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Cormier1
La fin de la Seconde Guerre mondiale marquait un point important dans l’histoire de l’humanité
avec l’Allemagne Nazie qui venait d’être vaincue pour une seconde fois en presque trente ans. Par contre,
la fin de ce second conflit mondial apportait un « vide de puissance […] en Europe du fait de la défaite du
III Reich1 ». Il s’agirait d’une mauvaise conception de croire que les États-Unis tentaient d’imposer leur
domination dans ce vide, mais ils étaient par contre farouchement impliqués dans cette région du monde à
cause de l’influence soviétique qui y gagnait de la sympathie. Les États-Unis tentaient alors de mettre en
place une sphère d’influence occidentale, surtout en Europe de l’Ouest, qui pourrait contrecarrée celle qui
était lentement imposée par le communisme en Europe Centrale et en Europe de l’Est. Une peur du
communisme s’implantait fermement dans l’ensemble des démocraties occidentales libérales, surtout avec
l’influence soviétique qui atteignit Cuba et certains États d’Afrique qui étaient en plein processus de
décolonisation. La position du Canada sur la scène internationale restait à définir par l’élite politique
canadienne qui travaillait fort à y donner une place de leader des puissances intermédiaires. Par contre,
malgré les incertitudes canadiennes concernant leur rôle à jouer dans le nouvel ordre international qui se
dessinait sous leurs yeux, l’URSS avait une vision très claire du Canada comme faisant parti de l’orbite
américaine. « Aux yeux des dirigeants soviétiques, le Canada était à la fois le lieu où se transmettait la
puissance impériale de la Grande-Bretagne aux États-Unis et la « plate-forme » d’où serait lancée
l’invasion de l’URSS ».2
L’idéologie communiste aurait notamment aidée à définir le rôle du Canada dans
la guerre froide. J. I Gow, dans un article sur la vision québécoise de la guerre froide, explique notamment
que « tous étaient d’accord sur le fait qu’il ne pourrait y avoir de coexistence idéologique entre le
catholicisme et le communisme, cependant que le débat s’est engagé sur les possibilités de cohabitation
pacifique entre les États communistes et occidentaux. »3
1 André Fontaine, « Histoirede la Guerre froide» Louis-J. Hallé,« The Cold War as History »,Politique étrangère, 1968,
vol. 33,n° 1, p. 72.
2 J. L. Black,« Kanada-Votchina Amerikanskogo Imperializma : Canada and Canadian Communists in theSoviet ‘Coming
War’Paradigm,1946-1951 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 57, n˚3, 2004, p. 159.
3 J. I.Gow, « Les Québécois, la guerre et la paix,1945-60 »,Revue canadienne de science politique, Vol. 3, n˚1, 1970,p.
102.
Cormier2
Malgré cette vision du conflit idéologique visible à l’horizon, les opinions étaient grandement
partagées sur le sujet, surtout au Canada qui dès le 5 septembre 1945, était directement impliqué à cause de
l’Affaire Gouzenko. Il est notamment possible d’observer les changements idéologiques du Canada envers
ce conflit en étudiant la presse canadienne qui fut produite au début de l’année 1946. Le présent travail fera
donc l’objet d’une analyse de presse qui aura pour but de mettre de la lumière sur l’opinion canadienne
durant la première année de la guerre froide et comment ce conflit a joué un rôle sur les relations canado-
américaine et canado-britannique. Notre analyse sera conduite à l’aide de la presse trouvée dans le journal
Le Droit, une presse qui se montra en faveur d’une politique de résistance forte et unifiée au communisme4
.
Étant un journal situé dans la région d’Ottawa-Gatineau, il devrait pouvoir nous donner des indications de
premier plan sur les décisions et les opinions de l’élite politique durant les débuts de la guerre froide, plus
précisément pendant une période de six mois, du 16 février 1946 (première apparition concernant l’Affaire
Gouzenko dans la presse) au 20 juillet 1946 (changement de direction politique avec des nouvelles
concernant la loi sur le cadenas qui sera imposée à l’ensemble du pays). Côté méthodologique, notre choix
d’éditions sera loin d’être régulier à cause de la nature de notre étude. La vision adoptée par Le
Devoirenvers la guerre froide était plutôt juridique et politique que sociale et idéologique et donc, rendait
compte des développements juridiques plutôt que sociaux. Nous voulons essentiellement démontrer que le
Canada semblait réticent à s’impliquer directement dans le conflit, surtout avec la connaissance d’un réseau
d’espionnage en sol canadien, mais il semble que les convictions du gouvernement canadien, après les trois
rapports officiels, alarment, de la Commission royale d’enquête,l’auraient pousséà prendre des mesures
directes, surtout avec une politique permanente de propagande et avec la loi sur le cadenas.
Affaire Gouzenko
« L’affaire Gouzenko justifie, aux yeux de plusieurs, l’engagement du Canada dans la guerre
froide.5
» Le Canada apprend pour la première fois, que plusieurs fonctionnaires d’Ottawa ont été arrêtés
4Ibid.
5 Magali Deleuze, « Le Canada,les canadienset la guerre d’Indochine : quelques intérêts communs? », Guerres mondiales
et conflits contemporains, n˚223, 2006, p. 18.
Cormier3
comme espions pour la Russie (Le Droit, 16 février 1946). Igor Gouzenko, travailleur au service du chiffre
de l’ambassade soviétique à Ottawa, reçoit un message codé venant de Russie lui demandant de rentrer au
pays. Immédiatement, il croit qu’il va être puni pour une erreur qu’il aurait commise. Il décide de prendre
tous les documents secrets avec lesquels il travaillaient depuis quelques années, reliant la Russie à un
réseau d’espionnage mis en place au Canada dans le but d’obtenir plusieurs secrets dont ceux de la bombe
atomique. Le 5 septembre 1945, Gouzenko fait défection et se rend aux autorités sous peur que sa vie soit
menacée. Le 7 septembre, le gouvernement canadien lui accorde l’asile politique à Gouzenkoet à sa
famille.
