éducation, et
pour cela il n’est pas nécessaire de changer les lois, et pour cela il faut faire les
choses correctement.
Et je vais vous dire une chose de plus. Nous savons tous que la qualité du système
éducatif n’est jamais supérieure à la qualité de ses professeurs, elle ne l’est jamais.
Et maintenant nous devons engager, d’ici à 2020, 200 000 nouveaux professeurs.
Vous voyez à quel point il est important de bien penser les choses. C’est pour cette
raison que je propose de changer le système d’embauche, de sélection du personnel
enseignant ; je propose de nous diriger vers un système comme celui de la résidence
en médecine, notamment parce que nous avons déjà ce système en matière de
santé, et c’est un système fantastique. De fait, de nombreuses personnes pensent –
moi‐même notamment– que la qualité de notre système de santé est le résultat de
notre capacité à sélectionner parmi les médecins résidents les meilleurs éléments. Et
bien, je propose que nous transférions –le terme est on ne peut plus approprier– ce
système à l’éducation. Pourquoi ? Pour sélectionner les meilleurs, parce que nous ne
pouvons pas nous permettre de ne pas agir de cette façon alors que nous devons
bientôt engager 200 000 nouveaux professeurs. Il s’agit de garantir la qualité du
système d’éducation.
Et la question des médecins résidents m’amène à la santé. Je crois que si les Espagnols
nous pouvons être fiers de quelque chose c’est de notre santé publique. Nous pouvons
être fiers parce que c’est un bon système et parce que c’est un système très
économique, très bon marché. Nous consacrons à la santé publique 7,5 % de notre
PIB, deux points de moins de la moyenne européenne et cinq points de moins que les
États‐Unis où 50 millions de personnes n’ont pas accès à une assistance sanitaire.
Notre système est un bon système et un système économique.
Nous avons de bons médecins, hommes et femmes, de bons infirmiers et de bonnes
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infirmières, nous avons des auxiliaires médicaux, de bons hôpitaux, de bons centres de
santé, une excellente recherche biomédicale. Excellente. Nous avons un magnifique
système sanitaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que les espagnols ont une
espérance de vie qui est la deuxième au monde, parce que nous avons un bon système
sanitaire.
C’est une des rares choses sacrées et intouchables pour l’ensemble des espagnols, et
aussi pour le parti socialiste, et aussi pour moi. Et je vous dirai : nous allons brandir le
drapeau de la santé publique. Je vais vous le dire en d’autres termes, nous n’allons
rien faire, je ne vais rien faire, je ne vais rien signer, je ne vais rien décider qui
affaiblisse notre système de santé. Et rien c’est rien.
Un système qui est public, qui est géré par les Communautés autonomes ; qui est
universel, toute personne qui va à l’hôpital est prise en charge, qui est gratuit, parce
que nous le payons avec nos impôts. Pour cette raison le co‐paiement a très peu de
chance, parce qu’il s’agirait de payer deux fois le même système. Par ailleurs, il est
vrai que le co‐paiement ils le proposent le matin et le retirent l’après‐midi, mais
bon… le co‐paiement.
Notre système sanitaire est un bon système dans son ensemble. C’est un bon système
sur lequel plane aujourd’hui le mot privatisation. Oui, laissez‐moi vous expliquez en
trente secondes que les personnes, lorsqu’elles entendent le mot privatisation, ne
comprennent probablement pas très bien de quoi il s’agit. Le système sanitaire est,
surtout, un système de solidarité intergénérationnel. Les jeunes, qui ne sont pas
souvent malades, payent la même chose que les personnes âgées qui sont souvent
malades. C’est un système de solidarité. Et naturellement, si celui qui pense privatiser
pense faire sortir les jeunes, qui ne tombent pas malades, pour les acheminer vers des
hôpitaux privés, et laisser dans les hôpitaux publics les malades chroniques et ceux qui
sont souvent malades, il pense à ruiner la santé publique. Et cela, mes amis, nous
n’allons pas l’admettre. Nous n’allons pas admettre cela.
Par conséquent, soyons prudents avec les chants des sirènes, soyons prudents avec les
mots qui semblent attirants, parce que parfois ils cachent quelque chose comme ce
que je viens de dénoncer. La santé… nos dépensons beaucoup d’argent dans la santé.
