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Le Projet
Un mirage
technologique ?
E. Van Hassel
Mouvement politique des objecteurs de croissance (mpOC)
Science sans conscience
n'est que ruine de l'âme
(François Rabelais)
Sujet
En janvier dernier, les media rapportaient avec un certain chauvinisme l'engagement pris
par le gouvernement en affaires courantes de subsidier, à hauteur de 400 millions d'euros,
la construction à Mol d'un nouveau réacteur nucléaire de démonstration, dont la mise en
service est prévue en 2025. Appelé MYRRHA et conçu par le Centre d'étude de l'énergie
nucléaire (CEN), ce programme de recherche et développement fait partie d'un plan stra-
tégique européen pour une exploitation durable de l'énergie nucléaire. A l'heure du vingt-
cinquième anniversaire de la catastrophe de Thernobyl et où l'histoire tragique vient de se
répéter au Japon, le Mouvement politique des objecteurs de croissance (mpOC) dénonce
le projet insensé de pérenniser la périlleuse industrie électronucléaire, alors qu'une étude
pilotée par le Conseil européen des énergies renouvelables prouve qu'en 2050, l'Europe
pourrait couvrir la quasi totalité de ses besoins énergétiques avec le solaire, l'hydraulique,
l'éolien, la biomasse et la géothermie.
Chapitres
1. La vision européenne d'un nucléaire durable ........................... page 2
2. L'attrait pour les réacteurs à neutrons rapides ......................... page 4
3. Un projet industriel fumeux et délirant ..................................... page 9
4. Le confort sans le nucléaire, c'est parfaitement possible ! ...... page 17
5. Quelle solution pour les déchets nucléaires accumulés ? ........ page 19
6. Le double visage de MYRRHA ................................................. page 21
7. Conclusion politique .................................................................... page 22
Annexes
A1. Liste des acronymes .................................................................. page 23
A2. Liste des références ................................................................... page 24
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 1/25
1. La vision européenne d'un nucléaire durable
Telle qu'elle se présente aujourd'hui, la technologie électronucléaire est unanimement
reconnue comme étant sans avenir, en raison de trois défauts majeurs :
1) Seulement 16 % de la production mondiale d'électricité est d'origine nucléaire.
Malgré ce modeste pourcentage, au rythme actuel de la consommation les réserves
d'uranium raisonnablement exploitables seront épuisées avant la fin du siècle. Par
conséquent, ladite technologie ne sait pas contribuer durablement à la résolution du
formidable défi énergétique posé par :
► La croissance démographique (9 milliards d'humains prévus en 2050 contre 6 mil-
liards aujourd'hui) ;
► Le droit de tous à un minimum de confort moderne (deux milliards de nos sem-
blables n'ont toujours pas accès à l'électricité) ;
► La déplétion imminente des hydrocarbures fossiles (pétrole et gaz naturel) qui
entraînera le remplacement des appareils à combustion par des appareils électriques,
particulièrement dans le secteur des transports ;
► La nécessité de réduire rapidement et drastiquement les émissions mondiales de
gaz carbonique (les centrales nucléaires n'en sont pas émettrices, contrairement aux
centrales au charbon, très polluantes) afin de contenir le réchauffement climatique
dans des limites gérables (maximum 2 °C au-dessus de la température moyenne de
l'époque pré-industrielle).
2) Afin de préserver la biosphère de toute contamination radioactive, le combustible
usé des centrales nucléaires doit être confiné durant des milliers de siècles. On ne
pourra sans doute jamais trouver une solution de confinement fiable sur une aussi
longue période.
3) Par ses activités d'enrichissement1
de l'uranium et de retraitement2
du combustible
usé, l'industrie nucléaire civile peut aisément être détournée à des fins militaires,
comme le démontre l'actualité avec les cas de l'Iran et de la Corée du Nord.
Les connaissances scientifiques acquises dans le domaine de la fission, de la radioactivité
et de la physique des réacteurs permettraient la mise au point d'une nouvelle classe de sys-
tèmes nucléaires, dite de génération IV, en production commerciale à l'horizon 2040-2050.
Un bond technologique, présenté comme durable par ses promoteurs et qui offrirait les
1 Raffinage de l'uranium pour augmenter sa teneur en noyaux fissiles 235
U constitués de 92 protons et 143 neu-
trons, au détriment des noyaux non fissiles 238
U constitués de 92 protons et 146 neutrons (noyau 238
U = noyau
235
U + 3 neutrons). Le nombre de protons est le nombre atomique de l'élément chimique auquel appartient le
noyau (ou l'atome, sachant qu'un atome est un noyau (amas de protons et de neutrons) entouré d'un nuage
d'électrons en nombre égal au nombre de protons). L'uranium est le 92e
élément chimique (car 92 protons),
composé de deux isotopes qui se distiguent uniquement par le nombre de neutrons : 235
U (uranium 235) et
238
U (uranium 238). Le nombre accolé au symbole chimique U est le nombre de nucléons (protons + neutrons),
aussi appelé nombre de masse car le proton et le neutron ont pratiquement la même masse.
2 Récupération du plutonium qui s'est formé dans l'uranium (combustible nucléaire) durant son passage en réac-
teur et qui est riche en noyaux fissiles 239
Pu constitués de 94 protons et 145 neutrons.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 2/25
principales améliorations suivantes :
1) L'utilisation de toute l'énergie de l'uranium, contre 1 % actuellement.
2) L'exploitation du contenu énergétique du stock croissant de déchets nucléaires
généré par la technologie actuelle.
3) Des déchets radioactifs ultimes nécessitant une durée de confinement de « seule-
ment » quelques siècles.
4) Une technologie plus sûre et plus résistante à la prolifération3
.
Pour passer de la théorie séduisante (un tout au nucléaire sûr, économique, résistant à la
prolifération et durable des millénaires) à la pratique, de fameuses percées technologiques
sont nécessaires. D'importants projets de recherche et développement (R&D) sont en
cours de coordination au niveau mondial, via le « Forum international Génération IV »
(GIF). L'Europe a défini sa propre stratégie au sein de la « Plateforme pour une techno-
logie nucléaire durable » (SNETP), une organisation créée en 2007 et dont les parties
prenantes sont la Commission européenne, des groupes industriels, des académies, des
centres de recherche et d'autres organismes. Le programme de la SNETP, appelé « Initia-
tive industrielle européenne pour un nucléaire durable » (ESNII), consiste à construire
trois réacteurs de démonstration à neutrons rapides :
Type Caloporteur Programme Implantation Mise en service
SFR Sodium ASTRID Marcoule (Fr) 2020
LFR Plomb-Bismuth MYRRHA Mol (B) 2025
GFR Hélium ALLEGRO Non fixé4
2025
Chacune des trois filières présente ses propres avantages et inconvénients, ceux-ci devant
être soigneusement traités afin d'offrir les meilleures garanties de sécurité. A l'issue de la
période d'essai et d'évaluation, la SNETP établira un schéma de déploiement industriel.
Le coût total du programme ESNII est estimé entre 8,65 et 10,85 milliards d'euros.
3 Le terme ''prolifération'' désigne la prolifération de matières nucléaires explosives directement utilisables pour la
fabrication de bombes atomiques.
4 La Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque doivent encore décider dans lequel des trois pays le réacteur
sera construit.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 3/25
2. L'attrait pour les réacteurs à neutrons rapides
En physique nucléaire, un noyau fissile est un noyau atomique qui a une bonne probabilité
de fissionner (éclater) après avoir capturé un neutron5
. Les débris du noyau fissionné
sont projetés dans l'espace à très grande vitesse. A cet instant, ils possèdent de l'énergie
cinétique en raison de leur masse et de leur vitesse. Conceptuellement, la fission trans-
forme de l'énergie nucléaire en énergie cinétique. Au fur et à mesure que les débris se
heurtent aux noyaux environnants, ils perdent leur énergie cinétique (donc leur vitesse)
qui se transforme en chaleur (agitation désordonnée des noyaux). La transformation de
l'énergie cinétique en chaleur est pratiquement instantanée. L'énergie nucléaire est très très
concentrée : en termes de pouvoir calorifique, un gramme de matière fissile6
est équivalent
à une tonne et demie de pétrole.
Les débris sont constitués de deux noyaux plus petits, appelés produits de fission, et de
deux ou trois neutrons, dits secondaires, susceptibles de provoquer à leur tour des fissions.
C'est ce qui permet d'obtenir, sous certaines conditions, une réaction en chaîne. Dans un
réacteur nucléaire, la réaction en chaîne est stable et contrôlée : les neutrons libérés par
N fissions provoquent en moyenne exactement N fissions. Dans une explosion atomique
(bombe), la réaction en chaîne se démultiplie : les neutrons libérés par N fissions provo-
quent en moyenne plus de N fissions7
.
Dans la nature, seul le noyau d'uranium 235
U est fissile. Il se trouve en proportion de seule-
ment 7 pour 1000 noyaux d'uranium, les autres étant des noyaux 238
U. A cause de cette
faible proportion de noyaux fissiles, il est très difficile de provoquer dans l'uranium une
réaction en chaîne qui s'entretient d'elle même. Il est donc nécessaire d' « enrichir »
l'uranium, c'est-à-dire augmenter sa teneur en noyaux fissiles 235
U par une opération de
raffinage appelée « enrichissement ». L'uranium dit civil (destiné à « brûler »8
dans un
réacteur nucléaire) est de l'uranium enrichi à 5 % au plus (donc 5 noyaux 235
U et 95 noyaux
238
U pour 100 noyaux d'uranium), tandis que l'uranium dit militaire (pour faire une bombe)
est enrichi à 90 % au moins. Le procédé d'enrichissement permet d'atteindre n'importe
quel taux, c'est juste une question de temps, de programmation du dispositif et, surtout,
de consommation d'énergie (comme il en va de tout processus). Voilà pourquoi l'enrichis-
sement est une technologie dite « proliférante », c'est-à-dire présentant un gros risque de
5 Quand un neutron heurte un noyau, soit il rebondit, soit il reste collé auquel cas on dit que le noyau a capturé
le neutron.
6 La matière fissile est exclusivement constitué d'atomes dont les noyaux sont fissiles. En termes de masses,
« matière fissile » et « noyaux fissiles » sont des termes équivalents car 99,99 % de la masse de la matière se
trouve dans les noyaux atomiques (les électrons ne pèsent pratiquement rien comparés aux noyaux).
7 La réaction en chaîne est analogue à une chute de dominos. Avec une réaction stable, un domino fait chuter un
domino qui fait chuter un domino qui fait chuter un domino, etc. Avec une réaction multiplicative, un domino
fait chuter deux dominos qui font chuter chacun deux dominos qui font chuter chacun deux dominos, etc.
8 La fission est une réaction nucléaire (modification des noyaux atomiques) tandis que la combustion est une
réaction chimique (modification des molécules, c'est-à-dire des liaisons chimiques entre les atomes). Comme
les deux réactions produisent de la chaleur, il est commode de parler de combustile pour désigner l'uranium
civil et de dire qu'il brûle dans le réacteur.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 4/25
prolifération d'armes nucléaires, comme l'actualité le démontre avec le cas de l'Iran. La
République islamique veut avoir la maîtrise totale du cycle du combustible – par consé-
quent enrichir elle-même son uranium – mais la communauté internationale a de bonnes
raisons de craindre un détournement clandestin des activités civiles à des fins militaires.
Classiquement, un réacteur commercial est constitué d'une cuve en acier de 20 cm d'épais-
seur, 5 m de diamètre et 15 m de hauteur. La cuve est remplie d'eau et contient 197 assem-
blages de combustible posés debout sur son fond. Chaque assemblage est un fagot de 264
crayons de combustible, des tubes légèrement espacés de 5 m de longueur dans lesquels
sont empilés des pellets d'oxyde d'uranium. L'eau de la cuve, pressurisée, joue un double
rôle. D'une part le rôle de fluide caloporteur : l'eau transporte la chaleur produite par la
fission jusqu'au générateur de vapeur9
via un circuit fermé (circuit primaire). D'autre part
le rôle de modérateur : l'eau ralentit les neutrons qui sortent d'un crayon (donc modère
leur vitesse10
) avant qu'ils ne pénètrent dans les crayons voisins. Leur ralentissement favo-
rise la réaction en chaîne du fait que le noyau 235
U capture plus facilement un neutron
lent qu'un neutron rapide11
. Tel est le principe du réacteur de type REP (Réacteur à Eau
Pressurisé), modèle le plus répandu dans le parc électronucléaire mondial. La très grande
majorité des réacteurs utilisent un modérateur, généralement de l'eau ordinaire, parfois
du graphite ou de l'eau lourde12
. Le modérateur permet d'obtenir une réaction en chaîne
autoentretenue avec de l'uranium faiblement enrichi (moins de 5 %). Cette technologie
électronucléaire est dite à neutrons lents.
Un assemblage de combustible passe trois ans dans le réacteur. A l'issue de cette période, il
ne possède plus assez de noyaux fissiles et il est encombré de produits de fission qui
entravent trop la réaction en chaîne. L'assemblage est « usé » et doit être remplacé par un
assemblage neuf. Dans une tonne de combustible usé, initialement de l'uranium enrichi à
3,5 % (donc 35 kg 235
U et 965 kg 238
U), on trouve 35 kg de produits de fission, 10 kg de
plutonium et 1 kg d'actinides mineurs (neptunium, américium, curium). Le plutonium et
les actinides mineurs se forment dans le combustible à la suite de fissions avortées (captu-
res de neutrons non suivies de fission) : le noyau 235
U ne fissionne pas une fois sur cinq
et le noyau 238
U neuf fois sur dix (raison pour laquelle on dit que l'uranium 238 est non
fissile). Les noyaux non fissionnés sont très instables et se transforment en éjectant des
particules élémentaires (phénomène de la radioactivité13
). Ces transformations, appelées
9 La vapeur sous pression entraîne une turbine couplée à un alternateur qui produit le courant électrique.
10 Les neutrons rapides libérés par la fission perdent beaucoup de vitesse lorsqu'ils rebondissent sur les noyaux
d'hydrogène des molécules d'eau H2O.
11 Plus la vitesse du neutron est grande, plus les noyaux lui apparaissent petits (un effet « relativiste » expliqué
par la théorie de la relativité d'Einstein). C'est comme en voiture : plus on roule vite, plus la route paraît étroite.
12 L'hydrogène possède deux isotopes : le protium ou hydrogène 1 (noyau 1
H réduit à un proton) et le deutérium
ou hydrogène 2 (noyau 2
H constitué d'un proton et un neutron) qui est rare (un atome de deutérium pour
6500 atomes d'hydrogène). L'eau ordinaire comporte une très petite fraction d'eau lourde dont les atomes
d'hydrogène sont du deutérium. Celui-ci capture moins facilement les neutrons que le protium, ce qui est
intéressant car un neutron capturé par l'eau est un neutron perdu pour la réaction en chaîne. L'eau lourde pèse
10 % de plus que l'eau ordinaire.
13 Certaines variétés d'atomes, dits « isotopes radioactifs » ou « radioisotopes », ont un noyau instable, en ce sens
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 5/25
transmutations, conduisent à la formation d'un cocktail de noyaux lourds à très longue
demi-vie14
: les transuraniens15
. A la sortie du réacteur, la radioactivité du combustible usé
provient majoritairement des produits de fission. A long terme, elle est dominée par la
radioactivité des transuraniens. Il faut attendre 200.000 ans pour que la radioactivité du
combustible usé retrouve à peu près le faible niveau de l’uranium naturel. Le tableau ci-
dessous donne la composition des transuraniens :
Noyau
Masse
(kg)
Période
(années)
Plutonium 238 0,176 87,7
Plutonium 239 5,67 24110 fissile
Plutonium 240 2,21 6560
Plutonium 241 1,19 14,4 fissile
Plutonium 242 0,49 37000
Neptunium 237 0,43 2140000
Américium 241 0,22 432,6
Américium 242 0,0007 152 fissile
Américium 243 0,101 7380
Curium 242 0,00013 0,44
Curium 243 0,00032 28,5 fissile
Curium 244 0,024 18,1
qu'il peut se « désintégrer » à tout moment. Lorsqu'un noyau de type alpha se désintègre, il expulse une parti-
cule alpha constituée de deux protons et deux neutrons (on parle de radioactivité alpha). Lorsqu'un noyau de
type bêta se désintègre, un neutron se transforme en un proton plus un électron, appelé particule bêta en
cette circonstance, éjecté du noyau (on parle de radioactivité bêta). La désintégration s'accompagne en général
de l'émission d'un ou deux photons (particule d' « énergie pure » sans masse ni charge électrique) de type
gamma (semblables à ceux des rayons X mais beaucoup plus pénétrants).
14 La demi-vie ou période est le temps nécessaire pour que la moitié des noyaux se désintègrent. Un noyau instable
peut se désintéger à tout moment et la désintégration proprement dite est instantanée et imprévisible. La demi-
vie d'un radio-isotope est une caractéristique statistique. Le terme « demi-vie » peut prêter à confusion : il ne
faut pas croire que les noyaux se sont tous désintégres après deux demi-vies ! De période en période, le
nombre de noyaux « en attente de désintégration » est à chaque fois divisé par deux. Après dix périodes, le
nombre de noyaux encore intacts est divisé par mille (car 210
= 1024). Souvent, le descendant d'un noyau
instable est lui même radioactif. De désintégration en désintégration, le noyau finit par trouver la stabilité. La
radioactivité, qui se mesure en becquerels (Bq) soit en nombre de désintégrations par seconde, est donc un
phénomène naturellement décroissant. Plus un échantillon est radioactif, plus la décroissance radioactive est
rapide (sa plus grande dangerosité initiale est donc compensée par sa moindre longévité).
15 Le noyau 239
U (noyau 238
U qui a capturé un neutron sans fissionner) est très instable (demi-vie de 23 minutes).
Par désintégration bêta, il se transforme en 239
Np (neptunium 239), un noyau dont la demi-vie est de 2 jours et
qui se transforme en 239
Pu (plutonium 239) aussi par désintégration bêta. Le noyau 239
Pu a une demi-vie de
24100 ans. Il est donc suffisamment stable pour s'accumuler dans le cœur du réacteur. Un transuranien est un
élément chimique dont le numéro atomique est supérieur à celui de l'uranium, c'est-à-dire supérieur à 92, par
ordre croissant : neptunium (93e
), plutonium (94e
), américium (95e
), curium (96e
).
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 6/25
Plutonium
Actinides
mineurs
Transuraniens
Le plutonium qui s'est formé est un mélange de cinq isotopes. Le plus abondant est le
plutonium 239 qui a la propriété d'être fissile. L'idée est donc venue d'exploiter le pluto-
nium comme une ressource énergétique. Un procédé chimique appelé « retraitement »
permet de séparer les composants du combustible usé en trois parties : l'uranium, le plu-
tonium, et les déchets ultimes constitués des produits de fission et des actinides mineurs.