Le Droit nous révèle avec peu de détails que Mackenzie King aurait consulté le président des États-
Unis, Harry S. Truman et le secrétaire des Affaires Étrangères britannique, Ernest Bevin, au sujet de toute
l’affaire, étant les deux alliés principaux du Canada non seulement pendant la Seconde Guerre mondiale,
mais aussi dans la période d’après-guerre. Il semble qu’il y ait très peu d’information au sujet de l’affaire
d’espionnage puisque Le Droit s’en tient de rapporter l’article de Drew Pearson paru à Washington qui fait
une description des relations Américano-soviétiques au moment où le monde apprend qu’un réseau
d’espionnage a été découvert au Canada, en plus de la déclaration du premier ministre King qui décrit la
politique entourant la nouvelle Commission Royale d’enquête mise sur pied, composée des honorables
juges Taschereau et Kellock (Le Devoir, 16 février 1946). Le journal s’abstient de spéculer sur l’affaire
pour ne pas élever de faux soupçons et pour maintenir de bonnes relations diplomatiques non seulement
avec l’URSS, mais aussi avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Ultimement, la seule chose que Le Droit nous révèle concerne le fait que vingt-deux hommes sont
détenus par la gendarmerie royale, dont quelques personnages officiels qui pourraient déjà faire face à de
très graves accusations (Le Devoir, 16 février 1946). On peut en comprendre que le journal prend une
approche plutôt réserviste concernant toute l’affaire en s’abstenant de spéculer quoi que ce soit pour ne pas
faire peur à la population et pour garder l’affaire à « huit clos ».Deux jours après la première nouvelle de
cette « affaire sensationnelle » (Le Droit, 16 février 1946), Le Droitoublie une colonne qui donne plus de
Cormier4
détails sur l’enquête royale mise en place par le premier ministre King. Le journal démontre un premier
signe de spéculation, sans connaître la magnitude de l’affaire d’espionnage, en la caractérisant de
« cinquième colonne » (Le Droit, 18 février 1946);un groupe clandestin important, travaillant de l’intérieur
d’un pays en tant qu’agent double ayant comme cible la population de la nation infiltrée6.
Commission Royale d’enquête
Après le choc original entourant la nouvelle entourant l’affaire Gouzenko, la presse canadienne
commence à donner de plus en plus d’information concernant les procédures adoptées par la Gendarmerie
royale pour procéder aux arrestations des suspects (Le Droit, 20 février 1946). On apprend par Le Droit,
qu’une cinquantaine de suspects seraient détenus par la Gendarmerie royale dont douze sont sujets
d’accusations graves. Les autres seraient détenus comme simple témoins. Il semble que le journal fait
appel, de façon subtile, à la méfiance des citoyens canadiens en expliquant que la « cinquième colonne »
observée au sein de la société canadienne avait réussie, au moment où Igor Gouzenko dévoile toute
l’opération au gouvernement canadien, à englober des employés du gouvernement, des partis politiques
secondaires et un nombre de dénommées sociétés « d’amitié » alliés de près à l’Union Soviétique (Le
Droit, 20 février 1946).
Depuis le 16 février, l’URSS était restée silencieuse concernant les accusations d’espionnage
jusqu’au 21 février lorsque Le Droit publie une colonne démontrant que l’URSS admettait qu’il y avait eu
bel et bien espionnage. Par contre, cette dernière accusait « le gouvernement canadien d’encourager une
campagne antisoviétique sans frein » (Le Droit, 21 février 1946 / Londres (P.C.). Cette nouvelle relève de
questions purement politiques et diplomatiques puisque comme le grand titre-le démontre, « Moscou
prétend être une victime » lorsqu’elle est responsable d’implanter un réseau d’espionnage non seulement au
Canada, mais aussi aux États-Unis et possiblement en Grande-Bretagne. Le lendemain, Le Droit publie une
colonne rendant compte des relations diplomatiques russo-canadiennes qui venaient de s’envenimées à la
suite d’accusations directes portées par le journal officiel russe Izvestia contre le premier ministre
6 L. D. Cross.Spies in our midst. Alberta, Amazing Stories, 2005,p. 78-79.
Cormier5
Mackenzie King et le secrétaire des Affaires Étrangères britannique Ernest Bevin, de chercher « à saper
l’autorité internationale croissante de l’Union Soviétique » (Le Droit, 22 février 1946 / Moscou (PA).Le
Droit met en évidence plus bas dans la colonne que le journal Izvestia est un organe principal du Parti
Communiste, démontrant une volonté évidente du gouvernement communiste d’envoyer un message aux
démocraties occidentales.
La portée de l’affaire d’espionnage prit une plus grande ampleur lorsque Le Droit fait part de la
nouvelle qu’un suspect a été arrêté à Londres. Avant le 25 février 1946, les États-Unis et le Canada étaient
les deux seuls pays à être directement affectés et impliqués dans le scandale, mais lorsqu’un savant
britannique qui avait aidé à fabriquer la bombe atomique a été arrêté au Royaume-Uni, la Grande-Bretagne
se voit tirée dans le conflit qui touchait maintenant les trois plus importantes démocraties occidentales,
principales adversaires du communisme (Le Droit, 25 février 1946).
Loi des secrets officiels
Le 4 mars 1946 marque un nouveau chapitre pour le dossier d’espionnage lorsque Le Devoir publie
une colonne basée sur des informations officielles décrivant qu’un rapport des commissaires de la
Commission Royale rendant compte du fait que quatre hauts fonctionnaires d’Ottawa avaient été trouvés
coupables, à la suite de leur traduction en cours, d’avoir « communiqué, directement ou indirectement des
« informations secrètes et confidentielles’ à des représentants de l’Union Soviétique, violant ainsi la loi des
secrets officiels de 1939 » (Le Droit, 4 mars 1946). Parmi les quatre fonctionnaires, Le Droit rapporte
qu’Emma Woikin, commis au chiffre au ministère des Affaires Extérieures, fut la seule à confesser sa
culpabilité lors de son procès où elle fut jugée par le magistrat Glen E. Strike (Le Droit, 4 mars 1946). La
majorité de cet article relève des informations relatives au processus d’appel et du procès des quatre
fonctionnaires, délaissé de toute subjectivité et purement juridique de la part du Droit.
