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Institut d’Etudes Politiques de Lille 
PLANIFIER LES DEPLACEMENTS URBAINS A L’HEURE DE LA GOUVERNANCE 
Etude des projets adoptés à Toulouse et Nottingham 
Par Hugo Argenton 
Sous la direction de Philippe Menerault 
Dans le cadre du Master Affaires Publiques et Gestion des Biens Communs 
Année 2012 / 2013
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RREESSUUMMEE 
Ce mémoire traite de la capacité des collectivités territoriales françaises et anglaises à mettre en oeuvre respectivement des Plans de Déplacements Urbains et des Local Transport Plans qui répondent aux enjeux de la ville du XXIème siècle. Il se concentre dans une première partie sur les évolutions qui sont advenues dans l’exercice de la démocratie locale : réformes des collectivités territoriales, implications des différentes sphères de la société civile, modifications des cadres financiers. Cette mise au point permet d’étudier dans une deuxième partie les processus qui ont aboutis à l’adoption du PDU du Toulouse et du LTP de Nottingham. Ce mémoire dévoile les logiques divergentes des deux documents, analyse les différentes étapes de leur réalisation et leurs conséquences politiques. Il conclut en mettant en exergue deux styles politiques nationaux qui visent à atteindre un objectif commun : préparer effectivement ces deux villes aux défis qui attendent les espaces urbains au XXIème siècle. 
AABBSSTTRRAACCTT 
This dissertation deals with the capacity of French and English local governments to respectively set up a Plan de Déplacements Urbains and a Local Transport Plan that answers to the challenges of a 21th century city. In the first part, it focuses on the evolutions that happened in the exercise of local democracy: the reforms of local government, the implication of the several spheres of civil society, the changes in the budgetary frame. This development allows the second part to study the processes that concluded in the adoption of Toulouse’s PDU and Nottingham’s LTP. This dissertation unveils the diverging logics of both documents; it analyses the several stages in their realisation and their political consequences. It concludes giving rise to the two national policy styles that aim at reaching a common goal: to effectively prepare both these cities to the challenges that urban territories will face in the 21st century.
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RREEMMEERRCCIIEEMMEENNTTSS 
Bien que la rédaction d’un mémoire soit un travail solitaire, il est la conclusion d’un projet de recherche qui ne peut être accompli seul. Je tiens donc à remercier les personnes suivantes pour le rôle indispensable qu’elles ont joué cette année. 
- Mon directeur de mémoire, Philippe Menerault, pour son accompagnement régulier, sa disponibilité et ses remarques avisées ; 
- Michèle Breuillard, à la fois juge et partie de ce mémoire ; 
- Bruno Villalba, Martine Cliquennois et Lorenzo Barrault, pour leurs conseils méthodologiques et leurs encouragements tout au long de l’année ; 
- Joël Carreiras, Robert Marconis, Jean-Pierre Wolff et Christophe Doucet, pour m’avoir fourni, sur leur temps, des regards éclairés sur le Plan de Déplacements de Toulouse ; 
- Rasita Chudusama and Jane Urquhart, whose availability and knowledge have allowed me to get a expert regard on Nottingham’s Local Transport Plan; 
- James Hunter and Karl Haselden, who inspired the dissertation that inspired this dissertation; 
- Les responsables de la bibliothèque universitaire de droit à Lille 2, pour m’avoir permis de renouveler des emprunts qui n’auraient pas dû l’être ; 
- Ma famille, mes amis et mes camarades, pour leur soutien moral ; 
- Mes parents, pour avoir sacrifié un week-end de pont pour corriger ces pages ; 
- Marc Goetzmann, qui est passé par la correction des cent pages de ce mémoire pour bénéficier de ma correction sur les cent vingt pages du sien ; 
- Enfin, last but not least, Sonia Villagrasa, dans ma vie depuis huit années, colocataire de choc dont les grasses matinées m’ont offert des moments de travail privilégiés, correctrice forcée dont le regard extérieur aura permis de perfectionner ce mémoire. 
Merci à tous !
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SSOOMMMMAAIIRREE 
Introduction générale 
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Première partie 
Les cadres d’action mouvants des collectivités territoriales 
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Chapitre 1 : La perpétuelle réforme des collectivités territoriales 
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Chapitre 2 : La démocratie locale à l’heure de la gouvernance 
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Chapitre 3 : Les cadres juridiques et financiers aux politiques de déplacements 
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Seconde partie 
La planification des déplacements à Toulouse et Nottingham 
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Chapitre 4 : Les logiques divergentes des documents publiés 
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Chapitre 5 : Le développement des plans de déplacements 
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Chapitre 6 : Le contentieux politique autour de l’exercice de planification 
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Conclusion générale 
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« Les Français partent toujours d’un territoire. Les Anglais parlent toujours de réseaux. » 1 
1Entretien avec Michèle Breuillard, à 3’56.
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IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN GGEENNEERRAALLEE 
Chaque année, au mois de novembre, les United Kingdom Bus Awards récompensent les entreprises les plus innovantes en matière de transport en commun. Habituées aux honneurs depuis plusieurs années, les principales entreprises en activité à Nottingham, Nottingham City Transport et Trent Barton, ont remporté lors de l’édition 2012 pas moins de sept récompenses, dont la récompense suprême de meilleur opérateur, offrant à la ville une image de pointe en matière de transports en commun. A Toulouse, cette image d’innovation est plus ancienne : la ville fut l’une des premières, après Lille, à adopter un système de métro automatique VAL dans les années 1980. La première ligne fut ouverte en 1993 et prolongée en 2003, puis une seconde vint s’ajouter en 2007 et le réseau de métro connaît aujourd’hui une fréquentation très importante avec plus de 108 millions de voyages annuels en 20112/3. 
Pourtant, aussi ambitieuses ou innovantes que soient les politiques de transport en commun à Nottingham et Toulouse, ces deux villes connaissent aujourd’hui d’importants problèmes de congestion automobile. Nottingham est la 3ème ville la plus embouteillée du Royaume-Uni et Toulouse la 5ème de France, et les deux villes sont respectivement 27ème et 17ème au classement européen réalisé par le fabricant de GPS TomTom. Au-delà même de ce classement et de ses limites méthodologiques, les deux villes semblent souffrir de lacunes en termes de déplacements automobiles : Nottingham ne dispose d’aucun contournement autoroutier, et le périphérique toulousain, élargi au cours des années 2000 ne parvient toujours pas à absorber l’afflux de circulation aux heures de pointe. Ainsi, matin et soir, le retard moyen par heure de circulation atteint 31 minutes à Nottingham et 41 minutes à Toulouse4. 
Un précédent travail réalisé pour Nottingham Trent University a montré le long processus que constitue la programmation d’infrastructures lourdes de transports en commun. Au travers des exemples du métro automatique toulousain (années 1980), puis des tramways de Nottingham (années 2000) et de Toulouse (années 2010), il analyse les styles politiques français et anglais (policy styles), ainsi que leurs réalités locales à Toulouse et Nottingham, et met en valeur les coalitions d’acteurs (policy networks et policy communities) nécessaires à la réalisation des infrastructures souhaitées par le pouvoir local. Deux modèles se distinguent. L’exemple de Nottingham montre un système assumé de gouvernance, caractéristique de la politique 
2UK Bus Awards, 2012 results (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 
3Toulouse Métropole en chiffres, 2012 (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 
4TomTom Congestion Index, Q2 2012 (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte.
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anglaise : l’idée de tramway provient d’un groupement d’entreprises (Nottingham Development Enterprise), est reprise par la municipalité qui négocie ensuite avec les opposants au projet (riverains, commerçants, …) jusqu’à obtenir une adhésion suffisamment forte pour éviter la contestation5. 
A l’opposé, les exemples toulousains appuient l’idée d’un pouvoir mayoral faiblissant, mais encore fort. Le projet de métro automatique est typique du style politique français : il est porté par le seul maire et sa légitimité électorale au sortir de l’élection municipale de 1983. Pour sa part, le projet de tramway montre la volonté de processus de gouvernance, en partie imposé par la loi française à travers la réalisation obligatoire d’enquêtes d’intérêt public. Mais ce processus est un échec car une association de riverains opposée au projet rejette la voie consensuelle et parvient à faire annuler le projet par le tribunal, décision par la suite cassée par le Conseil d’Etat. Le travail conclut donc à la persistance des policy styles nationaux dans la décision locale, malgré un développement transnational de la logique de gouvernance6. 
Le présent mémoire se situe dans la continuité de ce travail. Les problèmes de circulation que connaissent Toulouse et Nottingham, deux villes innovantes en termes de transports en commun, semblent démontrer que ces innovations ne suffisent apparemment pas à influencer durablement et massivement les comportements en matière de déplacements. Les déplacements urbains apparaissent comme une question complexe qui implique donc plus que des éléments structurants. Cette question interroge des perceptions, des comportements et pratiques, mais aussi les mesures prises pour les encadrer, les guider, les faire évoluer. A l’heure où le dérèglement climatique commence à produire des effets plus extrêmes, ils soulèvent la question de la ville, de sa conception et de son adaptation aux réalités du XXIème siècle7. Comment les villes, moteurs du système économique, peuvent-elles assurer leur fonction de lieu d’échanges, face à la raréfaction de la ressource pétrolière nécessaire à la plupart de nos déplacements ? 
Face à ces questions sans réponses sur notre futur, face aux difficultés présentes et la saturation des systèmes de transports métropolitains, face au déficit de transports en commun hérité des choix de l’après-guerre, l’une des solutions envisagées a été un retour à une planification modérée. Dès 1982 en France, en 2000 en Angleterre, les gouvernements au pouvoir ont pris des dispositions pour donner aux autorités locales la capacité de réguler, prévoir et anticiper les déplacements sur leur territoire. Ces dispositions sont à l’origine des Plans de Déplacements Urbains (PDU) en France, et des Local Transport Plans (LTP) en 
5Hugo Argenton, The Local Realities of Policy Styles, Transportation Policies in Toulouse and Nottingham. Nottingham Trent University, 2012, p. 21-24. 
6Hugo Argenton, The Local Realities of Policy Styles, Transportation Policies in Toulouse and Nottingham. Nottingham Trent University, 2012, p. 33-35. 
7Department for Transport (DfT), Guidance on LTP3, publié le 5 août 2009, p. 1.
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Angleterre, deux documents ambitionnant de dégager une vision et des actions pour faciliter les déplacements à l’échelle d’une agglomération. Ces politiques posent cependant la question de la capacité des mesures de planification à influencer effectivement les comportements des citoyens8. Alors que notre système de déplacements est régi par le paradigme automobile, est-il possible de réformer progressivement ce système vers des solutions multimodales ? 
Notre capacité à évoluer dépend principalement des incitations qui sont proposées face au phénomène de path dependency vis-à-vis de l’automobile. Et ces incitations sont elles-mêmes dépendantes de la capacité de nos gouvernants à créer un consensus autour de politiques réformatrices. La question de la gouvernance est donc au coeur du sujet. Le travail réalisé pour Nottingham Trent University a prouvé que la mise en place des grandes infrastructures de transport a été impactée par les policy styles ; il est donc probable que les grandes politiques de planification des déplacements urbains le soient aussi. Mais l’étude du contexte de construction de ces politiques ne peut se limiter aux seuls policy styles : la gouvernance implique dans le processus politique une variété d’acteurs issus de l’ensemble des sphères de la société. Ces acteurs sont aussi bien des associations à but non lucratif que des sociétés anonymes. Ce sont encore des hommes politiques, des personnels administratifs, représentants de la volonté générale ou de simples citoyens, contribuant à la démocratie ou défendant leurs intérêts personnels9. Comment est-il alors possible de dégager une vision et des politiques cohérentes et efficaces ? 
Dans ces conditions, l’encadrement législatif de la formulation des politiques de déplacement joue un rôle particulier : il est à l’origine de l’équilibre des pouvoirs entre cette multitude d’acteurs. Or, depuis les années 1990, cet encadrement a fortement évolué en France comme en Angleterre. En France, ces années marquent la relance de la décentralisation avec la loi Administration Territoriale de la République (ATR) en 1992, puis la loi Chevènement qui pose en 1999 les bases des structures intercommunales actuelles. Dans le même temps, plusieurs lois réforment les politiques urbaines : Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie (LAURE), Loi d’Orientation sur l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT), loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU). L’ensemble de ces textes définissent de nouveaux fondements qui rénovent l’action locale en offrant un éventail plus large de compétences aux collectivités territoriales10. 
8Ibid. 
9Jean-Pierre Gaudin, L’action publique, Sociologie et politique. Paris : Presses de Sciences Po – Dalloz, 2004, p. 209. 
10Jean-Claude Némery, « La nouvelle organisation décentralisée de la République Française », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 18-22.
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En Angleterre, les autorités locales sortent fortement affaiblies des onze années passées par Margaret Thatcher au « Number Ten ». Par le Local Administration Act de 1992, le Cabinet de John Major met donc en place une grande réforme du système d’administration locale en Angleterre. Cette réforme consolide le système à deux niveaux pour les territoires ruraux, mais propose un nouveau système d’administration des villes avec une autorité unitaire (unitary authority) permettant à la fois un gouvernement plus efficace et moins consommateur de ressources. De retour au pouvoir, le Labour Party s’attaque en 2000 à la question des transports. Le Local Transport Act offre de nouvelles perspectives en matière de développement des transports en commun : les LTP sont créés et de nombreux projets sont financés par les Regional Development Agencies, fondées par le Cabinet de Tony Blair11. 
Les deux villes ont été respectivement affectées par leurs réformes nationales. Toulouse profite des nouvelles structures intercommunales pour rattraper son retard en termes de gouvernement urbain. Une Communauté d’Agglomération (CA) est créée en 2003, puis remplacée par une Communauté Urbaine (CU) en 2008. L’agglomération souffre malgré tout de la division intercommunale : deux autres CA se sont développées au sud-est et au sud-ouest toulousain, entravant les possibilités d’extension de la CU. Cela n’empêche pas cette dernière de jouer un rôle directeur dans les politiques de planification urbaine au travers du Syndicat Mixte des Transports en Commun (SMTC), en charge du PDU, et du Syndicat Mixte d’Etudes de l’Agglomération Toulousaine (SMEAT), en charge du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT). Tous deux sont présidés par le Maire de Toulouse et Président de la CU du Grand Toulouse, Pierre Cohen12. 
Nottingham est une des villes qui ont bénéficié du Local Administration Act de 1992. Cependant, la nouvelle unitary authority ne s’étend pas non plus sur l’ensemble de son agglomération, ce qui limite la portée de son LTP. Une large partie de sa périphérie relève ainsi toujours du comté du Nottinghamshire et des différents boroughs qui le composent. Des stratégies de partenariat avec les autorités alentour existent donc pour contrebalancer ces déséquilibres. Malgré cela, l’action des autorités locales en matière de politiques urbaines reste limitée : l’austérité frappe toujours leurs budgets, et le gouvernement cherche toujours à réduire ses dépenses en dotation. Il y a donc d’autres déterminants au champ d’action des pouvoirs locaux que les réformes territoriales13. 
11Alistair Cole, « Un laboratoire de richesses : administration territoriale, gouvernance régionale et adaptation locale en Grande-Bretagne », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p.35-44. 
12Article « Pierre Cohen », Wikipédia (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 
13Nottingham Insight (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte.
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Les situations urbaines sont aussi importantes. Ce mémoire choisit les cas de Toulouse et Nottingham en raison de leurs nombreuses ressemblances. En temps de crises, ces deux villes se portent bien. Soutenues par un secteur économique dynamique, l’aéronautique et l’aérospatial à Toulouse, le secteur pharmaceutique à Nottingham, les deux capitales régionales ont été moins durement touchées que d’autres villes par la crise qui ralentit la croissance de leur pays. Elles disposent toutes deux d’antenne locale pour les médias du service public, d’un hôpital universitaire, d’un statut de métropole d’équilibre (pour utiliser la terminologie française) dans la structure économique hyper-centralisée (par Paris ou Londres) de leur pays. 
Elles occupent tout d’abord des places à peu près identiques dans la hiérarchie urbaine de leur pays. La commune de Toulouse est peuplée par 440 204 habitants, celle de Nottingham par 305 700. Mais cette différence s’atténue en termes d’agglomération et d’aire urbaine : les agglomérations de Toulouse et Nottingham pèsent respectivement 871 961 et 666 358 habitants et leurs aires urbaines 1 218 166 et 825 600 habitants. Géographiquement, le contexte varie aussi quelque peu : Toulouse domine sa région au point qu’il est légitime de détourner l’expression célèbre de Jean-François Gravier et parler de « Toulouse et son désert midi- pyrénéen » ; de son côté, Nottingham est la plus importante des trois métropoles des Midlands de l’Est, devant Leicester et Derby14/15. 
Enfin, ces deux villes sont liées par le sujet de ce mémoire. Sous la direction de majorités locales sociale-démocrates, elles ont adopté récemment un document de planification des politiques de déplacement donnant une forte impulsion en faveur des modes de déplacements durables. Le LTP de la « Reine des Midlands » a été adopté en 2011 et porte jusqu’en 2026. Il s’accompagne d’un Implementation Plan détaillant la mise en oeuvre des premières mesures sur la période 2012-2015. De son côté, la « Ville Rose » a adopté le 17 octobre 2012 son PDU pour une période allant jusqu’en 2020. Ces deux plans détaillent les visions et les actions à prendre pour développer des mobilités plus durables dans les agglomérations : plus vivable pour ne pas pénaliser la prospérité de la ville, plus équitable pour maintenir l’équité sociale entre ses citoyens, plus viable pour assurer un fonctionnement à long terme de la structure urbaine16/17. 
La proximité des situations géographiques, politiques et temporelles facilite donc l’étude comparative des deux documents. Elle permet de faire ressortir les différences politiques 
14Toulouse Métropole en chiffres, 2012 (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 
15Office for National Statistics, Resident Population Estimates, Nottingham (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 
16Nottingham Local Transport Plan Strategy 2011-2026, Nottingham City Council. 
17Plan de Déplacements Urbains de la grande agglomération toulousaine, Tisséo, révision approuvée le 17 octobre 2012.
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nationales entre les deux pays et donc les différences de nature entre un PDU et un LTP. Elle permet aussi de saisir les effets du cadre changeant des politiques locales et la manière dont les acteurs politiques doivent aujourd’hui agir pour parvenir à installer les mesures politiques qu’ils souhaitent. Bien que ce mémoire se concentre sur une comparaison politique et géographique entre la France et l’Angleterre, entre Toulouse et Nottingham, entre un PDU et un LTP, il doit aussi permettre de saisir la situation du moment afin de servir de point de comparaison avec d’autres travaux passés ou futurs. Il doit enfin faire le point sur les moyens théoriques, politiques et financiers qui sont aujourd’hui investis dans les politiques de déplacements. 
Face à un cadre institutionnel en mutation constante depuis plus de trente ans, face aux rééquilibrages du pouvoir au sein des processus de démocratie locale, face à la crise financière et idéologique qui touche l’action publique, de quel champ d’action disposent les collectivités territoriales françaises et anglaises dans la mise en place de leurs politiques de déplacement ? Dans quelle mesure les pouvoirs locaux de Toulouse et Nottingham peuvent-ils respectivement approuver un Plan de Déplacements Urbains et un Local Transport Plan capables de répondre aux enjeux de mobilité et de durabilité qui traversent actuellement les espaces urbains ? 