L'uranium, qui contient encore 1 % de matière fissile 235
U, est renvoyé à l'usine d'enrichis-
sement. Les déchets ultimes sont mélangés à du verre en fusion et coulés dans des fûts
en acier inoxydable, puis entreposés dans l'attente d'une solution de confinement défini-
tif. Le plutonium est mélangé à de l'uranium appauvri (sous-produit des usines d'enrichis-
sement) pour faire un nouveau combustible, le dénommé Mox (mélange d'oxydes de
plutonium et d'uranium) qui peut constituer jusqu'à 30 % de la charge en combustible
d'un réacteur REP. Le MOX usé n'est actuellement pas retraité. Il faut dire qu'il est beau-
coup plus radioactif que le combustible usé conventionnel – donc plus problématique en
matière de radioprotection du personnel chargé de le manipuler – et contient deux fois
et demi plus d'actinides mineurs. L'idée du MOX ne s'est donc pas avérée aussi bonne que
sur papier, et plusieurs pays ont abandonné cette filière, dont la Belgique. Historiquement,
le retraitement est une invention des puissances nucléaires pour fabriquer des bombes au
plutonium. Des réacteurs furent d'ailleurs conçus dans le seul but d'en produire. La Corée
du Nord s'est récemment dotée de l'arme absolue par cette voie. Bref, le retraitement du
combustible usé, même à des fins civiles, est une technologie proliférante.
Prolifération, déchets radioactifs ingérables, réserves d'uranium en voie d'épuisement,
spectre de Tchernobyl agité par les antinucléaires ... la nucléocratie s'inquiète pour son
avenir et compte sur le développement d'une nouvelle technologie pour assurer sa péren-
nité : le réacteur à neutrons rapides (RNR). Comment ça ? Nous avons vu que l'avantage
des neutrons lents est la possibilité de maintenir une réaction en chaîne avec un faible taux
de noyaux fissiles (environ 4 %). Avec des neutrons rapides (non ralentis), le combustible
doit être davantage enrichi (environ 20 %). Mais à partir de là, les neutrons rapides devien-
nent très attractifs :
1) La plupart des transuraniens sont non fissiles avec des neutrons lents (cfr tableau
de la page précédente). Mais ils sont tous fissiles avec des neutrons rapides, d'où la
perspective de les réduire considérablement en les transmutant, par fission, en
déchets moins problématiques grâce à leurs demi-vies globalement plus courtes.
2) L'uranium 238 est transmutable en noyaux fissiles de plutonium 239 par capture
neutronique. On dit que l'uranium 238 est de la matière fertile. L'idée, séduisante,
est de profiter des neutrons produits par la fission pour régénérer les noyaux fissiles
au fur et à mesure de leur consommation. Cela ne peut marcher que si chaque fission
libère plus de deux neutrons en moyenne. Or c'est le plutonium 239 fissionné par
des neutrons rapides qui vérifie le mieux la condition : 100 fissions libèrent 230 neu-
trons en moyenne16
. De ces neutrons secondaires, 100 sont dévolus au maintien de la
16 En réalité, 100 fissions libèrent 290 neutrons en moyenne. Mais d'autre part, le noyau 239
Pu ne fissionne pas tou-
jours après avoir capturé un neutron, auquel cas il subsiste à l'état de 240
Pu. Au total, la réaction en chaîne se
déroule comme si la fission ne ratait jamais et libérait 2,3 neutrons en moyenne (au lieu de 2,9). C'est dans ce
sens qu'il faut comprendre que 100 fissions libèrent 230 neutrons en moyenne.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 7/25
réaction en chaîne. Il en reste ainsi 130 pour la régénération, moins les pertes inévi-
tables car des neutrons sont capturés par le fluide caloporteur et les structures du
réacteur17
. Plus de 100 neutrons pourraient transmuter des noyaux d'uranium 238
en plutonium 239, auquel cas le réacteur serait surgénérateur : il produirait davan-
tage de noyaux fissiles qu'il n'en consomme. Aussi fascinant que le mythique moteur
à eau ! Surtout quand on sait que l'uranium 238 est 140 fois plus abondant dans la
nature que l'uranium 235. Le plutonium nécessaire à la mise en route des RNR ne
manque pas : outre celui des assemblages de combutible usé qui croupissent dans
les piscines de refroidissement des pays nucléarisés18
, les Etats-Unis et la Russie
possèdent des dizaines de tonnes de plutonium prêtes à l'emploi, issues du déman-
tèlement partiel de leurs arsenaux nucléaires dans le cadre d'accords bilatéraux de
désarmement.
En conclusion, les RNR tireraient jusqu'à cent fois plus d'énergie de l'uranium que les
systèmes à neutrons lents. De quoi envisager un tout au nucléaire durable des millénaires.
Les déchets seraient gérables (confinement de quelques siècles) car réduits aux seuls
produits de fission grâce à la destruction des transuraniens. L'humanité n'aurait plus à se
tracasser de son avenir énergétique, puisque elle disposerait d'une source d'énergie sûre
et abondante lui laissant très largement le temps de se convertir totalement aux énergies
inépuisables. Tels sont les lendemains radieux promis par la nucléocratie.
17 Le fluide caloporteur et les structures du réacteur deviennent radioactifs à cause des neutrons capturés. Ces
éléments constituent donc des déchets très embarrassants lorsque la centrale nucléaire arrive en fin de vie.
18 Une trentaine de pays se partagent un parc de 450 réacteurs qui assurent 16 % de la production mondiale
d'électricité. En attendant une solution définitive pour les déchets, les assemblages de combustible usé, pour la
plupart non retraités, sont stockés dans de profondes piscines remplies d'eau qui dissipent la chaleur dégagée par
la radioactivité et arrêtent le dangereux rayonnement gamma.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 8/25
3. Un projet industriel fumeux et délirant
Les réacteurs (à neutrons) rapides n'ont pas besoin de modérateur, mais la présence d'un
fluide caloporteur demeure évidemment nécessaire. Ce fluide doit posséder d'excellentes
qualités calorifiques (capacité d'évacuer la chaleur) tout en étant transparent aux neutrons
(faible probabilité d'en capturer). Le sodium et le plomb présentent les qualités requises,
mais aussi de gros défauts : le premier explose au contact de l'eau et s'enflamme sponta-
nément au contact de l'air, tandis que le second est corrosif pour la structure du réacteur.
Qu'importe ! Cela n'a pas dissuadé les Européens de construire, dans la seconde moitié
du vingtième siècle, sept prototypes de RNR refroidis au sodium, dont trois en France
pompeusement baptisés Rapsodie, Phénix et Super-Phénix (!) dans l'euphorie mystique
que suscitait alors le concept de surgénération. Ces systèmes, aujourd'hui définitivement
désactivés, causèrent pas mal de soucis, SuperPhénix faisant figure de fiasco emblémati-
que : en 1995 après dix ans de service, le réacteur n'avait fonctionné que 174 jours suite à
des fuites à répétition (sodium et autres) sans compter d'autres avaries, notamment l'effon-
drement du toit de la salle des machines (contenant les générateurs d'électricité) sous le
poids non prévu de 80 cm de neige, juste à côté du bâtiment abritant le réacteur. Encore
heureux que le ridicule ne tue pas. SuperPhénix fut définitivement arrêté en 1998 et sa
déconstruction planifiée jusqu'en 2027.
Clairement, le programme ASTRID de nos amis français vise à ressusciter la filière du
réacteur surgénérateur refroidi au sodium. Loin de tempérer leurs ardeurs de nucléocrates,
ils qualifient les déboires passés de « retours d'expérience utiles » dans leur réthorique de
propagande pour le nucléaire de génération IV.
Concernant la déconstruction de SuperPhénix, la Gazette nucléaire (février 2007) relate :
« Le sodium primaire, radioactif, soit 4.000 tonnes, se trouve toujours dans la cuve prin-
cipale19
. Il y est maintenu à l'état liquide (à 180°C, d'où l'importante consommation élec-
trique), sous un ciel de gaz neutre (argon), afin de rendre possible sa vidange ultérieure.
(...) Le traitement du sodium constitue une phase très délicate. Rappelons qu'à l'état
liquide le sodium est un produit extrêmement dangereux : il explose au contact de l'eau
et s'enflamme au contact de l'air20
. Au total il y a 5.500 tonnes de ce produit à neutraliser :
les 4.000 tonnes (radioactifs) du circuit primaire (cuve) et les 1.500 tonnes du circuit
19 Le circuit primaire irrigue le coeur du réacteur où il capte la chaleur dégagée par le combustible. Ce circuit
fermé est toujours contaminé par des particules radioactives. Dans un REP (réacteur à eau pressurisé, tech-
nologie la plus répandue), le circuit primaire (eau radioactive) décharge sa chaleur directement dans le circuit
générateur de vapeur. Dans un RNR refroidi au sodium, le circuit primaire (sodium radioactif) traverse un
circuit secondaire (sodium non radioactif) qui traverse à son tour le circuit générateur de vapeur. Le dédou-
blement du circuit de sodium participe à la gestion des risques : en cas de rupture de l'échangeur de chaleur
entre le circuit générateur de vapeur et le circuit secondaire, l'explosion causée par le contact entre l'eau et le
sodium ne disperse pas de particules radioactives. Heureusement, car pareil accident s'est déjà produit deux
fois en Russie (1973 et 1975) sur un même RNR !
20 Le 31 mars 1994, le nettoyage d'une cuve issue du démontage de Rapsodie avait très mal tourné. La réaction
du solvant avec le sodium provoqua, pour une cause indéterminée, un dégagement excessif d'hydrogène suivi
d'une explosion et d'un incendie que 130 pompiers mirent sept heures à éteindre. L'explosion tua un ingénieur
sur le coup et blessa quatre autres techniciens.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 9/25
secondaire des échangeurs de chaleur. Ce sodium sera d'abord vidangé, c'est-à-dire ache-
miné liquide et donc potentiellement très dangereux, par pompage et via des tuyaux
"sécurisés", de ses lieux de stockage actuels – cuve principale (4.000 T) et réservoirs
isolés annexes (1.500 T) – vers l'installation de traitement du sodium qui est actuellement
en construction dans ce qui était la salle des machines. Dans un second temps, ce même
sodium sera traité en vue de sa transformation en soude. (...) Deux lignes de traitement
permettront de traiter au total 5 tonnes de sodium par jour, soit 1.825 tonnes par an.
Incorporée à du béton comme eau de gâchage, la soude radioactive se retrouvera fixée et
confinée sous la forme de blocs de béton. Les 5.500 tonnes de sodium à traiter engen-
dreront 24.000 m³ de soude et au final 36.700 m³ de béton soit 70.000 tonnes. Afin de
laisser s'apaiser la radioactivité de ces blocs et pour permettre également un étalement
dans le temps des navettes des nombreux camions chargés de l'évacuation sur un autre
site des autres déchets (radioactifs : 25.000 T et autres : 423.000 T) issus de la déconstru-
ction, il est prévu dans un premier stade l'entreposage, sur place et sur environ 5.000 m²,
de ces blocs. On ne sait rien, pour l'instant, du lieu de stockage définitif de ces différents
déchets à risques générés par cette déconstruction. Ce que l'on sait c'est que leur achemi-
nent vers deux sites à définir par l'ANDRA21
, est prévu, au rythme de 20 à 25 transports
quotidiens, entre 2008 et 2018, passant à 25-30 au-delà et jusqu'en 2026. » Cet extrait
rappelle opportunément que la problématique des déchets nucléaires ne se limite pas à la
gestion du combustible usé, il y a aussi le fardeau des composants radioactifs du réacteur
arrivé en fin de vie, particulièrement gênants lorsque le caloporteur est du sodium.
En septembre 1976, soit deux ans après la mise en service d'un prototype RNR à Doun-
reay (Ecosse), la très officielle Royal Commission on Environnemental Pollution déposait
au Parlement britannique un rapport de mise en garde contre un développement impor-
tant des réacteurs rapides. Le rapport, signé par sir Brian Flowers, spécialiste de la physi-
que théorique et professeur au prestigieux Massachussets Institute of Technology (MIT),
explique en quoi le réacteur rapide présente des caractéristiques proches d'une bombe
atomique, contrairement au réacteur thermique (c'est-à-dire à neutrons lents) : « C'est le
contrôle strict de la réactivité22
qui est à la base de la sécurité d'un réacteur. Toute défail-
lance dans ce contrôle risque d'entraîner une élévation très rapide de la réactivité et, par
contre-coup, de la température du combustible, le faisant fondre et s'écouler à la base du
réacteur. Tout comme le réacteur thermique, le réacteur à neutrons rapides n’est possible
qu’à cause d’une particularité de la nature : l’existence des neutrons retardés (neutrons
émis par des radio-isotopes quelques secondes après la fission du noyau d’uranium)23
. Si
la réactivité se trouve encore augmentée notablement et très rapidement, les mécanismes
de contrôle de la réactivité risquent d’être dépassés ; il existe alors une probabilité théo-
21 Agence nationale (française) pour la gestion des déchets radioactifs.
22 La réactivité est une mesure de l'instabilité de la réaction en chaîne. La réactivité est positive lorsque la réaction
en chaîne s'amplifie, négative dans le cas contraire. Pour contrôler la réactivité, on utilise des barres contenant un
absorbant de neutrons. Ces barres dites de contrôle sont insérées dans les assemblages de combustible à une
profondeur qui détermine la puissance délivrée par le réacteur.
23 Les neutrons retardés sont un des aspects essentiels de la conduite des réacteurs et de leur sûreté. Ils sont peu
nombreux par rapport au nombre de neutrons prompts (c'est-à-dire non retardés) mais c'est leur existence qui
donne le temps de réagir à d'éventuelles variations dans le comportement des réacteurs.
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rique de formation accidentelle d’un sous-ensemble critique aux seuls neutrons rapides
et prompts, c’est-à dire non différés. C’est, sur le plan technique, le principe même d’une
explosion nucléaire, bien que le processus de la réaction en chaîne soit nettement plus
lent que dans le cas provoqué de la bombe atomique et, de ce fait, l’énergie libérée en
serait d’autant moindre. La raison pour laquelle cela peut se produire dans un réacteur
rapide et non dans un réacteur thermique vient de ce que le premier a son combustible
dans un état initial de réactivité en-dessous du maximum de réactivité. Si tout le combu-
stible d’un réacteur thermique se trouvait fondu en une seule masse, sa réactivité chute-
rait car il n’y aurait pas de modérateur (qui freine les neutrons) pour accroître la réactivité.
Par contre, dans le cas du surgénérateur, tout le combustible fondu en une masse com-
pacte se verra dans un état de réactivité maximum24
. » En fait, pour dire les choses simple-
ment, le risque d'une explosion atomique dans un réacteur rapide est dû au fait que son
combustible est cinq fois plus riche en noyaux fissiles que celui d'un réacteur thermique.
Le rapport expose les conséquences dramatiques possibles d'une explosion nucléaire :
« On ne sait pas encore très exactement si une explosion de ce type aboutirait à la vapo-
risation du combustible ; on suppose généralement qu’il pourrait l’être et les plans des
réacteurs sont faits en prévision de cette éventualité extrême. Si cette sécurité s’avérait
insuffisante, non seulement l’iode et le césium seraient libérés, mais également des quan-
tités substantielles de produit de fission non volatils, tels le strontium, ainsi que du pluto-
nium. Au cas où le réacteur serait construit dans un endroit habité, les pertes en vies
humaines seraient très grandes. (...) La possibilité d'une importante vaporisation du
combustible avec sa dispersion, même partielle, dans l'atmosphère, doit l'emporter sur
toute autre considération. (...) Il a été calculé que la libération de 10 % d'un surgénérateur
de puissance aurait des conséquences de dix à cent fois pires que celles que nous avons
décrites dans le cas d'un réacteur thermique. L'effet le plus important serait dû à l'inha-
lation des produits de fission non volatils, aboutissant à un développement des cancers
du poumon dans la population qui se serait trouvée dans la zone balayée par le vent au
moment de l'accident ; quant au sol de cette même région très étendue, il serait pollué
par le plutonium et le césium25
. »
24 La réactivité du combustible dépend de nombreux facteurs, notamment sa compacité, à savoir sa répartition
dans l'espace. Plus le combustible est compact, plus il est réactif car les neutrons ont alors une moindre proba-
bilité de s'échapper. La compacité est maximale avec une sphère pleine. Dans un réacteur, le combustible est
peu compact, car réparti sous formes de pastilles empilées dans de longs étuis (crayons de combustible), légè-
rement espacés et disposés verticalement en fagots (assemblages de combustible). Si le combustible se met à
fondre à cause d'une surchauffe (elle-même causée par la perte accidentelle du contrôle de la réactivité), il peut
former une masse compacte très réactive. Avec un réacteur thermique, ce supplément de réactivité est contre-
carré par le fait que le modérateur n'agit plus sur le combustible compacté (alors qu'il augmente la réactivité du
combustible réparti dans les assemblages baignant dans le modérateur), ce qui n'est pas le cas avec un réacteur
rapide puisqu'il fonctionne sans modérateur, d'où le risque. Pour rappel, le modérateur est utilisé afin de pallier
le manque de réactivité des combustibles peu enrichis. L'accident survenu à la centrale nucléaire de Three
Miles Island (Pennsylvanie, USA) le 28 mars 1979 s'était soldé par la fusion partielle du coeur d'un réacteur.
Cet accident a été classé au niveau 5 de l'échelle internationale des événements nucléaires (INES) qui compte
sept niveaux de gravité. Les accidents de Tchernobyl et Fukushima ont été classés aux niveaux 7 et 6.