Le développement du cas concernant les quatre fonctionnaires qui ont été accusés d’avoir brisés la
loi des secrets officiels se poursuit lorsque Le Droit rapporte les paroles de « Me Lee Kelley, procureur
général spécial de la couronne dans l’affaire d’espionnage au compte de la Russie », que d’autres chefs
Cormier6
d’accusations seraient portés contre les quatre fonctionnaires accusés. Il semblait que les journalistes
présents lors de la séance juridique du 11 mars 1946 s’attendaient à voir de nouveaux suspects comparaître
devant la Cour mais avec la seule présence des même quatre accusés, Le Droit laisse présumer que
l’enquête n’est toujours pas terminée.
Pour la première fois, Le Droit dévoile des détails qui n’avaient pas été divulgués auparavant par la
presse ou par l’élite politique concernant le début de toute cette affaire. Il semblerait que l’affaire
d’espionnage ait commencée en septembre 1945 « alors qu’un agent russe, Igor Gosenko se rendit aux
bureaux de Me Raoul Mercier, CR, substitut du procureur de la couronne, et dévoila à sa secrétaire Mme
Fernande Joubarne, tout l’intrigue de l’espionnage russe » (Le Droit, 11 mars 1946).
Fred Rose
La société canadienne est bouleversée lorsqu’elle apprend, le 15 mars 1946, qu’un député fédéral,
Fred Rose, a été arrêté et a comparu devant le tribunal sous deux différents chefs d’accusation, mentionne
Le Droit (Le Droit, 15 mars 1946). L’édition journalière du 15 mars est notamment dominée par des
nouvelles juridiques faisant la manche avec de nouvelles « Révélations sensationnelles sur le réseau
d’espionnage », lorsque Le Droit fait par d’explications et de textes officiels concernant le deuxième
rapport intérimaire sur l’affaire d’espionnage de la part de la Commission royale d’enquête (Le Droit, 15
mars 1946). Quatre autres personnages importants auraient été arrêtés et trois d’entre eux auraient
comparus devant le tribunal avec Fred Rose dont un professeur de l’Université de McGill, un certain Dr
Raymond Boyer qui ferait de l’espionnage depuis 1940 (Le Droit, 15 mars 1946).
En vertu des développements dans l’affaire d’espionnage et de montant d’accusés qui continu de
croitre, le tribunal aurait pris la résolution d’imposer des cautionnements de montants différents aux divers
accusés en relation avec la sévérité des différentes accusations portées contre eux.
Une déclaration du premier ministre Mackenzie King jette de la lumière sur la longévité de l’affaire
d’espionnage. Il semblerait que King, lors de la séance des Communes du 18 mars, aurait parlé en long du
réseau d’espionnage en mentionnant « qu’il s’agissait d’une des situations les plus sérieuses que le Canada
Cormier7
ait jamais connues » (Le Droit, 19 mars 1946). Concernant l’enquête judiciaire, la presse rapporte le
commentaire de King qui fait part d’une dimension beaucoup plus diplomatique de toute l’affaire qu’une
simple dimension militaire qui concernerait le secret de la bombe atomique. La Commission d’enquête
aurait notamment découverte que le réseau d’espionnage avait été actif depuis 1943. Le Droit fait part des
paroles du premier ministre en relation aux accusations portées contre lui par les propagandistes russes dans
le but, on peut croire, d’alléger les relations diplomatiques russo-canadiennes, en soulignant sa sympathie
pour les ouvrier et les interventions canadiennes concernant l’aide-mutuelle et les fonds pour les enfants
russe (Le Droit, 19 mars 1946).
Troisième guerre mondiale?
Une révélation d’importance capitale concernant le réseau d’espionnage nous parvient par Le Droit
sous le grand titre « Le Guépéou au pays ». En tant que police secrète communiste, la déclaration d’Igor
Gouzenko concernant l’extension canadienne de la Guépéou soulève la population canadienne. La nouvelle
communiquée par Le Droit soulève des questions d’ordre politique institutionnelles. Il semblerait « que les
Russes « ont créé cette agence ou réseau (travail d’espionnage) » en se servant d’un agent particulier et que
cet agent est le Parti Communiste du Canada » (Le Droit, 22 mars 1946). Selon Gouzenko, après avoir
consulté plusieurs différents documents venus de Russie concernant la politique de la police russe, il ne
s’agirait qu’un « paravent » qui serait utilisé pour cacher la véritable politique russe qui ne viserait
aucunement la construction de relations russo-canadiennes amicales (Le Droit, 22 mars 1946). Gouzenko
serait même certain que les autorités russes « préparent le terrain en vue de ce qui peut être la source d’une
guerre ». Cette déclaration rapportée par Le Droit ne peut faire autrement que d’élever la tension
diplomatique et politique d’un cran non seulement pour le Canada, pris pour cible de façon directe, mais
aussi pour les États-Unis et la Grande-Bretagne, pris pour cibles indirectes.
Le second personnage le plus sévèrement accusé dans l’affaire d’espionnage après Fred Rose, le
colonel David-Gardon Lunan, prétendu chef du réseau d’espionnage, enseveli sous six différents chefs
d’accusations, était un ancien membre du personnel de la Commission d’Information en temps de guerre.
Cormier8
Le Droit mentionne le fait, d’orientation juridique, que l’accusé en question s’est vu refusé la liberté sous
cautionnement provisoirement décidé à 6000$, par le magistrat Glenn Strike qui a décidé d’annuler cette
option (Le Droit, 3 avril 1946). La Commission Taschereau-Kellock aurait rendu un document de deux-
cent pages formé par son témoignage qui aurait convaincu le magistrat de la culpabilité de Lunan.
Un bilan à la fois positif et incertain est publié dans Le Droit dans un éditorial par Douglas How. Il
soulève notamment des points positifs de l’affaire jusqu’à date (13 avril 1946). Depuis le début de
l’enquête il y a deux mois, Douglas How mentionne que quatorze personnes ont été accusées au Canada et
une seule en Grande-Bretagne. Cela est un bon début, mais l’auteur propose que malgré les connaissances
acquises sur l’affaire concernant ses débuts remontant jusqu’en 1943, elle pourrait être loin d’être terminée
et pourraient faire la une pendant plusieurs années encore (Le Droit, 13 avril 1946). Les autorités ne se sont
pas encore prononcées sur ces questions d’ordre politique et juridique. Malgré cela, on apprend que parmi
les quatorze personnes accusées au Canada, seulement une d’entre elles (le Dr Raymond Boyer)
représentait une surprise. On peut alors croire que le gouvernement canadien avait déjà des doutes à leur
sujet, en même temps de certains doutes concernant les intentions de l’URSS.