Le travail universitaire s’est jusqu’alors concentré sur trois types de travaux. Le premier est caractérisé par sa nature historique. Il présente l’historique des réformes et la situation actuelle sur un pays donné. C’est particulièrement les cas des travaux de Jean-Claude Némery, qui se spécialise dans les institutions françaises, ou d’Alastair Cole, pour les institutions britanniques. Le deuxième type de travaux présente une méthode typologique, qui offre un panorama complet sur la situation d’un pays à un moment donné. Dans ce dernier domaine, les travaux ont fleuri en France après chaque réforme des collectivités territoriales, chaque nouvel acte de décentralisation. Ces travaux dressent un bilan de la dernière réforme et rappellent le nouvel état du droit. Ce mode de fonctionnement se retrouve aussi dans l’ouvrage de Michèle Breuillard sur l’administration locale britannique ou dans les travaux de Philippe Menerault sur les questions des relations entre l’urbanisme, les transports et les institutions politiques. Enfin, un dernier type, souvent plus superficiel, présente l’intérêt d’offrir des comparaisons entre les différents pays. 
Les documents de planification étudiés sont évidemment l’autre source principale. Le PDU de Toulouse, le LTP de Nottingham et son Implementation Plan sont accompagnés d’un grand nombre de documents annexes, qu’ils soient considérés comme tels ou non. Ainsi, pour chaque action, il existe des études d’impacts, un rapport de commission d’enquête, parfois un
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contentieux juridique. D’autres documents sont également consécutifs ou liés au PDU (les contrats d’axe) ou au LTP (Congestion Delivery Plan). A ces documents officiels, il faut adjoindre l’ensemble des versions préliminaires et des documents de travail, ou au moins ceux qui ont été publiés. Tous ces documents présentent des intérêts divers, et leur foisonnement en rend l’étude impossible sur le temps de ce mémoire. Il y a cependant là matière pour approfondir l’étude qui est faite ici. 
Enfin, sept entretiens ont été réalisés pour ce travail. Trois ont concerné le versant anglais du mémoire, quatre le versant français. Du côté anglais, deux entretiens ont eu lieu le mercredi 12 décembre 2012 au City Council de Nottingham avec Rasita Chudusama, coordinatrice du LTP, et Jane Urquhart, conseillère municipale travailliste, chargée des transports et de l’urbanisme. Ces entretiens, advenus tôt dans le processus de recherche, n’ont cependant pas pu atteindre la profondeur de ceux qui se sont déroulés plus tard. Des démarches ont été entreprises à cette époque pour rencontrer le responsable du LTP du comté de Nottinghamshire, afin d’avoir un point de vue expert, critique et extérieur, mais ces démarches n’ont pas abouti, tout comme celles menées parmi le milieu universitaire de Nottingham. L’éloignement géographique n’a pas permis un second déplacement dans les Midlands. Enfin, un troisième entretien, réalisé le 28 mars 2013 à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille avec Michèle Breuillard, spécialiste française des institutions britanniques, a permis de résoudre des questions techniques sur ce sujet. 
Du côté français, deux entretiens ont concerné des personnes impliquées dans le processus : le 17 décembre 2012, dans les locaux de la Mairie de Toulouse, au Capitole, avec Joël Carreiras, conseiller municipal chargé de l’urbanisme réglementaire et donc responsable du PDU ; et le 19 avril 2013, dans les locaux de Tisséo-SMTC, avec Christophe Doucet, responsable du service Politique de Déplacement et Accessibilité, en charge de la conception des PDU de 2001 et de 2008. Si le premier a été très politique, le second m’a offert un point de vue plus technique sur le processus. Deux autres entretiens ont été menés avec des universitaires de la faculté de géographie à Toulouse II Le Mirail. Robert Marconis et Jean-Pierre Wolff m’ont offert de leur temps, le 18 et le 21 décembre 2012 respectivement. Ces entretiens ont permis de recontextualiser la mise en place du PDU, et ils ont apporté un regard moins politique et plus critique sur les résultats. 
Ce mémoire vise à donc à étudier le contexte de mise en oeuvre du PDU de Toulouse et du LTP de Nottingham. Afin de réaliser cela, une première partie présente les cadres institutionnels, politiques, juridiques et financiers dans lesquels ces documents ont été adoptés. Elle se penche sur les réformes des collectivités territoriales qui sont advenues en France comme en Angleterre
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depuis les années 1980. Elle adresse les évolutions des fonctionnements de la démocratie locale des deux côtés de la Manche. Elle dresse les fondements légaux et financiers sur lesquels reposent les politiques de déplacements étudiées. Bref, elle étudie l’état de la gouvernance qui a influencé l’adoption du PDU toulousain et du LTP « nottinghamien ». La seconde partie se concentre sur l’étude des deux documents en eux-mêmes. Elle questionne la forme et la structure des documents. Elle analyse les politiques qu’ils mettent en place, de la conception au financement. Elle interroge enfin les attendus de ces politiques, pour leurs promoteurs comme pour leurs détracteurs. 
Le but de ce mémoire est de permettre, en confrontant ces deux parties, de dresser un bilan des deux documents, des politiques qu’ils ont enfantées, mais aussi de définir les effets du cadre global dans lesquels ils ont été adoptés.
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PPRREEMMIIEERREE PPAARRTTIIEE LLEESS CCAADDRREESS DD’’AACCTTIIOONN MMOOUUVVAANNTTSS DDEESS CCOOLLLLEECCTTIIVVIITTEESS TTEERRRRIITTOORRIIAALLEESS
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Si les jeux-vidéo de simulation urbaine peuvent constituer une vraie catharsis pour l’aménageur, la réalité est souvent plus contraignante. Les politiques de transport, comme les politiques d’aménagement urbain dans leur ensemble, évoluent au sein d’une nébuleuse politique, juridique et économique indépendante des considérations propres aux besoins de l’aménagement. Cette première partie présente ces cadres qui régissent et encadrent la mise en oeuvre des documents de planification locale des transports : les cadres institutionnels dans lesquels sont rédigés ces documents (chapitre 1), l’évolution des processus politiques qui définissent leurs contenus (chapitre 2) et les contraintes formelles et financières qui leur confèrent leurs formes (chapitre 3).
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CCHHAAPPIITTRREE 11 LLAA PPEERRPPEETTUUEELLLLEE RREEFFOORRMMEE DDEESS CCOOLLLLEECCTTIIVVIITTEESS TTEERRRRIITTOORRIIAALLEESS 
Avant de pouvoir aborder en profondeur la modification des cadres d’action des politiques urbaines, il est important de pouvoir saisir au sein de quel environnement politico- administratif celle-ci intervient. Ce premier chapitre décrit par conséquent les réformes territoriales apportées en France depuis le Gouvernement Jospin (I), et en Angleterre depuis le Gouvernement de Margaret Thatcher (II). Il se conclut par une courte évocation des projets actuels du gouvernement français (III). 
I. EN FRANCE, HISTOIRE DE LA DECENTRALISATION EN TROIS ACTES 
A. RELANCER LA DECENTRALISATION : LES LOIS DU GOUVERNEMENT JOSPIN 
En France, l’émiettement du territoire national en plus de 36 000 communes héritées de la Révolution de 1789 a rapidement rendu nécessaire la mise en place de processus intercommunaux. Dès les années 1890, la création des Syndicats Intercommunaux à Vocation Unique (SIVU) commence à poser les bases d’une carte intercommunale complexe. La faiblesse du pouvoir d’action municipal est admise dans les années 1960 et depuis lors, l’ensemble des gouvernements français n’a cessé de vouloir y remédier. Parmi les premières mesures en faveur de la coopération intercommunale, il faut noter la mise en place des Syndicats Intercommunaux à Vocation Multiple (SIVoM) en 1959, l’édification de Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg en communauté urbaine dès 1967, mais surtout l’échec traumatique de la loi sur la fusion- association des communes en 1971. Onze ans plus tard, la première vague de décentralisation laisse de côté la question intercommunale en se concentrant sur les échelons communaux, départementaux et régionaux18. 
Le phénomène intercommunal connaît une deuxième naissance à partir de la loi Administration Territoriale de la République (ATR) en 1992. Les communautés de communes et communautés de villes qu’elle crée évoluent une première fois avec la loi relative à l’aménagement et au développement du territoire de 1995 puis arrivent à maturité avec les lois 
18Alain Delcamp et Marie-José Tulard, « Une décentralisation à la recherche d’un second souffle », in La décentralisation dans les Etats de l’Union Européenne. Paris : La Documentation Française, 2002, p. 157.
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Voynet, Chevènement et SRU sous le Gouvernement Jospin. Ces trois lois, votées en l’espace de deux ans (1999-2000) refondent l’action territoriale : la loi Voynet du 25 juin 1999 pose des bases nouvelles à l’aménagement du territoire en la fondant sur les contrats de plan entre l’Etat et les régions ; la loi Gayssot pour la Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000 se concentre sur la planification urbaine et lui confère une origine intercommunale ; la loi Chevènement du 12 juillet 1999 établit les fondations de cette intercommunalité renouvelée19. 
Cette dernière est à l’origine des structures intercommunales plus ou moins telles qu’elles existent aujourd’hui. Elle rénove le statut d’Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et lui confère trois formes : communautés de communes, communautés d’agglomération et communautés urbaines. Les communautés urbaines, désormais au nombre de 16 et aux compétences élargies, représentent la forme la plus intégrative avec un grand nombre de compétences (économie, culture, aménagement, habitat, environnement…). Créées à partir de 1966, elles sont formées aujourd'hui par un regroupement de communes atteignant au moins 500 000 habitants. Les communautés d’agglomération, centrées sur des zones urbaines d’au moins 50 000 habitants, disposent elles aussi d’une fiscalité propre et de compétences obligatoires (économie, aménagement, habitat, environnement). Enfin, les communautés de communes organisent le reste du territoire autour de deux compétences obligatoires (économie, aménagement), possiblement étayées par d’autres compétences facultatives. Cette mise à jour des structures intercommunales et les pouvoirs politiques et financiers qui les accompagnent incitent les communes à s’associer, concourant à un rapide développement de ces structures. Dès 2002, des estimations annoncent que trois quarts des communes et de la population ont rejoint une des 2 174 structures de cette sorte20. 
Au 1er janvier 2011, ces chiffres ont évolué. Il existe désormais 2 599 EPCI regroupant 35 041 communes et environ 58,8 millions d’habitants, soit plus de 95% des communes et près de 90% de la population. Mais, malgré le succès quantitatif des réformes, de nombreuses incohérences demeurent. Les logiques territoriales qui sous-tendent les trois lois ne s’accordent pas. La loi Chevènement incite les communes à créer ou à rejoindre des EPCI sans souci de la cohérence avec les autres cartes administratives françaises ; la loi Voynet conçoit l’aménagement au niveau régional et place donc cet échelon dans une logique de supériorité par rapport aux échelons départementaux et locaux qui n’ont pas accès aux Contrats de Plan avec 
19Jean-Claude Némery, « La nouvelle organisation décentralisée de la République Française », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 18-23. 
20Ibid.
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l’Etat ; enfin, la loi Gayssot construit les Schémas de Cohérence Territoriale sur des territoires ne correspondant pas aux découpages électoraux21. 
B. APPROFONDIR LA DECENTRALISATION : LA REFORME CONSTITUTIONNELLE DU GOUVERNEMENT RAFFARIN 
Le succès des lois Chevènement, Voynet et Gayssot pousse néanmoins le Gouvernement de Lionel Jospin à engager un processus d’évaluation de la première vague de décentralisation afin d’engager une deuxième vague de réformes plus profondes. Deux rapports sont publiés : le premier par Pierre Mauroy sur commande du Premier Ministre, le second par Jean-Paul Delevoye et Michel Mercier, sénateurs. Malgré quelques divergences de nature politique, les deux rapports aboutissent plus ou moins aux mêmes conclusions. Ils établissent la nécessité de clarifier les compétences au sein d’un millefeuille territorial français auquel une nouvelle épaisseur vient d’être ajoutée. Ils plaident aussi pour augmenter la responsabilité fiscale des collectivités territoriales face à l’inadéquation entre les missions élargies et les moyens limités des collectivités locales. Enfin, le rapport Mercier-Delevoye conclut à la nécessité de réorganiser l’Etat et ses relations avec les collectivités territoriales autour de la notion de partenariat22. 
Cette volonté de réforme va s’accélérer avec le changement de gouvernement. Dès son discours de politique générale, le nouveau Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin annonce sa volonté de réformer la Constitution pour y inclure la décentralisation et lance les « Assises des libertés locales », consultation nationale des acteurs territoriaux. Du bilan de cette consultation, plusieurs enseignements sont tirés : la future réforme va privilégier les régions qui vont être reconnues constitutionnellement et préserver les départements qui restent l’échelon de l’action déconcentrée de l’Etat. En revanche, les territoires urbains ne parviennent pas à tirer leur épingle du jeu et restent absents de la réforme23. 
La loi de réforme constitutionnelle est votée par le Congrès le 17 mars 2003. Elle consacre la « République décentralisée » et le principe de subsidiarité entre les collectivités territoriales, mais laisse de nombreuses craintes quant aux moyens qui leur seront alloués pour leurs nouvelles missions. Elle échoue tout d’abord à simplifier le « mille-feuille territorial ». Ensuite, elle ne permet pas non plus de combler le manque démocratique dans l’élection des élus intercommunaux, qui restent nommés par les conseils municipaux de chaque commune- membre. Enfin, la réforme de 2003 complique même le système territorial français en mettant 
21Ibid. 
22Jean-Claude Némery, « La nouvelle organisation décentralisée de la République Française », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 18-23. 
23Jean-Claude Némery, « La nouvelle organisation décentralisée de la République Française », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 26-30.
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en place un statut de « chef de file », pour une collectivité se portant volontaire dans l’acquisition de compétences nouvelles. Ce statut rajoute à une stratification complexe un enchevêtrement de compétences et une concurrence entre les collectivités24. 
C. LA REFORME DU PRESIDENT SARKOZY : UN VERITABLE TROISIEME ACTE ? 
L’Acte II de la décentralisation n’est donc pas la grande réforme qu’il avait prétendu être. En tout cas, il paraît être au moins une réforme incomplète. C’est donc sans surprise que le Président Sarkozy relance en 2010 le chantier de la réforme territoriale. La loi que le Parlement adopte le 16 décembre comble les lacunes de la précédente réforme et donne une nouvelle orientation à la politique décentralisatrice de l’Etat. Elle modifie d’abord les cadres d’actions des collectivités territoriales : la taxe professionnelle est supprimée et remplacée par une Contribution Economique Territoriale, la clause générale de compétence est abandonnée pour les départements et les régions, les conseillers territoriaux remplacent conseillers régionaux et généraux25. 
Mais le véritable bouleversement intervient auprès des grands absents de la réforme de 2003 : les EPCI. Outre le projet de création d’un Grand Paris, la réforme prévoit l’élection du conseiller intercommunal au suffrage universel direct en 2014, la mise à disposition de nouveaux modèles intercommunaux (métropoles et pôles métropolitains) et la finalisation de la carte intercommunale. L’élection au suffrage universel des conseillers intercommunaux rend compte de la nécessité de démocratiser et de renforcer la légitimité d’un échelon territorial de plus en plus important dans les politiques locales26. 
La création des métropoles et des pôles métropolitains répond à une autre logique. Elle s’inspire du rapport Balladur qui proposait la création de onze nouvelles collectivités pour équilibrer le territoire en prenant « mieux en compte la spécificité des modes de vie urbains »27. La réforme accouche finalement non pas d’une nouvelle collectivité à part entière mais d’un nouvel EPCI, certes plus intégrateur encore que les communautés urbaines, mais sans réelle spécificité. Le pôle métropolitain est plus original. Il joue en quelque sorte le rôle « d’un EPCI d’EPCI »28 : en regroupant des EPCI sur un territoire de plus de 300 000 habitants, il devrait 
24Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 9-11. 
25Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 13-17. 
26Ibid. 
27Rapport Balladur, cité dans Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 95. 
28Stéphane Guérard, « La réforme de l’intercommunalité à la lumière de la réforme territoriale française du 16 décembre 2010 », in La réforme territoriale. Une réforme en faux-semblant ? Paris : L’Harmattan, 2011, p. 101-102.
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permettre de monter des projets d’intérêt commun sur des espaces multi-départementaux et se rapproche des syndicats mixtes29. 
Le dernier aspect des modifications apportées par la réforme du 16 décembre 2010 concerne la rationalisation des cartes intercommunales opérées par les préfets. La rationalisation doit s’effectuer avant le 1er juin 2013 et passe par deux outils principaux. Tout d’abord, les EPCI à fiscalité propre remplacent petit à petit SIVU et SIVoM, en récupérant leurs compétences. Ensuite, l’Etat a fixé un objectif de couverture territoriale : les EPCI doivent conserver une continuité territoriale, la plus pertinente possible, et l’ensemble des communes doivent y être inclus. A cette fin, les préfets disposent de pouvoirs exceptionnels pour créer, dissoudre ou fusionner des EPCI, inclure des communes au sein d’EPCI, les déplacer d’un EPCI vers un autre… Il y a donc une volonté de conclure la phase de mise en place des structures intercommunales avant, à terme, de les voir véritablement prendre la tête du couple qu’elles forment avec les communes30. 
La réforme de 2010 constitue donc un équivalent des réformes de 1992 et 1999 appliqué à l’acte II de la décentralisation : en se concentrant sur l’intercommunalité, elle ne rompt pas avec la dynamique de la réforme précédente. Cependant, l’alternance politique intervenue au printemps 2012 laisse supposer un bilan puis une remise en question de la réforme précédente. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault doit lancer un acte III de la décentralisation amorçant une véritable autonomie des collectivités territoriales. Cependant, les nombreuses incertitudes qui pèsent sur la réforme laissent supposer que le pas ne sera pas franchi et que le fameux « millefeuille territorial » devrait continuer à exister pendant encore quelques années31. 
II. EN ANGLETERRE, CONSEQUENCES DU THATCHERISME 
A. LA FIN DE L’ETAT DUAL 
Le système politique local anglais est le fruit d’une évolution complexe sur plusieurs siècles. L’absence de constitution dans le pays a eu pour conséquence la multiplication de réformes adaptant la structure des autorités locales aux volontés du gouvernement central. Trois réformes ont fait sensiblement évoluer les lignes depuis le XIXème siècle. En 1888 apparaît la structure à deux étages comprenant les comtés et les districts, ces derniers étant divisés en fonction de leur caractère urbain ou rural. En 1933, les compétences de ces deux niveaux, dont la 
29Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 95-116. 
30Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 27-40. 
31Guillaume Protière, « Collectivités territoriales et réforme territoriale. De l’insoutenable légèreté du législateur », in La réforme territoriale. Une réforme en faux-semblant ? Paris : L’Harmattan, 2011, p. 56-58.
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carte est simplifiée, se précise : décision stratégique pour les comtés, autorité de proximité pour les districts. Enfin, en 1972, une nouvelle rationalisation a lieu et parallèlement sont créés 6 comtés métropolitains (autour de Manchester, Liverpool, Sheffield, Birmingham, Leeds et Newcastle) et un conseil pour Londres32. 
Cette structure correspond à la théorie de l’Etat dual théorisée par Bulpitt en 1983. Elle distingue deux niveaux clairement séparés dans la politique anglaise : le gouvernement central, composé de Westminster (le Parlement) et Whitehall (le Gouvernement), s’occupe de la « haute politique » que sont les fonctions régaliennes, tandis que l’administration locale (le local government) gère la « basse politique » qui correspond à la gestion des affaires de « la vie quotidienne ». Selon la théorie de Bulpitt, les deux niveaux sont conscients de leur complémentarité et parviennent à se coordonner pour agir efficacement. En vertu du principe de souveraineté parlementaire, les autorités locales n’agissent que dans le cadre des domaines attribués et des lois édictées par le gouvernement central, et celui-ci en contrepartie laisse aux autorités locales leur liberté d’action33. 