25 D'après Arjun Makhijani (Institute for Energy and Environmental Research) : « Des études sur le chien beagle
avaient montré que l'inhalation d'une petite quantité de plutonium sous forme d'oxyde insoluble avait une très
haute probabilité d'induire un cancer du poumon. En extrapolant ces données à l'homme, le chiffre pour une
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Et le rapport de conclure : « Les conséquences d'un tel accident sont si graves que le sur-
générateur peut difficilement être considéré comme une future éventualité commerciale
majeure, du moins tant qu'on n'aura pas établi avec certitude et confiance qu'il est possible
d'éviter les accidents de réactivité menant à la vaporisation du combustible. » Dans son
dossier de presse du 31 mars 2010, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) prétend
que la filière RNR sodium est l'option la plus réaliste pour un déploiement en 2040 (par
rapport aux filières concurrentes gaz et plomb-bismuth). Quelles garanties peut-on avoir
que le programme ASTRID du CEA répondra aux recommandations formulées dans la
conclusion du rapport britannique ? Aucune, à la lecture de la note de synthèse sur les
réacteurs de quatrième génération, publiée en novembre 2007 par l'Institut de radiopro-
tection et de sûreté nucléaire (IRSN), dans la section consacrée au risque de fusion du
cœur : « Les démonstrations (...) sur les risques de recriticité26
ne sont pas aisées et font
appel à des modèles de neutronique, de thermique et de mécanique très complexes, dont
le développement, la validation et la qualification seraient à poursuivre le cas échéant. »
Bel aveu de l'incertitude qui pèse sur la maîtrise du risque ! Au CEA on ferait bien de
méditer la sentence de l'astrophysicien Hannes Alfven, prix Nobel de physique en 1970 :
si un problème est trop difficile à résoudre, nul n'a le droit d'affirmer qu'il a été résolu
par les seuls efforts faits pour le résoudre. Conclusion :
UN MONDE NUCLÉARISÉ AVEC DES RÉACTEURS
RAPIDES AU SODIUM EST UN FANTASME
DE NUCLÉOCRATE ENRAGÉ
« Il n'est pas écrit dans les lois de la Nature que le seul nucléaire possible soit celui que
nous connaissons » peut-on lire sur le site français ''La radioactivité.com''. « Parmi les
filières qui pourraient voir le jour, une des plus attirantes par son caractère novateur est
celle des réacteurs hybrides ou ADS (Accelerator Driven Systems). Les ADS marieraient
deux technologies éprouvées, celle des accélérateurs et celle des réacteurs, le rôle de
l'accélérateur étant de fournir un appoint de neutrons. L'idée d'associer un accélérateur
de haute intensité à un réacteur date des années 1950, à Los Alamos. Grâce à l'appoint
charge fatale de plutonium au poumon est d'environ 27 microgrammes. Bien sûr, une telle extrapolation à partir
des animaux présente quelques incertitudes. Cependant il est raisonnable de conclure que plusieurs dizaines de
microgrammes de plutonium-239 dans les poumons augmenteraient considérablement les risques de cancer du
poumon. De plus grandes quantités de plutonium produiraient aussi des problèmes de santé à cours terme. Une
des rares tentatives de suivi, pour analyser les effets de l'exposition de sujets à des doses de quelques microgram-
mes de plutonium, est une étude à long terme sur 26 "hommes de race blanche" du Manhattan Project qui
furent exposés à Los Alamos en 1944 et 1945 sur le lieu de fabrication des premières armes atomiques. Ces
sujets ont été suivis pendant de nombreuses années, les bilans de leur état de santé ont été publiés, le plus récent
en 1991. Sept de ces sujets étaient décédés en 1991. Un cancer des os (sarcome osseux) était à l'origine de l'un
des décès. Le cancer des os est rare chez les humains. Sa fréquence attendue dans un groupe de 26 personnes
sur une durée de 40 ans est seulement de 1 sur cent. Ainsi son existence chez une personne exposée au pluto-
nium (qui d'ailleurs a reçu une dose inférieure au seuil admis par les règles de radioprotection) est significative. »
26 Il s'agit du risque d'une réaction en chaîne explosive dans la masse compacte formée par le combustible fondu,
suite à la perte de contrôle de la réactivité du réacteur, à cause d'une défaillance quelconque. L'explosion d'une
bombe atomique de type Nagasaki est provoquée par la compaction fulgurante, au moyen d'un explosif
chimique, d'une sphère creuse de 8 kg de plutonium. Le combustible d'un réacteur rapide comme SuperPhénix
(1200 MWe) contient 5 tonnes de plutonium (certes diluées dans 20 tonnes d'uranium 238, qui est non fissile).
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de neutrons fourni par l'accélérateur, le réacteur peut fonctionner dans un régime sous-
critique tout en produisant de l'énergie. La réaction en chaîne perd son caractère explosif.
Il suffit de couper l'accélérateur pour arrêter le réacteur27
. L'accélérateur délivrerait des
protons capables par leur énergie d'extraire lors d'une collision avec un noyau lourd une
vingtaine de neutrons. Ces neutrons, appelés neutrons de spallation28
, mis en présence
du matériau fissile du réacteur y déclencheraient ensuite des réactions de fission en
nombre limité, le réacteur étant sous-critique. Ce nombre de fissions restant toutefois
élevé, l'énergie récupérée dépasserait de beaucoup celle consommée par l'accélérateur29
.
Le surplus de neutrons rapides apporterait une grande souplesse dans le choix du com-
bustible. On pourrait utiliser des combustibles à base de thorium (plus abondant que
l'uranium)30
, détruire ainsi le plutonium existant sans en produire et brûler les actinides,
considérés comme les déchets les plus gênants de l'énergie nucléaire. Les ADS sont
principalement envisagés pour cette application de la transmutation des déchets. Ces
vertus rendent séduisants les réacteurs hybrides, mais cette filière demande des dévelop-
pements technologiques importants. D'ambitieux programmes de recherches ont été
entrepris pour en valider les principes. Un premier démonstrateur, avant un prototype à
l'échelle industrielle, pourrait voir le jour vers 2025. C'est le projet MYRRHA soutenu
par la Communnauté européenne et développé au laboratoire de Mol en Belgique. »
Le réacteur hybride, séduisant par sa polyvalence et la maîtrise de la réactivité, serait la
panacée du secteur électronucléaire promise par MYRRHA. Rien n'est moins sûr ...
Le CEN, qui pilote le projet, anticipe des problèmes de radiotoxicité : « Un second aspect
de la sécurité concerne des problèmes spécifiques de radiotoxicité en relation avec le
système de refroidissement des ADS par des métaux liquides. En l'occurence, la R&D se
concentre sur les risques majeurs de radiotoxicité induits par la formation et la libération
de mercure 194 à longue durée de vie dans la boucle de spallation et de polonium 210. »31
27 Les réacteurs classiques ont une réactivité positive : la réaction en chaîne est stabilisée (annulation de la réac-
tivité) grâce à des barres de contrôle qui absorbent les neutrons excédentaires. Le caractère sous-critique du
réacteur hybride signifie que sa réactivité est négative. Le maintien de la réaction en chaîne nécessite une source
externe de neutrons, fournis par l'accélérateur (c'est en quelque sorte le principe inverse du réacteur classique).
Le réacteur hybride ne risque pas de s'emballer de lui-même, contrairement à ce qui peut arriver avec un réacteur
classique. C'est l'intensité du faisceau de protons qui détermine la puissance délivrée par le réacteur hybride,
l'arrêt du faisceau provoquant l'arrêt du réacteur.
28 L'accélérateur dirige un faisceau de protons sur une cible en alliage plomb-bismuth, appelée cible de spallation.
Les noyaux atomiques de la cible, bombardés de protons très rapides, réagissent en éjectant des neutrons.
29 Dans un réacteur hybride, la quantité d'énergie consommée par l'accélérateur est petite comparée à celle délivrée
par le réacteur. Pour cette raison, les réacteurs hybrides sont parfois appelés « amplificateurs d'énergie » : la puis-
sance électrique à la sortie mesure environ 30 fois celle à l'entrée.
30 Le thorium est trois à quatre fois plus abondant sur Terre que l'uranium. Le thorium (isotope 232
Th) n'est pas
fissile mais bien fertile : il se transforme en uranium 233, qui est fissile, après avoir capturé un neutron.
31 La demi-vie du mercure 194 mesure 444 ans. Le polonium 210, dont la demi-vie est de 138 jours, est un terrible
poison radiologique. Il fit l'actualité en novembre 2006 avec l'empoisonnement à Londres de l'ex-espion du
KGB, Alexandre Litvinenko. D'après Wikipédia : « La quantité de polonium-210 qui lui aurait été administrée
était probablement très élevée, puisqu’elle a conduit à son décès en 3 semaines. En utilisant des données toxi-
cologiques sur les animaux de laboratoire, on peut imaginer qu’il s’agissait de quelques microgrammes. »
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Ainsi, le programme MYRRHA, censé apporter une solution aux déchets très gênants
que sont les transuraniens, pose un problème de formation de dangereux radio-isotopes
spécifiques à cette technologie.
Dans sa note de synthèse, l'IRSN pointe les problèmes de corrosion que posent les sys-
tèmes refroidis par des métaux liquides tels que le plomb ou le plomb-bismuth (cas du
réacteur hybride développé à Mol) : « Un avantage du plomb ou d’un alliage plomb-
bismuth réside dans l’absence de réaction chimique avec l’eau ou l’air, au contraire du
sodium (...) Ce concept est dérivé des réacteurs de sous-marins russes de classe Alpha,
refroidis par un alliage plomb-bismuth (...) La principale difficulté liée aux LFR réside
dans la nature fortement corrosive du plomb fondu à l’égard des structures en acier. La
seule méthode de préservation connue consiste à créer puis à entretenir une couche
protectrice d’oxydes de fer à la surface des aciers en contact avec le plomb. Elle suppose
l’injection d’oxygène dans le plomb et l’épuration des oxydes de plomb et des résidus de
corrosion présents dans celui-ci. Cette méthode a été mise au point pour l’exploitation
des réacteurs de sous-marins, mais des écarts dans son application ont conduit à des
accidents graves sur deux bâtiments (bouchages, fusion d’assemblages) et l’un d’entre
eux a été coulé. (...) Ainsi, compte tenu du retour d’expérience et de l’état actuel des
connaissances, un déploiement de réacteurs LFR à l’échelle industrielle n’apparaît pas
crédible aux échéances envisagées ; en tout état de cause, la réalisation d’un premier
réacteur expérimental nécessiterait de lever un certain nombre de verrous technologiques
et de résoudre certaines questions de sûreté. »
En régime de croisière, le nucléaire de génération IV produit autant de transuraniens qu'il
en consomme, et il existera en permanance un stock de transuraniens inventorié (ceux
dans les réacteurs, ceux en attente ou en cours de retraitement) et stabilisé. Le jour où le
monde sortira du nucléaire – ce qui arrivera tôt ou tard – le réacteur hybride pourra servir
à « brûler » ce stock fort gênant, c'est-à-dire faire office d' « incinérateur » (et non de régé-
nérateur de matière fissile). Mais cette facilité pourrait servir d'argument au développe-
ment de la filière SFR (dont nous avons exposé la dangerosité), chère aux Français et
pressentie pour être déployée en premier. En outre, atténuer la problématique des déchets
signifie nullement l'éliminer, surtout dans la perspective d'un essor de l'industrie électro-
nucléaire. Dans le meilleur des cas, les déchets ultimes nécessiteront un confinement dont
la durée se compte en siècles. MYRRHA n'offrira donc pas la panacée attendue et
MYRRHA POURRAIT BIEN RIMER
AVEC MIRAGE TECHNOLOGIQUE
Nous n'allons pas nous étendre sur la filière GFR du réacteur rapide refroidi au gaz, bal-
butiante et seulement à l'état de concept. Le gaz en question est l'hélium, qui a l'avantage
d'être totalement transparent aux neutrons (il ne devient donc pas radioactif) et chimique-
ment neutre (pas de souci de corrosion). Cependant, l'hélium doit être mis à haute pres-
sion pour évacuer convenablement la chaleur, et le réacteur construit avec des matériaux
innovants pour résister aux conditions difficiles de température (environ 1000°C) et de
pression (70 bars) propres au concept. Le projet ALLEGRO vise la construction d'un
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 14/25
petit réacteur de démonstration, non producteur d'électricité. En l'abscence de retour
d'expérience pour cette technologie, on peut dire que
L'ABOUTISSEMENT DE LA FILIÈRE
GFR EST FORT HYPOTHÉTIQUE
Le nucléaire de génération IV, qui vise à optimiser l'utilisation des ressources énergétiques,
implique le multirecyclage des matières fissiles et fertiles du combustible usé (uranium et
transuraniens). En principe, les déchets se réduisent aux seuls produits de fission : on dit
que le cycle du combustible est fermé. Le recyclage du combustible usé comporte deux
étapes. Premièrement le retraitement, qui consiste à récupérer l'uranium, le plutonium et
les actinides mineurs, et à conditionner les produits de fission en vue de leur confinement
définitif. Deuxièmement, la transformation des matières récupérées en combustible neuf.
Actuellement, le retraitement fait appel au procédé PUREX, qui sépare les composants
du combustible usé en trois parties : l'uranium, le plutonium, et un cocktail très radio-
actif constitué des actinides mineurs (neptunium, américium, curium) et des produits de
fission. Le combustible dérivé du retraitement est le MOX, un mélange de plutonium et
d'uranium à l'état d'oxydes. Ces procédés sont appelés à évoluer dans la perspective du
nucléaire de quatrième génération avec, notamment, l'extraction et le recyclage des actini-
des mineurs. On envisage l'utilisation conjointe de plusieurs types de combustibles : MOX,
MOX avec actinides mineurs, et actinides mineurs seuls.
Le procédé PUREX est polluant. L'usine de La Hague en Normandie, qui retraite le com-
bustible usé des centrales nucléaires françaises, suisses, allemandes et japonaises, est mon-
trée du doigt par les écologistes pour ses effluents radioactifs rejetés dans la nature, même
si elle respecte les normes en la matière
(sujettes à controverses). Le diagramme
ci-contre montre que les progrès de la
technologie n'ont pas réussi à diminuer
les émissions de tritium32
par tonne de
combustible retraité. Or « aucune solu-
tion ne se dégage pour le tritium »33
. Si
l'usine devait multiplier par trois ses acti-
vités de retraitement (par rapport à 2004)
pour tourner à pleine capacité, les rejets
de tritium dans la Manche dépasseraient
la limite légale autorisée. Cette pollution
radioactive n'est pas conciliable avec le déploiement de systèmes nucléaires de quatrième
génération.
Le procédé COEX, développé par le CEA, est présenté comme une évolution positive
32 Le tritium, qui est radioactif, est le nom donné à l'hydrogène 3 (un proton et deux neutrons).
33 Source : www.laradioactivite.com (déchets radioactifs >> Retraitement du combustible >> Performances).
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 15/25
© AREVA (source COGEMA)
du PUREX, offrant une meilleure résistance à la prolifération du fait que le plutonium
ne se trouve isolé à aucun moment34
. Une amélioration toute relative sachant que le pluto-
nium peut facilement être extrait du MOX, si l'on en croit Bruno Barrillot, directeur de
recherche à l'Observatoire des armes nucléaires françaises : « Des chercheurs américains
expliquent que (...) l'extraction du plutonium du MOX peut se faire de façon simple et
rapide en créant un atelier de retraitement à partir d'équipements disponibles dans la
fabrication de vin, les laiteries ou les raffineries d'huile. Cet atelier de retraitement pour-
rait être mis sur pied en quatre mois pour produire ensuite le plutonium nécessaire à la
fabrication d'une bombe une semaine plus tard. »
En mai 2008, le journal Le Soir rapporta l'inquiétude de l'Agence internationale de l'éner-
gie atomique (AIEA) suite à l'intérêt de nouveaux pays pour le nucléaire: « Le constat
est sans appel, inquiétant. Près de quarante pays en voie de développement ont adressé
récemment une demande d'assistance auprès de l'AIEA pour développer un programme
nucléaire de production d'électricité. Ce regain d'intérêt pour l'atome suscite les inquié-
tudes croissantes des experts onusiens de la lutte antiprolifération nucléaire. A l'agence
de Vienne, tous les regards se tournent vers le Moyen-Orient, chaudron de la politique
internationale depuis soixante ans, où pas moins de onze Etats envisagent très sérieuse-
ment de sauter le pas et de se doter d'un programme nucléaire, toujours très officielle-
ment à des fins civiles. » La perpective des systèmes de quatrième génération, économes
en uranium et nécessitant le plutonium généré par les réacteurs actuels pour démarrer,
encourage ces pays à développer rapidement un programme électronucléaire, avec tous
les risques de prolifération que cela comporte. Bref, malgré le discours rassurant du lobby
nucléaire,
LA PROLIFÉRATION ET LA POLLUTION RADIOACTIVE NE
SONT PAS DES PROBLÈMES EN VOIE DE RÉSOLUTION
34 Le plutonium est extrait avec une partie de l'uranium (procédé de COEXtraction), ce qui le rend impropre à un
usage militaire.
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négawatts
4. Le confort sans le nucléaire, c'est parfaitement possible !
Pour les objecteurs de croissance, notre civilisation techno-industrielle sera véritablement
durable le jour où elle ne dépendra plus de ressources non renouvelables, étant devenue
une bioéconomie où la matière circule en boucle fermée au fil de ses multiples transfor-
mations. L'exploitation de l'énergie nucléaire viole ce principe fondamental en consom-
mant et détruisant irréversiblement des matières premières non renouvelables : aujourd'hui
l'uranium, demain peut-être le thorium. De plus, comme le chapitre précédent l'illustre à
suffisance, le risque d'exploitation guerrière, la dangerosité et la longévité des substances
radioactives manipulées, combinées à l'extrême complexité de phénomènes physiques
grossièrement compris, font que le concept de nucléaire durable est une mystification.
Le nucléaire, même de quatrième génération, est une aventure industrielle écologiquement
périlleuse et hasardeuse, un fantasme prométhéen dont il faut sortir au plus vite.
Est-ce possible sans devoir renoncer au confort matériel de la société moderne ? Assuré-
ment ! A la demande de l'organisation écologiste Greenpeace et du Conseil européen des
énergies renouvelables (EREC)35
, une étude a été réalisée en Allemagne par le Centre
national de recherche pour l'aéronautique et l'espace (DLR). But : déterminer dans quelle
mesure l'Europe pourrait se libérer des énergies fossiles et nucléaires qui, outre qu'elles
polluent et sont non durables, affectent gravement son indépendance énergétique. L'étude
s'est conclue en juin 2010 avec la publication d'un rapport intitulé « Energy [R]evolution »,
applaudi par le commissaire européen à l'Énergie, Günther Oettinger. Le rapport expose
deux scénarios d'évolution de la consommation d'énergie primaire – le premier « basique »
(E[R]) et le second « avancé » (advE[R]) – à comparer avec l'évolution prévue par l'Agence
internationale de l'énergie et considérée comme scénario de référence (REF) :
La [R]évolution énergétique basique réduit de 80 % les émissions européennes de CO2,
comparées à celles de 1990, d'ici à 2050, tandis que l'UE sort totalement du nucléaire. Le
35 Le Conseil européen des énergies renouvelables fédère les organismes qui représentent les intérêts des industries
et des centres de recherche actifs dans les secteurs du photovoltaïque, de l'hydroélectricité, du solaire thermique,
de la biomasse, de la géothermie, de l'énergie hydro-océanique (marées, houle, courants marins), de l'éolien, et
de la génération d'électricité à partir du rayonnement solaire concentré.
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scénario exploite les sources rentables d'énergie renouvelable et le formidable potentiel
d'amélioration de l'efficacité énergétique : isolation thermique des bâtiments, convertis-
seurs d'énergie plus performants (éclairage, moteurs ...), cogénération36
. Remarquons que
la consommation effective augmentée des « négawatts » (énergie économisée grâce à une
meilleure efficacité) est à peine inférieure à celle du scénario de référence : la [R]évolution
énergétique ne signifie donc adopter le mode de vie des Amish.