Fin des procès et changements politiques
La dernière session officielle de Fred Rose devant le juge Wilfrid Lazure c’est terminé sous les
soupçons de mépris de la part du tribunal, comme le présente la manchette du Droit. Fred Rose, malgré le
fait qu’il plaide qu’il « n’ai rien fait contre les intérêts du peuple canadien », se voit attribué une peine de
six ans au pénitencier pour avoir « trahi » son pays d’adoption après avoir travaillé et vécue au Canada sous
un faux nom (Le Droit, 20 juin 1946). Cette nouvelle publiée par Le Droit soulève des questions d’ordre
juridique comme quoi il serait possible que Rose soit reconnue coupable faussement par le juge Lazure et
remet en questions les véritables convictions de l’accusé et du système judicia ire canadien.
Le Droit rapporte notamment les dernières paroles de Rose avant d’être emporté au pénitencier
comme quoi « l’incendie du Reichstag mis le feu à la trainée de poudre qui mena à la deuxième grande
guerre et que l’enquête sur l’espionnage au Canada peut facilement être le prélude à la troisième, une
Cormier9
guerre atomique qui mettra fin à toutes guerres, car elle finira par détruire toute l’humanité » (Le Droit,
2 juillet 1946), une déclaration atroce qui mènera notamment à plusieurs mesures qui seront adoptées par le
gouvernement du Canada.
Le 17 juillet, Le Droit rapporte notamment la nouvelle concernant l’adoption d’un service
permanent de propagande par le gouvernement canadien, en relation à la dernière déclaration de Fred Rose.
Le gouvernement voudrait notamment « régulariser la situation par une législation qui constituera la
demeure de tout l’organisme fédéral de propagande » (Le Droit, 17 juillet 1946). Cette propagande aurait
spécialement été intensifiée à l’étranger, ce qui pourrait démontrer une volonté du Canada d’améliorer ses
relations diplomatiques et d’assurer la bonne gestion des informations qui circulent non seulement au pays,
mais aussi à l’étranger.
On reçoit d’autres nouvelles concernant les changements politiques du Canada, cette fois-ci
concernant le système d’émission des passeports lorsque le gouvernement canadien met en place une
« centralisation de tous les services dans un même édifice » dans le but de mieux contrôler l’octroi des
passeports pour ne pas en donner, par erreur, à des espions (Le Droit, 18 juillet 1946). Cette politique,
comme l’explique Le Droit, relève de la sécurité publique et de la citoyenneté canadienne dans le but
d’éviter la corruption de la société canadienne. Le Canada resserre ses portes en augmentant la sécurité qui,
comme nous l’avons vu avec l’affaire d’espionnage, laissait à désirer. Étrangement, le gouvernement
canadien, selon Le Droit, « suivrait l’attitude du Québec qui a maintenu la mise hors la loi des
communistes » lorsqu’il a mis en place il y a dix ans, l’article 98 de la loi sur le cadenas (Le Droit, 20
juillet 1946). Cette loi devrait, comme elle l’avait fait en 1936, mettre hors la loi le Parti Communiste
canadien et à nouveau, en réaction au dernier rapport de la Commission royale, fermerait ses portes pour de
bon.
Notre but principal lors de notre étude de la perception du communisme au Canada, en réaction à
l’affaire du réseau d’espionnage canadien, était essentiellement de démontrer, par l’étude de la presse
publiée par Le Droit du 16 février 1946 au 20 février 1946 était plutôt politique et juridique que sociale et
Cormier10
idéologique. Malgré notre hypothèse, il semble que nous nous sommes un peu trompé puisqu’à plusieurs
reprises, mais toutefois très subtilement, il semble que Le Droit tente d’éveiller, mais de façon très limité,
l’opinion canadienne sur le sujet. Par contre, nous avons été efficacement en mesure de démontre que la
presse publié par Le Droit était massivement politique et même diplomatique, reliée aux relations avec les
États-Unis, la Grande-Bretagne et même avec la Russie, sous plusieurs déclarations du premier ministre
Mackenzie King. Ensuite, on peut dire qu’une grande majorité des éditions journalistiques consultées
étaient de nature juridique avec les procès de Fred Rose, d’Igor Gouzenko, du Dr Raymond Boyer et des
autres nombreux accusés d’avoir participés au vaste réseau d’espionnage communiste canadien. Comme
mentionné en introduction, étant situé dans la région d’Ottawa-Gatineau, région où est situé le
gouvernement du Canada, qu’il était dans notre intérêt de démontrer que l’emplacement du journal Le
Droit aurait permis d’avoir une vision plutôt objective de toute l’affaire d’espionnage, basée sur les faits et
sur les déclarations de l’élite politique et des personnes impliquées sans interprétations spéculatives. Il
serait tout de même intéressant d’étudier un journal situé dans la région où se trouvait le Parti Communiste
du Canada pour observer la façon dont les événements entourant l’enquête royale étaient perçus, surtout
après avoir pris connaissance, par le dernier rapport de la Commission Taschereau-Kellock, que le Parti
Communiste du Canada agissait comme base pour tout le réseau d’espionnage.
Cormier11
Bibliographie
Black, J. L., « Kanada-Votchina Amerikanskogo Imperializma: Canada and Canadian Communists in the
Soviet ‘Coming War’ Paradigm, 1946-1951 », Revue d’histoire de l’Amérique française,vol. 57, n˚3, 2004,
pp. 159-187.
CROSS, L. D. Spies in our midst. Alberta, Amazing Stories, 2005, 135 p.
DELEUZE, Magali, « Le Canada, les canadiens et la guerre d’Indochine : quelques intérêts communs? »,
Guerres mondiales et conflits contemporains, n˚223, 2006, pp. 17-29.
GOW, J. I., « Les Québécois, la guerre et la paix, 1945-60 », Revue canadienne de science politique,
Vol. 3, n˚1, 1970, pp. 88-122.