Si les tensions entre gouvernement central et administration locale ne sont pas nouvelles, elles se sont exacerbées depuis le milieu des années 1970. La crise économique que connaît alors le pays crée le ferment de la révolution néolibérale de Margaret Thatcher : l’échec économique du pays est causé par le « trop d’Etat » et ce dernier doit réduire sa voilure. Afin de pousser les autorités locales à se « moderniser », la résidente du Number Ten engage une série de réformes qui modifient radicalement les relations entre pouvoir central et local. Une vaste réforme financière s’attaque aux ressources des autorités locales – les dotations de l’Etat sont drastiquement revues à la baisse et les impôts locaux sont désormais plafonnés par le Ministère des Finances –, qui deviennent par conséquent beaucoup plus dépendantes des subventions du gouvernement de Londres34/35. 
Le coup de grâce est porté par le Local Government Act de 1985. Il oblige les autorités locales à devenir non plus des fournisseurs de services mais des gestionnaires, ouvrant la voie au Nouveau Management Public (New Public Management). La loi porte également un coup au gouvernement urbain en supprimant les six comtés métropolitains et le conseil de Londres. Les sept plus grandes agglomérations du pays se retrouvent alors gouvernées par les 36 districts 
32Alistair Cole, « Les spécificités territoriales en Grande-Bretagne » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 517. 
33Michèle Breuillard, L’administration locale en Grande-Bretagne entre centralisation et régionalisation, Paris : L’Harmattan, 2000, p. 95-97. 
34Michèle Breuillard, L’administration locale en Grande-Bretagne entre centralisation et régionalisation, Paris : L’Harmattan, 2000, p. 102-103. 
35Matthew Warburton, « Les transformations du « gouvernement local » in La décentralisation dans les Etats de l’Union Européenne, Paris : La documentation française, 2002, p. 296-297.
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métropolitains et les 32 bourgs londoniens, incompatibles avec un développement harmonieux des espaces urbains. Le thatchérisme se caractérise ainsi par un affaiblissement politique des autorités locales qui perdent leur importance historique. La limitation des ressources va les forcer à mettre en place de nouveaux moyens de gestion, avec un recours accru au secteur privé36. 
B. LE TRIOMPHE DU NOUVEAU MANAGEMENT PUBLIC 
Au dogmatisme de Margaret Thatcher succède la vision plus modérée de John Major. Plus proche de la ligne traditionnelle du Parti Conservateur respectueuse des autorités locales, il entreprend de rationnaliser la carte des autorités locales. Le Local Government Act de 1992 lance ainsi une procédure de consultation visant à unifier les deux niveaux d’administration locale (comtés et districts). La procédure prend fin en 1996 avec la création d’autorités unitaires dans un certain nombre de villes et dans quatre comtés. Ces autorités unitaires permettent de simplifier à la fois l’administration publique, les processus électoraux et la répartition des compétences. Il existe désormais en Angleterre 35 comtés divisés en 296 districts, auxquels s’ajoutent 45 autorités unitaires. Avec la loi de Londres, un Grand Londres renaît, dirigé par un maire élu. Enfin, le Local Government Act de 2000 offre aux autorités locales la possibilité de substituer au modèle actuel de conseil dirigé par un leader une figure mayorale élue dominant le conseil ou une administration dirigée par un manager37. 
Cette rationalisation de l’administration locale trouve également une expression au travers du Nouveau Management Public (New Public Management) qui devient la norme. Le service public est désormais envisagé autour du critère de la best value, c’est-à-dire le meilleur rapport qualité/prix, et de la croyance en l’efficacité supérieure des systèmes concurrentiels. La gouvernance imbrique profondément les secteurs publics, privés et associatifs : les services publics voient leur gestion et leur production séparées, la première étant évaluée précisément, la seconde soumise à appel d’offres et contractualisation. Cette recherche de la best value est confortée sous le gouvernement Blair avec la règle des 4C : pour répondre à un « challenge » (défi), l’autorité locale doit « consulter » et « comparer » les « concurrents ». Pour les grands investissements, le Private Finance Initiative (PFI), une forme de concession, s’impose comme la meilleure solution afin de pallier les lacunes des finances publiques38. 
36Alistair Cole, « Les spécificités territoriales en Grande-Bretagne » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 518-519. 
37Matthew Warburton, « Les transformations du « gouvernement local » in La décentralisation dans les Etats de l’Union Européenne, Paris : La documentation française, 2002, p. 298-300. 
38Alistair Cole, « Les spécificités territoriales en Grande-Bretagne » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 518-520.
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Le Nouveau Management Public se traduit aussi par le développement du gouvernement par agences. Les Quasi-Autonomous Non-Governmental Offices (QuANGO) se sont développés afin de contourner les rigidités et les oppositions administratives et de « privatiser » l’administration publique. Ces structures, que le Parlement éprouve de grandes difficultés à évaluer, se multiplient au point que plus de 5 000 sont dénombrées en 2003, pour un budget total équivalent à celui des autorités locales. Un certain nombre de ces QuANGO sont par exemple créés pour mettre en place les programmes de renouvellement urbain à partir des années 1980. Comme les PFI, les QuANGO se sont développés sous le gouvernement néo-travailliste de Tony Blair, jusqu’à inspirer les Agences Régionales de Développement (RDA), embryon avorté de régionalisation à l’anglaise39. 
La crise financière et le retour des Conservateurs ont changé quelque peu la donne. L’action politique du gouvernement de David Cameron s’articule autour du concept de Big Society et prône la délégation de certains nombres de prérogatives de l’Etat à la société civile, afin de réduire le coût de l’action publique. Contrairement au gouvernement de Thatcher, les idées de David Cameron s’inscrivent dans une valorisation et une autonomie du local aux dépens du gouvernement central. Concrètement, cette révision des politiques publiques, la Comprehensive Spending Review, se traduit par la suppression d’un certain nombre d’agences, dont l’emblématique Commission d’Audit qu’avait créée Margaret Thatcher pour contrôler les dépenses des autorités locales. David Cameron met aussi fin à la fois aux RDA de Tony Blair et aux Government Offices, forme d’Etat déconcentré créé par John Major. Le dernier volet de son action est évidemment financier : même si l’Etat confère plus d’autonomie aux autorités locales dans la gestion de leur dotation, celle-ci a chuté d’environ 25% pour la période 2011-2015. L’heure semble donc être à une nouvelle forme de contrôle des autorités locales, un contrôle par le portefeuille40. 
III. ATTENTION, REFORME EN CHANTIER 
Les deux sections précédentes décrivent la situation actuelle en France comme en Angleterre. Cependant, à l'heure où sont écrites ces lignes, le Gouvernement français de Jean- Marc Ayrault a fait connaître à ses partenaires un avant-projet de loi visant à corriger la « contre-décentralisation » menée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Élaboré par la Ministre 
39Alistair Cole, « Un laboratoire de richesses : administration territoriale, gouvernance régionale et adaptation locale en Grande-Bretagne », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 41-42. 
40Alistair Cole, « Les spécificités territoriales en Grande-Bretagne » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 522-523.
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de la Réforme de l’État, Marylise Lebranchu, il a été présenté en Conseil des Ministres en février. Depuis, de nombreuses incertitudes pèsent sur l’avenir de ce projet de loi, dont la division en plusieurs textes a été évoquée41. Les lignes suivantes sont donc à prendre au conditionnel dans l'attente de plus amples développements. 
Le nouveau projet de loi vise à lancer une véritable « troisième phase de la décentralisation ». En effet, le gouvernement socialiste accuse son prédécesseur, en partie à raison, d'avoir recentralisé les politiques territoriales autour d'un rôle accru du préfet. Ici, il est question de mettre en place un processus de « gouvernance » entre les collectivités territoriales et l’État autour d'un Haut Conseil des Territoires réunissant des représentants de l’État et de l'ensemble des collectivités territoriales, et de Conférences Régionales de l'Action Publique dont les Conseils Régionaux prendraient la tête. L'échelon régional serait indéniablement le grand gagnant de cet avant-projet de loi. Nombre de compétences lui sont transférées en propre : la formation professionnelle, le développement économique, la gestion des fonds structurels européens et les transports, dont il récupère le volet routier interurbain aujourd’hui dévolu au département42. 
L'autre gagnant de la réforme serait les intercommunalités. Elles acquéraient de nouvelles compétences pour la gestion de l'eau, des mobilités et de l'urbanisme, domaines dans lesquels elles s'émanciperaient de l'influence des communes. Les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) seraient ainsi compétence propre de l'EPCI dès lors que celui-ci regroupe plus de 30 000 habitants. La chaîne du logement deviendrait aussi intégralement la responsabilité des EPCI. Le Gouvernement veut enfin créer deux nouvelles intercommunalités aux contours toujours flous : les euro-métropoles et les communautés métropolitaines. Les euro-métropoles seraient créées par la loi afin de simplifier la gouvernance dans les aires urbaines tentaculaires de Lille, Lyon et Marseille. Elles récupéreraient les compétences du département et une partie des compétences régionales et de l’État. Les contours des communautés métropolitaines sont encore plus flous : l'avant-projet de loi mentionne un seuil démographique de 400 000 habitants et des compétences élargies pour la gestion de l'attractivité de la métropole43. 
Si l’État concède une large part de compétences nouvelles et clarifie la répartition des compétences aujourd'hui décentralisées, il garde cependant la main sur le portefeuille. La fiscalité locale est à rénover : le Versement Transport (VT), aujourd’hui réservé aux Autorités 
41« Le projet de loi « Lebranchu » ne sera pas adopté avant fin 2013 » (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 
42« Avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique » (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 
43« Les points clés du texte de l’avant-projet de loi de décentralisation » (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte.
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Organisatrices des Transports Urbains (AOTU), pourrait être élargi aux régions afin de financer leur rôle accru d'Autorité Organisatrice des Transports (AOT). Cependant l'Etat garde la main à la fois sur le contrôle des normes et des comptes, et c'est au travers du second qu'il compte mettre en oeuvre le premier. L'Etat vérifiera les comptes des grandes collectivités territoriales et pourra refuser de financer des normes coûteuses pour celles-ci. Enfin, l'Etat s'engage à certifier les comptes des collectivités territoriales volontaires afin de protéger celles-ci contre la spéculation qui touche actuellement leur dette44. 
Cette réforme correspond à un vrai projet de troisième acte décentralisateur. Si l'Etat ne renonce pas au contrôle des collectivités territoriales, celles-ci devraient néanmoins gagner en autonomie, et voir leurs compétences clarifiées de telle sorte que l'action publique en soit simplifiée. Cependant, cet avant-projet de loi n'est pas encore passé entre les mains des parlementaires, parmi lesquels les Sénateurs sont connus comme de grands défenseurs de la commune et du département, les deux collectivités affaiblies dans ce projet au bénéfice des EPCI et des régions. 
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 
A observer l’évolution des institutions locales françaises et britanniques depuis les années 1980, il faut distinguer deux processus différents qui traduisent les cultures politiques des deux pays. En France, la Présidence de François Mitterrand a engagé un processus de décentralisation qui voit l’Etat déléguer un nombre croissant de compétences à des collectivités locales de plus en plus autonomes. Au long terme, la rationalisation de ces compétences devrait permettre l’émergence des régions et des intercommunalités comme les chefs de file de la politique locale. Au Royaume-Uni, ce n’est pas tant la question d’une décentralisation qui s’est posée, mais plutôt celle des compétences et des moyens. Au fur et à mesure des réformes qui se sont succédées, la carte territoriale s’est simplifiée avec la création des autorités unitaires. Mais surtout, les autorités locales ont vu leur rôle réduit à celui de gestionnaire, et la mise en oeuvre des politiques confiées au secteur privé. 
44Ibid.
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CCHHAAPPIITTRREE 22 LLAA DDEEMMOOCCRRAATTIIEE LLOOCCAALLEE AA LL’’HHEEUURREE DDEE LLAA GGOOUUVVEERRNNAANNCCEE 
Les réformes institutionnelles décrites dans le premier chapitre répondent néanmoins à un besoin : celui de s’adapter à une configuration politique locale en mutation permanente depuis une quarantaine d’années. La fin de l’Etat-Providence a ouvert le champ à des nouveaux processus politiques. Ce deuxième chapitre décrit donc ce qui s’appelle aujourd’hui les processus de gouvernance et ses spécificités françaises et britanniques (I). Puis il analyse les effets de ces processus sur les relations entre les acteurs de la décision politique (II). 
I. NOUVELLES CONFIGURATIONS DES POLITIQUES LOCALES 
A. DEFINIR LA GOUVERNANCE LOCALE 
Le terme de gouvernance (governance en anglais) n’est pas récent. Il s’utilise depuis les années 1930 dans le milieu économique, au coeur de la corporate governance, c’est-à-dire les méthodes internes comme externes utilisées par les entreprises pour faire diminuer leurs coûts de transaction. L’innovation qui intervient au cours des années 1980 est la transposition de ce terme au domaine politique dans le cadre des politiques de réforme structurelle que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International imposent aux pays surendettés. Afin de bénéficier de prêts, les Etats concernés doivent montrer leur bonne volonté et se soumettre aux critères de bonne gouvernance, entraînant, entre autres, la réduction des activités étatiques à leur fonction de régulation du marché45. 
L’utilisation politique du terme s’est étendue au cadre des politiques nationales puis locales, notamment à travers les politiques de Margaret Thatcher, sonnant le glas de l’Etat- providence. Les théoriciens du Public Choice prônent une nouvelle articulation de l’offre et de la demande, basée sur une réorganisation, plus interdépendante, des secteurs politique, 
45Gérard-François Dumont, Diagnostic et gouvernance des territoires. Concepts, méthodes, application. Paris : Armand Colin, 2012, p. 67-68.
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économique et social. Ils souhaitent ainsi mettre à bas la division traditionnelle entre l’Etat et les marchés, entre l’intérêt général et les intérêts particuliers, entre le public et le privé46. 
Désormais, les politiques publiques sont ouvertes à la négociation et la boucle semble bouclée. Le terme de gouvernance a imposé son origine économique à l’ensemble du champ politique. Serge Wachter le constate : « Le maire n’est plus un bâtisseur ; c’est un entrepreneur politique. »47 C’est en effet ce qui est constaté : le pouvoir des élus a fortement décru alors que se développait la professionnalisation de la gestion urbaine. Les city managers deviennent de plus en plus influents dès lors que leurs savoirs sont capitaux pour négocier la contractualisation des politiques publiques avec des entreprises de services urbains qui se sont, de leur côté, fortement concentrées ces dernières années.48 
B. DISTINGUER DES STYLES NATIONAUX 
Au delà des caractères généraux qui définissent la gouvernance, la France et la Grande Bretagne se trouvent face à des modèles politiques différents lorsqu'il s'agit de constater les particularités nationales de son application. Apparaît ici la notion de policy styles, cette théorie britannique de sciences politiques, qui attribue à chaque État un style politique au-delà du fonctionnement classique de ses institutions. Ainsi, la France se caractérise par des communautés politiques qui transcendent les cercles des élus, et qui au travers des grandes écoles, lient ces derniers aux élites économiques et administratives. C'est ce que Crozier appelle le phénomène bureaucratique. En Grande-Bretagne, la théorie des policy styles a permis de développer l'opposition entre un modèle plus institutionnel, centré sur le Parlement de Westminster, et un modèle plus caractéristique de la gouvernance, centré sur Whitehall, l'avenue londonienne qui rassemble la plupart des ministères. De ces modèles, il est possible de déduire deux visions de la gouvernance49. 
En France, la vision historique d’un fort exécutif local n'a pas complètement disparu avec la doctrine libérale. Si l'image du maire bâtisseur a été écornée par les restrictions financières pesant sur les collectivités territoriales, les élus locaux interviennent aujourd'hui comme des « entrepreneurs politiques ». Même si le risque semble toujours présent, la gouvernance en France n'a pour l'instant pas signifié la fin du politique. Face à la décentralisation et l'exigence de transparence et de concertation, les élus locaux ont dû développer de nouvelles alliances dans 
46Frank Bachelet, « La gouvernance territoriale, entre théories et pratiques », in Métropoles en construction, territoires, politiques et processus. Paris : L’Harmattan, 2004, p. 56-57. 
47Serge Wachter, La ville contre l’Etat ? Montpellier : GIP Reclus, 1997, p. 37. 
48Thierry Oblet, Gouverner la ville. Paris : Presses Universitaires de France, 2005, p. 236-237. 
49Hugo Argenton, The Local Realities of Policy Styles, Transportation Policies in Toulouse and Nottingham. Nottingham Trent University, 2012.
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leurs collectivités. Ces alliances se sont d’abord exprimées par un renforcement des liens avec le secteur économique. Même si les relations entre le pouvoir politique et les entreprises ne sont pas aussi évidentes que celles décrites par Crozier – les élus locaux ne sont pas issus des grandes écoles dans la même proportion que les élus nationaux –, des synergies se sont créées au fil des ans, qui ont abouti aujourd'hui à une stabilisation de la position chancelante des politiques. Le contexte concurrentiel entre les métropoles a incité les élus à associer le secteur privé aux réflexions territoriales. Cependant, cette réflexion commune ne débouche pas toujours sur un diagnostic commun, ni par conséquent sur des politiques partenariales50. 
La France connaît un autre souci : la multiplication des strates institutionnelles qui rajoute encore à la complexité de la prise de décision. En plus de devoir s'entendre avec le secteur économique dans un contexte de concurrence métropolitaine, les élus doivent aussi prendre en compte la concurrence institutionnelle qui s'exerce entre Conseils Régionaux et Conseils Généraux, entre Conseils Généraux et intercommunalités, entre intercommunalités et communes. En fait, c'est là que la vraie difficulté se trouve aujourd'hui : celle de dégager un chef de file capable de mobiliser l'ensemble des acteurs dans une direction convergente51. 
Si, au Royaume-Uni, les collectivités locales ont traditionnellement assuré la mission de fourniture des services publics sous le contrôle de l’administration centrale, cette mission a évolué depuis le passage de Margaret Thatcher au 10, Downing Street. Le contrôle du gouvernement central sur les collectivités locales s’est renforcé par une diminution radicale des moyens accordés à ces dernières. Elles ont été ainsi incitées à ouvrir nombre de ces services publics à la concurrence, et à recourir aux financements privés pour mettre en oeuvre leurs projets. La gouvernance britannique, la première mise en place en Europe, s’est traduit par le recours obligatoire aux appels d’offre (Compulsive Competitive Tendering), à l’audit des collectivités locales dans le but de renforcer l’efficience – le maître mot de cette politique – de ces dernières, et enfin, le recours au Private Finance Initiative, version anglaise de la concession, qui s’exerce non seulement pour les infrastructures de transport, mais aussi pour la construction d’écoles, etc.52 
50Gérard-François Dumont, Diagnostic et gouvernance des territoires. Concepts, méthodes, application. Paris : Armand Colin, 2012, p. 78. 
51Gérard-François Dumont, Diagnostic et gouvernance des territoires. Concepts, méthodes, application. Paris : Armand Colin, 2012, p. 80-82. 
52Alistair Cole, « Un laboratoire de richesses : administration territoriale, gouvernance régionale et adaptation locale en Grande-Bretagne », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 38-41.
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II. NOUVEAUX RAPPORTS ENTRE LES ACTEURS LOCAUX 
A. DES POLES URBAINS MIS EN CONCURRENCE 
Trois pôles d’acteurs peuvent être distingués au sein de la démocratie locale : l’institutionnel, l’économique et le citoyen. L’irruption des logiques de gouvernance dans les systèmes locaux a bouleversé les rapports entre ces pôles, et tout d’abord les rapports entre les pôles urbains. Ces rapports semblent être capitaux face à l’importance qu’ont prises les métropoles dans le système économique mondial. De plus en plus, les villes semblent être le lieu d’interaction entre le global et le local. A l’heure où se développe « l’économie d’archipel », les métropoles sont confrontées à une mise en concurrence par les acteurs du système économique. L’enjeu est celui du développement, donc de l’attractivité pour les populations et les entreprises. Si les métropoles n’occupent pas toutes la même place dans une hiérarchie des villes, leurs décideurs politiques ont intégré la logique libérale : pour assurer le bien-être de leurs électeurs, ils doivent assurer le développement économique de la ville afin d’en capter et d’en redistribuer les fruits53. 