La [R]évolution énergétique avancée améliore de façon spectaculaire l'indépendance éner-
gétique, avec 92 % des besoins couverts par les sources renouvelables d'énergie, dope le
savoir-faire des Européens dans les technologies vertes et opère un freinage d'urgence
sur les émissions de gaz à effet de serre (réduction de 95 % des émissions de CO2). Ce
scénario requiert une sortie rapide du nucléaire et suppose que les centrales au charbon
ne fonctionnent pas plus de 20 ans, soit la moitié de leur durée de vie théorique37
. Il
suppose aussi moins de transports routiers (organisation multimodale des transports38
,
ferroutage), l'expansion plus rapide de la cogénération ainsi que des systèmes de chauf-
fage solaires et géothermiques (pompes à chaleur sur puits canadiens) et une amélioration
plus rapide de l'efficacité énergétique des véhicules à combustion. Une croissance plus
forte des véhicules électriques, combinée à l'implantation rapide de réseaux électriques
intelligents39
(dix ans plus tôt que dans le premier scénario), permettra d'accroître la part
d'électricité issue des sources intermittentes d'énergie (solaire, éolien).
Les deux scénarios sont basés sur des technologies existantes et éprouvées, contrairement
au nucléaire de génération IV. Combien tout cela va-t-il coûter ? D'ici à 2050, les investis-
sements d'infrastructure pour la [R]évolution énergétique avancée entraînent un coût
supplémentaire de 1.800 milliards d'euros par rapport au scénario de référence. MAIS
l'énergie des sources renouvelables est GRATUITE, contrairement aux combustibles dont le
prix ne fera qu'enchérir, déplétion oblige. L'économie réalisée sur les combustibles est
estimée à 2.600 milliards, soit un BÉNÉFICE NET de 800 milliards !
36 La cogénération est un principe de production simultanée d'électricité et de chaleur, la chaleur étant issue de la
production électrique ou l'inverse. Par exemple, la chaleur dégagée par un moteur électrogène à combustion
peut très bien servir à produire de l'eau chaude.
37 Le charbon est le combustible fossile qui émet le plus de gaz carbonique par unité de chaleur produite.
38 Combinaison de différents mode de transport pour aller d'un point à un autre.
39 Le réseau intelligent de distribution d'électricité – « smart grid » en anglais – utilise des technologies informa-
tiques de manière à optimiser la production et la distribution et mieux mettre en relation l'offre et la demande
entre les producteurs et les consommateurs d'électricité.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 18/25
5. Quelle solution pour les déchets nucléaires accumulés ?
Telle est la question, lancinante, qui doit encore être réglée pour sortir convenablement
du nucléaire. A ce jour, il n'existe malheureusement pas de solution sûre faisant l'unani-
mité. Une idée qui fait son chemin est l'enfouissement définitif, à grande profondeur dans
des couches géologiques appropriées, qui confineront les déchets le temps qu'ils devien-
nent inoffensifs pour la biosphère. On vise le million d'années. Toute la difficulté réside
dans la certification des sites susceptibles de les accueillir. Personne ne peut prédire, avec
certitude absolue, l'interaction à long terme entre les colis de déchets et leur environne-
ment géologique. Le principe de précaution veut que l'enfouissement soit réversible,
autrement dit que le dépôt reste accessible pour pouvoir récupérer les déchets en cas de
problème, voire de progrès technique futur.
A des fins d'enfouissement théoriquement définitif mais réversible, la France a construit
à Bure, aux confins des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, un laboratoire
souterrain dans une zone géologiquement très calme du Bassin Parisien. Des galeries
expérimentales ont été creusées à 500 m de profondeur, dans une couche argileuse appelée
à faire office de barrière naturelle. Les recherches visent à explorer toutes les remontées
possibles de radioéléments, à longue échéance. Il s’agit d’étudier les réactions chimiques,
les circulations d’eau, les effets des glaciations à venir, des tremblements de terre et des
intrusions humaines susceptibles de ramener des radioéléments à la surface.
Suivant le même principe, la Belgique envisage de stocker définitivement ses déchets nuclé-
aires dans le sous-sol argileux de Boom (Projet de Plan Déchets de l'ONDRAF40
). En
réponse à l'enquête publique sur ce projet, la fédération Inter-Environnement Wallonie
(IEW) a formulé plusieurs critiques :
► La présence d’un aquifère important au dessus de la couche d'argile, le second
pour le captage d'eau potable en Belgique et le principal pour le nord-est du pays.
► La faible profondeur du dépôt, situé entre 200 et 300 mètres, alors que d'autres
pays comme la France et les Pays-Bas se concentrent sur des couches d'argiles à 500
mètres de profondeur.
► La proximité du système de failles du Graben de la Vallée de la Roer, une zone
sismique active où la possibilité d'un grand tremblement de terre n'est pas à exclure.
Au vu de ces inconvénients, IEW doute que l'argile de Boom soit bien la meilleure option
pour accueillir une installation de dépôt et demande que d'autres formations géologiques
continuent à être explorées, parallèlement à la solution d'un entreposage prolongé en sur-
face dans l'attente – et l'espoir – que les scientifiques finissent par découvrir une solution
offrant de meilleures garanties.
Le dépôt géologique définitif présente l'avantage de ne pas léguer aux générations futures
le fardeau de la gestion et de la surveillance de déchets dont ils ne sont pas responsables.
40 Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 19/25
Hélas ! la fiabilité de cette solution est difficile à garantir à l'horizon de milliers de siècles.
Pour échapper au risque de la solution géologique, il ne reste que l'entreposage contrôlé,
à durée indéterminée. Mais dans ce cas, outre l'héritage embarrassant légué à nos descen-
dants, on expose l'humanité au risque sociétal. En effet, rien ne permet de prédire que la
société évoluera en conservant la capacité de gérer les entrepôts. Ainsi, nous devons bien
constater que
LE PROBLÈME DES DÉCHETS
NUCLÉAIRES EST CORNÉLIEN
Le concept d'entreposage géologique réversible permet une gestion combinée des deux
risques (géologique et sociétal) : les déchets sont stockés et surveillés dans une profonde
mine spécialement aménagée, avec les meilleures garanties possibles de confinement, la
société pouvant décider à tout moment la fermeture et le colmatage définitif de l'accès si
elle estime ne plus pouvoir s'en occuper ou en cas de risque accru de dégradation rapide
des conditions sociétales, comme la menace d'une guerre.
Le risque sociétal, c'est-à-dire le risque encouru par la communauté humaine de perdre le
bon ordre politique, économique et technologique nécessaire au confinement des matières
fissiles et des substances radioactives, concerne tous les domaines d'activité de l'industrie
nucléaire, pas seulement la gestion des déchets. Ce risque est grave au regard de l'histoire,
riche en basculements soudains. La décomposition de l'empire soviétique (URSS), qui
suivit la chute du Mur de Berlin, a créé des conditions propices à d'inquiétants trafics : en
avril 2009, des agents du Service de sécurité ukrainien avaient arrêté trois individus en
possession de 3,6 kg de plutonium dans un conteneur d'origine russe, probablement des-
tiné à être vendu 10 millions de dollars à une organisation terroriste41
. La catastrophe de
Tchernobyl (26 avril 1986) a pour origine l'opacité du régime autocratique de l'URSS qui
favorisait des intérêts particuliers au détriment de la sécurité. Le sens des responsabilités
et de l'intérêt général est un facteur déterminant de la sûreté du nucléaire. La faiblesse irré-
ductible de la nature humaine est une raison suffisante pour abandonner sans tarder cette
dangereuse ressource énergétique.
41 Les terroristes peuvent utiliser du plutonium pour fabriquer une "bombe sale", un engin muni d'un explosif
chimique qui provoque la dissémination d'un matériau très radiotoxique, sans réaction nucléaire. La fabrication
d'une bombe atomique au plutonium est réputée trop complexe pour une organisation terroriste.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 20/25
6. Le double visage de MYRRHA
MYRRHA est une infrastructure multifonctionnelle présentée comme suit par le CEN :
1) MYRRHA va démontrer que le réacteur hybride ADS parvient à réduire considé-
rablement les déchets les plus gênants produits par l'industrie électronucléaire (acti-
nides mineurs et certains produits de fission à cause de leur longue demi-vie), en les
transmutant en déchets de plus courte demi-vie. C'est le rôle dit d'incinération, censé
atténuer le problème posé par la durée de confinement des déchets radioactifs.
2) Des combustibles et des matériaux innovants doivent être testés et validés pour
les différents concepts de réacteurs de quatrième génération. Leur mise au point
nécessite des installations d'irradiation offrant des conditions d'expérimentation
totalement contrôlées et représentatives. Par son design, MYRHHA répond à ces
besoins. Bien que MYRRHA ait spécialement été conçu pour tester et prouver le
bon fonctionnement de différents composants technologiques pour la filière LFR,
MYRRHA servira aussi à tester de nouveaux développements technologiques dans
le domaine des capteurs et de l'instrumentation pour les futurs réacteurs à fission, à
fusion, et pour les applications spatiales.
3) L'exploitation des énergies renouvelables par les éoliennes et les panneaux photo-
voltaïques, ainsi que les véhicules hybrides ou électriques, reposent sur la technolo-
gie des semi-conducteurs fabriqués à partir de silicium irradié par des neutrons afin
d'homogénéiser leur résistivité. L'irradiation a lieu actuellement dans des réacteurs
tels que le BR2 de Mol, qui arrive en fin de vie, et sera poursuivie avec MYRRHA.
4) Après le démantèlement du BR2, la production de radio-isotopes pour la méde-
cine nucléaire sera poursuivie avec MYRRHA.
5) MYRRHA servira comme outil de recherche dans la technologie du cycle du
combustible, la physique des réacteurs, la science des matériaux, la physique des
neutrons, les sciences naturelles, et permettra de faire des progrès dans différents
domaine de la physique fondamentale.
En résumé, pour les objecteurs de croissance MYRRHA présente un double visage :
1) Une plateforme inacceptable de R&D pour la pérennisation de l'industrie électro-
nucléaire (systèmes nucléaires de quatrième génération et réacteur à fusion42
).
2) Un outil éventuellement acceptable pour la recherche fondamentale et la fabrica-
tion d'isotopes à usage médical et de silicium irradié, utile dans le domaine des éner-
gies renouvelables.
42 La fusion nucléaire contrôlée (projet international ITER de création d'un réacteur abritant un ''soleil en minia-
ture'') ne trouve pas davantage grâce aux yeux des objecteurs de croissance que la fission nucléaire. ITER
engloutit des budgets faramineux pour le développement d'une technologie qui doit résoudre le problème
titanesque de maintenir en suspension dans le vide un plasma à cent millions de degrés ! En outre, la fusion
nécessite la consommation et la destruction irréversible du deutérium extrait de l'eau, et du lithium qui doit
être transmuté en tritium préalablement à la réaction de fusion, sans compter d'autres inconvénients.
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 21/25
7. Conclusion politique
Le concept de nucléaire durable est chimérique, un pur produit de l'idéologie producti-
viste de la croissance économique perpétuelle, insensée dans un monde fini, qui saccage
la biosphère et épuise les ressources naturelles. L'urgence et la nécessité écologiques nous
imposent une transition rapide vers une économie dépendant exclusivement de ressources
énergétiques renouvelables. « Se passer des énergies nucléaire et fossile est faisable, tant
d'un point de vue technique que financier » affirma Günther Oettinger, Commissaire
européen à l'Energie, en juillet 2010 lors d'une conférence de presse de Greenpeace sur
la [R]évolution énergétique. Cette déclaration contraste avec le soutien de la Commission
européenne à l'Initiative industrielle européenne pour un nucléaire durable (ESNII), un
programme à long terme qui vise à pérenniser la périlleuse industrie électronucléaire et
auquel participe le projet MYRRHA. Le mpOC constate et dénonce le manque de cou-
rage politique face aux pressions que le lobby nucléaire exerce au détriment des généra-
tions futures.
La maîtrise du risque nucléaire est surhumaine. Ce risque est inacceptable par son impact
potentiel à très long terme sur la biosphère. Abandonner le nucléaire est la seule leçon
raisonnable à tirer des accidents désastreux de Tchernobyl et Fukushima. La recherche
scientifique doit aider à sortir proprement du nucléaire, en se concentrant notamment
sur la problématique des déchets radioactifs accumulés, et non développer des systèmes
de quatrième génération ou à fusion. En particulier, les missions du Centre d'étude sur
l'énergie nucléaire (CEN) de Mol doivent être redéfinies dans ce sens. Le projet MYRRHA
doit être suspendu et remis en question par un collège d'experts indépendants en fonction
d'objectifs restreints qui doivent être réévalués : la transmutation des composants les plus
gênants des combustibles usés43
, la production d'isotopes à usage médical, la fabrication
de silicium irradié pour les applications relevant des énergies renouvelables.
(Dépasse peut-être le cadre du présent rapport) L'industrie nucléaire française, représen-
tée par le groupe AREVA, est toute puissante. La France, dont 80 % de l'électricité dérive
de l'énergie atomique, a une approche très protectionniste de la politique énergétique au
sein de l'Union européenne en privilégiant l'option nucléaire. C'est intolérable en terme
de sécurité pour les dizaines de millions de citoyens européens qui seraient touchés en
cas d'accident grave dans une centrale nucléaire française, dont plusieurs sont situées aux
frontières de l'Hexagone (Chooz et Gravelines pour la Belgique). Le mpOC exhorte le
gouvernement et les députés du Parlement européen à faire pression sur la France afin
qu'elle accepte enfin un grand débat national et véritablement démocratique sur l'avenir
du nucléaire.
43 Quelles sont les performances attendues du futur réacteur ADS utilisé comme incinérateur ? Avec quel degré
de confiance ? Avec quel impact sur le confinement des déchets ? Ces questions ne sont pas anodines : le
réacteur produira du mercure 194 dont la demi-vie est de 444 ans, les noyaux d'américium 241 (demi-vie de
432 ans) et 243 (demi-vie de 7370 ans) sont difficilement destructibles (leur probabilité de fissionner après la
capture d'un neutron n'est que de 15 %). En outre, les actinides mineurs présents dans les déchets vitrifiés
issus des usines de retraitement seront-ils récupérés pour être incinérés ?