Nous dépensons 70 milliards d’euros par an, et par conséquent nous avons une
splendide opportunité d’améliorer notre efficacité. Personne ne peut me convaincre
que sur ces 70 milliards nous ne pouvons pas épargner quelques milliers. Bien entendu
que nous pouvons le faire. Nous pouvons être plus efficaces, s’il s’agit de mieux
dépenser en matière de santé. Par exemple, dans la politique pharmaceutique, dans
laquelle nous avons fait beaucoup de choses. Mais que chacun de vous pense aux
médicaments que vous avez chez vous dans des boîtes ou dans les armoires. Combien
en avez‐vous, combien sont arrivés à échéance, et pour combien d’entre eux ne
connaissez vous pas les indications… Il est vrai qu’il y a un effort qui peut encore être
fait en termes de pharmacie. Il est possible de mieux gérer la santé, naturellement.
Je dirai plus, l’année prochaine, le système de financement régional assigne 8
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milliards d’euros de plus aux Communautés autonomes –cela a déjà été réglementé–
et moi je vous dis qu’il faut proposer qu’une partie substantielle de ces 8 milliards
soit destinée à la santé publique, il faut le proposer. Et il y a plus, nous devons assurer
cela. Nous devons assurer –et nous verrons lesquels sont les mécanismes disponibles–
que tout l’argent que l’État alloue à la santé soit effectivement dépensé en matière de
santé. C’est ce que nous devons assurer parce qu’il s’agit de 8 milliards d’euros.
J’en finis avec cette partie. On a dit, c’est presque un cliché, que la famille a un rapport
complexe avec la gauche, oui, complexe. Pas avec moi parce que je pense que la
famille est le noyau social de base de la société et que les pouvoirs publics doivent la
soutenir et la renforcer… les familles, parce qu’il y en a beaucoup, de nombreux types,
toutes égales. Beaucoup.
Certains pensent que soutenir la famille consiste à se prodiguer en manifestations les
samedis après‐midi. Moi je ne pense pas cela. Je pense que soutenir la famille c’est
mettre en œuvre les congés de paternité, augmenter les bourses… soutenir la famille
c’est mettre en œuvre un système d’attention aux personnes dépendantes qui
aident aussi ceux qui aident les personnes dépendantes. Ça, c’est aider la famille.
C’est concilier la vie professionnelle et la vie familiale des hommes et des femmes,
c’est progresser dans la coresponsabilité au foyer. Ça c’est aider la famille. C’est avoir
une bonne politique de centres éducatifs pour les enfants de 0 à 3 ans. Ça c’est aider
la famille. Et c’est ce que nous allons continuer à faire : aider la famille avec ces
politiques. En matière de famille, certains prêchent –non, je ne vais pas dire cela de
donner du pain– et d’autres agissent. Certains prêchent et d’autres nous agissons.
C’est beaucoup plus facile.
Je termine. Mais permettez‐moi de m’occuper brièvement du quatrième objectif : la
politique démocratique, les changements politiques. Parce qu’il est vrai que, de ce que
l’on a dit jusqu’à présent on déduit que je suis convaincu que c’est la politique qui
permet de changer les choses, c’est la politique qui permet de changer le monde. Mais
pour cela, camarades, il est peut être temps de penser à changer un peu la politique, à
changer un peu la démocratie. Il n’est pas possible de projeter de grandes réformes
sociales, de grandes réformes économiques, des réformes des marchés et de dire en
même temps qu’en matière de politique il ne doit rien se passer. Ce n’est pas possible.
Nous devons aussi changer la politique, en commençant par la rendre propre,
complètement propre, qu’elle soit propre et qu’elle semble propre. C’est très
important, comme dans le cas de l’austérité, qu’elle soit propre et quelle semble
propre.