Face à cette course sans répit au développement, les villes connaissent une dynamique ambigüe. Elles sont obligées de se conformer à un modèle dominant qui les pousse à l’uniformisation tout en essayant de se démarquer par une identité et des caractères propres. L’uniformisation se fait au travers d’une reconquête des centres urbains et de leur adaptation au fonctionnement actuel de l’économie : c’est le « shopping experience » des centres-villes britanniques, le réaménagement des waterfronts, la réorientation de l’économie urbaine vers une économie de services et de technologies, tout en pourvoyant aux demandes urbaines des classes sociales qui sont associées à ces secteurs (les jeunes et les cadres). Ainsi, face à des structures urbaines qui tendent à s’uniformiser, les villes doivent parallèlement développer des stratégies qui leur permettent de sortir du lot : c’est la logique de projet qui résout cette équation. Tout en rénovant des espaces marginaux du centre-ville, elle permet à la ville de profiter d’une dynamique suffisante pour faire parler d’elle54. 
Ces impératifs de renouvellement urbain ont trouvé en France une réponse institutionnelle dans la dernière réforme territoriale avec la création d’un EPCI « métropole ». Elle répond à la place centrale qu’ont les métropoles dans le système économique en accroissant 
53Didier Paris, « Gouvernance des territoires, métropolisation et développement régional, Réflexions à partir de l’exemple de Lille et de sa région urbaine », in Métropoles en construction, Territoires, politiques et processus. Paris : L’Harmattan, 2004, p. 21-25. 
54Gilles Pinson, Gouverner la ville par projet, Urbanisme et gouvernance des villes européennes. Paris : Presses de Sciences Po, 2009, p. 146-153.
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les compétences de l’EPCI au point de pouvoir parler d’une collectivité quasi-unitaire. Celui-ci récupère en effet de droit une grande partie des compétences régionales, départementales et communales, notamment dans les domaines économique et de l’aménagement, et peut par contrat accroître ses compétences, y compris aux dépens de l’Etat. Cependant, pour un domaine de compétences bien plus large, l’Etat n’a pas souhaité, ou n’a pas pu, satisfaire les revendications en termes de moyens, notamment financiers, pour lesquels les métropoles demeureront des EPCI classiques55. 
Alors qu’au Royaume-Uni, la mise en place d’autorités unitaires a déjà été réalisée, l’enjeu pour les villes de ce pays est désormais la création de réseaux interurbains pour renforcer les complémentarités et les synergies entre les pôles. Un exemple de ces réseaux est visible en France, entre Bordeaux et Toulouse qui collaborent le long de la vallée de l’aéronautique. Mais ici, la dynamique reste à l’origine de l’Etat et non des villes. L’enjeu pour les villes britanniques est de pouvoir renforcer le pouvoir politique face au secteur économique, mais aussi d’accroître les ressources financières en faisant appel aux subventions européennes pour compléter des ressources décentralisées lacunaires. Cependant, contrairement au modèle métropolitain français, le modèle politique n’est pas institutionnalisé, puisque ces coopérations s’exercent souvent au sein d’un modèle par agences caractéristiques de la Grande-Bretagne56. 
B. DES CITOYENS EXPERTS ET EXIGEANTS 
Dans le contexte de concurrence des pôles urbains, ce sont aussi les exigences citoyennes vis-à-vis de la démocratie locale, et les réponses à ces exigences, qui ont été bouleversées. Historiquement, les pays européens ont utilisé l’échelon local – la commune en France, les parishes (paroisses) et les districts en Angleterre – comme le moyen d’expression démocratique le plus direct mais aussi administrativement le plus efficace, d’où l’importance longtemps donnée à ces territoires. Cependant, aujourd’hui, les nécessités d’administration liées à la concurrence métropolitaine ont amené les dirigeants à recomposer les rapports entre démocratie locale et territoire, aux dépens des avantages démocratiques que présentait un échelon plus local. Si la réforme démocratique a accompagné ce développement institutionnel en Angleterre, la France reste en retard dans le domaine57. 
55Christian Vallar, “La métropole : l’institutionnalisation d’une aire urbaine à l’échelle européenne ? » in Réformes et mutations des collectivités territoriales. Paris : L’Harmattan, 2012, p. 260-261. 
56Kevin Morgan, Gareth Rees et Shari Garmise, “Networking for Local Economic Development” in The New Management of British Local Governance. Basingstoke : Macmillan Press, 1999, p. 181-183. 
57Jean-Claude Némery, « Les mutations de la démocratie locale » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 52-53.
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Pour ne pas subir les coûts politiques dramatiques qu’engendrerait une réforme territoriale complète et brutale, les générations successives de dirigeants français ont choisi d’accumuler les dispositifs d’aménagement sur des territoires variables : Schémas de Cohérence Territoriale, Plans Locaux d’Urbanisme (communaux et intercommunaux), Plans de Déplacements Urbains… Rien que dans le seul domaine de l’aménagement, les « territoires de projets » se sont multipliés sans réalité politique, ni construction identitaire pour les soutenir58. Face à cet empilement technocratique, la volonté d’intégration des citoyens qui est liée à la logique de gouvernance perd une partie de son sens : la difficulté de s’identifier à un territoire de projet rend d’autant plus difficile pour les citoyens d’accéder au débat public. Il semble alors que la véritable négociation locale se distingue de la mise en scène procédurale que représentent souvent les débats publics59. 
Cette procédure théâtralisée n’est pas sans risque pour la démocratie. Malgré la bonne volonté qu’a constituée l’instauration de conseils de quartiers et autres procédures de consultation préalables, ces institutions remplissent rarement leur mission. D’un côté, il est très difficile de trouver le ton juste dans les réunions : entre une expertise qui devient par définition exclusive et une simplification qui peut paraître triviale à la population, la marge de manoeuvre des élus est limitée. Cependant, la difficulté vient aussi des citoyens qui semblent parfois avoir des difficultés à percevoir l’intérêt général dès lors que des enjeux personnels sont concernés. Ainsi, sans remettre en cause l’intérêt fondamental de la consultation démocratique, il faut remarquer la transformation de ces débats en opérations de communication politique, rarement productives en termes de décisions60. 
En définitive, l’engouement pour la démocratie participative reste mesuré. Cependant, face à une statistique moyenne de participation décevante, il faut relever néanmoins de forts écart-types. Si le débat consultatif reste peu productif, les citoyens engagés ont compris que pour peser sur la décision, il fallait s’associer. Nombre d’associations ont donc émergé pour promouvoir une cause ou un point de vue particulier. La politique de contractualisation des rapports entre les collectivités et le milieu associatif a donné une légitimité et une pérennité à ces associations, ce qui permet de constituer progressivement des synergies et des canaux par lesquels peut être canalisée une partie des opinions citoyennes sur l’action politique locale61. Cependant, les études menées sur les politiques d’intégration citoyenne à la décision publique 
58Jérôme Dubois, « Quel débat territorial face à l’éclatement des dispositifs, des financements et des responsabilités ? », in Intercommunalité : politique et territoire. Paris : La Documentation Française, 2009, p. 126-127. 
59Jérôme Dubois, « Quel débat territorial face à l’éclatement des dispositifs, des financements et des responsabilités ? », in Intercommunalité : politique et territoire. Paris : La Documentation Française, 2009, p. 136-140. 
60Thierry Oblet, Gouverner la ville. Paris : Presses Universitaires de France, 2005, p. 245-248. 
61Gérard-François Dumont, Diagnostic et gouvernance des territoires. Concepts, méthodes, application. Paris : Armand Colin, 2012, p. 86.
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du New Labour nous forcent à relativiser notre optimisme. Si certaines structures locales permettent d’impliquer les citoyens dans la prise de décision, ces structures doivent cependant être pérennes et non ponctuelles pour être structurantes et limiter les effets des différences de capital social sur l’implication politique62. 
C. DES POLITIQUES PUBLIQUES CONTRACTUALISEES 
Enfin, la gouvernance se traduit par une réorganisation des rapports entre le secteur économique et le pouvoir politique. Si la fracture entre service public et secteur privé n’a jamais été aussi radicale que la croyance populaire l’exprime parfois, il est évident que ce fossé est aujourd’hui franchi par des passerelles toujours plus nombreuses. En Europe, ce sont les Britanniques qui ont ouvert la porte aux partenariats entre le public et le privé. Le Nouveau Management Public (New Public Management), tel qu’il est progressivement mis en place par les néoconservateurs à partir de 1979, vise à accroître l’efficacité des services publics grâce à un modèle de gestion privée, supposément plus économe, et appliqué sans jamais être remis en question. Dans ce modèle, les autorités locales abandonnent leur rôle de pourvoyeur de services à la concurrence privée ou à des entités autonomes auxquelles elles fournissent les infrastructures nécessaires. Elles passent ainsi à un statut d’enablers (littéralement « habilitant »), chargées d’identifier les besoins et de permettre au secteur privé d’y pourvoir, afin de satisfaire les usagers, devenus clients du service public63. 
Dans cette optique, de nombreuses entreprises fournisseuses de service public se sont développées, parmi lesquelles de nombreuses entreprises françaises (Veolia et Vinci pour les plus connues) mais aussi du gouvernement par agences autonomes, les QuANGO (Quasi Autonomous Non-Governmental Organisations). Il s’agit d’entités désignées par les autorités locales pour accomplir une mission de service public. Elles bénéficient de toute l’indépendance d’une entreprise privée, en particulier en termes de direction et de gestion, tout en demeurant des corps proches du pouvoir. Si, à l’origine, elles se sont développées au niveau national, elles ont depuis gagné l’échelon local, où elles ont servi les conservateurs en contrebalançant les pouvoirs locaux contrôlés par le New Labour. L’argumentaire en leur faveur est cependant différent : officiellement, les QuANGO visent à intégrer de nouveaux acteurs dans la gouvernance locale et d’y développer les techniques du New Public Management. En définitive, ils atteignent 
62Gerry Stoker, Transforming Local Governance, From Thatcherism to New Labour. Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2004, p. 121-125. 
63Vivian Lowndes, “Change in Public Service Management : New Institutions and Managerial Regimes », in Gouvernance Locale, pauvreté et exclusion dans les villes anglo-saxonnes. Paris : Presses de l’Université de la Sorbonne, 1997, p. 52-54.
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leurs deux objectifs en déléguant une grande partie de la décision publique au secteur privé, et en réduisant de fait les coûts pour le budget des collectivités locales, mais non pour le public64. 
En France, le Nouveau Management Public a pris la forme de politiques de contractualisation. Celles-ci se sont développées au fur et à mesure des politiques de décentralisation : l’Etat choisit alors de contractualiser ses relations avec les régions autour de contrats de plan. D’autres procédures sont aussi mises en place à d’autres échelles (contrats de ville, de pays – entendu dans le sens intercommunal du terme). Le succès de ces contrats dès les années 1980 entraîne leur systématisation dans la décennie suivante dans une grande partie des ministères, y compris la justice et la police. Cette tendance est aussi favorisée par l’intégration européenne et les subventions offertes par Bruxelles dans le cadre de réalisations répondant à des objectifs clairement définis par l’Union Européenne. Ces contrats sont de trois types : documents d’orientation générale définis entre partenaires, contrats de projets servant à mobiliser des financements et contrats de programmation budgétaire entre collectivités65. 
Dans cette logique de contractualisation entre les différentes collectivités, le secteur privé a également réussi à tirer son épingle du jeu autour des différents types de partenariats public-privé. Si les collaborations entre les deux secteurs sont historiques en France, en particulier autour des délégations de service public, de nouvelles formes de partenariats sont apparues pour des opérations plus ponctuelles. L’Union Européenne a réglementé dans le sens d’une généralisation des marchés publics et l’Etat a développé de son côté les Contrats de Partenariat, particulièrement utiles pour que des collectivités locales au budget serré puissent réaliser des investissements à long terme sans s’endetter massivement. Evidemment, le contrecoup existe : si la collectivité économise sur le coût à court terme, elle dépense plus à long terme, et pour cette raison, les Contrats de Partenariat sont de moins en moins utilisés66. 
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 
La mise en place de processus de gouvernance s’est déroulée depuis les années 1970 dans un contexte de limitations des prérogatives du politique. Après l’Etat-Providence tout puissant, le secteur public a été réduit, permettant l’arrivée de nouveaux acteurs dans la décision politique. Ces acteurs, provenant du secteur privé, soit par le monde économique, soit par le monde associatif et citoyen, ont acquis une part de pouvoir proportionnel à leur pouvoir 
64Gerry Stoker, Transforming Local Governance, From Thatcherism to New Labour. Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2004, p. 32-35. 
65Jean-Pierre Gaudin, « La contractualisation des politiques et la nouvelle action publique » in Collectivités territoriales et gouvernance contractuelle. Paris : L’Harmattan, 2006, p. 15-26. 
66Olivier Rouquan, Culture territoriale. Paris : Gualino, 2011, p. 179-186.
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d’influence dans la réalisation para-institutionnelle de la théorie réaliste de Dahl. Jan Kooiman décrit sept conditions qui ont favorisé la gouvernance, parmi lesquelles la crise de confiance dans les autorités passées, une réorganisation incomplète des champs politiques, l’intéressement mutuel du public et du privé apparaissent comme les principales. Mais il faut cependant rester sceptique vis-à-vis des autres conditions : la constitution d’un nouveau rapport gagnant-gagnant pour les acteurs impliqués, une confiance réciproque entre ces acteurs, une volonté de responsabilité commune et un investissement politique et social mutuel67. 
67Jan Kooiman, “Findings, Speculations and Recommendations” in Modern Governance : New Government- Society Interactions. Londres : SAGE Publications, 1993, p. 251.
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CCHHAAPPIITTRREE 33 LLEESS CCAADDRREESS JJUURRIIDDIIQQUUEESS EETT FFIINNAANNCCIIEERRSS AAUUXX PPOOLLIITTIIQQUUEESS DDEE DDEEPPLLAACCEEMMEENNTTSS 
Les deux premiers chapitres ont posé les conditions du rapport de force permanent qu’est la décision politique. Ce troisième chapitre traite du cadre dans lequel s’exerce ce rapport de force. Il met en valeur les lois qui régulent la planification des transports en France comme en Angleterre, tout en intégrant cette planification dans le cadre global de la planification urbaine (I). Puis il décrit les conditions dans lesquelles les plans sont financés dans un cadre public ou privé (II). 
I. PLANIFICATION DES TRANSPORTS 
A. PDU, POUR PLAN DE DEPLACEMENTS URBAINS 
Il y a en France quatre documents principaux de planification urbaine. Parmi ceux-ci, le Plan de Déplacements Urbains (PDU) est le document central de planification des transports, même si le volet déplacement du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) s’impose à lui68. 
Si les PDU ont été créés par la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs (LOTI) en 1982, ils ont pris toute leur importance actuelle suite à la loi sur l’air de 1996 et surtout à la loi SRU de 2000. Intégrés dans la hiérarchie de la planification territoriale, ils sont désormais obligatoires pour toutes les agglomérations dont le Périmètre de Transport Urbain (PTU) regroupe plus de 100 000 habitants, ainsi que pour toutes les collectivités ayant le statut d’Autorité Organisatrice de Transports Urbains (AOTU). Les PDU ne sont donc plus de simples documents d’orientation, mais les véritables instruments de la mise en place de politiques transversales de déplacements urbains. Consacrés dans le cadre de la politique de développement durable, ils visent particulièrement à réduire la part du trafic automobile au profit de modes de déplacements collectifs (métro, tramway, bus) ou doux (vélo, marche). Dans cet objectif, ils disposent d’outils comme la coordination de la billettique, l’incitation à mettre en place des Plans de Déplacements Entreprise (PDE) pour les salariés des employeurs importants 
68Du Schéma de Développement de l’Europe Communautaire au Plan Local d’Urbanisme, La planification territoriale en France. Certu : Lyon, 2008, p. 50.
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de l’agglomération, le tout au service d’une qualité de vie urbaine, aussi renforcée par des aménagements de la voirie publique69. 
Ce rôle important est néanmoins le résultat d’un processus long et compliqué qui a vu les intercommunalités émerger et prendre un rôle croissant dans la planification des transports urbains. Longtemps du ressort du secteur privé, les communes ont, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, gagné le droit de réguler le transport urbain, avec des périmètres d’action calqués sur le développement des zones bâties. Dans les années 1970, une nouvelle évolution intervient : la création des PTU calque l’organisation des transports sur un périmètre administratif communal, et la création du Versement Transport (VT) favorise le développement de regroupements intercommunaux, principalement sous forme de syndicats intercommunaux. Relancée par la loi ATR de 1992 et de l’essor des EPCI qui suivra la loi Chevènement, cette dimension syndicale devient intercommunale et les PDU sortent renforcés des lois qui se succèdent70. Cette dynamique se poursuit aujourd’hui, comme en témoigne l’avant-projet de loi sur la réforme territoriale qui devrait enfin consacrer l’intercommunalité comme chef de file dans la planification des transports. 
Ce succès de l’intercommunalité est important, car hors de ce contexte, le PTU faisait la part belle à l’échelle communale (et souvent à la ville-centre) dans la rédaction des PDU. A l’inverse, il prouve que la loi Chevènement a marqué la fin de la domination des communes et des syndicats (SIVU, SIVOM et syndicats mixtes) comme Autorité Organisatrice des Transports (AOT) au profit des EPCI et en particulier les Communautés d’Agglomération. Cette évolution se traduit sur le terrain par une double évolution : une évolution intensive avec la création de structures intercommunales intégratrices et une évolution extensive des PTU. Ces deux évolutions marquent un succès pour la politique des transports urbains qui sont désormais planifiés dans le cadre d’une réflexion beaucoup plus globale, concevant l’agglomération comme un tout, aux dépens de l’ancienne logique syndicale au sein de laquelle certains maires tentaient de récupérer quelque avantage pour leur commune71. 
B. LTP, POUR LOCAL TRANSPORT PLAN 
A l’image de la France dont les PDU ont connu leur véritable essor à la fin des années 1990, la Grande-Bretagne a rénové sa politique de planification des transports en 1998. Treize 
69Henri Jacquot et François Priet, Droit de l’urbanisme. Paris : Dalloz, 2001 (4ème éd.), p. 345-347. 
70Philippe Menerault, « Réforme territoriale et dynamique de l’intercommunalité dans les transports collectifs urbains : une approche diachronique » in Intercommunalité dans les transports publics en milieu urbain. Paris : Predit, 2005, p. 9-17. 
71Cyprien Richer, « Les transformations récentes de l’intercommunalité en matière de transports urbains » in Intercommunalité dans les transports publics en milieu urbain. Paris : Predit, 2005, p. 18-21.
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ans après la dérégulation massive imposée par Margaret Thatcher et son Transport Act de 1985, la publication par le Cabinet de Tony Blair du White Paper « A new deal for transport: better for everyone » s’inscrit dans une volonté de correction des dérives de la privatisation tous azimuts : des transports en commun affaiblis sont en partie responsables de la congestion routière et des pollutions atmosphériques. Face au constat dressé, la solution recherchée est celle d’une adaptation de ce cadre néolibéral aux impératifs du développement durable. Les autorités locales doivent désormais mieux articuler les différents services et renforcer ainsi l’intermodalité, grâce à la mise en place des Local Transport Plans (LTP) qui sont confiés aux Passenger Transport Authorities (PTA) : les comtés et autorités unitaires72. 