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 22/25
A1. Liste des acronymes
ADS Accelerator Driven System
AIEA Agence Internationale de l'Energie Atomique
ASTRID Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration
CEA Commissariat à l'Energie Atomique
CEN Centre d'Etude de l'Energie Nucléaire
EREC European Renewable Energy Concil
ESNII European Sustainable Nuclear Industrial Initiative
GFR Gas cooled Fast Reactor
GIF Generation IV International Forum
IRSN Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire
LFR Lead cooled Fast Reactor
MIT Massachussets Institue of Technology
MOX Mixed OXydes
mpOC mouvement politique des Objecteurs de Croissance
MYRRHA Multi-purpose hYbrid Research Reactor for High-tech Applications
ONDRAF Organisme National des Déchets RAdioactifs et des matières Fissiles enrichies
PUREX Plutonim & URanium EXtraction
REP Réacteur à Eau Pressurisé
RNR Réacteur à Neutrons Rapides
SFR Sodium cooled Fast Reactor
SNETP Sustainable Nuclear Energy Technology Platform
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 23/25
A2. Liste des références
« Myrrha : un futur réacteur nucléaire à Mol », RTBF.be
http://www.rtbf.be/info/belgique/nucleaire/myrrha-la-belgique-a-la-pointe-de-la-recherche-nucleaire-281242
« Nucléaire : Myrrha suit son cours malgré les affaires courantes », RTBF.be
http://www.rtbf.be/info/economie/nucleaire/nucleaire-myrrha-suit-son-cours-malgre-les-affaires-courantes-295850
« European Sustainable Nuclear Industrial Initiative (ESNII) Concept Paper »
http://myrrha.sckcen.be/en/MYRRHA/~/media/Files/Myrrha/ESNII%20Concept%20Paper%20-%20v2010-02-03.ashx
Sustainable Nuclear Energy Technology Platform
http://www.snetp.eu/
« Myrrha – Science Towards Sustainability », SCK●CEN
http://myrrha.sckcen.be/en
Site internet de vulgarisation scientifique sur la radioactivité et le nucléaire
http://www.laradioactivite.com/
« [R]évolution énergétique – Vers un avenir énergétique 100% vert pour l'Europe »
http://www.greenpeace.org/belgium/fr/presse/rapports/revolution-energetique/
« Energy [r]evolution – TOWARDS A FULLY RENEWABLE ENERGY SUPPLY IN THE EU 27 »
http://www.greenpeace.org/belgium/Global/belgium/report/2010/7/Energy_Revolution_En.pdf
« Déconstruction de Superphénix : où en est-on ? », La Gazette nucléaire, février 2007
http://resosol.org/Gazette/2007/235236p25.html
« Où en est la déconstruction de la centrale de Creys-Malville ? », LeProgrès.fr
http://www.leprogres.fr/fr/article/2996433/Ou-en-est-la-deconstruction-de-la-centrale-de-Creys-Malville.html
« Speech by Commissioner Oettinger at the Presentation of Greenpeace / DLR – Study
"Energy [R]evolution" on the future of European energy use »
http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/oettinger/headlines/speeches/2010/07/doc/20100708.pdf
European renewable energy council/organisation
http://www.erec.org/organisation.html
« Nucléaire : Le réacteur de 4ème génération c’est le retour des surgénérateurs de type
SuperPhénix », Construire un monde solidaire
http://www.monde-solidaire.org/spip/spip.php?article4058
« Quatrième génération : vers un nucléaire durable », dossier de presse, CEA, 31/2/ 2010
http://www.cea.fr/content/download/33852/575120/file/Reacteurs-generation-4-CEA.pdf
« Réacteurs de quatrième génération », note de synthèse, IRSN, 21/11/2007
http://www.irsn.fr/FR/base_de_connaissances/librairie/Documents/documents_reference/IRSN_reference_reacteurs_qua
trieme_generation.pdf
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 24/25
« Le surgénérateur tel que le critiquent officiellement les Anglais », Science & Vie n°711
http://www.dissident-media.org/infonucleaire/SV_n711_decembre1976.pdf
« Les effets du plutonium sur la santé », Arjun Makhijani, IEER
http://www.ieer.org/ensec/no-3/no3frnch/effets.html
« R&D on Lead-Bismuth technology – Radiotoxicity issues »
http://myrrha.sckcen.be/en/RD/Lead-Bismuth
« Cycle du combustible : faire la transition vers les 3ème et 4ème générations de réac-
teurs », dossier de presse, CEA, 1/7/2008
http://www.cea.fr/content/download/5472/35755/file/Cycle-du-combustible-CEA-juin-2008.pdf
« Réponse d'Inter-Environnement Wallonie à la Consultation du public sur le Projet de
Plan Déchets de l'ONDRAF et sur le rapport sur les incidences environnementales pour
la gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité et/ou de longue durée de
vie », 3 septembre 2010
http://www.iewonline.be/IMG/pdf/CEF_CdS_jd_100903_Plan_ondraf_reponse_IEW.pdf
« Matières fissiles découvertes en Ukraine », 14 avril 2009
http://fr.rian.ru/world/20090414/121111360.html
« Les causes de l'événement Tchernobyl », Jacques Frot, novembre 2000
www.ecolo.org/documents/documents_in_french/fr.causes-Tchernobyl.jfrot.doc
« Le complexe nucléaire », Bruno Barillot, CDRPC, février 2005
« Le premier mort du nucléaire : avant René Allègre, cette industrie n'avait jamais fait de
victime en France parmi le personnel », Le Figaro, 2/4/1994
« La liste qui fait peur aux experts », Le Soir, samedi 24 et dimanche 25/5/2008
« Déchets nucléaires : la cacophonie », Science & Vie n°1118
« Exit le nucléaire, bienvenue aux renouvelables », magazine Greenpeace, printemps 2011
Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 25/25

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Myrrha

  • 1. Le Projet Un mirage technologique ? E. Van Hassel Mouvement politique des objecteurs de croissance (mpOC)
  • 2. Science sans conscience n'est que ruine de l'âme (François Rabelais) Sujet En janvier dernier, les media rapportaient avec un certain chauvinisme l'engagement pris par le gouvernement en affaires courantes de subsidier, à hauteur de 400 millions d'euros, la construction à Mol d'un nouveau réacteur nucléaire de démonstration, dont la mise en service est prévue en 2025. Appelé MYRRHA et conçu par le Centre d'étude de l'énergie nucléaire (CEN), ce programme de recherche et développement fait partie d'un plan stra- tégique européen pour une exploitation durable de l'énergie nucléaire. A l'heure du vingt- cinquième anniversaire de la catastrophe de Thernobyl et où l'histoire tragique vient de se répéter au Japon, le Mouvement politique des objecteurs de croissance (mpOC) dénonce le projet insensé de pérenniser la périlleuse industrie électronucléaire, alors qu'une étude pilotée par le Conseil européen des énergies renouvelables prouve qu'en 2050, l'Europe pourrait couvrir la quasi totalité de ses besoins énergétiques avec le solaire, l'hydraulique, l'éolien, la biomasse et la géothermie. Chapitres 1. La vision européenne d'un nucléaire durable ........................... page 2 2. L'attrait pour les réacteurs à neutrons rapides ......................... page 4 3. Un projet industriel fumeux et délirant ..................................... page 9 4. Le confort sans le nucléaire, c'est parfaitement possible ! ...... page 17 5. Quelle solution pour les déchets nucléaires accumulés ? ........ page 19 6. Le double visage de MYRRHA ................................................. page 21 7. Conclusion politique .................................................................... page 22 Annexes A1. Liste des acronymes .................................................................. page 23 A2. Liste des références ................................................................... page 24 Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 1/25
  • 3. 1. La vision européenne d'un nucléaire durable Telle qu'elle se présente aujourd'hui, la technologie électronucléaire est unanimement reconnue comme étant sans avenir, en raison de trois défauts majeurs : 1) Seulement 16 % de la production mondiale d'électricité est d'origine nucléaire. Malgré ce modeste pourcentage, au rythme actuel de la consommation les réserves d'uranium raisonnablement exploitables seront épuisées avant la fin du siècle. Par conséquent, ladite technologie ne sait pas contribuer durablement à la résolution du formidable défi énergétique posé par : ► La croissance démographique (9 milliards d'humains prévus en 2050 contre 6 mil- liards aujourd'hui) ; ► Le droit de tous à un minimum de confort moderne (deux milliards de nos sem- blables n'ont toujours pas accès à l'électricité) ; ► La déplétion imminente des hydrocarbures fossiles (pétrole et gaz naturel) qui entraînera le remplacement des appareils à combustion par des appareils électriques, particulièrement dans le secteur des transports ; ► La nécessité de réduire rapidement et drastiquement les émissions mondiales de gaz carbonique (les centrales nucléaires n'en sont pas émettrices, contrairement aux centrales au charbon, très polluantes) afin de contenir le réchauffement climatique dans des limites gérables (maximum 2 °C au-dessus de la température moyenne de l'époque pré-industrielle). 2) Afin de préserver la biosphère de toute contamination radioactive, le combustible usé des centrales nucléaires doit être confiné durant des milliers de siècles. On ne pourra sans doute jamais trouver une solution de confinement fiable sur une aussi longue période. 3) Par ses activités d'enrichissement1 de l'uranium et de retraitement2 du combustible usé, l'industrie nucléaire civile peut aisément être détournée à des fins militaires, comme le démontre l'actualité avec les cas de l'Iran et de la Corée du Nord. Les connaissances scientifiques acquises dans le domaine de la fission, de la radioactivité et de la physique des réacteurs permettraient la mise au point d'une nouvelle classe de sys- tèmes nucléaires, dite de génération IV, en production commerciale à l'horizon 2040-2050. Un bond technologique, présenté comme durable par ses promoteurs et qui offrirait les 1 Raffinage de l'uranium pour augmenter sa teneur en noyaux fissiles 235 U constitués de 92 protons et 143 neu- trons, au détriment des noyaux non fissiles 238 U constitués de 92 protons et 146 neutrons (noyau 238 U = noyau 235 U + 3 neutrons). Le nombre de protons est le nombre atomique de l'élément chimique auquel appartient le noyau (ou l'atome, sachant qu'un atome est un noyau (amas de protons et de neutrons) entouré d'un nuage d'électrons en nombre égal au nombre de protons). L'uranium est le 92e élément chimique (car 92 protons), composé de deux isotopes qui se distiguent uniquement par le nombre de neutrons : 235 U (uranium 235) et 238 U (uranium 238). Le nombre accolé au symbole chimique U est le nombre de nucléons (protons + neutrons), aussi appelé nombre de masse car le proton et le neutron ont pratiquement la même masse. 2 Récupération du plutonium qui s'est formé dans l'uranium (combustible nucléaire) durant son passage en réac- teur et qui est riche en noyaux fissiles 239 Pu constitués de 94 protons et 145 neutrons. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 2/25
  • 4. principales améliorations suivantes : 1) L'utilisation de toute l'énergie de l'uranium, contre 1 % actuellement. 2) L'exploitation du contenu énergétique du stock croissant de déchets nucléaires généré par la technologie actuelle. 3) Des déchets radioactifs ultimes nécessitant une durée de confinement de « seule- ment » quelques siècles. 4) Une technologie plus sûre et plus résistante à la prolifération3 . Pour passer de la théorie séduisante (un tout au nucléaire sûr, économique, résistant à la prolifération et durable des millénaires) à la pratique, de fameuses percées technologiques sont nécessaires. D'importants projets de recherche et développement (R&D) sont en cours de coordination au niveau mondial, via le « Forum international Génération IV » (GIF). L'Europe a défini sa propre stratégie au sein de la « Plateforme pour une techno- logie nucléaire durable » (SNETP), une organisation créée en 2007 et dont les parties prenantes sont la Commission européenne, des groupes industriels, des académies, des centres de recherche et d'autres organismes. Le programme de la SNETP, appelé « Initia- tive industrielle européenne pour un nucléaire durable » (ESNII), consiste à construire trois réacteurs de démonstration à neutrons rapides : Type Caloporteur Programme Implantation Mise en service SFR Sodium ASTRID Marcoule (Fr) 2020 LFR Plomb-Bismuth MYRRHA Mol (B) 2025 GFR Hélium ALLEGRO Non fixé4 2025 Chacune des trois filières présente ses propres avantages et inconvénients, ceux-ci devant être soigneusement traités afin d'offrir les meilleures garanties de sécurité. A l'issue de la période d'essai et d'évaluation, la SNETP établira un schéma de déploiement industriel. Le coût total du programme ESNII est estimé entre 8,65 et 10,85 milliards d'euros. 3 Le terme ''prolifération'' désigne la prolifération de matières nucléaires explosives directement utilisables pour la fabrication de bombes atomiques. 4 La Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque doivent encore décider dans lequel des trois pays le réacteur sera construit. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 3/25
  • 5. 2. L'attrait pour les réacteurs à neutrons rapides En physique nucléaire, un noyau fissile est un noyau atomique qui a une bonne probabilité de fissionner (éclater) après avoir capturé un neutron5 . Les débris du noyau fissionné sont projetés dans l'espace à très grande vitesse. A cet instant, ils possèdent de l'énergie cinétique en raison de leur masse et de leur vitesse. Conceptuellement, la fission trans- forme de l'énergie nucléaire en énergie cinétique. Au fur et à mesure que les débris se heurtent aux noyaux environnants, ils perdent leur énergie cinétique (donc leur vitesse) qui se transforme en chaleur (agitation désordonnée des noyaux). La transformation de l'énergie cinétique en chaleur est pratiquement instantanée. L'énergie nucléaire est très très concentrée : en termes de pouvoir calorifique, un gramme de matière fissile6 est équivalent à une tonne et demie de pétrole. Les débris sont constitués de deux noyaux plus petits, appelés produits de fission, et de deux ou trois neutrons, dits secondaires, susceptibles de provoquer à leur tour des fissions. C'est ce qui permet d'obtenir, sous certaines conditions, une réaction en chaîne. Dans un réacteur nucléaire, la réaction en chaîne est stable et contrôlée : les neutrons libérés par N fissions provoquent en moyenne exactement N fissions. Dans une explosion atomique (bombe), la réaction en chaîne se démultiplie : les neutrons libérés par N fissions provo- quent en moyenne plus de N fissions7 . Dans la nature, seul le noyau d'uranium 235 U est fissile. Il se trouve en proportion de seule- ment 7 pour 1000 noyaux d'uranium, les autres étant des noyaux 238 U. A cause de cette faible proportion de noyaux fissiles, il est très difficile de provoquer dans l'uranium une réaction en chaîne qui s'entretient d'elle même. Il est donc nécessaire d' « enrichir » l'uranium, c'est-à-dire augmenter sa teneur en noyaux fissiles 235 U par une opération de raffinage appelée « enrichissement ». L'uranium dit civil (destiné à « brûler »8 dans un réacteur nucléaire) est de l'uranium enrichi à 5 % au plus (donc 5 noyaux 235 U et 95 noyaux 238 U pour 100 noyaux d'uranium), tandis que l'uranium dit militaire (pour faire une bombe) est enrichi à 90 % au moins. Le procédé d'enrichissement permet d'atteindre n'importe quel taux, c'est juste une question de temps, de programmation du dispositif et, surtout, de consommation d'énergie (comme il en va de tout processus). Voilà pourquoi l'enrichis- sement est une technologie dite « proliférante », c'est-à-dire présentant un gros risque de 5 Quand un neutron heurte un noyau, soit il rebondit, soit il reste collé auquel cas on dit que le noyau a capturé le neutron. 6 La matière fissile est exclusivement constitué d'atomes dont les noyaux sont fissiles. En termes de masses, « matière fissile » et « noyaux fissiles » sont des termes équivalents car 99,99 % de la masse de la matière se trouve dans les noyaux atomiques (les électrons ne pèsent pratiquement rien comparés aux noyaux). 7 La réaction en chaîne est analogue à une chute de dominos. Avec une réaction stable, un domino fait chuter un domino qui fait chuter un domino qui fait chuter un domino, etc. Avec une réaction multiplicative, un domino fait chuter deux dominos qui font chuter chacun deux dominos qui font chuter chacun deux dominos, etc. 8 La fission est une réaction nucléaire (modification des noyaux atomiques) tandis que la combustion est une réaction chimique (modification des molécules, c'est-à-dire des liaisons chimiques entre les atomes). Comme les deux réactions produisent de la chaleur, il est commode de parler de combustile pour désigner l'uranium civil et de dire qu'il brûle dans le réacteur. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 4/25
  • 6. prolifération d'armes nucléaires, comme l'actualité le démontre avec le cas de l'Iran. La République islamique veut avoir la maîtrise totale du cycle du combustible – par consé- quent enrichir elle-même son uranium – mais la communauté internationale a de bonnes raisons de craindre un détournement clandestin des activités civiles à des fins militaires. Classiquement, un réacteur commercial est constitué d'une cuve en acier de 20 cm d'épais- seur, 5 m de diamètre et 15 m de hauteur. La cuve est remplie d'eau et contient 197 assem- blages de combustible posés debout sur son fond. Chaque assemblage est un fagot de 264 crayons de combustible, des tubes légèrement espacés de 5 m de longueur dans lesquels sont empilés des pellets d'oxyde d'uranium. L'eau de la cuve, pressurisée, joue un double rôle. D'une part le rôle de fluide caloporteur : l'eau transporte la chaleur produite par la fission jusqu'au générateur de vapeur9 via un circuit fermé (circuit primaire). D'autre part le rôle de modérateur : l'eau ralentit les neutrons qui sortent d'un crayon (donc modère leur vitesse10 ) avant qu'ils ne pénètrent dans les crayons voisins. Leur ralentissement favo- rise la réaction en chaîne du fait que le noyau 235 U capture plus facilement un neutron lent qu'un neutron rapide11 . Tel est le principe du réacteur de type REP (Réacteur à Eau Pressurisé), modèle le plus répandu dans le parc électronucléaire mondial. La très grande majorité des réacteurs utilisent un modérateur, généralement de l'eau ordinaire, parfois du graphite ou de l'eau lourde12 . Le modérateur permet d'obtenir une réaction en chaîne autoentretenue avec de l'uranium faiblement enrichi (moins de 5 %). Cette technologie électronucléaire est dite à neutrons lents. Un assemblage de combustible passe trois ans dans le réacteur. A l'issue de cette période, il ne possède plus assez de noyaux fissiles et il est encombré de produits de fission qui entravent trop la réaction en chaîne. L'assemblage est « usé » et doit être remplacé par un assemblage neuf. Dans une tonne de combustible usé, initialement de l'uranium enrichi à 3,5 % (donc 35 kg 235 U et 965 kg 238 U), on trouve 35 kg de produits de fission, 10 kg de plutonium et 1 kg d'actinides mineurs (neptunium, américium, curium). Le plutonium et les actinides mineurs se forment dans le combustible à la suite de fissions avortées (captu- res de neutrons non suivies de fission) : le noyau 235 U ne fissionne pas une fois sur cinq et le noyau 238 U neuf fois sur dix (raison pour laquelle on dit que l'uranium 238 est non fissile). Les noyaux non fissionnés sont très instables et se transforment en éjectant des particules élémentaires (phénomène de la radioactivité13 ). Ces transformations, appelées 9 La vapeur sous pression entraîne une turbine couplée à un alternateur qui produit le courant électrique. 10 Les neutrons rapides libérés par la fission perdent beaucoup de vitesse lorsqu'ils rebondissent sur les noyaux d'hydrogène des molécules d'eau H2O. 11 Plus la vitesse du neutron est grande, plus les noyaux lui apparaissent petits (un effet « relativiste » expliqué par la théorie de la relativité d'Einstein). C'est comme en voiture : plus on roule vite, plus la route paraît étroite. 12 L'hydrogène possède deux isotopes : le protium ou hydrogène 1 (noyau 1 H réduit à un proton) et le deutérium ou hydrogène 2 (noyau 2 H constitué d'un proton et un neutron) qui est rare (un atome de deutérium pour 6500 atomes d'hydrogène). L'eau ordinaire comporte une très petite fraction d'eau lourde dont les atomes d'hydrogène sont du deutérium. Celui-ci capture moins facilement les neutrons que le protium, ce qui est intéressant car un neutron capturé par l'eau est un neutron perdu pour la réaction en chaîne. L'eau lourde pèse 10 % de plus que l'eau ordinaire. 13 Certaines variétés d'atomes, dits « isotopes radioactifs » ou « radioisotopes », ont un noyau instable, en ce sens Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 5/25