Je reviens une minute sur la bulle immobilière. Elle a amené à notre pays de nombreux
malheurs, notamment le fait que sous couvert de la bulle, de nombreuses personnes
se sont mises à « faire des bulles »… ils se sont corrompu. Une grande partie de ce qui
apparait aujourd’hui provient de ça, la bulle immobilière, l’urbanisme. Nous avons
beaucoup fait pour renforcer le code pénal, de nombreuses unités policières qui ont
bien fonctionné. Nous avons beaucoup fait pour suivre et punir la corruption. Nous
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avons fait beaucoup de choses, mais ce n’est pas suffisant. Pour les gens, il ne suffit
pas que nous arrêtions une personne corrompue et que nous la mettions 8 années en
prison. Cela ne suffit pas, savez‐vous pourquoi ? Parce que le pêché est antérieur. Ce
que les gens ne veulent pas c’est qu’il y ait de la corruption. En définitive avec la
corruption il ne s’agit pas seulement de poursuivre, il s’agit aussi de l’éviter et cela
nous mène à une question que nous n’aimons pas toujours discuter, à savoir les
contrôles préalables. C’est de cela qu’il s’agit.
Nous devons parler de l’urbanisme. Permettez‐moi de vous dire, de manière
catégorique, pour que personne ne s’y méprenne, que je pense que l’urbanisme est
bien géré de manière générale par les communautés et par les mairies. De plus, je
pense que les personnes qui gèrent l’urbanisme dans les communautés et les mairies
sont absolument honnêtes, justes. Mais nous avons ici un problème et nous ne
pouvons pas l’ignorer. À quoi est ce que je vais référence ? Qu’est‐ce‐que je propose ?
En effet, ce que vous êtes nombreux à penser et ce que vous avez dit à de nombreuses
reprises, que l’État doit avoir l’une ou l’autre forme de compétence, l’une ou l’autre
forme de contrôle préalable sur les plans urbanistiques affin d’empêcher la
corruption.
Je sais que c’est difficile et qu’il faut être prudent, parce que la Constitution établit
ce qu’elle établit, mais on peut le faire. Et j’annonce déjà qu’il ne s’agit pas n’enlever
des compétences aux organes, ni de réduire leur autonomie, il s’agit de partager des
contrôles plus efficaces, il s’agit, en bref, d’avoir une politique transparente et qui
semble transparente. C’est de cela qu’il s’agit, ni plus ni moins.
Et la démocratie n’a pas uniquement ces problèmes. Elle en a plus, nous devons
aborder d’autres problèmes qui ont trait à la démocratie du XXIème siècle et qui se
résume très facilement en une contradiction incontournable, selon laquelle dans le
monde de la société de l’information, avec la technologie de l’information actuelle, il
n’est pas raisonnable que la relation des citoyens et de leurs représentants ne
s’établisse qu’une fois tous les quatre ans et que le reste du temps on se limite à
nous écouter. Ce n’est pas raisonnable, cela n’a pas de sens, cela ne correspond pas à
la société dans laquelle nous vivons, et en ce sens, il faut écouter ce qu’on nous dit
dans la rue, mais aussi en dehors de la rue. Encore plus, surtout en dehors de la rue.
Et on nous dit certaines choses très claires. On nous dit : soit vous comptez sur moi soit
j’arrêterai de compter sur vous. On nous dit : ne confondez pas votre monde avec
notre monde. On nous dit qu’ils ne supportent plus la crispation, le sectarisme, cette
discussion fanatique pour des détails. On nous le dit continuellement et on nous dit
que la politique ne peut pas être une source de problèmes, qu’elle doit être une
source de solutions. Cela, on nous le dit sans relâche et il faut écouter, et il convient
d’agir en conséquence.
La démocratie est un système qui s’est imposé aux totalitarismes, parce qu’elle est
indéniablement meilleure d’un point de vue moral, sans aucun doute. Mais aussi parce
qu’elle est plus efficace, parce qu’elle a résolu les problèmes. La démocratie ce justifie
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aussi par ses résultats, en mettant fin aux problèmes, et cela nous ne pouvons pas
l’oublier. En résumé, quand les citoyens commencent à penser que la politique n’est
pas une solution, mais plutôt un problème. Lorsqu’ils commencent à penser que tous
les politiciens sont la même chose, que leur vote n’a aucune importance, la démocratie
a un problème.
Et de plus, ce n’est pas vrai, ou est‐ce‐que quelqu’un peut rationnellement argumenter
que Olof Palme c’est la même chose que Le Pen, ou que Margaret Thatcher est la
même chose que Lula; ou que Sarah Palin est la même chose que Obama; ou que
Felipe González a des similitudes avec Bush fils.