Dans le cadre de la privatisation des réseaux de transport en 1985, une distinction a été mise en place entre les PTA qui sont généralement les autorités locales régulant les infrastructures, et les PTE (Passenger Transport Executives) qui sont les agences mises en place dans les grandes agglomérations du pays pour externaliser la politique locale des transports. Les PTE définissent cette politique et la mettent en oeuvre, en plus d’encadrer la gestion de l’offre de transport en commun proprement dite. L’exemple le plus célèbre de PTE est le Transport for Londres (TfL), mais ces structures se retrouvent dans les six anciens comtés métropolitains (Birmingham, Manchester, Liverpool, Leeds, Sheffield, Newcastle). Dans le reste des autorités locales, la régulation de l’offre est censée s’effectuer par la main invisible du marché, guidée par la PTA73. 
Les LTP sont donc rédigés soit par des agences (les PTE), ce qui pose les problèmes de légitimité politique définis au chapitre 2, soit, à défaut, par les autorités locales érigées en PTA. Ce système permet de définir des périmètres d’action de grande taille (particulièrement comparés à leurs équivalents français). Si les autorités unitaires sont en général de taille inférieure aux agglomérations qu’elles dirigent, les PTE couvrent le territoire des plus grandes d’entre elles et les comtés sont bien plus grands que les plus grandes intercommunalités françaises. Les LTP ont aussi l’avantage de développer une approche transversale, intégrant dans la planification des transports des considérations relevant des politiques sanitaires ou éducatives, mais aussi une temporalité et une flexibilité financière qui manquaient au Transport Policy and Program, le précédent document de planification des transports74. 
72Philippe Menerault et Natalie Mongin, « Les nouvelles donnes de la planification locale des transports en Angleterre et en France, in Recherche Transports Sécurité, n°69 (octobre – décembre 2000), p. 97-112. 
73Reg Harman, Alain L’Hostis et Philippe Menerault, « Les transports publics urbains et régionaux, face à un avenir incertain » in Aménagement et urbanisme en France et en Grande-Bretagne, Paris : L’Harmattan, 2007, p. 302- 320. 
74Philippe Menerault et Natalie Mongin, « Les nouvelles donnes de la planification locale des transports en Angleterre et en France, in Recherche Transports Sécurité, n°69 (octobre – décembre 2000), p. 97-112.
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Cependant, même si les LTP peuvent paraître comme une opportunité pour les autorités locales de s’émanciper du pouvoir central, ce dernier conserve néanmoins la mainmise sur la rédaction de ces documents. Tout en laissant aux LTP le soin de rédiger le corps du plan, il impose un cadre précis qui conditionne fortement l’action locale. Ce cadre a pris par le passé la forme d’un document intitulé Guidance on a Local Transport Plan qui contient les thèmes, les objectifs et les moyens d’action et d’évaluation que doivent implémenter les autorités locales au sein de leur LTP. Il impose aussi une compatibilité obligatoire avec les autres documents de planification, notamment les documents stratégiques émis par les comtés. Le cadre institutionnel, les moyens de financements à privilégier, l’environnement, l’intermodalité ou encore le caractère intersectoriel de la politique des transports comptent parmi les thèmes imposés75. 
C. INTEGRER PDU ET LTP A LA PLANIFICATION URBAINE 
Si, en France, les collectivités territoriales disposent d’une autonomie constitutionnelle, il ne faut cependant pas croire que celle-ci leur garantit une protection face à l’irruption de l’Etat dans les questions de planification. Ainsi, bien que l’Etat n’intervienne pas directement sur les PDU, il reste présent grâce aux liens qui existent entre planification nationale et planification locale. Les Directives Territoriales d’Aménagement et de Développement Durable (DTADD), consacrées par la loi portant engagement national pour l’environnement (dite loi Grenelle 2), énoncent les choix stratégiques de l’Etat dans de nombreux domaines, allant du logement à la protection des zones naturelles, qui relèvent de l’aménagement. Si les DTADD ne s’imposent pas directement aux collectivités territoriales pour la rédaction de leurs documents d’urbanisme, elles permettent à l’Etat de définir des projets d’intérêt général qui auront un impact sur les possibilités d’action de ces collectivités. Ainsi, la construction des lignes à grande vitesse (LGV), prévue aussi bien par les DTADD que par le Schéma Directeur de l’Europe Communautaire (SDEC), ouvre des perspectives importantes aux villes dans la rédaction de leur PLU (opérations d’aménagement du quartier de la gare) comme de leur PDU (réorientation du réseau de transports urbains pour accueillir le flux de voyageurs supplémentaire à la gare)76. 
Au-delà de la simple influence stratégique de l’Etat sur la planification locale, la planification des transports s’intègre en France dans une hiérarchie des documents d’urbanisme qui est définie par la loi. En 2000, la loi SRU a défini les relations entre SCoT, PDU et PLU ainsi que les relations entre les périmètres de ces documents et les autorités chargées de leur 
75Department of the Environment, Transport and the Regions, Guidance on Full Local Transport Plan, Londres : DETR, 2000, p. 9-14. 
76Pierre Galan, « Enjeux intercommunaux et urbanisme » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 280-284.
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rédaction. Elle confie le SCoT à un organisme intercommunal pour un périmètre équivalent. Dans les grandes agglomérations, le SCoT ne couvre donc pas l’ensemble de l’aire urbaine, mais les autorités intercommunales peuvent s’entendre sur une charte inter-SCoT mettant les documents qu’elles rédigent en cohérence. Le PDU est à la charge de l’AOT et correspond au PTU de celle-ci. Cependant, dans un certain nombre de cas, la structure intercommunale chargée du SCoT et l’AOT se recoupe au sein d’une seule et même entité. Le PLU enfin s’exerce au niveau des communes qui peuvent cependant en déléguer la compétence à leur EPCI. Entre ces trois documents, une hiérarchie est établie de la plus petite échelle à la plus grande : le SCoT cadre le PDU et les deux documents s’imposent lors de la rédaction des PLU77. 
En Angleterre, le cadre institutionnel simplifié favorise également une plus grande clarté parmi les documents de planification locale. Au-delà du LTP, la planification locale ne s’appuie que sur un document, le Local Development Framework (LDF), qui vise à encadrer l’action politique locale dans le cadre traditionnel britannique d’un lien solide entre aménagement et développement économique. Pour autant, le LDF n’a que des liens étroits avec le LTP : ils ne sont pas réalisés à même échelle spatiale – le LDF est du ressort des districts, le LTP des comtés -, ni à même échelle temporelle (10 ans contre 5 ans). Enfin, malgré la volonté gouvernementale de lier aménagement et transport, il n’existe pas de hiérarchie entre LDF et LTP et les deux documents manquent parfois de cohérence, hormis peut-être dans les autorités unitaires chargées de la rédaction des deux documents78. 
En définitive, les documents de planification locale des transports constituent de parfaits révélateurs de la perception de la ville qu’ont les élus qui les rédigent. C’est particulièrement vrai dans le cas français où le PTU dépend de la capacité des élus locaux à mettre en place des coopérations entre communes et EPCI. Selon ces coopérations, il peut émerger des PDU fortement centrés sur la commune principale, avec différents degrés d’intégration des communes périphériques, ou des PDU envisageant l’agglomération comme un tout et développant des relations entre communes périphériques. Ce choix n’est pas seulement le résultat de la capacité des élus à coopérer. Il est aussi déterminé par les formes urbaines existantes (configuration des réseaux, densités des zones…), tout en influant sur l’évolution future de ces dernières : les formes de desserte retenues dans un PDU pèseront sur la capacité 
77Reg Harman, Alain L’Hostis et Philippe Menerault, « Les transports publics urbains et régionaux, face à un avenir incertain » in Aménagement et urbanisme en France et en Grande-Bretagne, Paris : L’Harmattan, 2007, p. 308- 310. 
78Ibid.
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Planifier les déplacements à l'heure de la gouvernance

  • 1. Institut d’Etudes Politiques de Lille PLANIFIER LES DEPLACEMENTS URBAINS A L’HEURE DE LA GOUVERNANCE Etude des projets adoptés à Toulouse et Nottingham Par Hugo Argenton Sous la direction de Philippe Menerault Dans le cadre du Master Affaires Publiques et Gestion des Biens Communs Année 2012 / 2013
  • 2. - 2 - RREESSUUMMEE Ce mémoire traite de la capacité des collectivités territoriales françaises et anglaises à mettre en oeuvre respectivement des Plans de Déplacements Urbains et des Local Transport Plans qui répondent aux enjeux de la ville du XXIème siècle. Il se concentre dans une première partie sur les évolutions qui sont advenues dans l’exercice de la démocratie locale : réformes des collectivités territoriales, implications des différentes sphères de la société civile, modifications des cadres financiers. Cette mise au point permet d’étudier dans une deuxième partie les processus qui ont aboutis à l’adoption du PDU du Toulouse et du LTP de Nottingham. Ce mémoire dévoile les logiques divergentes des deux documents, analyse les différentes étapes de leur réalisation et leurs conséquences politiques. Il conclut en mettant en exergue deux styles politiques nationaux qui visent à atteindre un objectif commun : préparer effectivement ces deux villes aux défis qui attendent les espaces urbains au XXIème siècle. AABBSSTTRRAACCTT This dissertation deals with the capacity of French and English local governments to respectively set up a Plan de Déplacements Urbains and a Local Transport Plan that answers to the challenges of a 21th century city. In the first part, it focuses on the evolutions that happened in the exercise of local democracy: the reforms of local government, the implication of the several spheres of civil society, the changes in the budgetary frame. This development allows the second part to study the processes that concluded in the adoption of Toulouse’s PDU and Nottingham’s LTP. This dissertation unveils the diverging logics of both documents; it analyses the several stages in their realisation and their political consequences. It concludes giving rise to the two national policy styles that aim at reaching a common goal: to effectively prepare both these cities to the challenges that urban territories will face in the 21st century.
  • 3. - 3 - RREEMMEERRCCIIEEMMEENNTTSS Bien que la rédaction d’un mémoire soit un travail solitaire, il est la conclusion d’un projet de recherche qui ne peut être accompli seul. Je tiens donc à remercier les personnes suivantes pour le rôle indispensable qu’elles ont joué cette année. - Mon directeur de mémoire, Philippe Menerault, pour son accompagnement régulier, sa disponibilité et ses remarques avisées ; - Michèle Breuillard, à la fois juge et partie de ce mémoire ; - Bruno Villalba, Martine Cliquennois et Lorenzo Barrault, pour leurs conseils méthodologiques et leurs encouragements tout au long de l’année ; - Joël Carreiras, Robert Marconis, Jean-Pierre Wolff et Christophe Doucet, pour m’avoir fourni, sur leur temps, des regards éclairés sur le Plan de Déplacements de Toulouse ; - Rasita Chudusama and Jane Urquhart, whose availability and knowledge have allowed me to get a expert regard on Nottingham’s Local Transport Plan; - James Hunter and Karl Haselden, who inspired the dissertation that inspired this dissertation; - Les responsables de la bibliothèque universitaire de droit à Lille 2, pour m’avoir permis de renouveler des emprunts qui n’auraient pas dû l’être ; - Ma famille, mes amis et mes camarades, pour leur soutien moral ; - Mes parents, pour avoir sacrifié un week-end de pont pour corriger ces pages ; - Marc Goetzmann, qui est passé par la correction des cent pages de ce mémoire pour bénéficier de ma correction sur les cent vingt pages du sien ; - Enfin, last but not least, Sonia Villagrasa, dans ma vie depuis huit années, colocataire de choc dont les grasses matinées m’ont offert des moments de travail privilégiés, correctrice forcée dont le regard extérieur aura permis de perfectionner ce mémoire. Merci à tous !
  • 4. - 4 - SSOOMMMMAAIIRREE Introduction générale - 6 - Première partie Les cadres d’action mouvants des collectivités territoriales - 14 - Chapitre 1 : La perpétuelle réforme des collectivités territoriales - 15 - Chapitre 2 : La démocratie locale à l’heure de la gouvernance - 26 - Chapitre 3 : Les cadres juridiques et financiers aux politiques de déplacements - 35 - Seconde partie La planification des déplacements à Toulouse et Nottingham - 48 - Chapitre 4 : Les logiques divergentes des documents publiés - 50 - Chapitre 5 : Le développement des plans de déplacements - 58 - Chapitre 6 : Le contentieux politique autour de l’exercice de planification - 94 - Conclusion générale - 101 -
  • 5. - 5 - « Les Français partent toujours d’un territoire. Les Anglais parlent toujours de réseaux. » 1 1Entretien avec Michèle Breuillard, à 3’56.
  • 6. - 6 - IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN GGEENNEERRAALLEE Chaque année, au mois de novembre, les United Kingdom Bus Awards récompensent les entreprises les plus innovantes en matière de transport en commun. Habituées aux honneurs depuis plusieurs années, les principales entreprises en activité à Nottingham, Nottingham City Transport et Trent Barton, ont remporté lors de l’édition 2012 pas moins de sept récompenses, dont la récompense suprême de meilleur opérateur, offrant à la ville une image de pointe en matière de transports en commun. A Toulouse, cette image d’innovation est plus ancienne : la ville fut l’une des premières, après Lille, à adopter un système de métro automatique VAL dans les années 1980. La première ligne fut ouverte en 1993 et prolongée en 2003, puis une seconde vint s’ajouter en 2007 et le réseau de métro connaît aujourd’hui une fréquentation très importante avec plus de 108 millions de voyages annuels en 20112/3. Pourtant, aussi ambitieuses ou innovantes que soient les politiques de transport en commun à Nottingham et Toulouse, ces deux villes connaissent aujourd’hui d’importants problèmes de congestion automobile. Nottingham est la 3ème ville la plus embouteillée du Royaume-Uni et Toulouse la 5ème de France, et les deux villes sont respectivement 27ème et 17ème au classement européen réalisé par le fabricant de GPS TomTom. Au-delà même de ce classement et de ses limites méthodologiques, les deux villes semblent souffrir de lacunes en termes de déplacements automobiles : Nottingham ne dispose d’aucun contournement autoroutier, et le périphérique toulousain, élargi au cours des années 2000 ne parvient toujours pas à absorber l’afflux de circulation aux heures de pointe. Ainsi, matin et soir, le retard moyen par heure de circulation atteint 31 minutes à Nottingham et 41 minutes à Toulouse4. Un précédent travail réalisé pour Nottingham Trent University a montré le long processus que constitue la programmation d’infrastructures lourdes de transports en commun. Au travers des exemples du métro automatique toulousain (années 1980), puis des tramways de Nottingham (années 2000) et de Toulouse (années 2010), il analyse les styles politiques français et anglais (policy styles), ainsi que leurs réalités locales à Toulouse et Nottingham, et met en valeur les coalitions d’acteurs (policy networks et policy communities) nécessaires à la réalisation des infrastructures souhaitées par le pouvoir local. Deux modèles se distinguent. L’exemple de Nottingham montre un système assumé de gouvernance, caractéristique de la politique 2UK Bus Awards, 2012 results (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 3Toulouse Métropole en chiffres, 2012 (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 4TomTom Congestion Index, Q2 2012 (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte.
  • 7. - 7 - anglaise : l’idée de tramway provient d’un groupement d’entreprises (Nottingham Development Enterprise), est reprise par la municipalité qui négocie ensuite avec les opposants au projet (riverains, commerçants, …) jusqu’à obtenir une adhésion suffisamment forte pour éviter la contestation5. A l’opposé, les exemples toulousains appuient l’idée d’un pouvoir mayoral faiblissant, mais encore fort. Le projet de métro automatique est typique du style politique français : il est porté par le seul maire et sa légitimité électorale au sortir de l’élection municipale de 1983. Pour sa part, le projet de tramway montre la volonté de processus de gouvernance, en partie imposé par la loi française à travers la réalisation obligatoire d’enquêtes d’intérêt public. Mais ce processus est un échec car une association de riverains opposée au projet rejette la voie consensuelle et parvient à faire annuler le projet par le tribunal, décision par la suite cassée par le Conseil d’Etat. Le travail conclut donc à la persistance des policy styles nationaux dans la décision locale, malgré un développement transnational de la logique de gouvernance6. Le présent mémoire se situe dans la continuité de ce travail. Les problèmes de circulation que connaissent Toulouse et Nottingham, deux villes innovantes en termes de transports en commun, semblent démontrer que ces innovations ne suffisent apparemment pas à influencer durablement et massivement les comportements en matière de déplacements. Les déplacements urbains apparaissent comme une question complexe qui implique donc plus que des éléments structurants. Cette question interroge des perceptions, des comportements et pratiques, mais aussi les mesures prises pour les encadrer, les guider, les faire évoluer. A l’heure où le dérèglement climatique commence à produire des effets plus extrêmes, ils soulèvent la question de la ville, de sa conception et de son adaptation aux réalités du XXIème siècle7. Comment les villes, moteurs du système économique, peuvent-elles assurer leur fonction de lieu d’échanges, face à la raréfaction de la ressource pétrolière nécessaire à la plupart de nos déplacements ? Face à ces questions sans réponses sur notre futur, face aux difficultés présentes et la saturation des systèmes de transports métropolitains, face au déficit de transports en commun hérité des choix de l’après-guerre, l’une des solutions envisagées a été un retour à une planification modérée. Dès 1982 en France, en 2000 en Angleterre, les gouvernements au pouvoir ont pris des dispositions pour donner aux autorités locales la capacité de réguler, prévoir et anticiper les déplacements sur leur territoire. Ces dispositions sont à l’origine des Plans de Déplacements Urbains (PDU) en France, et des Local Transport Plans (LTP) en 5Hugo Argenton, The Local Realities of Policy Styles, Transportation Policies in Toulouse and Nottingham. Nottingham Trent University, 2012, p. 21-24. 6Hugo Argenton, The Local Realities of Policy Styles, Transportation Policies in Toulouse and Nottingham. Nottingham Trent University, 2012, p. 33-35. 7Department for Transport (DfT), Guidance on LTP3, publié le 5 août 2009, p. 1.
  • 8. - 8 - Angleterre, deux documents ambitionnant de dégager une vision et des actions pour faciliter les déplacements à l’échelle d’une agglomération. Ces politiques posent cependant la question de la capacité des mesures de planification à influencer effectivement les comportements des citoyens8. Alors que notre système de déplacements est régi par le paradigme automobile, est-il possible de réformer progressivement ce système vers des solutions multimodales ? Notre capacité à évoluer dépend principalement des incitations qui sont proposées face au phénomène de path dependency vis-à-vis de l’automobile. Et ces incitations sont elles-mêmes dépendantes de la capacité de nos gouvernants à créer un consensus autour de politiques réformatrices. La question de la gouvernance est donc au coeur du sujet. Le travail réalisé pour Nottingham Trent University a prouvé que la mise en place des grandes infrastructures de transport a été impactée par les policy styles ; il est donc probable que les grandes politiques de planification des déplacements urbains le soient aussi. Mais l’étude du contexte de construction de ces politiques ne peut se limiter aux seuls policy styles : la gouvernance implique dans le processus politique une variété d’acteurs issus de l’ensemble des sphères de la société. Ces acteurs sont aussi bien des associations à but non lucratif que des sociétés anonymes. Ce sont encore des hommes politiques, des personnels administratifs, représentants de la volonté générale ou de simples citoyens, contribuant à la démocratie ou défendant leurs intérêts personnels9. Comment est-il alors possible de dégager une vision et des politiques cohérentes et efficaces ? Dans ces conditions, l’encadrement législatif de la formulation des politiques de déplacement joue un rôle particulier : il est à l’origine de l’équilibre des pouvoirs entre cette multitude d’acteurs. Or, depuis les années 1990, cet encadrement a fortement évolué en France comme en Angleterre. En France, ces années marquent la relance de la décentralisation avec la loi Administration Territoriale de la République (ATR) en 1992, puis la loi Chevènement qui pose en 1999 les bases des structures intercommunales actuelles. Dans le même temps, plusieurs lois réforment les politiques urbaines : Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie (LAURE), Loi d’Orientation sur l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT), loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU). L’ensemble de ces textes définissent de nouveaux fondements qui rénovent l’action locale en offrant un éventail plus large de compétences aux collectivités territoriales10. 8Ibid. 9Jean-Pierre Gaudin, L’action publique, Sociologie et politique. Paris : Presses de Sciences Po – Dalloz, 2004, p. 209. 10Jean-Claude Némery, « La nouvelle organisation décentralisée de la République Française », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 18-22.