FONTAINE, André, « Histoire de la Guerre froide », HALLÉ, Louis-J, « The Cold War as
History », Politique étrangère, 1968, vol. 33, n° 1, pp. 71-74.

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Le rôle du Chicago Defender et du National Herald dans l'adaptation des commu...
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La république face aux enjeux du xxème siècle la république trois républiques
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Analyse de presse

  • 1. Cormier1 La fin de la Seconde Guerre mondiale marquait un point important dans l’histoire de l’humanité avec l’Allemagne Nazie qui venait d’être vaincue pour une seconde fois en presque trente ans. Par contre, la fin de ce second conflit mondial apportait un « vide de puissance […] en Europe du fait de la défaite du III Reich1 ». Il s’agirait d’une mauvaise conception de croire que les États-Unis tentaient d’imposer leur domination dans ce vide, mais ils étaient par contre farouchement impliqués dans cette région du monde à cause de l’influence soviétique qui y gagnait de la sympathie. Les États-Unis tentaient alors de mettre en place une sphère d’influence occidentale, surtout en Europe de l’Ouest, qui pourrait contrecarrée celle qui était lentement imposée par le communisme en Europe Centrale et en Europe de l’Est. Une peur du communisme s’implantait fermement dans l’ensemble des démocraties occidentales libérales, surtout avec l’influence soviétique qui atteignit Cuba et certains États d’Afrique qui étaient en plein processus de décolonisation. La position du Canada sur la scène internationale restait à définir par l’élite politique canadienne qui travaillait fort à y donner une place de leader des puissances intermédiaires. Par contre, malgré les incertitudes canadiennes concernant leur rôle à jouer dans le nouvel ordre international qui se dessinait sous leurs yeux, l’URSS avait une vision très claire du Canada comme faisant parti de l’orbite américaine. « Aux yeux des dirigeants soviétiques, le Canada était à la fois le lieu où se transmettait la puissance impériale de la Grande-Bretagne aux États-Unis et la « plate-forme » d’où serait lancée l’invasion de l’URSS ».2 L’idéologie communiste aurait notamment aidée à définir le rôle du Canada dans la guerre froide. J. I Gow, dans un article sur la vision québécoise de la guerre froide, explique notamment que « tous étaient d’accord sur le fait qu’il ne pourrait y avoir de coexistence idéologique entre le catholicisme et le communisme, cependant que le débat s’est engagé sur les possibilités de cohabitation pacifique entre les États communistes et occidentaux. »3 1 André Fontaine, « Histoirede la Guerre froide» Louis-J. Hallé,« The Cold War as History »,Politique étrangère, 1968, vol. 33,n° 1, p. 72. 2 J. L. Black,« Kanada-Votchina Amerikanskogo Imperializma : Canada and Canadian Communists in theSoviet ‘Coming War’Paradigm,1946-1951 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 57, n˚3, 2004, p. 159. 3 J. I.Gow, « Les Québécois, la guerre et la paix,1945-60 »,Revue canadienne de science politique, Vol. 3, n˚1, 1970,p. 102.
  • 2. Cormier2 Malgré cette vision du conflit idéologique visible à l’horizon, les opinions étaient grandement partagées sur le sujet, surtout au Canada qui dès le 5 septembre 1945, était directement impliqué à cause de l’Affaire Gouzenko. Il est notamment possible d’observer les changements idéologiques du Canada envers ce conflit en étudiant la presse canadienne qui fut produite au début de l’année 1946. Le présent travail fera donc l’objet d’une analyse de presse qui aura pour but de mettre de la lumière sur l’opinion canadienne durant la première année de la guerre froide et comment ce conflit a joué un rôle sur les relations canado- américaine et canado-britannique. Notre analyse sera conduite à l’aide de la presse trouvée dans le journal Le Droit, une presse qui se montra en faveur d’une politique de résistance forte et unifiée au communisme4 . Étant un journal situé dans la région d’Ottawa-Gatineau, il devrait pouvoir nous donner des indications de premier plan sur les décisions et les opinions de l’élite politique durant les débuts de la guerre froide, plus précisément pendant une période de six mois, du 16 février 1946 (première apparition concernant l’Affaire Gouzenko dans la presse) au 20 juillet 1946 (changement de direction politique avec des nouvelles concernant la loi sur le cadenas qui sera imposée à l’ensemble du pays). Côté méthodologique, notre choix d’éditions sera loin d’être régulier à cause de la nature de notre étude. La vision adoptée par Le Devoirenvers la guerre froide était plutôt juridique et politique que sociale et idéologique et donc, rendait compte des développements juridiques plutôt que sociaux. Nous voulons essentiellement démontrer que le Canada semblait réticent à s’impliquer directement dans le conflit, surtout avec la connaissance d’un réseau d’espionnage en sol canadien, mais il semble que les convictions du gouvernement canadien, après les trois rapports officiels, alarment, de la Commission royale d’enquête,l’auraient pousséà prendre des mesures directes, surtout avec une politique permanente de propagande et avec la loi sur le cadenas. Affaire Gouzenko « L’affaire Gouzenko justifie, aux yeux de plusieurs, l’engagement du Canada dans la guerre froide.5 » Le Canada apprend pour la première fois, que plusieurs fonctionnaires d’Ottawa ont été arrêtés 4Ibid. 5 Magali Deleuze, « Le Canada,les canadienset la guerre d’Indochine : quelques intérêts communs? », Guerres mondiales et conflits contemporains, n˚223, 2006, p. 18.