Non, cela n’a rien avoir, mais il ne suffit pas de le dire, il faut le réaffirmer avec des
faits, c’est je que j’essaye de vous transmettre pendant tous ce discours : que la
politique a du sens et que la politique a beaucoup de sens. Et il faut agir, il faut
réviser les choses, et parfois cela va être difficile, parce que c’est vrai qu’il y a des
choses qui ont bien fonctionné, des choses que nous avons réalisées pendant la
transition, que nous avons conçues et qui ont fonctionné correctement. Par exemple,
le système électoral. On nous demande deux choses : une plus grande
proportionnalité et une plus grande proximité. Et convenons qu’il s’agit de deux
choses raisonnables. Et par conséquent, le moment est peut être venu d’envisager
au sein du parti socialiste une discussion de fond sur le système électoral. Je sais que
c’est très difficile, je sais que pour changer le système électoral il nous faut des
consensus –c’est une règle fondamentale du fonctionnement de la démocratie–, je le
sais. Mais cela ne nous libère pas de l’obligation d’envisager ce qui se produit et de
faire des propositions concrètes. Cela ne nous libère pas.
Et je vais vous avouer : j’ai un modèle. Le modèle qui me plaît, c’est le modèle
allemand, il me plaît beaucoup. Des petites circonscriptions, qui favorisent la relation
entre le représentant et le représenté, et un solde national qui favorise la
proportionnalité. J’aime beaucoup ce modèle. Et qu’est‐ce que je vous propose ? Je
vous propose de soumettre cette question à examen, d’utiliser la Conférence
politique pour discuter cette question à fond et d’élaborer une proposition de
réforme du système électoral.
Je vais vous dire autre chose en référence à la politique, une seule chose de plus. Il est
essentiel que nous changions les lois afin d’améliorer la lutte contre la corruption, afin
d’améliorer le fonctionnement de la démocratie ; afin de la rendre plus moderne et
plus efficace. Mais il est beaucoup plus important que nous changions les modes
d’intervention politique.
Je vous dirai : j’ai fait beaucoup d’efforts, mais je vais en faire encore bien davantage
pour que la crispation et le sectarisme soient définitivement des questions révolues,
appartenant au passé, d’où elles ne devraient jamais être revenues.
Nous devons changer beaucoup de choses en politique, lorsque quelqu’un propose
une idée, il ne faut pas que cette proposition soit ignorée du fait de la personne qui la
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19.
propose, et non pas du fait de son contenu. Nous devons parvenir à ce que nos débats
soient des débats de substantifs plutôt que d’adjectifs, plutôt de propositions que de
déqualifications. Nous devons arriver à traiter les problèmes et de leurs solutions, et
non pas des compétences.
Je propose que nous fassions tout cela depuis notre programme électoral. Je
comprends que tout cela est ambitieux, mais cela est aussi viable, cela peut être
crédible, et surtout, cela est possible, ce qui importe, et nous devons le faire avec un
programme électoral. Ambitieux et possible, voilà ce que je propose en matière de
politique.
Et je conclus. Je me suis efforcé de dire que l’Espagne a beaucoup de bonnes choses. Il
y a des choses que nous devons préserver, il y a d’autres choses que nous changeons –
des changements que nous devons renforcer, que nous devons maintenir– et il y a des
choses que nous devons faire de nouveau, des grands changements. Nous avons
maintenant l’opportunité de le faire, nous avons la capacité de le faire et je pense que
nous avons la volonté collective de le faire : des grands changements. En partant d’un
concept qui se déduit, je crois, de toute mon intervention, à savoir le fait que l’Espagne
est un grand pays. Et les grands pays ne le sont pas parce qu’ils échappent à la crise, ils
ne le sont pas parce que la crise ne les touche pas, non ; ils le sont sur base de la façon
dont ils sortent de la crise. Ils le sont du fait de leur capacité à s’en tirer, de par leur
croyance en eux‐mêmes, voilà où réside la grandeur d’un pays, et notre pays est un
grand pays.
C’est un pays qui aime la liberté, qui aime la tolérance, c’est un pays qui adhère
pleinement à l’égalité des chances, c’est un pays qui a un système éducatif comme
nous n’avons jamais imaginé avoir, un système universitaire, des entreprises qui sont
compétitives dans le monde comme jamais nous n’avons pensé en avoir. C’est un pays
bien situé dans le monde. C’est un pays solidaire, européen, il est ibéro‐américain,
méditerranéen, avec une richesse culturelle impressionnante, en commençant par
notre langue. C’est un grand pays.