  • 9. - 9 - En Angleterre, les autorités locales sortent fortement affaiblies des onze années passées par Margaret Thatcher au « Number Ten ». Par le Local Administration Act de 1992, le Cabinet de John Major met donc en place une grande réforme du système d’administration locale en Angleterre. Cette réforme consolide le système à deux niveaux pour les territoires ruraux, mais propose un nouveau système d’administration des villes avec une autorité unitaire (unitary authority) permettant à la fois un gouvernement plus efficace et moins consommateur de ressources. De retour au pouvoir, le Labour Party s’attaque en 2000 à la question des transports. Le Local Transport Act offre de nouvelles perspectives en matière de développement des transports en commun : les LTP sont créés et de nombreux projets sont financés par les Regional Development Agencies, fondées par le Cabinet de Tony Blair11. Les deux villes ont été respectivement affectées par leurs réformes nationales. Toulouse profite des nouvelles structures intercommunales pour rattraper son retard en termes de gouvernement urbain. Une Communauté d’Agglomération (CA) est créée en 2003, puis remplacée par une Communauté Urbaine (CU) en 2008. L’agglomération souffre malgré tout de la division intercommunale : deux autres CA se sont développées au sud-est et au sud-ouest toulousain, entravant les possibilités d’extension de la CU. Cela n’empêche pas cette dernière de jouer un rôle directeur dans les politiques de planification urbaine au travers du Syndicat Mixte des Transports en Commun (SMTC), en charge du PDU, et du Syndicat Mixte d’Etudes de l’Agglomération Toulousaine (SMEAT), en charge du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT). Tous deux sont présidés par le Maire de Toulouse et Président de la CU du Grand Toulouse, Pierre Cohen12. Nottingham est une des villes qui ont bénéficié du Local Administration Act de 1992. Cependant, la nouvelle unitary authority ne s’étend pas non plus sur l’ensemble de son agglomération, ce qui limite la portée de son LTP. Une large partie de sa périphérie relève ainsi toujours du comté du Nottinghamshire et des différents boroughs qui le composent. Des stratégies de partenariat avec les autorités alentour existent donc pour contrebalancer ces déséquilibres. Malgré cela, l’action des autorités locales en matière de politiques urbaines reste limitée : l’austérité frappe toujours leurs budgets, et le gouvernement cherche toujours à réduire ses dépenses en dotation. Il y a donc d’autres déterminants au champ d’action des pouvoirs locaux que les réformes territoriales13. 11Alistair Cole, « Un laboratoire de richesses : administration territoriale, gouvernance régionale et adaptation locale en Grande-Bretagne », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p.35-44. 12Article « Pierre Cohen », Wikipédia (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 13Nottingham Insight (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte.
  • 10. - 10 - Les situations urbaines sont aussi importantes. Ce mémoire choisit les cas de Toulouse et Nottingham en raison de leurs nombreuses ressemblances. En temps de crises, ces deux villes se portent bien. Soutenues par un secteur économique dynamique, l’aéronautique et l’aérospatial à Toulouse, le secteur pharmaceutique à Nottingham, les deux capitales régionales ont été moins durement touchées que d’autres villes par la crise qui ralentit la croissance de leur pays. Elles disposent toutes deux d’antenne locale pour les médias du service public, d’un hôpital universitaire, d’un statut de métropole d’équilibre (pour utiliser la terminologie française) dans la structure économique hyper-centralisée (par Paris ou Londres) de leur pays. Elles occupent tout d’abord des places à peu près identiques dans la hiérarchie urbaine de leur pays. La commune de Toulouse est peuplée par 440 204 habitants, celle de Nottingham par 305 700. Mais cette différence s’atténue en termes d’agglomération et d’aire urbaine : les agglomérations de Toulouse et Nottingham pèsent respectivement 871 961 et 666 358 habitants et leurs aires urbaines 1 218 166 et 825 600 habitants. Géographiquement, le contexte varie aussi quelque peu : Toulouse domine sa région au point qu’il est légitime de détourner l’expression célèbre de Jean-François Gravier et parler de « Toulouse et son désert midi- pyrénéen » ; de son côté, Nottingham est la plus importante des trois métropoles des Midlands de l’Est, devant Leicester et Derby14/15. Enfin, ces deux villes sont liées par le sujet de ce mémoire. Sous la direction de majorités locales sociale-démocrates, elles ont adopté récemment un document de planification des politiques de déplacement donnant une forte impulsion en faveur des modes de déplacements durables. Le LTP de la « Reine des Midlands » a été adopté en 2011 et porte jusqu’en 2026. Il s’accompagne d’un Implementation Plan détaillant la mise en oeuvre des premières mesures sur la période 2012-2015. De son côté, la « Ville Rose » a adopté le 17 octobre 2012 son PDU pour une période allant jusqu’en 2020. Ces deux plans détaillent les visions et les actions à prendre pour développer des mobilités plus durables dans les agglomérations : plus vivable pour ne pas pénaliser la prospérité de la ville, plus équitable pour maintenir l’équité sociale entre ses citoyens, plus viable pour assurer un fonctionnement à long terme de la structure urbaine16/17. La proximité des situations géographiques, politiques et temporelles facilite donc l’étude comparative des deux documents. Elle permet de faire ressortir les différences politiques 14Toulouse Métropole en chiffres, 2012 (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 15Office for National Statistics, Resident Population Estimates, Nottingham (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 16Nottingham Local Transport Plan Strategy 2011-2026, Nottingham City Council. 17Plan de Déplacements Urbains de la grande agglomération toulousaine, Tisséo, révision approuvée le 17 octobre 2012.
  • 11. - 11 - nationales entre les deux pays et donc les différences de nature entre un PDU et un LTP. Elle permet aussi de saisir les effets du cadre changeant des politiques locales et la manière dont les acteurs politiques doivent aujourd’hui agir pour parvenir à installer les mesures politiques qu’ils souhaitent. Bien que ce mémoire se concentre sur une comparaison politique et géographique entre la France et l’Angleterre, entre Toulouse et Nottingham, entre un PDU et un LTP, il doit aussi permettre de saisir la situation du moment afin de servir de point de comparaison avec d’autres travaux passés ou futurs. Il doit enfin faire le point sur les moyens théoriques, politiques et financiers qui sont aujourd’hui investis dans les politiques de déplacements. Face à un cadre institutionnel en mutation constante depuis plus de trente ans, face aux rééquilibrages du pouvoir au sein des processus de démocratie locale, face à la crise financière et idéologique qui touche l’action publique, de quel champ d’action disposent les collectivités territoriales françaises et anglaises dans la mise en place de leurs politiques de déplacement ? Dans quelle mesure les pouvoirs locaux de Toulouse et Nottingham peuvent-ils respectivement approuver un Plan de Déplacements Urbains et un Local Transport Plan capables de répondre aux enjeux de mobilité et de durabilité qui traversent actuellement les espaces urbains ? Le travail universitaire s’est jusqu’alors concentré sur trois types de travaux. Le premier est caractérisé par sa nature historique. Il présente l’historique des réformes et la situation actuelle sur un pays donné. C’est particulièrement les cas des travaux de Jean-Claude Némery, qui se spécialise dans les institutions françaises, ou d’Alastair Cole, pour les institutions britanniques. Le deuxième type de travaux présente une méthode typologique, qui offre un panorama complet sur la situation d’un pays à un moment donné. Dans ce dernier domaine, les travaux ont fleuri en France après chaque réforme des collectivités territoriales, chaque nouvel acte de décentralisation. Ces travaux dressent un bilan de la dernière réforme et rappellent le nouvel état du droit. Ce mode de fonctionnement se retrouve aussi dans l’ouvrage de Michèle Breuillard sur l’administration locale britannique ou dans les travaux de Philippe Menerault sur les questions des relations entre l’urbanisme, les transports et les institutions politiques. Enfin, un dernier type, souvent plus superficiel, présente l’intérêt d’offrir des comparaisons entre les différents pays. Les documents de planification étudiés sont évidemment l’autre source principale. Le PDU de Toulouse, le LTP de Nottingham et son Implementation Plan sont accompagnés d’un grand nombre de documents annexes, qu’ils soient considérés comme tels ou non. Ainsi, pour chaque action, il existe des études d’impacts, un rapport de commission d’enquête, parfois un
  • 12. - 12 - contentieux juridique. D’autres documents sont également consécutifs ou liés au PDU (les contrats d’axe) ou au LTP (Congestion Delivery Plan). A ces documents officiels, il faut adjoindre l’ensemble des versions préliminaires et des documents de travail, ou au moins ceux qui ont été publiés. Tous ces documents présentent des intérêts divers, et leur foisonnement en rend l’étude impossible sur le temps de ce mémoire. Il y a cependant là matière pour approfondir l’étude qui est faite ici. Enfin, sept entretiens ont été réalisés pour ce travail. Trois ont concerné le versant anglais du mémoire, quatre le versant français. Du côté anglais, deux entretiens ont eu lieu le mercredi 12 décembre 2012 au City Council de Nottingham avec Rasita Chudusama, coordinatrice du LTP, et Jane Urquhart, conseillère municipale travailliste, chargée des transports et de l’urbanisme. Ces entretiens, advenus tôt dans le processus de recherche, n’ont cependant pas pu atteindre la profondeur de ceux qui se sont déroulés plus tard. Des démarches ont été entreprises à cette époque pour rencontrer le responsable du LTP du comté de Nottinghamshire, afin d’avoir un point de vue expert, critique et extérieur, mais ces démarches n’ont pas abouti, tout comme celles menées parmi le milieu universitaire de Nottingham. L’éloignement géographique n’a pas permis un second déplacement dans les Midlands. Enfin, un troisième entretien, réalisé le 28 mars 2013 à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille avec Michèle Breuillard, spécialiste française des institutions britanniques, a permis de résoudre des questions techniques sur ce sujet. Du côté français, deux entretiens ont concerné des personnes impliquées dans le processus : le 17 décembre 2012, dans les locaux de la Mairie de Toulouse, au Capitole, avec Joël Carreiras, conseiller municipal chargé de l’urbanisme réglementaire et donc responsable du PDU ; et le 19 avril 2013, dans les locaux de Tisséo-SMTC, avec Christophe Doucet, responsable du service Politique de Déplacement et Accessibilité, en charge de la conception des PDU de 2001 et de 2008. Si le premier a été très politique, le second m’a offert un point de vue plus technique sur le processus. Deux autres entretiens ont été menés avec des universitaires de la faculté de géographie à Toulouse II Le Mirail. Robert Marconis et Jean-Pierre Wolff m’ont offert de leur temps, le 18 et le 21 décembre 2012 respectivement. Ces entretiens ont permis de recontextualiser la mise en place du PDU, et ils ont apporté un regard moins politique et plus critique sur les résultats. Ce mémoire vise à donc à étudier le contexte de mise en oeuvre du PDU de Toulouse et du LTP de Nottingham. Afin de réaliser cela, une première partie présente les cadres institutionnels, politiques, juridiques et financiers dans lesquels ces documents ont été adoptés. Elle se penche sur les réformes des collectivités territoriales qui sont advenues en France comme en Angleterre
  • 13. - 13 - depuis les années 1980. Elle adresse les évolutions des fonctionnements de la démocratie locale des deux côtés de la Manche. Elle dresse les fondements légaux et financiers sur lesquels reposent les politiques de déplacements étudiées. Bref, elle étudie l’état de la gouvernance qui a influencé l’adoption du PDU toulousain et du LTP « nottinghamien ». La seconde partie se concentre sur l’étude des deux documents en eux-mêmes. Elle questionne la forme et la structure des documents. Elle analyse les politiques qu’ils mettent en place, de la conception au financement. Elle interroge enfin les attendus de ces politiques, pour leurs promoteurs comme pour leurs détracteurs. Le but de ce mémoire est de permettre, en confrontant ces deux parties, de dresser un bilan des deux documents, des politiques qu’ils ont enfantées, mais aussi de définir les effets du cadre global dans lesquels ils ont été adoptés.
  • 14. - 14 - PPRREEMMIIEERREE PPAARRTTIIEE LLEESS CCAADDRREESS DD’’AACCTTIIOONN MMOOUUVVAANNTTSS DDEESS CCOOLLLLEECCTTIIVVIITTEESS TTEERRRRIITTOORRIIAALLEESS
  • 15. - 15 - Si les jeux-vidéo de simulation urbaine peuvent constituer une vraie catharsis pour l’aménageur, la réalité est souvent plus contraignante. Les politiques de transport, comme les politiques d’aménagement urbain dans leur ensemble, évoluent au sein d’une nébuleuse politique, juridique et économique indépendante des considérations propres aux besoins de l’aménagement. Cette première partie présente ces cadres qui régissent et encadrent la mise en oeuvre des documents de planification locale des transports : les cadres institutionnels dans lesquels sont rédigés ces documents (chapitre 1), l’évolution des processus politiques qui définissent leurs contenus (chapitre 2) et les contraintes formelles et financières qui leur confèrent leurs formes (chapitre 3).
  • 16. - 16 - CCHHAAPPIITTRREE 11 LLAA PPEERRPPEETTUUEELLLLEE RREEFFOORRMMEE DDEESS CCOOLLLLEECCTTIIVVIITTEESS TTEERRRRIITTOORRIIAALLEESS Avant de pouvoir aborder en profondeur la modification des cadres d’action des politiques urbaines, il est important de pouvoir saisir au sein de quel environnement politico- administratif celle-ci intervient. Ce premier chapitre décrit par conséquent les réformes territoriales apportées en France depuis le Gouvernement Jospin (I), et en Angleterre depuis le Gouvernement de Margaret Thatcher (II). Il se conclut par une courte évocation des projets actuels du gouvernement français (III). I. EN FRANCE, HISTOIRE DE LA DECENTRALISATION EN TROIS ACTES A. RELANCER LA DECENTRALISATION : LES LOIS DU GOUVERNEMENT JOSPIN En France, l’émiettement du territoire national en plus de 36 000 communes héritées de la Révolution de 1789 a rapidement rendu nécessaire la mise en place de processus intercommunaux. Dès les années 1890, la création des Syndicats Intercommunaux à Vocation Unique (SIVU) commence à poser les bases d’une carte intercommunale complexe. La faiblesse du pouvoir d’action municipal est admise dans les années 1960 et depuis lors, l’ensemble des gouvernements français n’a cessé de vouloir y remédier. Parmi les premières mesures en faveur de la coopération intercommunale, il faut noter la mise en place des Syndicats Intercommunaux à Vocation Multiple (SIVoM) en 1959, l’édification de Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg en communauté urbaine dès 1967, mais surtout l’échec traumatique de la loi sur la fusion- association des communes en 1971. Onze ans plus tard, la première vague de décentralisation laisse de côté la question intercommunale en se concentrant sur les échelons communaux, départementaux et régionaux18. Le phénomène intercommunal connaît une deuxième naissance à partir de la loi Administration Territoriale de la République (ATR) en 1992. Les communautés de communes et communautés de villes qu’elle crée évoluent une première fois avec la loi relative à l’aménagement et au développement du territoire de 1995 puis arrivent à maturité avec les lois 18Alain Delcamp et Marie-José Tulard, « Une décentralisation à la recherche d’un second souffle », in La décentralisation dans les Etats de l’Union Européenne. Paris : La Documentation Française, 2002, p. 157.
  • 17. - 17 - Voynet, Chevènement et SRU sous le Gouvernement Jospin. Ces trois lois, votées en l’espace de deux ans (1999-2000) refondent l’action territoriale : la loi Voynet du 25 juin 1999 pose des bases nouvelles à l’aménagement du territoire en la fondant sur les contrats de plan entre l’Etat et les régions ; la loi Gayssot pour la Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000 se concentre sur la planification urbaine et lui confère une origine intercommunale ; la loi Chevènement du 12 juillet 1999 établit les fondations de cette intercommunalité renouvelée19. Cette dernière est à l’origine des structures intercommunales plus ou moins telles qu’elles existent aujourd’hui. Elle rénove le statut d’Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et lui confère trois formes : communautés de communes, communautés d’agglomération et communautés urbaines. Les communautés urbaines, désormais au nombre de 16 et aux compétences élargies, représentent la forme la plus intégrative avec un grand nombre de compétences (économie, culture, aménagement, habitat, environnement…). Créées à partir de 1966, elles sont formées aujourd'hui par un regroupement de communes atteignant au moins 500 000 habitants. Les communautés d’agglomération, centrées sur des zones urbaines d’au moins 50 000 habitants, disposent elles aussi d’une fiscalité propre et de compétences obligatoires (économie, aménagement, habitat, environnement). Enfin, les communautés de communes organisent le reste du territoire autour de deux compétences obligatoires (économie, aménagement), possiblement étayées par d’autres compétences facultatives. Cette mise à jour des structures intercommunales et les pouvoirs politiques et financiers qui les accompagnent incitent les communes à s’associer, concourant à un rapide développement de ces structures. Dès 2002, des estimations annoncent que trois quarts des communes et de la population ont rejoint une des 2 174 structures de cette sorte20. Au 1er janvier 2011, ces chiffres ont évolué. Il existe désormais 2 599 EPCI regroupant 35 041 communes et environ 58,8 millions d’habitants, soit plus de 95% des communes et près de 90% de la population. Mais, malgré le succès quantitatif des réformes, de nombreuses incohérences demeurent. Les logiques territoriales qui sous-tendent les trois lois ne s’accordent pas. La loi Chevènement incite les communes à créer ou à rejoindre des EPCI sans souci de la cohérence avec les autres cartes administratives françaises ; la loi Voynet conçoit l’aménagement au niveau régional et place donc cet échelon dans une logique de supériorité par rapport aux échelons départementaux et locaux qui n’ont pas accès aux Contrats de Plan avec 19Jean-Claude Némery, « La nouvelle organisation décentralisée de la République Française », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 18-23. 20Ibid.
  • 18. - 18 - l’Etat ; enfin, la loi Gayssot construit les Schémas de Cohérence Territoriale sur des territoires ne correspondant pas aux découpages électoraux21. B. APPROFONDIR LA DECENTRALISATION : LA REFORME CONSTITUTIONNELLE DU GOUVERNEMENT RAFFARIN Le succès des lois Chevènement, Voynet et Gayssot pousse néanmoins le Gouvernement de Lionel Jospin à engager un processus d’évaluation de la première vague de décentralisation afin d’engager une deuxième vague de réformes plus profondes. Deux rapports sont publiés : le premier par Pierre Mauroy sur commande du Premier Ministre, le second par Jean-Paul Delevoye et Michel Mercier, sénateurs. Malgré quelques divergences de nature politique, les deux rapports aboutissent plus ou moins aux mêmes conclusions. Ils établissent la nécessité de clarifier les compétences au sein d’un millefeuille territorial français auquel une nouvelle épaisseur vient d’être ajoutée. Ils plaident aussi pour augmenter la responsabilité fiscale des collectivités territoriales face à l’inadéquation entre les missions élargies et les moyens limités des collectivités locales. Enfin, le rapport Mercier-Delevoye conclut à la nécessité de réorganiser l’Etat et ses relations avec les collectivités territoriales autour de la notion de partenariat22. Cette volonté de réforme va s’accélérer avec le changement de gouvernement. Dès son discours de politique générale, le nouveau Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin annonce sa volonté de réformer la Constitution pour y inclure la décentralisation et lance les « Assises des libertés locales », consultation nationale des acteurs territoriaux. Du bilan de cette consultation, plusieurs enseignements sont tirés : la future réforme va privilégier les régions qui vont être reconnues constitutionnellement et préserver les départements qui restent l’échelon de l’action déconcentrée de l’Etat. En revanche, les territoires urbains ne parviennent pas à tirer leur épingle du jeu et restent absents de la réforme23. La loi de réforme constitutionnelle est votée par le Congrès le 17 mars 2003. Elle consacre la « République décentralisée » et le principe de subsidiarité entre les collectivités territoriales, mais laisse de nombreuses craintes quant aux moyens qui leur seront alloués pour leurs nouvelles missions. Elle échoue tout d’abord à simplifier le « mille-feuille territorial ». Ensuite, elle ne permet pas non plus de combler le manque démocratique dans l’élection des élus intercommunaux, qui restent nommés par les conseils municipaux de chaque commune- membre. Enfin, la réforme de 2003 complique même le système territorial français en mettant 21Ibid. 22Jean-Claude Némery, « La nouvelle organisation décentralisée de la République Française », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 18-23. 23Jean-Claude Némery, « La nouvelle organisation décentralisée de la République Française », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 26-30.