  • 7. transmutations, conduisent à la formation d'un cocktail de noyaux lourds à très longue demi-vie14 : les transuraniens15 . A la sortie du réacteur, la radioactivité du combustible usé provient majoritairement des produits de fission. A long terme, elle est dominée par la radioactivité des transuraniens. Il faut attendre 200.000 ans pour que la radioactivité du combustible usé retrouve à peu près le faible niveau de l’uranium naturel. Le tableau ci- dessous donne la composition des transuraniens : Noyau Masse (kg) Période (années) Plutonium 238 0,176 87,7 Plutonium 239 5,67 24110 fissile Plutonium 240 2,21 6560 Plutonium 241 1,19 14,4 fissile Plutonium 242 0,49 37000 Neptunium 237 0,43 2140000 Américium 241 0,22 432,6 Américium 242 0,0007 152 fissile Américium 243 0,101 7380 Curium 242 0,00013 0,44 Curium 243 0,00032 28,5 fissile Curium 244 0,024 18,1 qu'il peut se « désintégrer » à tout moment. Lorsqu'un noyau de type alpha se désintègre, il expulse une parti- cule alpha constituée de deux protons et deux neutrons (on parle de radioactivité alpha). Lorsqu'un noyau de type bêta se désintègre, un neutron se transforme en un proton plus un électron, appelé particule bêta en cette circonstance, éjecté du noyau (on parle de radioactivité bêta). La désintégration s'accompagne en général de l'émission d'un ou deux photons (particule d' « énergie pure » sans masse ni charge électrique) de type gamma (semblables à ceux des rayons X mais beaucoup plus pénétrants). 14 La demi-vie ou période est le temps nécessaire pour que la moitié des noyaux se désintègrent. Un noyau instable peut se désintéger à tout moment et la désintégration proprement dite est instantanée et imprévisible. La demi- vie d'un radio-isotope est une caractéristique statistique. Le terme « demi-vie » peut prêter à confusion : il ne faut pas croire que les noyaux se sont tous désintégres après deux demi-vies ! De période en période, le nombre de noyaux « en attente de désintégration » est à chaque fois divisé par deux. Après dix périodes, le nombre de noyaux encore intacts est divisé par mille (car 210 = 1024). Souvent, le descendant d'un noyau instable est lui même radioactif. De désintégration en désintégration, le noyau finit par trouver la stabilité. La radioactivité, qui se mesure en becquerels (Bq) soit en nombre de désintégrations par seconde, est donc un phénomène naturellement décroissant. Plus un échantillon est radioactif, plus la décroissance radioactive est rapide (sa plus grande dangerosité initiale est donc compensée par sa moindre longévité). 15 Le noyau 239 U (noyau 238 U qui a capturé un neutron sans fissionner) est très instable (demi-vie de 23 minutes). Par désintégration bêta, il se transforme en 239 Np (neptunium 239), un noyau dont la demi-vie est de 2 jours et qui se transforme en 239 Pu (plutonium 239) aussi par désintégration bêta. Le noyau 239 Pu a une demi-vie de 24100 ans. Il est donc suffisamment stable pour s'accumuler dans le cœur du réacteur. Un transuranien est un élément chimique dont le numéro atomique est supérieur à celui de l'uranium, c'est-à-dire supérieur à 92, par ordre croissant : neptunium (93e ), plutonium (94e ), américium (95e ), curium (96e ). Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 6/25 Plutonium Actinides mineurs Transuraniens
  • 8. Le plutonium qui s'est formé est un mélange de cinq isotopes. Le plus abondant est le plutonium 239 qui a la propriété d'être fissile. L'idée est donc venue d'exploiter le pluto- nium comme une ressource énergétique. Un procédé chimique appelé « retraitement » permet de séparer les composants du combustible usé en trois parties : l'uranium, le plu- tonium, et les déchets ultimes constitués des produits de fission et des actinides mineurs. L'uranium, qui contient encore 1 % de matière fissile 235 U, est renvoyé à l'usine d'enrichis- sement. Les déchets ultimes sont mélangés à du verre en fusion et coulés dans des fûts en acier inoxydable, puis entreposés dans l'attente d'une solution de confinement défini- tif. Le plutonium est mélangé à de l'uranium appauvri (sous-produit des usines d'enrichis- sement) pour faire un nouveau combustible, le dénommé Mox (mélange d'oxydes de plutonium et d'uranium) qui peut constituer jusqu'à 30 % de la charge en combustible d'un réacteur REP. Le MOX usé n'est actuellement pas retraité. Il faut dire qu'il est beau- coup plus radioactif que le combustible usé conventionnel – donc plus problématique en matière de radioprotection du personnel chargé de le manipuler – et contient deux fois et demi plus d'actinides mineurs. L'idée du MOX ne s'est donc pas avérée aussi bonne que sur papier, et plusieurs pays ont abandonné cette filière, dont la Belgique. Historiquement, le retraitement est une invention des puissances nucléaires pour fabriquer des bombes au plutonium. Des réacteurs furent d'ailleurs conçus dans le seul but d'en produire. La Corée du Nord s'est récemment dotée de l'arme absolue par cette voie. Bref, le retraitement du combustible usé, même à des fins civiles, est une technologie proliférante. Prolifération, déchets radioactifs ingérables, réserves d'uranium en voie d'épuisement, spectre de Tchernobyl agité par les antinucléaires ... la nucléocratie s'inquiète pour son avenir et compte sur le développement d'une nouvelle technologie pour assurer sa péren- nité : le réacteur à neutrons rapides (RNR). Comment ça ? Nous avons vu que l'avantage des neutrons lents est la possibilité de maintenir une réaction en chaîne avec un faible taux de noyaux fissiles (environ 4 %). Avec des neutrons rapides (non ralentis), le combustible doit être davantage enrichi (environ 20 %). Mais à partir de là, les neutrons rapides devien- nent très attractifs : 1) La plupart des transuraniens sont non fissiles avec des neutrons lents (cfr tableau de la page précédente). Mais ils sont tous fissiles avec des neutrons rapides, d'où la perspective de les réduire considérablement en les transmutant, par fission, en déchets moins problématiques grâce à leurs demi-vies globalement plus courtes. 2) L'uranium 238 est transmutable en noyaux fissiles de plutonium 239 par capture neutronique. On dit que l'uranium 238 est de la matière fertile. L'idée, séduisante, est de profiter des neutrons produits par la fission pour régénérer les noyaux fissiles au fur et à mesure de leur consommation. Cela ne peut marcher que si chaque fission libère plus de deux neutrons en moyenne. Or c'est le plutonium 239 fissionné par des neutrons rapides qui vérifie le mieux la condition : 100 fissions libèrent 230 neu- trons en moyenne16 . De ces neutrons secondaires, 100 sont dévolus au maintien de la 16 En réalité, 100 fissions libèrent 290 neutrons en moyenne. Mais d'autre part, le noyau 239 Pu ne fissionne pas tou- jours après avoir capturé un neutron, auquel cas il subsiste à l'état de 240 Pu. Au total, la réaction en chaîne se déroule comme si la fission ne ratait jamais et libérait 2,3 neutrons en moyenne (au lieu de 2,9). C'est dans ce sens qu'il faut comprendre que 100 fissions libèrent 230 neutrons en moyenne. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 7/25
  • 9. réaction en chaîne. Il en reste ainsi 130 pour la régénération, moins les pertes inévi- tables car des neutrons sont capturés par le fluide caloporteur et les structures du réacteur17 . Plus de 100 neutrons pourraient transmuter des noyaux d'uranium 238 en plutonium 239, auquel cas le réacteur serait surgénérateur : il produirait davan- tage de noyaux fissiles qu'il n'en consomme. Aussi fascinant que le mythique moteur à eau ! Surtout quand on sait que l'uranium 238 est 140 fois plus abondant dans la nature que l'uranium 235. Le plutonium nécessaire à la mise en route des RNR ne manque pas : outre celui des assemblages de combutible usé qui croupissent dans les piscines de refroidissement des pays nucléarisés18 , les Etats-Unis et la Russie possèdent des dizaines de tonnes de plutonium prêtes à l'emploi, issues du déman- tèlement partiel de leurs arsenaux nucléaires dans le cadre d'accords bilatéraux de désarmement. En conclusion, les RNR tireraient jusqu'à cent fois plus d'énergie de l'uranium que les systèmes à neutrons lents. De quoi envisager un tout au nucléaire durable des millénaires. Les déchets seraient gérables (confinement de quelques siècles) car réduits aux seuls produits de fission grâce à la destruction des transuraniens. L'humanité n'aurait plus à se tracasser de son avenir énergétique, puisque elle disposerait d'une source d'énergie sûre et abondante lui laissant très largement le temps de se convertir totalement aux énergies inépuisables. Tels sont les lendemains radieux promis par la nucléocratie. 17 Le fluide caloporteur et les structures du réacteur deviennent radioactifs à cause des neutrons capturés. Ces éléments constituent donc des déchets très embarrassants lorsque la centrale nucléaire arrive en fin de vie. 18 Une trentaine de pays se partagent un parc de 450 réacteurs qui assurent 16 % de la production mondiale d'électricité. En attendant une solution définitive pour les déchets, les assemblages de combustible usé, pour la plupart non retraités, sont stockés dans de profondes piscines remplies d'eau qui dissipent la chaleur dégagée par la radioactivité et arrêtent le dangereux rayonnement gamma. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 8/25
  • 10. 3. Un projet industriel fumeux et délirant Les réacteurs (à neutrons) rapides n'ont pas besoin de modérateur, mais la présence d'un fluide caloporteur demeure évidemment nécessaire. Ce fluide doit posséder d'excellentes qualités calorifiques (capacité d'évacuer la chaleur) tout en étant transparent aux neutrons (faible probabilité d'en capturer). Le sodium et le plomb présentent les qualités requises, mais aussi de gros défauts : le premier explose au contact de l'eau et s'enflamme sponta- nément au contact de l'air, tandis que le second est corrosif pour la structure du réacteur. Qu'importe ! Cela n'a pas dissuadé les Européens de construire, dans la seconde moitié du vingtième siècle, sept prototypes de RNR refroidis au sodium, dont trois en France pompeusement baptisés Rapsodie, Phénix et Super-Phénix (!) dans l'euphorie mystique que suscitait alors le concept de surgénération. Ces systèmes, aujourd'hui définitivement désactivés, causèrent pas mal de soucis, SuperPhénix faisant figure de fiasco emblémati- que : en 1995 après dix ans de service, le réacteur n'avait fonctionné que 174 jours suite à des fuites à répétition (sodium et autres) sans compter d'autres avaries, notamment l'effon- drement du toit de la salle des machines (contenant les générateurs d'électricité) sous le poids non prévu de 80 cm de neige, juste à côté du bâtiment abritant le réacteur. Encore heureux que le ridicule ne tue pas. SuperPhénix fut définitivement arrêté en 1998 et sa déconstruction planifiée jusqu'en 2027. Clairement, le programme ASTRID de nos amis français vise à ressusciter la filière du réacteur surgénérateur refroidi au sodium. Loin de tempérer leurs ardeurs de nucléocrates, ils qualifient les déboires passés de « retours d'expérience utiles » dans leur réthorique de propagande pour le nucléaire de génération IV. Concernant la déconstruction de SuperPhénix, la Gazette nucléaire (février 2007) relate : « Le sodium primaire, radioactif, soit 4.000 tonnes, se trouve toujours dans la cuve prin- cipale19 . Il y est maintenu à l'état liquide (à 180°C, d'où l'importante consommation élec- trique), sous un ciel de gaz neutre (argon), afin de rendre possible sa vidange ultérieure. (...) Le traitement du sodium constitue une phase très délicate. Rappelons qu'à l'état liquide le sodium est un produit extrêmement dangereux : il explose au contact de l'eau et s'enflamme au contact de l'air20 . Au total il y a 5.500 tonnes de ce produit à neutraliser : les 4.000 tonnes (radioactifs) du circuit primaire (cuve) et les 1.500 tonnes du circuit 19 Le circuit primaire irrigue le coeur du réacteur où il capte la chaleur dégagée par le combustible. Ce circuit fermé est toujours contaminé par des particules radioactives. Dans un REP (réacteur à eau pressurisé, tech- nologie la plus répandue), le circuit primaire (eau radioactive) décharge sa chaleur directement dans le circuit générateur de vapeur. Dans un RNR refroidi au sodium, le circuit primaire (sodium radioactif) traverse un circuit secondaire (sodium non radioactif) qui traverse à son tour le circuit générateur de vapeur. Le dédou- blement du circuit de sodium participe à la gestion des risques : en cas de rupture de l'échangeur de chaleur entre le circuit générateur de vapeur et le circuit secondaire, l'explosion causée par le contact entre l'eau et le sodium ne disperse pas de particules radioactives. Heureusement, car pareil accident s'est déjà produit deux fois en Russie (1973 et 1975) sur un même RNR ! 20 Le 31 mars 1994, le nettoyage d'une cuve issue du démontage de Rapsodie avait très mal tourné. La réaction du solvant avec le sodium provoqua, pour une cause indéterminée, un dégagement excessif d'hydrogène suivi d'une explosion et d'un incendie que 130 pompiers mirent sept heures à éteindre. L'explosion tua un ingénieur sur le coup et blessa quatre autres techniciens. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 9/25
  • 11. secondaire des échangeurs de chaleur. Ce sodium sera d'abord vidangé, c'est-à-dire ache- miné liquide et donc potentiellement très dangereux, par pompage et via des tuyaux "sécurisés", de ses lieux de stockage actuels – cuve principale (4.000 T) et réservoirs isolés annexes (1.500 T) – vers l'installation de traitement du sodium qui est actuellement en construction dans ce qui était la salle des machines. Dans un second temps, ce même sodium sera traité en vue de sa transformation en soude. (...) Deux lignes de traitement permettront de traiter au total 5 tonnes de sodium par jour, soit 1.825 tonnes par an. Incorporée à du béton comme eau de gâchage, la soude radioactive se retrouvera fixée et confinée sous la forme de blocs de béton. Les 5.500 tonnes de sodium à traiter engen- dreront 24.000 m³ de soude et au final 36.700 m³ de béton soit 70.000 tonnes. Afin de laisser s'apaiser la radioactivité de ces blocs et pour permettre également un étalement dans le temps des navettes des nombreux camions chargés de l'évacuation sur un autre site des autres déchets (radioactifs : 25.000 T et autres : 423.000 T) issus de la déconstru- ction, il est prévu dans un premier stade l'entreposage, sur place et sur environ 5.000 m², de ces blocs. On ne sait rien, pour l'instant, du lieu de stockage définitif de ces différents déchets à risques générés par cette déconstruction. Ce que l'on sait c'est que leur achemi- nent vers deux sites à définir par l'ANDRA21 , est prévu, au rythme de 20 à 25 transports quotidiens, entre 2008 et 2018, passant à 25-30 au-delà et jusqu'en 2026. » Cet extrait rappelle opportunément que la problématique des déchets nucléaires ne se limite pas à la gestion du combustible usé, il y a aussi le fardeau des composants radioactifs du réacteur arrivé en fin de vie, particulièrement gênants lorsque le caloporteur est du sodium. En septembre 1976, soit deux ans après la mise en service d'un prototype RNR à Doun- reay (Ecosse), la très officielle Royal Commission on Environnemental Pollution déposait au Parlement britannique un rapport de mise en garde contre un développement impor- tant des réacteurs rapides. Le rapport, signé par sir Brian Flowers, spécialiste de la physi- que théorique et professeur au prestigieux Massachussets Institute of Technology (MIT), explique en quoi le réacteur rapide présente des caractéristiques proches d'une bombe atomique, contrairement au réacteur thermique (c'est-à-dire à neutrons lents) : « C'est le contrôle strict de la réactivité22 qui est à la base de la sécurité d'un réacteur. Toute défail- lance dans ce contrôle risque d'entraîner une élévation très rapide de la réactivité et, par contre-coup, de la température du combustible, le faisant fondre et s'écouler à la base du réacteur. Tout comme le réacteur thermique, le réacteur à neutrons rapides n’est possible qu’à cause d’une particularité de la nature : l’existence des neutrons retardés (neutrons émis par des radio-isotopes quelques secondes après la fission du noyau d’uranium)23 . Si la réactivité se trouve encore augmentée notablement et très rapidement, les mécanismes de contrôle de la réactivité risquent d’être dépassés ; il existe alors une probabilité théo- 21 Agence nationale (française) pour la gestion des déchets radioactifs. 22 La réactivité est une mesure de l'instabilité de la réaction en chaîne. La réactivité est positive lorsque la réaction en chaîne s'amplifie, négative dans le cas contraire. Pour contrôler la réactivité, on utilise des barres contenant un absorbant de neutrons. Ces barres dites de contrôle sont insérées dans les assemblages de combustible à une profondeur qui détermine la puissance délivrée par le réacteur. 23 Les neutrons retardés sont un des aspects essentiels de la conduite des réacteurs et de leur sûreté. Ils sont peu nombreux par rapport au nombre de neutrons prompts (c'est-à-dire non retardés) mais c'est leur existence qui donne le temps de réagir à d'éventuelles variations dans le comportement des réacteurs. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 10/25
  • 12. rique de formation accidentelle d’un sous-ensemble critique aux seuls neutrons rapides et prompts, c’est-à dire non différés. C’est, sur le plan technique, le principe même d’une explosion nucléaire, bien que le processus de la réaction en chaîne soit nettement plus lent que dans le cas provoqué de la bombe atomique et, de ce fait, l’énergie libérée en serait d’autant moindre. La raison pour laquelle cela peut se produire dans un réacteur rapide et non dans un réacteur thermique vient de ce que le premier a son combustible dans un état initial de réactivité en-dessous du maximum de réactivité. Si tout le combu- stible d’un réacteur thermique se trouvait fondu en une seule masse, sa réactivité chute- rait car il n’y aurait pas de modérateur (qui freine les neutrons) pour accroître la réactivité. Par contre, dans le cas du surgénérateur, tout le combustible fondu en une masse com- pacte se verra dans un état de réactivité maximum24 . » En fait, pour dire les choses simple- ment, le risque d'une explosion atomique dans un réacteur rapide est dû au fait que son combustible est cinq fois plus riche en noyaux fissiles que celui d'un réacteur thermique. Le rapport expose les conséquences dramatiques possibles d'une explosion nucléaire : « On ne sait pas encore très exactement si une explosion de ce type aboutirait à la vapo- risation du combustible ; on suppose généralement qu’il pourrait l’être et les plans des réacteurs sont faits en prévision de cette éventualité extrême. Si cette sécurité s’avérait insuffisante, non seulement l’iode et le césium seraient libérés, mais également des quan- tités substantielles de produit de fission non volatils, tels le strontium, ainsi que du pluto- nium. Au cas où le réacteur serait construit dans un endroit habité, les pertes en vies humaines seraient très grandes. (...) La possibilité d'une importante vaporisation du combustible avec sa dispersion, même partielle, dans l'atmosphère, doit l'emporter sur toute autre considération. (...) Il a été calculé que la libération de 10 % d'un surgénérateur de puissance aurait des conséquences de dix à cent fois pires que celles que nous avons décrites dans le cas d'un réacteur thermique. L'effet le plus important serait dû à l'inha- lation des produits de fission non volatils, aboutissant à un développement des cancers du poumon dans la population qui se serait trouvée dans la zone balayée par le vent au moment de l'accident ; quant au sol de cette même région très étendue, il serait pollué par le plutonium et le césium25 . » 24 La réactivité du combustible dépend de nombreux facteurs, notamment sa compacité, à savoir sa répartition dans l'espace. Plus le combustible est compact, plus il est réactif car les neutrons ont alors une moindre proba- bilité de s'échapper. La compacité est maximale avec une sphère pleine. Dans un réacteur, le combustible est peu compact, car réparti sous formes de pastilles empilées dans de longs étuis (crayons de combustible), légè- rement espacés et disposés verticalement en fagots (assemblages de combustible). Si le combustible se met à fondre à cause d'une surchauffe (elle-même causée par la perte accidentelle du contrôle de la réactivité), il peut former une masse compacte très réactive. Avec un réacteur thermique, ce supplément de réactivité est contre- carré par le fait que le modérateur n'agit plus sur le combustible compacté (alors qu'il augmente la réactivité du combustible réparti dans les assemblages baignant dans le modérateur), ce qui n'est pas le cas avec un réacteur rapide puisqu'il fonctionne sans modérateur, d'où le risque. Pour rappel, le modérateur est utilisé afin de pallier le manque de réactivité des combustibles peu enrichis. L'accident survenu à la centrale nucléaire de Three Miles Island (Pennsylvanie, USA) le 28 mars 1979 s'était soldé par la fusion partielle du coeur d'un réacteur. Cet accident a été classé au niveau 5 de l'échelle internationale des événements nucléaires (INES) qui compte sept niveaux de gravité. Les accidents de Tchernobyl et Fukushima ont été classés aux niveaux 7 et 6. 25 D'après Arjun Makhijani (Institute for Energy and Environmental Research) : « Des études sur le chien beagle avaient montré que l'inhalation d'une petite quantité de plutonium sous forme d'oxyde insoluble avait une très haute probabilité d'induire un cancer du poumon. En extrapolant ces données à l'homme, le chiffre pour une Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 11/25