  • 3. Cormier3 comme espions pour la Russie (Le Droit, 16 février 1946). Igor Gouzenko, travailleur au service du chiffre de l’ambassade soviétique à Ottawa, reçoit un message codé venant de Russie lui demandant de rentrer au pays. Immédiatement, il croit qu’il va être puni pour une erreur qu’il aurait commise. Il décide de prendre tous les documents secrets avec lesquels il travaillaient depuis quelques années, reliant la Russie à un réseau d’espionnage mis en place au Canada dans le but d’obtenir plusieurs secrets dont ceux de la bombe atomique. Le 5 septembre 1945, Gouzenko fait défection et se rend aux autorités sous peur que sa vie soit menacée. Le 7 septembre, le gouvernement canadien lui accorde l’asile politique à Gouzenkoet à sa famille. Le Droit nous révèle avec peu de détails que Mackenzie King aurait consulté le président des États- Unis, Harry S. Truman et le secrétaire des Affaires Étrangères britannique, Ernest Bevin, au sujet de toute l’affaire, étant les deux alliés principaux du Canada non seulement pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi dans la période d’après-guerre. Il semble qu’il y ait très peu d’information au sujet de l’affaire d’espionnage puisque Le Droit s’en tient de rapporter l’article de Drew Pearson paru à Washington qui fait une description des relations Américano-soviétiques au moment où le monde apprend qu’un réseau d’espionnage a été découvert au Canada, en plus de la déclaration du premier ministre King qui décrit la politique entourant la nouvelle Commission Royale d’enquête mise sur pied, composée des honorables juges Taschereau et Kellock (Le Devoir, 16 février 1946). Le journal s’abstient de spéculer sur l’affaire pour ne pas élever de faux soupçons et pour maintenir de bonnes relations diplomatiques non seulement avec l’URSS, mais aussi avec les États-Unis et la Grande-Bretagne. Ultimement, la seule chose que Le Droit nous révèle concerne le fait que vingt-deux hommes sont détenus par la gendarmerie royale, dont quelques personnages officiels qui pourraient déjà faire face à de très graves accusations (Le Devoir, 16 février 1946). On peut en comprendre que le journal prend une approche plutôt réserviste concernant toute l’affaire en s’abstenant de spéculer quoi que ce soit pour ne pas faire peur à la population et pour garder l’affaire à « huit clos ».Deux jours après la première nouvelle de cette « affaire sensationnelle » (Le Droit, 16 février 1946), Le Droitoublie une colonne qui donne plus de
  • 4. Cormier4 détails sur l’enquête royale mise en place par le premier ministre King. Le journal démontre un premier signe de spéculation, sans connaître la magnitude de l’affaire d’espionnage, en la caractérisant de « cinquième colonne » (Le Droit, 18 février 1946);un groupe clandestin important, travaillant de l’intérieur d’un pays en tant qu’agent double ayant comme cible la population de la nation infiltrée6. Commission Royale d’enquête Après le choc original entourant la nouvelle entourant l’affaire Gouzenko, la presse canadienne commence à donner de plus en plus d’information concernant les procédures adoptées par la Gendarmerie royale pour procéder aux arrestations des suspects (Le Droit, 20 février 1946). On apprend par Le Droit, qu’une cinquantaine de suspects seraient détenus par la Gendarmerie royale dont douze sont sujets d’accusations graves. Les autres seraient détenus comme simple témoins. Il semble que le journal fait appel, de façon subtile, à la méfiance des citoyens canadiens en expliquant que la « cinquième colonne » observée au sein de la société canadienne avait réussie, au moment où Igor Gouzenko dévoile toute l’opération au gouvernement canadien, à englober des employés du gouvernement, des partis politiques secondaires et un nombre de dénommées sociétés « d’amitié » alliés de près à l’Union Soviétique (Le Droit, 20 février 1946). Depuis le 16 février, l’URSS était restée silencieuse concernant les accusations d’espionnage jusqu’au 21 février lorsque Le Droit publie une colonne démontrant que l’URSS admettait qu’il y avait eu bel et bien espionnage. Par contre, cette dernière accusait « le gouvernement canadien d’encourager une campagne antisoviétique sans frein » (Le Droit, 21 février 1946 / Londres (P.C.). Cette nouvelle relève de questions purement politiques et diplomatiques puisque comme le grand titre-le démontre, « Moscou prétend être une victime » lorsqu’elle est responsable d’implanter un réseau d’espionnage non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis et possiblement en Grande-Bretagne. Le lendemain, Le Droit publie une colonne rendant compte des relations diplomatiques russo-canadiennes qui venaient de s’envenimées à la suite d’accusations directes portées par le journal officiel russe Izvestia contre le premier ministre 6 L. D. Cross.Spies in our midst. Alberta, Amazing Stories, 2005,p. 78-79.
  • 5. Cormier5 Mackenzie King et le secrétaire des Affaires Étrangères britannique Ernest Bevin, de chercher « à saper l’autorité internationale croissante de l’Union Soviétique » (Le Droit, 22 février 1946 / Moscou (PA).Le Droit met en évidence plus bas dans la colonne que le journal Izvestia est un organe principal du Parti Communiste, démontrant une volonté évidente du gouvernement communiste d’envoyer un message aux démocraties occidentales. La portée de l’affaire d’espionnage prit une plus grande ampleur lorsque Le Droit fait part de la nouvelle qu’un suspect a été arrêté à Londres. Avant le 25 février 1946, les États-Unis et le Canada étaient les deux seuls pays à être directement affectés et impliqués dans le scandale, mais lorsqu’un savant britannique qui avait aidé à fabriquer la bombe atomique a été arrêté au Royaume-Uni, la Grande-Bretagne se voit tirée dans le conflit qui touchait maintenant les trois plus importantes démocraties occidentales, principales adversaires du communisme (Le Droit, 25 février 1946). Loi des secrets officiels Le 4 mars 1946 marque un nouveau chapitre pour le dossier d’espionnage lorsque Le Devoir