  • 19. - 19 - en place un statut de « chef de file », pour une collectivité se portant volontaire dans l’acquisition de compétences nouvelles. Ce statut rajoute à une stratification complexe un enchevêtrement de compétences et une concurrence entre les collectivités24. C. LA REFORME DU PRESIDENT SARKOZY : UN VERITABLE TROISIEME ACTE ? L’Acte II de la décentralisation n’est donc pas la grande réforme qu’il avait prétendu être. En tout cas, il paraît être au moins une réforme incomplète. C’est donc sans surprise que le Président Sarkozy relance en 2010 le chantier de la réforme territoriale. La loi que le Parlement adopte le 16 décembre comble les lacunes de la précédente réforme et donne une nouvelle orientation à la politique décentralisatrice de l’Etat. Elle modifie d’abord les cadres d’actions des collectivités territoriales : la taxe professionnelle est supprimée et remplacée par une Contribution Economique Territoriale, la clause générale de compétence est abandonnée pour les départements et les régions, les conseillers territoriaux remplacent conseillers régionaux et généraux25. Mais le véritable bouleversement intervient auprès des grands absents de la réforme de 2003 : les EPCI. Outre le projet de création d’un Grand Paris, la réforme prévoit l’élection du conseiller intercommunal au suffrage universel direct en 2014, la mise à disposition de nouveaux modèles intercommunaux (métropoles et pôles métropolitains) et la finalisation de la carte intercommunale. L’élection au suffrage universel des conseillers intercommunaux rend compte de la nécessité de démocratiser et de renforcer la légitimité d’un échelon territorial de plus en plus important dans les politiques locales26. La création des métropoles et des pôles métropolitains répond à une autre logique. Elle s’inspire du rapport Balladur qui proposait la création de onze nouvelles collectivités pour équilibrer le territoire en prenant « mieux en compte la spécificité des modes de vie urbains »27. La réforme accouche finalement non pas d’une nouvelle collectivité à part entière mais d’un nouvel EPCI, certes plus intégrateur encore que les communautés urbaines, mais sans réelle spécificité. Le pôle métropolitain est plus original. Il joue en quelque sorte le rôle « d’un EPCI d’EPCI »28 : en regroupant des EPCI sur un territoire de plus de 300 000 habitants, il devrait 24Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 9-11. 25Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 13-17. 26Ibid. 27Rapport Balladur, cité dans Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 95. 28Stéphane Guérard, « La réforme de l’intercommunalité à la lumière de la réforme territoriale française du 16 décembre 2010 », in La réforme territoriale. Une réforme en faux-semblant ? Paris : L’Harmattan, 2011, p. 101-102.
  • 20. - 20 - permettre de monter des projets d’intérêt commun sur des espaces multi-départementaux et se rapproche des syndicats mixtes29. Le dernier aspect des modifications apportées par la réforme du 16 décembre 2010 concerne la rationalisation des cartes intercommunales opérées par les préfets. La rationalisation doit s’effectuer avant le 1er juin 2013 et passe par deux outils principaux. Tout d’abord, les EPCI à fiscalité propre remplacent petit à petit SIVU et SIVoM, en récupérant leurs compétences. Ensuite, l’Etat a fixé un objectif de couverture territoriale : les EPCI doivent conserver une continuité territoriale, la plus pertinente possible, et l’ensemble des communes doivent y être inclus. A cette fin, les préfets disposent de pouvoirs exceptionnels pour créer, dissoudre ou fusionner des EPCI, inclure des communes au sein d’EPCI, les déplacer d’un EPCI vers un autre… Il y a donc une volonté de conclure la phase de mise en place des structures intercommunales avant, à terme, de les voir véritablement prendre la tête du couple qu’elles forment avec les communes30. La réforme de 2010 constitue donc un équivalent des réformes de 1992 et 1999 appliqué à l’acte II de la décentralisation : en se concentrant sur l’intercommunalité, elle ne rompt pas avec la dynamique de la réforme précédente. Cependant, l’alternance politique intervenue au printemps 2012 laisse supposer un bilan puis une remise en question de la réforme précédente. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault doit lancer un acte III de la décentralisation amorçant une véritable autonomie des collectivités territoriales. Cependant, les nombreuses incertitudes qui pèsent sur la réforme laissent supposer que le pas ne sera pas franchi et que le fameux « millefeuille territorial » devrait continuer à exister pendant encore quelques années31. II. EN ANGLETERRE, CONSEQUENCES DU THATCHERISME A. LA FIN DE L’ETAT DUAL Le système politique local anglais est le fruit d’une évolution complexe sur plusieurs siècles. L’absence de constitution dans le pays a eu pour conséquence la multiplication de réformes adaptant la structure des autorités locales aux volontés du gouvernement central. Trois réformes ont fait sensiblement évoluer les lignes depuis le XIXème siècle. En 1888 apparaît la structure à deux étages comprenant les comtés et les districts, ces derniers étant divisés en fonction de leur caractère urbain ou rural. En 1933, les compétences de ces deux niveaux, dont la 29Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 95-116. 30Nelly Fereira, Le devenir des collectivités territoriales. Paris : Gualino, 2012, p. 27-40. 31Guillaume Protière, « Collectivités territoriales et réforme territoriale. De l’insoutenable légèreté du législateur », in La réforme territoriale. Une réforme en faux-semblant ? Paris : L’Harmattan, 2011, p. 56-58.
  • 21. - 21 - carte est simplifiée, se précise : décision stratégique pour les comtés, autorité de proximité pour les districts. Enfin, en 1972, une nouvelle rationalisation a lieu et parallèlement sont créés 6 comtés métropolitains (autour de Manchester, Liverpool, Sheffield, Birmingham, Leeds et Newcastle) et un conseil pour Londres32. Cette structure correspond à la théorie de l’Etat dual théorisée par Bulpitt en 1983. Elle distingue deux niveaux clairement séparés dans la politique anglaise : le gouvernement central, composé de Westminster (le Parlement) et Whitehall (le Gouvernement), s’occupe de la « haute politique » que sont les fonctions régaliennes, tandis que l’administration locale (le local government) gère la « basse politique » qui correspond à la gestion des affaires de « la vie quotidienne ». Selon la théorie de Bulpitt, les deux niveaux sont conscients de leur complémentarité et parviennent à se coordonner pour agir efficacement. En vertu du principe de souveraineté parlementaire, les autorités locales n’agissent que dans le cadre des domaines attribués et des lois édictées par le gouvernement central, et celui-ci en contrepartie laisse aux autorités locales leur liberté d’action33. Si les tensions entre gouvernement central et administration locale ne sont pas nouvelles, elles se sont exacerbées depuis le milieu des années 1970. La crise économique que connaît alors le pays crée le ferment de la révolution néolibérale de Margaret Thatcher : l’échec économique du pays est causé par le « trop d’Etat » et ce dernier doit réduire sa voilure. Afin de pousser les autorités locales à se « moderniser », la résidente du Number Ten engage une série de réformes qui modifient radicalement les relations entre pouvoir central et local. Une vaste réforme financière s’attaque aux ressources des autorités locales – les dotations de l’Etat sont drastiquement revues à la baisse et les impôts locaux sont désormais plafonnés par le Ministère des Finances –, qui deviennent par conséquent beaucoup plus dépendantes des subventions du gouvernement de Londres34/35. Le coup de grâce est porté par le Local Government Act de 1985. Il oblige les autorités locales à devenir non plus des fournisseurs de services mais des gestionnaires, ouvrant la voie au Nouveau Management Public (New Public Management). La loi porte également un coup au gouvernement urbain en supprimant les six comtés métropolitains et le conseil de Londres. Les sept plus grandes agglomérations du pays se retrouvent alors gouvernées par les 36 districts 32Alistair Cole, « Les spécificités territoriales en Grande-Bretagne » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 517. 33Michèle Breuillard, L’administration locale en Grande-Bretagne entre centralisation et régionalisation, Paris : L’Harmattan, 2000, p. 95-97. 34Michèle Breuillard, L’administration locale en Grande-Bretagne entre centralisation et régionalisation, Paris : L’Harmattan, 2000, p. 102-103. 35Matthew Warburton, « Les transformations du « gouvernement local » in La décentralisation dans les Etats de l’Union Européenne, Paris : La documentation française, 2002, p. 296-297.
  • 22. - 22 - métropolitains et les 32 bourgs londoniens, incompatibles avec un développement harmonieux des espaces urbains. Le thatchérisme se caractérise ainsi par un affaiblissement politique des autorités locales qui perdent leur importance historique. La limitation des ressources va les forcer à mettre en place de nouveaux moyens de gestion, avec un recours accru au secteur privé36. B. LE TRIOMPHE DU NOUVEAU MANAGEMENT PUBLIC Au dogmatisme de Margaret Thatcher succède la vision plus modérée de John Major. Plus proche de la ligne traditionnelle du Parti Conservateur respectueuse des autorités locales, il entreprend de rationnaliser la carte des autorités locales. Le Local Government Act de 1992 lance ainsi une procédure de consultation visant à unifier les deux niveaux d’administration locale (comtés et districts). La procédure prend fin en 1996 avec la création d’autorités unitaires dans un certain nombre de villes et dans quatre comtés. Ces autorités unitaires permettent de simplifier à la fois l’administration publique, les processus électoraux et la répartition des compétences. Il existe désormais en Angleterre 35 comtés divisés en 296 districts, auxquels s’ajoutent 45 autorités unitaires. Avec la loi de Londres, un Grand Londres renaît, dirigé par un maire élu. Enfin, le Local Government Act de 2000 offre aux autorités locales la possibilité de substituer au modèle actuel de conseil dirigé par un leader une figure mayorale élue dominant le conseil ou une administration dirigée par un manager37. Cette rationalisation de l’administration locale trouve également une expression au travers du Nouveau Management Public (New Public Management) qui devient la norme. Le service public est désormais envisagé autour du critère de la best value, c’est-à-dire le meilleur rapport qualité/prix, et de la croyance en l’efficacité supérieure des systèmes concurrentiels. La gouvernance imbrique profondément les secteurs publics, privés et associatifs : les services publics voient leur gestion et leur production séparées, la première étant évaluée précisément, la seconde soumise à appel d’offres et contractualisation. Cette recherche de la best value est confortée sous le gouvernement Blair avec la règle des 4C : pour répondre à un « challenge » (défi), l’autorité locale doit « consulter » et « comparer » les « concurrents ». Pour les grands investissements, le Private Finance Initiative (PFI), une forme de concession, s’impose comme la meilleure solution afin de pallier les lacunes des finances publiques38. 36Alistair Cole, « Les spécificités territoriales en Grande-Bretagne » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 518-519. 37Matthew Warburton, « Les transformations du « gouvernement local » in La décentralisation dans les Etats de l’Union Européenne, Paris : La documentation française, 2002, p. 298-300. 38Alistair Cole, « Les spécificités territoriales en Grande-Bretagne » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 518-520.
  • 23. - 23 - Le Nouveau Management Public se traduit aussi par le développement du gouvernement par agences. Les Quasi-Autonomous Non-Governmental Offices (QuANGO) se sont développés afin de contourner les rigidités et les oppositions administratives et de « privatiser » l’administration publique. Ces structures, que le Parlement éprouve de grandes difficultés à évaluer, se multiplient au point que plus de 5 000 sont dénombrées en 2003, pour un budget total équivalent à celui des autorités locales. Un certain nombre de ces QuANGO sont par exemple créés pour mettre en place les programmes de renouvellement urbain à partir des années 1980. Comme les PFI, les QuANGO se sont développés sous le gouvernement néo-travailliste de Tony Blair, jusqu’à inspirer les Agences Régionales de Développement (RDA), embryon avorté de régionalisation à l’anglaise39. La crise financière et le retour des Conservateurs ont changé quelque peu la donne. L’action politique du gouvernement de David Cameron s’articule autour du concept de Big Society et prône la délégation de certains nombres de prérogatives de l’Etat à la société civile, afin de réduire le coût de l’action publique. Contrairement au gouvernement de Thatcher, les idées de David Cameron s’inscrivent dans une valorisation et une autonomie du local aux dépens du gouvernement central. Concrètement, cette révision des politiques publiques, la Comprehensive Spending Review, se traduit par la suppression d’un certain nombre d’agences, dont l’emblématique Commission d’Audit qu’avait créée Margaret Thatcher pour contrôler les dépenses des autorités locales. David Cameron met aussi fin à la fois aux RDA de Tony Blair et aux Government Offices, forme d’Etat déconcentré créé par John Major. Le dernier volet de son action est évidemment financier : même si l’Etat confère plus d’autonomie aux autorités locales dans la gestion de leur dotation, celle-ci a chuté d’environ 25% pour la période 2011-2015. L’heure semble donc être à une nouvelle forme de contrôle des autorités locales, un contrôle par le portefeuille40. III. ATTENTION, REFORME EN CHANTIER Les deux sections précédentes décrivent la situation actuelle en France comme en Angleterre. Cependant, à l'heure où sont écrites ces lignes, le Gouvernement français de Jean- Marc Ayrault a fait connaître à ses partenaires un avant-projet de loi visant à corriger la « contre-décentralisation » menée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Élaboré par la Ministre 39Alistair Cole, « Un laboratoire de richesses : administration territoriale, gouvernance régionale et adaptation locale en Grande-Bretagne », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 41-42. 40Alistair Cole, « Les spécificités territoriales en Grande-Bretagne » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 522-523.
  • 24. - 24 - de la Réforme de l’État, Marylise Lebranchu, il a été présenté en Conseil des Ministres en février. Depuis, de nombreuses incertitudes pèsent sur l’avenir de ce projet de loi, dont la division en plusieurs textes a été évoquée41. Les lignes suivantes sont donc à prendre au conditionnel dans l'attente de plus amples développements. Le nouveau projet de loi vise à lancer une véritable « troisième phase de la décentralisation ». En effet, le gouvernement socialiste accuse son prédécesseur, en partie à raison, d'avoir recentralisé les politiques territoriales autour d'un rôle accru du préfet. Ici, il est question de mettre en place un processus de « gouvernance » entre les collectivités territoriales et l’État autour d'un Haut Conseil des Territoires réunissant des représentants de l’État et de l'ensemble des collectivités territoriales, et de Conférences Régionales de l'Action Publique dont les Conseils Régionaux prendraient la tête. L'échelon régional serait indéniablement le grand gagnant de cet avant-projet de loi. Nombre de compétences lui sont transférées en propre : la formation professionnelle, le développement économique, la gestion des fonds structurels européens et les transports, dont il récupère le volet routier interurbain aujourd’hui dévolu au département42. L'autre gagnant de la réforme serait les intercommunalités. Elles acquéraient de nouvelles compétences pour la gestion de l'eau, des mobilités et de l'urbanisme, domaines dans lesquels elles s'émanciperaient de l'influence des communes. Les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) seraient ainsi compétence propre de l'EPCI dès lors que celui-ci regroupe plus de 30 000 habitants. La chaîne du logement deviendrait aussi intégralement la responsabilité des EPCI. Le Gouvernement veut enfin créer deux nouvelles intercommunalités aux contours toujours flous : les euro-métropoles et les communautés métropolitaines. Les euro-métropoles seraient créées par la loi afin de simplifier la gouvernance dans les aires urbaines tentaculaires de Lille, Lyon et Marseille. Elles récupéreraient les compétences du département et une partie des compétences régionales et de l’État. Les contours des communautés métropolitaines sont encore plus flous : l'avant-projet de loi mentionne un seuil démographique de 400 000 habitants et des compétences élargies pour la gestion de l'attractivité de la métropole43. Si l’État concède une large part de compétences nouvelles et clarifie la répartition des compétences aujourd'hui décentralisées, il garde cependant la main sur le portefeuille. La fiscalité locale est à rénover : le Versement Transport (VT), aujourd’hui réservé aux Autorités 41« Le projet de loi « Lebranchu » ne sera pas adopté avant fin 2013 » (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 42« Avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique » (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte. 43« Les points clés du texte de l’avant-projet de loi de décentralisation » (dernier accès le 7 mai 2013). Voir bibliographie pour le lien hypertexte.
  • 25. - 25 - Organisatrices des Transports Urbains (AOTU), pourrait être élargi aux régions afin de financer leur rôle accru d'Autorité Organisatrice des Transports (AOT). Cependant l'Etat garde la main à la fois sur le contrôle des normes et des comptes, et c'est au travers du second qu'il compte mettre en oeuvre le premier. L'Etat vérifiera les comptes des grandes collectivités territoriales et pourra refuser de financer des normes coûteuses pour celles-ci. Enfin, l'Etat s'engage à certifier les comptes des collectivités territoriales volontaires afin de protéger celles-ci contre la spéculation qui touche actuellement leur dette44. Cette réforme correspond à un vrai projet de troisième acte décentralisateur. Si l'Etat ne renonce pas au contrôle des collectivités territoriales, celles-ci devraient néanmoins gagner en autonomie, et voir leurs compétences clarifiées de telle sorte que l'action publique en soit simplifiée. Cependant, cet avant-projet de loi n'est pas encore passé entre les mains des parlementaires, parmi lesquels les Sénateurs sont connus comme de grands défenseurs de la commune et du département, les deux collectivités affaiblies dans ce projet au bénéfice des EPCI et des régions. CONCLUSION DU CHAPITRE 1 A observer l’évolution des institutions locales françaises et britanniques depuis les années 1980, il faut distinguer deux processus différents qui traduisent les cultures politiques des deux pays. En France, la Présidence de François Mitterrand a engagé un processus de décentralisation qui voit l’Etat déléguer un nombre croissant de compétences à des collectivités locales de plus en plus autonomes. Au long terme, la rationalisation de ces compétences devrait permettre l’émergence des régions et des intercommunalités comme les chefs de file de la politique locale. Au Royaume-Uni, ce n’est pas tant la question d’une décentralisation qui s’est posée, mais plutôt celle des compétences et des moyens. Au fur et à mesure des réformes qui se sont succédées, la carte territoriale s’est simplifiée avec la création des autorités unitaires. Mais surtout, les autorités locales ont vu leur rôle réduit à celui de gestionnaire, et la mise en oeuvre des politiques confiées au secteur privé. 44Ibid.