  • 13. Et le rapport de conclure : « Les conséquences d'un tel accident sont si graves que le sur- générateur peut difficilement être considéré comme une future éventualité commerciale majeure, du moins tant qu'on n'aura pas établi avec certitude et confiance qu'il est possible d'éviter les accidents de réactivité menant à la vaporisation du combustible. » Dans son dossier de presse du 31 mars 2010, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) prétend que la filière RNR sodium est l'option la plus réaliste pour un déploiement en 2040 (par rapport aux filières concurrentes gaz et plomb-bismuth). Quelles garanties peut-on avoir que le programme ASTRID du CEA répondra aux recommandations formulées dans la conclusion du rapport britannique ? Aucune, à la lecture de la note de synthèse sur les réacteurs de quatrième génération, publiée en novembre 2007 par l'Institut de radiopro- tection et de sûreté nucléaire (IRSN), dans la section consacrée au risque de fusion du cœur : « Les démonstrations (...) sur les risques de recriticité26 ne sont pas aisées et font appel à des modèles de neutronique, de thermique et de mécanique très complexes, dont le développement, la validation et la qualification seraient à poursuivre le cas échéant. » Bel aveu de l'incertitude qui pèse sur la maîtrise du risque ! Au CEA on ferait bien de méditer la sentence de l'astrophysicien Hannes Alfven, prix Nobel de physique en 1970 : si un problème est trop difficile à résoudre, nul n'a le droit d'affirmer qu'il a été résolu par les seuls efforts faits pour le résoudre. Conclusion : UN MONDE NUCLÉARISÉ AVEC DES RÉACTEURS RAPIDES AU SODIUM EST UN FANTASME DE NUCLÉOCRATE ENRAGÉ « Il n'est pas écrit dans les lois de la Nature que le seul nucléaire possible soit celui que nous connaissons » peut-on lire sur le site français ''La radioactivité.com''. « Parmi les filières qui pourraient voir le jour, une des plus attirantes par son caractère novateur est celle des réacteurs hybrides ou ADS (Accelerator Driven Systems). Les ADS marieraient deux technologies éprouvées, celle des accélérateurs et celle des réacteurs, le rôle de l'accélérateur étant de fournir un appoint de neutrons. L'idée d'associer un accélérateur de haute intensité à un réacteur date des années 1950, à Los Alamos. Grâce à l'appoint charge fatale de plutonium au poumon est d'environ 27 microgrammes. Bien sûr, une telle extrapolation à partir des animaux présente quelques incertitudes. Cependant il est raisonnable de conclure que plusieurs dizaines de microgrammes de plutonium-239 dans les poumons augmenteraient considérablement les risques de cancer du poumon. De plus grandes quantités de plutonium produiraient aussi des problèmes de santé à cours terme. Une des rares tentatives de suivi, pour analyser les effets de l'exposition de sujets à des doses de quelques microgram- mes de plutonium, est une étude à long terme sur 26 "hommes de race blanche" du Manhattan Project qui furent exposés à Los Alamos en 1944 et 1945 sur le lieu de fabrication des premières armes atomiques. Ces sujets ont été suivis pendant de nombreuses années, les bilans de leur état de santé ont été publiés, le plus récent en 1991. Sept de ces sujets étaient décédés en 1991. Un cancer des os (sarcome osseux) était à l'origine de l'un des décès. Le cancer des os est rare chez les humains. Sa fréquence attendue dans un groupe de 26 personnes sur une durée de 40 ans est seulement de 1 sur cent. Ainsi son existence chez une personne exposée au pluto- nium (qui d'ailleurs a reçu une dose inférieure au seuil admis par les règles de radioprotection) est significative. » 26 Il s'agit du risque d'une réaction en chaîne explosive dans la masse compacte formée par le combustible fondu, suite à la perte de contrôle de la réactivité du réacteur, à cause d'une défaillance quelconque. L'explosion d'une bombe atomique de type Nagasaki est provoquée par la compaction fulgurante, au moyen d'un explosif chimique, d'une sphère creuse de 8 kg de plutonium. Le combustible d'un réacteur rapide comme SuperPhénix (1200 MWe) contient 5 tonnes de plutonium (certes diluées dans 20 tonnes d'uranium 238, qui est non fissile). Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 12/25
  • 14. de neutrons fourni par l'accélérateur, le réacteur peut fonctionner dans un régime sous- critique tout en produisant de l'énergie. La réaction en chaîne perd son caractère explosif. Il suffit de couper l'accélérateur pour arrêter le réacteur27 . L'accélérateur délivrerait des protons capables par leur énergie d'extraire lors d'une collision avec un noyau lourd une vingtaine de neutrons. Ces neutrons, appelés neutrons de spallation28 , mis en présence du matériau fissile du réacteur y déclencheraient ensuite des réactions de fission en nombre limité, le réacteur étant sous-critique. Ce nombre de fissions restant toutefois élevé, l'énergie récupérée dépasserait de beaucoup celle consommée par l'accélérateur29 . Le surplus de neutrons rapides apporterait une grande souplesse dans le choix du com- bustible. On pourrait utiliser des combustibles à base de thorium (plus abondant que l'uranium)30 , détruire ainsi le plutonium existant sans en produire et brûler les actinides, considérés comme les déchets les plus gênants de l'énergie nucléaire. Les ADS sont principalement envisagés pour cette application de la transmutation des déchets. Ces vertus rendent séduisants les réacteurs hybrides, mais cette filière demande des dévelop- pements technologiques importants. D'ambitieux programmes de recherches ont été entrepris pour en valider les principes. Un premier démonstrateur, avant un prototype à l'échelle industrielle, pourrait voir le jour vers 2025. C'est le projet MYRRHA soutenu par la Communnauté européenne et développé au laboratoire de Mol en Belgique. » Le réacteur hybride, séduisant par sa polyvalence et la maîtrise de la réactivité, serait la panacée du secteur électronucléaire promise par MYRRHA. Rien n'est moins sûr ... Le CEN, qui pilote le projet, anticipe des problèmes de radiotoxicité : « Un second aspect de la sécurité concerne des problèmes spécifiques de radiotoxicité en relation avec le système de refroidissement des ADS par des métaux liquides. En l'occurence, la R&D se concentre sur les risques majeurs de radiotoxicité induits par la formation et la libération de mercure 194 à longue durée de vie dans la boucle de spallation et de polonium 210. »31 27 Les réacteurs classiques ont une réactivité positive : la réaction en chaîne est stabilisée (annulation de la réac- tivité) grâce à des barres de contrôle qui absorbent les neutrons excédentaires. Le caractère sous-critique du réacteur hybride signifie que sa réactivité est négative. Le maintien de la réaction en chaîne nécessite une source externe de neutrons, fournis par l'accélérateur (c'est en quelque sorte le principe inverse du réacteur classique). Le réacteur hybride ne risque pas de s'emballer de lui-même, contrairement à ce qui peut arriver avec un réacteur classique. C'est l'intensité du faisceau de protons qui détermine la puissance délivrée par le réacteur hybride, l'arrêt du faisceau provoquant l'arrêt du réacteur. 28 L'accélérateur dirige un faisceau de protons sur une cible en alliage plomb-bismuth, appelée cible de spallation. Les noyaux atomiques de la cible, bombardés de protons très rapides, réagissent en éjectant des neutrons. 29 Dans un réacteur hybride, la quantité d'énergie consommée par l'accélérateur est petite comparée à celle délivrée par le réacteur. Pour cette raison, les réacteurs hybrides sont parfois appelés « amplificateurs d'énergie » : la puis- sance électrique à la sortie mesure environ 30 fois celle à l'entrée. 30 Le thorium est trois à quatre fois plus abondant sur Terre que l'uranium. Le thorium (isotope 232 Th) n'est pas fissile mais bien fertile : il se transforme en uranium 233, qui est fissile, après avoir capturé un neutron. 31 La demi-vie du mercure 194 mesure 444 ans. Le polonium 210, dont la demi-vie est de 138 jours, est un terrible poison radiologique. Il fit l'actualité en novembre 2006 avec l'empoisonnement à Londres de l'ex-espion du KGB, Alexandre Litvinenko. D'après Wikipédia : « La quantité de polonium-210 qui lui aurait été administrée était probablement très élevée, puisqu’elle a conduit à son décès en 3 semaines. En utilisant des données toxi- cologiques sur les animaux de laboratoire, on peut imaginer qu’il s’agissait de quelques microgrammes. » Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 13/25
  • 15. Ainsi, le programme MYRRHA, censé apporter une solution aux déchets très gênants que sont les transuraniens, pose un problème de formation de dangereux radio-isotopes spécifiques à cette technologie. Dans sa note de synthèse, l'IRSN pointe les problèmes de corrosion que posent les sys- tèmes refroidis par des métaux liquides tels que le plomb ou le plomb-bismuth (cas du réacteur hybride développé à Mol) : « Un avantage du plomb ou d’un alliage plomb- bismuth réside dans l’absence de réaction chimique avec l’eau ou l’air, au contraire du sodium (...) Ce concept est dérivé des réacteurs de sous-marins russes de classe Alpha, refroidis par un alliage plomb-bismuth (...) La principale difficulté liée aux LFR réside dans la nature fortement corrosive du plomb fondu à l’égard des structures en acier. La seule méthode de préservation connue consiste à créer puis à entretenir une couche protectrice d’oxydes de fer à la surface des aciers en contact avec le plomb. Elle suppose l’injection d’oxygène dans le plomb et l’épuration des oxydes de plomb et des résidus de corrosion présents dans celui-ci. Cette méthode a été mise au point pour l’exploitation des réacteurs de sous-marins, mais des écarts dans son application ont conduit à des accidents graves sur deux bâtiments (bouchages, fusion d’assemblages) et l’un d’entre eux a été coulé. (...) Ainsi, compte tenu du retour d’expérience et de l’état actuel des connaissances, un déploiement de réacteurs LFR à l’échelle industrielle n’apparaît pas crédible aux échéances envisagées ; en tout état de cause, la réalisation d’un premier réacteur expérimental nécessiterait de lever un certain nombre de verrous technologiques et de résoudre certaines questions de sûreté. » En régime de croisière, le nucléaire de génération IV produit autant de transuraniens qu'il en consomme, et il existera en permanance un stock de transuraniens inventorié (ceux dans les réacteurs, ceux en attente ou en cours de retraitement) et stabilisé. Le jour où le monde sortira du nucléaire – ce qui arrivera tôt ou tard – le réacteur hybride pourra servir à « brûler » ce stock fort gênant, c'est-à-dire faire office d' « incinérateur » (et non de régé- nérateur de matière fissile). Mais cette facilité pourrait servir d'argument au développe- ment de la filière SFR (dont nous avons exposé la dangerosité), chère aux Français et pressentie pour être déployée en premier. En outre, atténuer la problématique des déchets signifie nullement l'éliminer, surtout dans la perspective d'un essor de l'industrie électro- nucléaire. Dans le meilleur des cas, les déchets ultimes nécessiteront un confinement dont la durée se compte en siècles. MYRRHA n'offrira donc pas la panacée attendue et MYRRHA POURRAIT BIEN RIMER AVEC MIRAGE TECHNOLOGIQUE Nous n'allons pas nous étendre sur la filière GFR du réacteur rapide refroidi au gaz, bal- butiante et seulement à l'état de concept. Le gaz en question est l'hélium, qui a l'avantage d'être totalement transparent aux neutrons (il ne devient donc pas radioactif) et chimique- ment neutre (pas de souci de corrosion). Cependant, l'hélium doit être mis à haute pres- sion pour évacuer convenablement la chaleur, et le réacteur construit avec des matériaux innovants pour résister aux conditions difficiles de température (environ 1000°C) et de pression (70 bars) propres au concept. Le projet ALLEGRO vise la construction d'un Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 14/25
  • 16. petit réacteur de démonstration, non producteur d'électricité. En l'abscence de retour d'expérience pour cette technologie, on peut dire que L'ABOUTISSEMENT DE LA FILIÈRE GFR EST FORT HYPOTHÉTIQUE Le nucléaire de génération IV, qui vise à optimiser l'utilisation des ressources énergétiques, implique le multirecyclage des matières fissiles et fertiles du combustible usé (uranium et transuraniens). En principe, les déchets se réduisent aux seuls produits de fission : on dit que le cycle du combustible est fermé. Le recyclage du combustible usé comporte deux étapes. Premièrement le retraitement, qui consiste à récupérer l'uranium, le plutonium et les actinides mineurs, et à conditionner les produits de fission en vue de leur confinement définitif. Deuxièmement, la transformation des matières récupérées en combustible neuf. Actuellement, le retraitement fait appel au procédé PUREX, qui sépare les composants du combustible usé en trois parties : l'uranium, le plutonium, et un cocktail très radio- actif constitué des actinides mineurs (neptunium, américium, curium) et des produits de fission. Le combustible dérivé du retraitement est le MOX, un mélange de plutonium et d'uranium à l'état d'oxydes. Ces procédés sont appelés à évoluer dans la perspective du nucléaire de quatrième génération avec, notamment, l'extraction et le recyclage des actini- des mineurs. On envisage l'utilisation conjointe de plusieurs types de combustibles : MOX, MOX avec actinides mineurs, et actinides mineurs seuls. Le procédé PUREX est polluant. L'usine de La Hague en Normandie, qui retraite le com- bustible usé des centrales nucléaires françaises, suisses, allemandes et japonaises, est mon- trée du doigt par les écologistes pour ses effluents radioactifs rejetés dans la nature, même si elle respecte les normes en la matière (sujettes à controverses). Le diagramme ci-contre montre que les progrès de la technologie n'ont pas réussi à diminuer les émissions de tritium32 par tonne de combustible retraité. Or « aucune solu- tion ne se dégage pour le tritium »33 . Si l'usine devait multiplier par trois ses acti- vités de retraitement (par rapport à 2004) pour tourner à pleine capacité, les rejets de tritium dans la Manche dépasseraient la limite légale autorisée. Cette pollution radioactive n'est pas conciliable avec le déploiement de systèmes nucléaires de quatrième génération. Le procédé COEX, développé par le CEA, est présenté comme une évolution positive 32 Le tritium, qui est radioactif, est le nom donné à l'hydrogène 3 (un proton et deux neutrons). 33 Source : www.laradioactivite.com (déchets radioactifs >> Retraitement du combustible >> Performances). Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 15/25 © AREVA (source COGEMA)
  • 17. du PUREX, offrant une meilleure résistance à la prolifération du fait que le plutonium ne se trouve isolé à aucun moment34 . Une amélioration toute relative sachant que le pluto- nium peut facilement être extrait du MOX, si l'on en croit Bruno Barrillot, directeur de recherche à l'Observatoire des armes nucléaires françaises : « Des chercheurs américains expliquent que (...) l'extraction du plutonium du MOX peut se faire de façon simple et rapide en créant un atelier de retraitement à partir d'équipements disponibles dans la fabrication de vin, les laiteries ou les raffineries d'huile. Cet atelier de retraitement pour- rait être mis sur pied en quatre mois pour produire ensuite le plutonium nécessaire à la fabrication d'une bombe une semaine plus tard. » En mai 2008, le journal Le Soir rapporta l'inquiétude de l'Agence internationale de l'éner- gie atomique (AIEA) suite à l'intérêt de nouveaux pays pour le nucléaire: « Le constat est sans appel, inquiétant. Près de quarante pays en voie de développement ont adressé récemment une demande d'assistance auprès de l'AIEA pour développer un programme nucléaire de production d'électricité. Ce regain d'intérêt pour l'atome suscite les inquié- tudes croissantes des experts onusiens de la lutte antiprolifération nucléaire. A l'agence de Vienne, tous les regards se tournent vers le Moyen-Orient, chaudron de la politique internationale depuis soixante ans, où pas moins de onze Etats envisagent très sérieuse- ment de sauter le pas et de se doter d'un programme nucléaire, toujours très officielle- ment à des fins civiles. » La perpective des systèmes de quatrième génération, économes en uranium et nécessitant le plutonium généré par les réacteurs actuels pour démarrer, encourage ces pays à développer rapidement un programme électronucléaire, avec tous les risques de prolifération que cela comporte. Bref, malgré le discours rassurant du lobby nucléaire, LA PROLIFÉRATION ET LA POLLUTION RADIOACTIVE NE SONT PAS DES PROBLÈMES EN VOIE DE RÉSOLUTION 34 Le plutonium est extrait avec une partie de l'uranium (procédé de COEXtraction), ce qui le rend impropre à un usage militaire. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 16/25
  • 18. négawatts 4. Le confort sans le nucléaire, c'est parfaitement possible ! Pour les objecteurs de croissance, notre civilisation techno-industrielle sera véritablement durable le jour où elle ne dépendra plus de ressources non renouvelables, étant devenue une bioéconomie où la matière circule en boucle fermée au fil de ses multiples transfor- mations. L'exploitation de l'énergie nucléaire viole ce principe fondamental en consom- mant et détruisant irréversiblement des matières premières non renouvelables : aujourd'hui l'uranium, demain peut-être le thorium. De plus, comme le chapitre précédent l'illustre à suffisance, le risque d'exploitation guerrière, la dangerosité et la longévité des substances radioactives manipulées, combinées à l'extrême complexité de phénomènes physiques grossièrement compris, font que le concept de nucléaire durable est une mystification. Le nucléaire, même de quatrième génération, est une aventure industrielle écologiquement périlleuse et hasardeuse, un fantasme prométhéen dont il faut sortir au plus vite. Est-ce possible sans devoir renoncer au confort matériel de la société moderne ? Assuré- ment ! A la demande de l'organisation écologiste Greenpeace et du Conseil européen des énergies renouvelables (EREC)35 , une étude a été réalisée en Allemagne par le Centre national de recherche pour l'aéronautique et l'espace (DLR). But : déterminer dans quelle mesure l'Europe pourrait se libérer des énergies fossiles et nucléaires qui, outre qu'elles polluent et sont non durables, affectent gravement son indépendance énergétique. L'étude s'est conclue en juin 2010 avec la publication d'un rapport intitulé « Energy [R]evolution », applaudi par le commissaire européen à l'Énergie, Günther Oettinger. Le rapport expose deux scénarios d'évolution de la consommation d'énergie primaire – le premier « basique » (E[R]) et le second « avancé » (advE[R]) – à comparer avec l'évolution prévue par l'Agence internationale de l'énergie et considérée comme scénario de référence (REF) : La [R]évolution énergétique basique réduit de 80 % les émissions européennes de CO2, comparées à celles de 1990, d'ici à 2050, tandis que l'UE sort totalement du nucléaire. Le 35 Le Conseil européen des énergies renouvelables fédère les organismes qui représentent les intérêts des industries et des centres de recherche actifs dans les secteurs du photovoltaïque, de l'hydroélectricité, du solaire thermique, de la biomasse, de la géothermie, de l'énergie hydro-océanique (marées, houle, courants marins), de l'éolien, et de la génération d'électricité à partir du rayonnement solaire concentré. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 17/25