publie une colonne basée sur des informations officielles décrivant qu’un rapport des commissaires de la Commission Royale rendant compte du fait que quatre hauts fonctionnaires d’Ottawa avaient été trouvés coupables, à la suite de leur traduction en cours, d’avoir « communiqué, directement ou indirectement des « informations secrètes et confidentielles’ à des représentants de l’Union Soviétique, violant ainsi la loi des secrets officiels de 1939 » (Le Droit, 4 mars 1946). Parmi les quatre fonctionnaires, Le Droit rapporte qu’Emma Woikin, commis au chiffre au ministère des Affaires Extérieures, fut la seule à confesser sa culpabilité lors de son procès où elle fut jugée par le magistrat Glen E. Strike (Le Droit, 4 mars 1946). La majorité de cet article relève des informations relatives au processus d’appel et du procès des quatre fonctionnaires, délaissé de toute subjectivité et purement juridique de la part du Droit. Le développement du cas concernant les quatre fonctionnaires qui ont été accusés d’avoir brisés la loi des secrets officiels se poursuit lorsque Le Droit rapporte les paroles de « Me Lee Kelley, procureur général spécial de la couronne dans l’affaire d’espionnage au compte de la Russie », que d’autres chefs
  • 6. Cormier6 d’accusations seraient portés contre les quatre fonctionnaires accusés. Il semblait que les journalistes présents lors de la séance juridique du 11 mars 1946 s’attendaient à voir de nouveaux suspects comparaître devant la Cour mais avec la seule présence des même quatre accusés, Le Droit laisse présumer que l’enquête n’est toujours pas terminée. Pour la première fois, Le Droit dévoile des détails qui n’avaient pas été divulgués auparavant par la presse ou par l’élite politique concernant le début de toute cette affaire. Il semblerait que l’affaire d’espionnage ait commencée en septembre 1945 « alors qu’un agent russe, Igor Gosenko se rendit aux bureaux de Me Raoul Mercier, CR, substitut du procureur de la couronne, et dévoila à sa secrétaire Mme Fernande Joubarne, tout l’intrigue de l’espionnage russe » (Le Droit, 11 mars 1946). Fred Rose La société canadienne est bouleversée lorsqu’elle apprend, le 15 mars 1946, qu’un député fédéral, Fred Rose, a été arrêté et a comparu devant le tribunal sous deux différents chefs d’accusation, mentionne Le Droit (Le Droit, 15 mars 1946). L’édition journalière du 15 mars est notamment dominée par des nouvelles juridiques faisant la manche avec de nouvelles « Révélations sensationnelles sur le réseau d’espionnage », lorsque Le Droit fait par d’explications et de textes officiels concernant le deuxième rapport intérimaire sur l’affaire d’espionnage de la part de la Commission royale d’enquête (Le Droit, 15 mars 1946). Quatre autres personnages importants auraient été arrêtés et trois d’entre eux auraient comparus devant le tribunal avec Fred Rose dont un professeur de l’Université de McGill, un certain Dr Raymond Boyer qui ferait de l’espionnage depuis 1940 (Le Droit, 15 mars 1946). En vertu des développements dans l’affaire d’espionnage et de montant d’accusés qui continu de croitre, le tribunal aurait pris la résolution d’imposer des cautionnements de montants différents aux divers accusés en relation avec la sévérité des différentes accusations portées contre eux. Une déclaration du premier ministre Mackenzie King jette de la lumière sur la longévité de l’affaire d’espionnage. Il semblerait que King, lors de la séance des Communes du 18 mars, aurait parlé en long du réseau d’espionnage en mentionnant « qu’il s’agissait d’une des situations les plus sérieuses que le Canada
  • 7. Cormier7 ait jamais connues » (Le Droit, 19 mars 1946). Concernant l’enquête judiciaire, la presse rapporte le commentaire de King qui fait part d’une dimension beaucoup plus diplomatique de toute l’affaire qu’une simple dimension militaire qui concernerait le secret de la bombe atomique. La Commission d’enquête aurait notamment découverte que le réseau d’espionnage avait été actif depuis 1943. Le Droit fait part des paroles du premier ministre en relation aux accusations portées contre lui par les propagandistes russes dans le but, on peut croire, d’alléger les relations diplomatiques russo-canadiennes, en soulignant sa sympathie pour les ouvrier et les interventions canadiennes concernant l’aide-mutuelle et les fonds pour les enfants russe (Le Droit, 19 mars 1946). Troisième guerre mondiale? Une révélation d’importance capitale concernant le réseau d’espionnage nous parvient par Le Droit sous le grand titre « Le Guépéou au pays ». En tant que police secrète communiste, la déclaration d’Igor Gouzenko concernant l’extension canadienne de la Guépéou soulève la population canadienne. La nouvelle communiquée par Le Droit soulève des questions d’ordre politique institutionnelles. Il semblerait « que les Russes « ont créé cette agence ou réseau (travail d’espionnage) » en se servant d’un agent particulier et que cet agent est le Parti Communiste du Canada » (Le Droit, 22 mars 1946). Selon Gouzenko, après avoir consulté plusieurs différents documents venus de Russie concernant la politique de la police russe, il ne s’agirait qu’un « paravent » qui serait utilisé pour cacher la véritable politique russe qui ne viserait aucunement la construction de relations russo-canadiennes amicales (Le Droit, 22 mars 1946). Gouzenko serait même certain que les autorités russes « préparent le terrain en vue de ce qui peut être la source d’une guerre ». Cette déclaration rapportée par Le Droit ne peut faire autrement que d’élever la tension diplomatique et politique d’un cran non seulement pour le Canada, pris pour cible de façon directe, mais aussi pour les États-Unis et la Grande-Bretagne, pris pour cibles indirectes. Le second personnage le plus sévèrement accusé dans l’affaire d’espionnage après Fred Rose, le colonel David-Gardon Lunan, prétendu chef du réseau d’espionnage, enseveli sous six différents chefs d’accusations, était un ancien membre du personnel de la Commission d’Information en temps de guerre.