Et depuis cette confiance de pays, depuis cette définition de pays, depuis cette
confiance que j’ai dans mon pays qui est l’Espagne, je vous propose, je me propose
et je propose aux Espagnols de travailler ensemble, de manière coordonnée – tous
ceux qui souhaitent concilier, dialoguer et travailler ensemble – afin d’atteindre ces
quatre grands objectifs. Pour créer de l’emploi et pour le faire dès début ; pour créer
une économie saine et compétitive, qui soit capable de répartir les efforts qu’il faut
faire pour sortir de la crise ; pour renforcer notre égalité des chances, notre État
social et, finalement, pour changer la politique, pour la rendre plus efficace, plus
proche et, si vous me permettez la redondance, pour la rendre plus démocratique.
Pour rendre la politique démocratique, plus démocratique.
C’est pour toutes ces raisons que je demande votre aide et que je vais demander l’aide
des Espagnols. Je sais que la tâche est viable, parce que le programme que nous allons
présenter est conçu depuis le réalisme. Depuis le réalisme de personnes qui
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connaissent bien l’Espagne : nous. Et surtout, depuis les valeurs. Des valeurs que je
partage avec vous depuis de nombreuses, de très nombreuses années, comme je me
suis efforcé de vous montrer, et qui constituent la base même de ce projet de
programme électoral que je vous propose.
En résumé, je vous invite à partager ce projet avec les citoyens, qui sont très
nombreux, qui préfèrent le travail à l’apathie et la résignation. Je vous invite à
partager ce projet avec les nombreux Espagnols qui préfèrent la conciliation, le pacte
à la confrontation. Avec tous ceux qui préfèrent le oui au non, ceux qui pensent qu’il
faut écouter avant d’agir et qu’il faut expliquer après avoir agi. Avec tous ceux à qui
nous allons nous adresser lors de ces prochains mois, chers camarades.
Et la tâche n’est pas aisée. Nous vivons des temps difficiles où l’on attend de nous que
nous donnions le meilleur de nous‐mêmes. Nos aspirations sont ambitieuses, mais nos
propositions et nos solutions vont être réalistes. Ambition et réalisme. C’est sur cette
base que je vous demande de travailler pendant les prochains mois.
Nous avons devant nous une campagne électorale et je peux d’ores et déjà vous dire,
à l’occasion de mon premier acte en tant que candidat, qui en est un effectivement,
que rien n’est écrit et rien n’est décidé au préalable dans cette campagne électorale.
Absolument rien.
Pour ma part, comme toujours, je vais travailler jusqu’à la limite de mes capacités et
je vais me donner à fond. Cela ne va pas être difficile pour moi. Savez‐vous
pourquoi ? Parce que le fait de défendre les valeurs dans lesquelles on croit donne
beaucoup de force. Cela ne va pas être très difficile pour moi, mais je ne peux pas faire
cela seul. Vous devez me donner un coup de main, vous devez m’aider, vous devez
m’aider. Je dois pouvoir compter sur vous, sur vos efforts, votre travail, vos idées,
votre soutien … Je dois pouvoir compter sur tout votre soutien, parce que nous devons
faire quelque chose de très important, nous devons convaincre des millions
d’Espagnols pour qu’ils nous fassent de nouveau confiance. Voilà ce que nous devons
faire.
Et nous allons le faire, nous allons le faire. Écoutez‐moi, c’est parce que nous voulons
le faire, et je le vois sur vos visages et dans vos applaudissements qui ont contribué à
prolonger ce discours bien plus que je ne l’aurais souhaité et à me faire transpirer bien
plus que je ne l’aurais souhaité aussi. Nous allons le faire parce que nous voulons le
faire, nous allons le faire parce que nous pouvons le faire et nous allons le faire,
surtout, parce que nous savons le faire, parce que nous l’avons déjà fait à d’autres
reprises dans notre histoire. Nous allons le faire. Alors mettons‐nous au travail,
faisons‐le.
Faisons en sorte que cela arrive.
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