  • 19. scénario exploite les sources rentables d'énergie renouvelable et le formidable potentiel d'amélioration de l'efficacité énergétique : isolation thermique des bâtiments, convertis- seurs d'énergie plus performants (éclairage, moteurs ...), cogénération36 . Remarquons que la consommation effective augmentée des « négawatts » (énergie économisée grâce à une meilleure efficacité) est à peine inférieure à celle du scénario de référence : la [R]évolution énergétique ne signifie donc adopter le mode de vie des Amish. La [R]évolution énergétique avancée améliore de façon spectaculaire l'indépendance éner- gétique, avec 92 % des besoins couverts par les sources renouvelables d'énergie, dope le savoir-faire des Européens dans les technologies vertes et opère un freinage d'urgence sur les émissions de gaz à effet de serre (réduction de 95 % des émissions de CO2). Ce scénario requiert une sortie rapide du nucléaire et suppose que les centrales au charbon ne fonctionnent pas plus de 20 ans, soit la moitié de leur durée de vie théorique37 . Il suppose aussi moins de transports routiers (organisation multimodale des transports38 , ferroutage), l'expansion plus rapide de la cogénération ainsi que des systèmes de chauf- fage solaires et géothermiques (pompes à chaleur sur puits canadiens) et une amélioration plus rapide de l'efficacité énergétique des véhicules à combustion. Une croissance plus forte des véhicules électriques, combinée à l'implantation rapide de réseaux électriques intelligents39 (dix ans plus tôt que dans le premier scénario), permettra d'accroître la part d'électricité issue des sources intermittentes d'énergie (solaire, éolien). Les deux scénarios sont basés sur des technologies existantes et éprouvées, contrairement au nucléaire de génération IV. Combien tout cela va-t-il coûter ? D'ici à 2050, les investis- sements d'infrastructure pour la [R]évolution énergétique avancée entraînent un coût supplémentaire de 1.800 milliards d'euros par rapport au scénario de référence. MAIS l'énergie des sources renouvelables est GRATUITE, contrairement aux combustibles dont le prix ne fera qu'enchérir, déplétion oblige. L'économie réalisée sur les combustibles est estimée à 2.600 milliards, soit un BÉNÉFICE NET de 800 milliards ! 36 La cogénération est un principe de production simultanée d'électricité et de chaleur, la chaleur étant issue de la production électrique ou l'inverse. Par exemple, la chaleur dégagée par un moteur électrogène à combustion peut très bien servir à produire de l'eau chaude. 37 Le charbon est le combustible fossile qui émet le plus de gaz carbonique par unité de chaleur produite. 38 Combinaison de différents mode de transport pour aller d'un point à un autre. 39 Le réseau intelligent de distribution d'électricité – « smart grid » en anglais – utilise des technologies informa- tiques de manière à optimiser la production et la distribution et mieux mettre en relation l'offre et la demande entre les producteurs et les consommateurs d'électricité. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 18/25
  • 20. 5. Quelle solution pour les déchets nucléaires accumulés ? Telle est la question, lancinante, qui doit encore être réglée pour sortir convenablement du nucléaire. A ce jour, il n'existe malheureusement pas de solution sûre faisant l'unani- mité. Une idée qui fait son chemin est l'enfouissement définitif, à grande profondeur dans des couches géologiques appropriées, qui confineront les déchets le temps qu'ils devien- nent inoffensifs pour la biosphère. On vise le million d'années. Toute la difficulté réside dans la certification des sites susceptibles de les accueillir. Personne ne peut prédire, avec certitude absolue, l'interaction à long terme entre les colis de déchets et leur environne- ment géologique. Le principe de précaution veut que l'enfouissement soit réversible, autrement dit que le dépôt reste accessible pour pouvoir récupérer les déchets en cas de problème, voire de progrès technique futur. A des fins d'enfouissement théoriquement définitif mais réversible, la France a construit à Bure, aux confins des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, un laboratoire souterrain dans une zone géologiquement très calme du Bassin Parisien. Des galeries expérimentales ont été creusées à 500 m de profondeur, dans une couche argileuse appelée à faire office de barrière naturelle. Les recherches visent à explorer toutes les remontées possibles de radioéléments, à longue échéance. Il s’agit d’étudier les réactions chimiques, les circulations d’eau, les effets des glaciations à venir, des tremblements de terre et des intrusions humaines susceptibles de ramener des radioéléments à la surface. Suivant le même principe, la Belgique envisage de stocker définitivement ses déchets nuclé- aires dans le sous-sol argileux de Boom (Projet de Plan Déchets de l'ONDRAF40 ). En réponse à l'enquête publique sur ce projet, la fédération Inter-Environnement Wallonie (IEW) a formulé plusieurs critiques : ► La présence d’un aquifère important au dessus de la couche d'argile, le second pour le captage d'eau potable en Belgique et le principal pour le nord-est du pays. ► La faible profondeur du dépôt, situé entre 200 et 300 mètres, alors que d'autres pays comme la France et les Pays-Bas se concentrent sur des couches d'argiles à 500 mètres de profondeur. ► La proximité du système de failles du Graben de la Vallée de la Roer, une zone sismique active où la possibilité d'un grand tremblement de terre n'est pas à exclure. Au vu de ces inconvénients, IEW doute que l'argile de Boom soit bien la meilleure option pour accueillir une installation de dépôt et demande que d'autres formations géologiques continuent à être explorées, parallèlement à la solution d'un entreposage prolongé en sur- face dans l'attente – et l'espoir – que les scientifiques finissent par découvrir une solution offrant de meilleures garanties. Le dépôt géologique définitif présente l'avantage de ne pas léguer aux générations futures le fardeau de la gestion et de la surveillance de déchets dont ils ne sont pas responsables. 40 Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 19/25
  • 21. Hélas ! la fiabilité de cette solution est difficile à garantir à l'horizon de milliers de siècles. Pour échapper au risque de la solution géologique, il ne reste que l'entreposage contrôlé, à durée indéterminée. Mais dans ce cas, outre l'héritage embarrassant légué à nos descen- dants, on expose l'humanité au risque sociétal. En effet, rien ne permet de prédire que la société évoluera en conservant la capacité de gérer les entrepôts. Ainsi, nous devons bien constater que LE PROBLÈME DES DÉCHETS NUCLÉAIRES EST CORNÉLIEN Le concept d'entreposage géologique réversible permet une gestion combinée des deux risques (géologique et sociétal) : les déchets sont stockés et surveillés dans une profonde mine spécialement aménagée, avec les meilleures garanties possibles de confinement, la société pouvant décider à tout moment la fermeture et le colmatage définitif de l'accès si elle estime ne plus pouvoir s'en occuper ou en cas de risque accru de dégradation rapide des conditions sociétales, comme la menace d'une guerre. Le risque sociétal, c'est-à-dire le risque encouru par la communauté humaine de perdre le bon ordre politique, économique et technologique nécessaire au confinement des matières fissiles et des substances radioactives, concerne tous les domaines d'activité de l'industrie nucléaire, pas seulement la gestion des déchets. Ce risque est grave au regard de l'histoire, riche en basculements soudains. La décomposition de l'empire soviétique (URSS), qui suivit la chute du Mur de Berlin, a créé des conditions propices à d'inquiétants trafics : en avril 2009, des agents du Service de sécurité ukrainien avaient arrêté trois individus en possession de 3,6 kg de plutonium dans un conteneur d'origine russe, probablement des- tiné à être vendu 10 millions de dollars à une organisation terroriste41 . La catastrophe de Tchernobyl (26 avril 1986) a pour origine l'opacité du régime autocratique de l'URSS qui favorisait des intérêts particuliers au détriment de la sécurité. Le sens des responsabilités et de l'intérêt général est un facteur déterminant de la sûreté du nucléaire. La faiblesse irré- ductible de la nature humaine est une raison suffisante pour abandonner sans tarder cette dangereuse ressource énergétique. 41 Les terroristes peuvent utiliser du plutonium pour fabriquer une "bombe sale", un engin muni d'un explosif chimique qui provoque la dissémination d'un matériau très radiotoxique, sans réaction nucléaire. La fabrication d'une bombe atomique au plutonium est réputée trop complexe pour une organisation terroriste. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 20/25
  • 22. 6. Le double visage de MYRRHA MYRRHA est une infrastructure multifonctionnelle présentée comme suit par le CEN : 1) MYRRHA va démontrer que le réacteur hybride ADS parvient à réduire considé- rablement les déchets les plus gênants produits par l'industrie électronucléaire (acti- nides mineurs et certains produits de fission à cause de leur longue demi-vie), en les transmutant en déchets de plus courte demi-vie. C'est le rôle dit d'incinération, censé atténuer le problème posé par la durée de confinement des déchets radioactifs. 2) Des combustibles et des matériaux innovants doivent être testés et validés pour les différents concepts de réacteurs de quatrième génération. Leur mise au point nécessite des installations d'irradiation offrant des conditions d'expérimentation totalement contrôlées et représentatives. Par son design, MYRHHA répond à ces besoins. Bien que MYRRHA ait spécialement été conçu pour tester et prouver le bon fonctionnement de différents composants technologiques pour la filière LFR, MYRRHA servira aussi à tester de nouveaux développements technologiques dans le domaine des capteurs et de l'instrumentation pour les futurs réacteurs à fission, à fusion, et pour les applications spatiales. 3) L'exploitation des énergies renouvelables par les éoliennes et les panneaux photo- voltaïques, ainsi que les véhicules hybrides ou électriques, reposent sur la technolo- gie des semi-conducteurs fabriqués à partir de silicium irradié par des neutrons afin d'homogénéiser leur résistivité. L'irradiation a lieu actuellement dans des réacteurs tels que le BR2 de Mol, qui arrive en fin de vie, et sera poursuivie avec MYRRHA. 4) Après le démantèlement du BR2, la production de radio-isotopes pour la méde- cine nucléaire sera poursuivie avec MYRRHA. 5) MYRRHA servira comme outil de recherche dans la technologie du cycle du combustible, la physique des réacteurs, la science des matériaux, la physique des neutrons, les sciences naturelles, et permettra de faire des progrès dans différents domaine de la physique fondamentale. En résumé, pour les objecteurs de croissance MYRRHA présente un double visage : 1) Une plateforme inacceptable de R&D pour la pérennisation de l'industrie électro- nucléaire (systèmes nucléaires de quatrième génération et réacteur à fusion42 ). 2) Un outil éventuellement acceptable pour la recherche fondamentale et la fabrica- tion d'isotopes à usage médical et de silicium irradié, utile dans le domaine des éner- gies renouvelables. 42 La fusion nucléaire contrôlée (projet international ITER de création d'un réacteur abritant un ''soleil en minia- ture'') ne trouve pas davantage grâce aux yeux des objecteurs de croissance que la fission nucléaire. ITER engloutit des budgets faramineux pour le développement d'une technologie qui doit résoudre le problème titanesque de maintenir en suspension dans le vide un plasma à cent millions de degrés ! En outre, la fusion nécessite la consommation et la destruction irréversible du deutérium extrait de l'eau, et du lithium qui doit être transmuté en tritium préalablement à la réaction de fusion, sans compter d'autres inconvénients. Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 21/25
  • 23. 7. Conclusion politique Le concept de nucléaire durable est chimérique, un pur produit de l'idéologie producti- viste de la croissance économique perpétuelle, insensée dans un monde fini, qui saccage la biosphère et épuise les ressources naturelles. L'urgence et la nécessité écologiques nous imposent une transition rapide vers une économie dépendant exclusivement de ressources énergétiques renouvelables. « Se passer des énergies nucléaire et fossile est faisable, tant d'un point de vue technique que financier » affirma Günther Oettinger, Commissaire européen à l'Energie, en juillet 2010 lors d'une conférence de presse de Greenpeace sur la [R]évolution énergétique. Cette déclaration contraste avec le soutien de la Commission européenne à l'Initiative industrielle européenne pour un nucléaire durable (ESNII), un programme à long terme qui vise à pérenniser la périlleuse industrie électronucléaire et auquel participe le projet MYRRHA. Le mpOC constate et dénonce le manque de cou- rage politique face aux pressions que le lobby nucléaire exerce au détriment des généra- tions futures. La maîtrise du risque nucléaire est surhumaine. Ce risque est inacceptable par son impact potentiel à très long terme sur la biosphère. Abandonner le nucléaire est la seule leçon raisonnable à tirer des accidents désastreux de Tchernobyl et Fukushima. La recherche scientifique doit aider à sortir proprement du nucléaire, en se concentrant notamment sur la problématique des déchets radioactifs accumulés, et non développer des systèmes de quatrième génération ou à fusion. En particulier, les missions du Centre d'étude sur l'énergie nucléaire (CEN) de Mol doivent être redéfinies dans ce sens. Le projet MYRRHA doit être suspendu et remis en question par un collège d'experts indépendants en fonction d'objectifs restreints qui doivent être réévalués : la transmutation des composants les plus gênants des combustibles usés43 , la production d'isotopes à usage médical, la fabrication de silicium irradié pour les applications relevant des énergies renouvelables. (Dépasse peut-être le cadre du présent rapport) L'industrie nucléaire française, représen- tée par le groupe AREVA, est toute puissante. La France, dont 80 % de l'électricité dérive de l'énergie atomique, a une approche très protectionniste de la politique énergétique au sein de l'Union européenne en privilégiant l'option nucléaire. C'est intolérable en terme de sécurité pour les dizaines de millions de citoyens européens qui seraient touchés en cas d'accident grave dans une centrale nucléaire française, dont plusieurs sont situées aux frontières de l'Hexagone (Chooz et Gravelines pour la Belgique). Le mpOC exhorte le gouvernement et les députés du Parlement européen à faire pression sur la France afin qu'elle accepte enfin un grand débat national et véritablement démocratique sur l'avenir du nucléaire. 43 Quelles sont les performances attendues du futur réacteur ADS utilisé comme incinérateur ? Avec quel degré de confiance ? Avec quel impact sur le confinement des déchets ? Ces questions ne sont pas anodines : le réacteur produira du mercure 194 dont la demi-vie est de 444 ans, les noyaux d'américium 241 (demi-vie de 432 ans) et 243 (demi-vie de 7370 ans) sont difficilement destructibles (leur probabilité de fissionner après la capture d'un neutron n'est que de 15 %). En outre, les actinides mineurs présents dans les déchets vitrifiés issus des usines de retraitement seront-ils récupérés pour être incinérés ? Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 22/25
  • 24. A1. Liste des acronymes ADS Accelerator Driven System AIEA Agence Internationale de l'Energie Atomique ASTRID Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration CEA Commissariat à l'Energie Atomique CEN Centre d'Etude de l'Energie Nucléaire EREC European Renewable Energy Concil ESNII European Sustainable Nuclear Industrial Initiative GFR Gas cooled Fast Reactor GIF Generation IV International Forum IRSN Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire LFR Lead cooled Fast Reactor MIT Massachussets Institue of Technology MOX Mixed OXydes mpOC mouvement politique des Objecteurs de Croissance MYRRHA Multi-purpose hYbrid Research Reactor for High-tech Applications ONDRAF Organisme National des Déchets RAdioactifs et des matières Fissiles enrichies PUREX Plutonim & URanium EXtraction REP Réacteur à Eau Pressurisé RNR Réacteur à Neutrons Rapides SFR Sodium cooled Fast Reactor SNETP Sustainable Nuclear Energy Technology Platform Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 23/25
  • 25. A2. Liste des références « Myrrha : un futur réacteur nucléaire à Mol », RTBF.be http://www.rtbf.be/info/belgique/nucleaire/myrrha-la-belgique-a-la-pointe-de-la-recherche-nucleaire-281242 « Nucléaire : Myrrha suit son cours malgré les affaires courantes », RTBF.be http://www.rtbf.be/info/economie/nucleaire/nucleaire-myrrha-suit-son-cours-malgre-les-affaires-courantes-295850 « European Sustainable Nuclear Industrial Initiative (ESNII) Concept Paper » http://myrrha.sckcen.be/en/MYRRHA/~/media/Files/Myrrha/ESNII%20Concept%20Paper%20-%20v2010-02-03.ashx Sustainable Nuclear Energy Technology Platform http://www.snetp.eu/ « Myrrha – Science Towards Sustainability », SCK●CEN http://myrrha.sckcen.be/en Site internet de vulgarisation scientifique sur la radioactivité et le nucléaire http://www.laradioactivite.com/ « [R]évolution énergétique – Vers un avenir énergétique 100% vert pour l'Europe » http://www.greenpeace.org/belgium/fr/presse/rapports/revolution-energetique/ « Energy [r]evolution – TOWARDS A FULLY RENEWABLE ENERGY SUPPLY IN THE EU 27 » http://www.greenpeace.org/belgium/Global/belgium/report/2010/7/Energy_Revolution_En.pdf « Déconstruction de Superphénix : où en est-on ? », La Gazette nucléaire, février 2007 http://resosol.org/Gazette/2007/235236p25.html « Où en est la déconstruction de la centrale de Creys-Malville ? », LeProgrès.fr http://www.leprogres.fr/fr/article/2996433/Ou-en-est-la-deconstruction-de-la-centrale-de-Creys-Malville.html « Speech by Commissioner Oettinger at the Presentation of Greenpeace / DLR – Study "Energy [R]evolution" on the future of European energy use » http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/oettinger/headlines/speeches/2010/07/doc/20100708.pdf European renewable energy council/organisation http://www.erec.org/organisation.html « Nucléaire : Le réacteur de 4ème génération c’est le retour des surgénérateurs de type SuperPhénix », Construire un monde solidaire http://www.monde-solidaire.org/spip/spip.php?article4058 « Quatrième génération : vers un nucléaire durable », dossier de presse, CEA, 31/2/ 2010 http://www.cea.fr/content/download/33852/575120/file/Reacteurs-generation-4-CEA.pdf « Réacteurs de quatrième génération », note de synthèse, IRSN, 21/11/2007 http://www.irsn.fr/FR/base_de_connaissances/librairie/Documents/documents_reference/IRSN_reference_reacteurs_qua trieme_generation.pdf Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 24/25
  • 26. « Le surgénérateur tel que le critiquent officiellement les Anglais », Science & Vie n°711 http://www.dissident-media.org/infonucleaire/SV_n711_decembre1976.pdf « Les effets du plutonium sur la santé », Arjun Makhijani, IEER http://www.ieer.org/ensec/no-3/no3frnch/effets.html « R&D on Lead-Bismuth technology – Radiotoxicity issues » http://myrrha.sckcen.be/en/RD/Lead-Bismuth « Cycle du combustible : faire la transition vers les 3ème et 4ème générations de réac- teurs », dossier de presse, CEA, 1/7/2008 http://www.cea.fr/content/download/5472/35755/file/Cycle-du-combustible-CEA-juin-2008.pdf « Réponse d'Inter-Environnement Wallonie à la Consultation du public sur le Projet de Plan Déchets de l'ONDRAF et sur le rapport sur les incidences environnementales pour la gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité et/ou de longue durée de vie », 3 septembre 2010 http://www.iewonline.be/IMG/pdf/CEF_CdS_jd_100903_Plan_ondraf_reponse_IEW.pdf « Matières fissiles découvertes en Ukraine », 14 avril 2009 http://fr.rian.ru/world/20090414/121111360.html « Les causes de l'événement Tchernobyl », Jacques Frot, novembre 2000 www.ecolo.org/documents/documents_in_french/fr.causes-Tchernobyl.jfrot.doc « Le complexe nucléaire », Bruno Barillot, CDRPC, février 2005 « Le premier mort du nucléaire : avant René Allègre, cette industrie n'avait jamais fait de victime en France parmi le personnel », Le Figaro, 2/4/1994 « La liste qui fait peur aux experts », Le Soir, samedi 24 et dimanche 25/5/2008 « Déchets nucléaires : la cacophonie », Science & Vie n°1118 « Exit le nucléaire, bienvenue aux renouvelables », magazine Greenpeace, printemps 2011 Le projet MYRRHA : un mirage technologique ? page 25/25