  • 8. Cormier8 Le Droit mentionne le fait, d’orientation juridique, que l’accusé en question s’est vu refusé la liberté sous cautionnement provisoirement décidé à 6000$, par le magistrat Glenn Strike qui a décidé d’annuler cette option (Le Droit, 3 avril 1946). La Commission Taschereau-Kellock aurait rendu un document de deux- cent pages formé par son témoignage qui aurait convaincu le magistrat de la culpabilité de Lunan. Un bilan à la fois positif et incertain est publié dans Le Droit dans un éditorial par Douglas How. Il soulève notamment des points positifs de l’affaire jusqu’à date (13 avril 1946). Depuis le début de l’enquête il y a deux mois, Douglas How mentionne que quatorze personnes ont été accusées au Canada et une seule en Grande-Bretagne. Cela est un bon début, mais l’auteur propose que malgré les connaissances acquises sur l’affaire concernant ses débuts remontant jusqu’en 1943, elle pourrait être loin d’être terminée et pourraient faire la une pendant plusieurs années encore (Le Droit, 13 avril 1946). Les autorités ne se sont pas encore prononcées sur ces questions d’ordre politique et juridique. Malgré cela, on apprend que parmi les quatorze personnes accusées au Canada, seulement une d’entre elles (le Dr Raymond Boyer) représentait une surprise. On peut alors croire que le gouvernement canadien avait déjà des doutes à leur sujet, en même temps de certains doutes concernant les intentions de l’URSS. Fin des procès et changements politiques La dernière session officielle de Fred Rose devant le juge Wilfrid Lazure c’est terminé sous les soupçons de mépris de la part du tribunal, comme le présente la manchette du Droit. Fred Rose, malgré le fait qu’il plaide qu’il « n’ai rien fait contre les intérêts du peuple canadien », se voit attribué une peine de six ans au pénitencier pour avoir « trahi » son pays d’adoption après avoir travaillé et vécue au Canada sous un faux nom (Le Droit, 20 juin 1946). Cette nouvelle publiée par Le Droit soulève des questions d’ordre juridique comme quoi il serait possible que Rose soit reconnue coupable faussement par le juge Lazure et remet en questions les véritables convictions de l’accusé et du système judicia ire canadien. Le Droit rapporte notamment les dernières paroles de Rose avant d’être emporté au pénitencier comme quoi « l’incendie du Reichstag mis le feu à la trainée de poudre qui mena à la deuxième grande guerre et que l’enquête sur l’espionnage au Canada peut facilement être le prélude à la troisième, une
  • 9. Cormier9 guerre atomique qui mettra fin à toutes guerres, car elle finira par détruire toute l’humanité » (Le Droit, 2 juillet 1946), une déclaration atroce qui mènera notamment à plusieurs mesures qui seront adoptées par le gouvernement du Canada. Le 17 juillet, Le Droit rapporte notamment la nouvelle concernant l’adoption d’un service permanent de propagande par le gouvernement canadien, en relation à la dernière déclaration de Fred Rose. Le gouvernement voudrait notamment « régulariser la situation par une législation qui constituera la demeure de tout l’organisme fédéral de propagande » (Le Droit, 17 juillet 1946). Cette propagande aurait spécialement été intensifiée à l’étranger, ce qui pourrait démontrer une volonté du Canada d’améliorer ses relations diplomatiques et d’assurer la bonne gestion des informations qui circulent non seulement au pays, mais aussi à l’étranger. On reçoit d’autres nouvelles concernant les changements politiques du Canada, cette fois-ci concernant le système d’émission des passeports lorsque le gouvernement canadien met en place une « centralisation de tous les services dans un même édifice » dans le but de mieux contrôler l’octroi des passeports pour ne pas en donner, par erreur, à des espions (Le Droit, 18 juillet 1946). Cette politique, comme l’explique Le Droit, relève de la sécurité publique et de la citoyenneté canadienne dans le but d’éviter la corruption de la société canadienne. Le Canada resserre ses portes en augmentant la sécurité qui, comme nous l’avons vu avec l’affaire d’espionnage, laissait à désirer. Étrangement, le gouvernement canadien, selon Le Droit, « suivrait l’attitude du Québec qui a maintenu la mise hors la loi des communistes » lorsqu’il a mis en place il y a dix ans, l’article 98 de la loi sur le cadenas (Le Droit, 20 juillet 1946). Cette loi devrait, comme elle l’avait fait en 1936, mettre hors la loi le Parti Communiste canadien et à nouveau, en réaction au dernier rapport de la Commission royale, fermerait ses portes pour de bon. Notre but principal lors de notre étude de la perception du communisme au Canada, en réaction à l’affaire du réseau d’espionnage canadien, était essentiellement de démontrer, par l’étude de la presse publiée par Le Droit du 16 février 1946 au 20 février 1946 était plutôt politique et juridique que sociale et
  • 10. Cormier10 idéologique. Malgré notre hypothèse, il semble que nous nous sommes un peu trompé puisqu’à plusieurs reprises, mais toutefois très subtilement, il semble que Le Droit tente d’éveiller, mais de façon très limité, l’opinion canadienne sur le sujet. Par contre, nous avons été efficacement en mesure de démontre que la presse publié par Le Droit était massivement politique et même diplomatique, reliée aux relations avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et même avec la Russie, sous plusieurs déclarations du premier ministre Mackenzie King. Ensuite, on peut dire qu’une grande majorité des éditions journalistiques consultées étaient de nature juridique avec les procès de Fred Rose, d’Igor Gouzenko, du Dr Raymond Boyer et des autres nombreux accusés d’avoir participés au vaste réseau d’espionnage communiste canadien. Comme mentionné en introduction, étant situé dans la région d’Ottawa-Gatineau, région où est situé le gouvernement du Canada, qu’il était dans notre intérêt de démontrer que l’emplacement du journal Le Droit aurait permis d’avoir une vision plutôt objective de toute l’affaire d’espionnage, basée sur les faits et sur les déclarations de l’élite politique et des personnes impliquées sans interprétations spéculatives. Il serait tout de même intéressant d’étudier un journal situé dans la région où se trouvait le Parti Communiste du Canada pour observer la façon dont les événements entourant l’enquête royale étaient perçus, surtout après avoir pris connaissance, par le dernier rapport de la Commission Taschereau-Kellock, que le Parti Communiste du Canada agissait comme base pour tout le réseau d’espionnage.
  • 11. Cormier11 Bibliographie Black, J. L., « Kanada-Votchina Amerikanskogo Imperializma: Canada and Canadian Communists in the Soviet ‘Coming War’ Paradigm, 1946-1951 », Revue d’histoire de l’Amérique française,vol. 57, n˚3, 2004, pp. 159-187. CROSS, L. D. Spies in our midst. Alberta, Amazing Stories, 2005, 135 p. DELEUZE, Magali, « Le Canada, les canadiens et la guerre d’Indochine : quelques intérêts communs? », Guerres mondiales et conflits contemporains, n˚223, 2006, pp. 17-29. GOW, J. I., « Les Québécois, la guerre et la paix, 1945-60 », Revue canadienne de science politique, Vol. 3, n˚1, 1970, pp. 88-122. FONTAINE, André, « Histoire de la Guerre froide », HALLÉ, Louis-J, « The Cold War as History », Politique étrangère, 1968, vol. 33, n° 1, pp. 71-74.