  • 26. - 26 - CCHHAAPPIITTRREE 22 LLAA DDEEMMOOCCRRAATTIIEE LLOOCCAALLEE AA LL’’HHEEUURREE DDEE LLAA GGOOUUVVEERRNNAANNCCEE Les réformes institutionnelles décrites dans le premier chapitre répondent néanmoins à un besoin : celui de s’adapter à une configuration politique locale en mutation permanente depuis une quarantaine d’années. La fin de l’Etat-Providence a ouvert le champ à des nouveaux processus politiques. Ce deuxième chapitre décrit donc ce qui s’appelle aujourd’hui les processus de gouvernance et ses spécificités françaises et britanniques (I). Puis il analyse les effets de ces processus sur les relations entre les acteurs de la décision politique (II). I. NOUVELLES CONFIGURATIONS DES POLITIQUES LOCALES A. DEFINIR LA GOUVERNANCE LOCALE Le terme de gouvernance (governance en anglais) n’est pas récent. Il s’utilise depuis les années 1930 dans le milieu économique, au coeur de la corporate governance, c’est-à-dire les méthodes internes comme externes utilisées par les entreprises pour faire diminuer leurs coûts de transaction. L’innovation qui intervient au cours des années 1980 est la transposition de ce terme au domaine politique dans le cadre des politiques de réforme structurelle que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International imposent aux pays surendettés. Afin de bénéficier de prêts, les Etats concernés doivent montrer leur bonne volonté et se soumettre aux critères de bonne gouvernance, entraînant, entre autres, la réduction des activités étatiques à leur fonction de régulation du marché45. L’utilisation politique du terme s’est étendue au cadre des politiques nationales puis locales, notamment à travers les politiques de Margaret Thatcher, sonnant le glas de l’Etat- providence. Les théoriciens du Public Choice prônent une nouvelle articulation de l’offre et de la demande, basée sur une réorganisation, plus interdépendante, des secteurs politique, 45Gérard-François Dumont, Diagnostic et gouvernance des territoires. Concepts, méthodes, application. Paris : Armand Colin, 2012, p. 67-68.
  • 27. - 27 - économique et social. Ils souhaitent ainsi mettre à bas la division traditionnelle entre l’Etat et les marchés, entre l’intérêt général et les intérêts particuliers, entre le public et le privé46. Désormais, les politiques publiques sont ouvertes à la négociation et la boucle semble bouclée. Le terme de gouvernance a imposé son origine économique à l’ensemble du champ politique. Serge Wachter le constate : « Le maire n’est plus un bâtisseur ; c’est un entrepreneur politique. »47 C’est en effet ce qui est constaté : le pouvoir des élus a fortement décru alors que se développait la professionnalisation de la gestion urbaine. Les city managers deviennent de plus en plus influents dès lors que leurs savoirs sont capitaux pour négocier la contractualisation des politiques publiques avec des entreprises de services urbains qui se sont, de leur côté, fortement concentrées ces dernières années.48 B. DISTINGUER DES STYLES NATIONAUX Au delà des caractères généraux qui définissent la gouvernance, la France et la Grande Bretagne se trouvent face à des modèles politiques différents lorsqu'il s'agit de constater les particularités nationales de son application. Apparaît ici la notion de policy styles, cette théorie britannique de sciences politiques, qui attribue à chaque État un style politique au-delà du fonctionnement classique de ses institutions. Ainsi, la France se caractérise par des communautés politiques qui transcendent les cercles des élus, et qui au travers des grandes écoles, lient ces derniers aux élites économiques et administratives. C'est ce que Crozier appelle le phénomène bureaucratique. En Grande-Bretagne, la théorie des policy styles a permis de développer l'opposition entre un modèle plus institutionnel, centré sur le Parlement de Westminster, et un modèle plus caractéristique de la gouvernance, centré sur Whitehall, l'avenue londonienne qui rassemble la plupart des ministères. De ces modèles, il est possible de déduire deux visions de la gouvernance49. En France, la vision historique d’un fort exécutif local n'a pas complètement disparu avec la doctrine libérale. Si l'image du maire bâtisseur a été écornée par les restrictions financières pesant sur les collectivités territoriales, les élus locaux interviennent aujourd'hui comme des « entrepreneurs politiques ». Même si le risque semble toujours présent, la gouvernance en France n'a pour l'instant pas signifié la fin du politique. Face à la décentralisation et l'exigence de transparence et de concertation, les élus locaux ont dû développer de nouvelles alliances dans 46Frank Bachelet, « La gouvernance territoriale, entre théories et pratiques », in Métropoles en construction, territoires, politiques et processus. Paris : L’Harmattan, 2004, p. 56-57. 47Serge Wachter, La ville contre l’Etat ? Montpellier : GIP Reclus, 1997, p. 37. 48Thierry Oblet, Gouverner la ville. Paris : Presses Universitaires de France, 2005, p. 236-237. 49Hugo Argenton, The Local Realities of Policy Styles, Transportation Policies in Toulouse and Nottingham. Nottingham Trent University, 2012.
  • 28. - 28 - leurs collectivités. Ces alliances se sont d’abord exprimées par un renforcement des liens avec le secteur économique. Même si les relations entre le pouvoir politique et les entreprises ne sont pas aussi évidentes que celles décrites par Crozier – les élus locaux ne sont pas issus des grandes écoles dans la même proportion que les élus nationaux –, des synergies se sont créées au fil des ans, qui ont abouti aujourd'hui à une stabilisation de la position chancelante des politiques. Le contexte concurrentiel entre les métropoles a incité les élus à associer le secteur privé aux réflexions territoriales. Cependant, cette réflexion commune ne débouche pas toujours sur un diagnostic commun, ni par conséquent sur des politiques partenariales50. La France connaît un autre souci : la multiplication des strates institutionnelles qui rajoute encore à la complexité de la prise de décision. En plus de devoir s'entendre avec le secteur économique dans un contexte de concurrence métropolitaine, les élus doivent aussi prendre en compte la concurrence institutionnelle qui s'exerce entre Conseils Régionaux et Conseils Généraux, entre Conseils Généraux et intercommunalités, entre intercommunalités et communes. En fait, c'est là que la vraie difficulté se trouve aujourd'hui : celle de dégager un chef de file capable de mobiliser l'ensemble des acteurs dans une direction convergente51. Si, au Royaume-Uni, les collectivités locales ont traditionnellement assuré la mission de fourniture des services publics sous le contrôle de l’administration centrale, cette mission a évolué depuis le passage de Margaret Thatcher au 10, Downing Street. Le contrôle du gouvernement central sur les collectivités locales s’est renforcé par une diminution radicale des moyens accordés à ces dernières. Elles ont été ainsi incitées à ouvrir nombre de ces services publics à la concurrence, et à recourir aux financements privés pour mettre en oeuvre leurs projets. La gouvernance britannique, la première mise en place en Europe, s’est traduit par le recours obligatoire aux appels d’offre (Compulsive Competitive Tendering), à l’audit des collectivités locales dans le but de renforcer l’efficience – le maître mot de cette politique – de ces dernières, et enfin, le recours au Private Finance Initiative, version anglaise de la concession, qui s’exerce non seulement pour les infrastructures de transport, mais aussi pour la construction d’écoles, etc.52 50Gérard-François Dumont, Diagnostic et gouvernance des territoires. Concepts, méthodes, application. Paris : Armand Colin, 2012, p. 78. 51Gérard-François Dumont, Diagnostic et gouvernance des territoires. Concepts, méthodes, application. Paris : Armand Colin, 2012, p. 80-82. 52Alistair Cole, « Un laboratoire de richesses : administration territoriale, gouvernance régionale et adaptation locale en Grande-Bretagne », in Décentralisation et intercommunalité en France et en Europe. Paris : L’Harmattan, 2003, p. 38-41.
  • 29. - 29 - II. NOUVEAUX RAPPORTS ENTRE LES ACTEURS LOCAUX A. DES POLES URBAINS MIS EN CONCURRENCE Trois pôles d’acteurs peuvent être distingués au sein de la démocratie locale : l’institutionnel, l’économique et le citoyen. L’irruption des logiques de gouvernance dans les systèmes locaux a bouleversé les rapports entre ces pôles, et tout d’abord les rapports entre les pôles urbains. Ces rapports semblent être capitaux face à l’importance qu’ont prises les métropoles dans le système économique mondial. De plus en plus, les villes semblent être le lieu d’interaction entre le global et le local. A l’heure où se développe « l’économie d’archipel », les métropoles sont confrontées à une mise en concurrence par les acteurs du système économique. L’enjeu est celui du développement, donc de l’attractivité pour les populations et les entreprises. Si les métropoles n’occupent pas toutes la même place dans une hiérarchie des villes, leurs décideurs politiques ont intégré la logique libérale : pour assurer le bien-être de leurs électeurs, ils doivent assurer le développement économique de la ville afin d’en capter et d’en redistribuer les fruits53. Face à cette course sans répit au développement, les villes connaissent une dynamique ambigüe. Elles sont obligées de se conformer à un modèle dominant qui les pousse à l’uniformisation tout en essayant de se démarquer par une identité et des caractères propres. L’uniformisation se fait au travers d’une reconquête des centres urbains et de leur adaptation au fonctionnement actuel de l’économie : c’est le « shopping experience » des centres-villes britanniques, le réaménagement des waterfronts, la réorientation de l’économie urbaine vers une économie de services et de technologies, tout en pourvoyant aux demandes urbaines des classes sociales qui sont associées à ces secteurs (les jeunes et les cadres). Ainsi, face à des structures urbaines qui tendent à s’uniformiser, les villes doivent parallèlement développer des stratégies qui leur permettent de sortir du lot : c’est la logique de projet qui résout cette équation. Tout en rénovant des espaces marginaux du centre-ville, elle permet à la ville de profiter d’une dynamique suffisante pour faire parler d’elle54. Ces impératifs de renouvellement urbain ont trouvé en France une réponse institutionnelle dans la dernière réforme territoriale avec la création d’un EPCI « métropole ». Elle répond à la place centrale qu’ont les métropoles dans le système économique en accroissant 53Didier Paris, « Gouvernance des territoires, métropolisation et développement régional, Réflexions à partir de l’exemple de Lille et de sa région urbaine », in Métropoles en construction, Territoires, politiques et processus. Paris : L’Harmattan, 2004, p. 21-25. 54Gilles Pinson, Gouverner la ville par projet, Urbanisme et gouvernance des villes européennes. Paris : Presses de Sciences Po, 2009, p. 146-153.
  • 30. - 30 - les compétences de l’EPCI au point de pouvoir parler d’une collectivité quasi-unitaire. Celui-ci récupère en effet de droit une grande partie des compétences régionales, départementales et communales, notamment dans les domaines économique et de l’aménagement, et peut par contrat accroître ses compétences, y compris aux dépens de l’Etat. Cependant, pour un domaine de compétences bien plus large, l’Etat n’a pas souhaité, ou n’a pas pu, satisfaire les revendications en termes de moyens, notamment financiers, pour lesquels les métropoles demeureront des EPCI classiques55. Alors qu’au Royaume-Uni, la mise en place d’autorités unitaires a déjà été réalisée, l’enjeu pour les villes de ce pays est désormais la création de réseaux interurbains pour renforcer les complémentarités et les synergies entre les pôles. Un exemple de ces réseaux est visible en France, entre Bordeaux et Toulouse qui collaborent le long de la vallée de l’aéronautique. Mais ici, la dynamique reste à l’origine de l’Etat et non des villes. L’enjeu pour les villes britanniques est de pouvoir renforcer le pouvoir politique face au secteur économique, mais aussi d’accroître les ressources financières en faisant appel aux subventions européennes pour compléter des ressources décentralisées lacunaires. Cependant, contrairement au modèle métropolitain français, le modèle politique n’est pas institutionnalisé, puisque ces coopérations s’exercent souvent au sein d’un modèle par agences caractéristiques de la Grande-Bretagne56. B. DES CITOYENS EXPERTS ET EXIGEANTS Dans le contexte de concurrence des pôles urbains, ce sont aussi les exigences citoyennes vis-à-vis de la démocratie locale, et les réponses à ces exigences, qui ont été bouleversées. Historiquement, les pays européens ont utilisé l’échelon local – la commune en France, les parishes (paroisses) et les districts en Angleterre – comme le moyen d’expression démocratique le plus direct mais aussi administrativement le plus efficace, d’où l’importance longtemps donnée à ces territoires. Cependant, aujourd’hui, les nécessités d’administration liées à la concurrence métropolitaine ont amené les dirigeants à recomposer les rapports entre démocratie locale et territoire, aux dépens des avantages démocratiques que présentait un échelon plus local. Si la réforme démocratique a accompagné ce développement institutionnel en Angleterre, la France reste en retard dans le domaine57. 55Christian Vallar, “La métropole : l’institutionnalisation d’une aire urbaine à l’échelle européenne ? » in Réformes et mutations des collectivités territoriales. Paris : L’Harmattan, 2012, p. 260-261. 56Kevin Morgan, Gareth Rees et Shari Garmise, “Networking for Local Economic Development” in The New Management of British Local Governance. Basingstoke : Macmillan Press, 1999, p. 181-183. 57Jean-Claude Némery, « Les mutations de la démocratie locale » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 52-53.
  • 31. - 31 - Pour ne pas subir les coûts politiques dramatiques qu’engendrerait une réforme territoriale complète et brutale, les générations successives de dirigeants français ont choisi d’accumuler les dispositifs d’aménagement sur des territoires variables : Schémas de Cohérence Territoriale, Plans Locaux d’Urbanisme (communaux et intercommunaux), Plans de Déplacements Urbains… Rien que dans le seul domaine de l’aménagement, les « territoires de projets » se sont multipliés sans réalité politique, ni construction identitaire pour les soutenir58. Face à cet empilement technocratique, la volonté d’intégration des citoyens qui est liée à la logique de gouvernance perd une partie de son sens : la difficulté de s’identifier à un territoire de projet rend d’autant plus difficile pour les citoyens d’accéder au débat public. Il semble alors que la véritable négociation locale se distingue de la mise en scène procédurale que représentent souvent les débats publics59. Cette procédure théâtralisée n’est pas sans risque pour la démocratie. Malgré la bonne volonté qu’a constituée l’instauration de conseils de quartiers et autres procédures de consultation préalables, ces institutions remplissent rarement leur mission. D’un côté, il est très difficile de trouver le ton juste dans les réunions : entre une expertise qui devient par définition exclusive et une simplification qui peut paraître triviale à la population, la marge de manoeuvre des élus est limitée. Cependant, la difficulté vient aussi des citoyens qui semblent parfois avoir des difficultés à percevoir l’intérêt général dès lors que des enjeux personnels sont concernés. Ainsi, sans remettre en cause l’intérêt fondamental de la consultation démocratique, il faut remarquer la transformation de ces débats en opérations de communication politique, rarement productives en termes de décisions60. En définitive, l’engouement pour la démocratie participative reste mesuré. Cependant, face à une statistique moyenne de participation décevante, il faut relever néanmoins de forts écart-types. Si le débat consultatif reste peu productif, les citoyens engagés ont compris que pour peser sur la décision, il fallait s’associer. Nombre d’associations ont donc émergé pour promouvoir une cause ou un point de vue particulier. La politique de contractualisation des rapports entre les collectivités et le milieu associatif a donné une légitimité et une pérennité à ces associations, ce qui permet de constituer progressivement des synergies et des canaux par lesquels peut être canalisée une partie des opinions citoyennes sur l’action politique locale61. Cependant, les études menées sur les politiques d’intégration citoyenne à la décision publique 58Jérôme Dubois, « Quel débat territorial face à l’éclatement des dispositifs, des financements et des responsabilités ? », in Intercommunalité : politique et territoire. Paris : La Documentation Française, 2009, p. 126-127. 59Jérôme Dubois, « Quel débat territorial face à l’éclatement des dispositifs, des financements et des responsabilités ? », in Intercommunalité : politique et territoire. Paris : La Documentation Française, 2009, p. 136-140. 60Thierry Oblet, Gouverner la ville. Paris : Presses Universitaires de France, 2005, p. 245-248. 61Gérard-François Dumont, Diagnostic et gouvernance des territoires. Concepts, méthodes, application. Paris : Armand Colin, 2012, p. 86.
  • 32. - 32 - du New Labour nous forcent à relativiser notre optimisme. Si certaines structures locales permettent d’impliquer les citoyens dans la prise de décision, ces structures doivent cependant être pérennes et non ponctuelles pour être structurantes et limiter les effets des différences de capital social sur l’implication politique62. C. DES POLITIQUES PUBLIQUES CONTRACTUALISEES Enfin, la gouvernance se traduit par une réorganisation des rapports entre le secteur économique et le pouvoir politique. Si la fracture entre service public et secteur privé n’a jamais été aussi radicale que la croyance populaire l’exprime parfois, il est évident que ce fossé est aujourd’hui franchi par des passerelles toujours plus nombreuses. En Europe, ce sont les Britanniques qui ont ouvert la porte aux partenariats entre le public et le privé. Le Nouveau Management Public (New Public Management), tel qu’il est progressivement mis en place par les néoconservateurs à partir de 1979, vise à accroître l’efficacité des services publics grâce à un modèle de gestion privée, supposément plus économe, et appliqué sans jamais être remis en question. Dans ce modèle, les autorités locales abandonnent leur rôle de pourvoyeur de services à la concurrence privée ou à des entités autonomes auxquelles elles fournissent les infrastructures nécessaires. Elles passent ainsi à un statut d’enablers (littéralement « habilitant »), chargées d’identifier les besoins et de permettre au secteur privé d’y pourvoir, afin de satisfaire les usagers, devenus clients du service public63. Dans cette optique, de nombreuses entreprises fournisseuses de service public se sont développées, parmi lesquelles de nombreuses entreprises françaises (Veolia et Vinci pour les plus connues) mais aussi du gouvernement par agences autonomes, les QuANGO (Quasi Autonomous Non-Governmental Organisations). Il s’agit d’entités désignées par les autorités locales pour accomplir une mission de service public. Elles bénéficient de toute l’indépendance d’une entreprise privée, en particulier en termes de direction et de gestion, tout en demeurant des corps proches du pouvoir. Si, à l’origine, elles se sont développées au niveau national, elles ont depuis gagné l’échelon local, où elles ont servi les conservateurs en contrebalançant les pouvoirs locaux contrôlés par le New Labour. L’argumentaire en leur faveur est cependant différent : officiellement, les QuANGO visent à intégrer de nouveaux acteurs dans la gouvernance locale et d’y développer les techniques du New Public Management. En définitive, ils atteignent 62Gerry Stoker, Transforming Local Governance, From Thatcherism to New Labour. Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2004, p. 121-125. 63Vivian Lowndes, “Change in Public Service Management : New Institutions and Managerial Regimes », in Gouvernance Locale, pauvreté et exclusion dans les villes anglo-saxonnes. Paris : Presses de l’Université de la Sorbonne, 1997, p. 52-54.
  • 33. - 33 - leurs deux objectifs en déléguant une grande partie de la décision publique au secteur privé, et en réduisant de fait les coûts pour le budget des collectivités locales, mais non pour le public64. En France, le Nouveau Management Public a pris la forme de politiques de contractualisation. Celles-ci se sont développées au fur et à mesure des politiques de décentralisation : l’Etat choisit alors de contractualiser ses relations avec les régions autour de contrats de plan. D’autres procédures sont aussi mises en place à d’autres échelles (contrats de ville, de pays – entendu dans le sens intercommunal du terme). Le succès de ces contrats dès les années 1980 entraîne leur systématisation dans la décennie suivante dans une grande partie des ministères, y compris la justice et la police. Cette tendance est aussi favorisée par l’intégration européenne et les subventions offertes par Bruxelles dans le cadre de réalisations répondant à des objectifs clairement définis par l’Union Européenne. Ces contrats sont de trois types : documents d’orientation générale définis entre partenaires, contrats de projets servant à mobiliser des financements et contrats de programmation budgétaire entre collectivités65. Dans cette logique de contractualisation entre les différentes collectivités, le secteur privé a également réussi à tirer son épingle du jeu autour des différents types de partenariats public-privé. Si les collaborations entre les deux secteurs sont historiques en France, en particulier autour des délégations de service public, de nouvelles formes de partenariats sont apparues pour des opérations plus ponctuelles. L’Union Européenne a réglementé dans le sens d’une généralisation des marchés publics et l’Etat a développé de son côté les Contrats de Partenariat, particulièrement utiles pour que des collectivités locales au budget serré puissent réaliser des investissements à long terme sans s’endetter massivement. Evidemment, le contrecoup existe : si la collectivité économise sur le coût à court terme, elle dépense plus à long terme, et pour cette raison, les Contrats de Partenariat sont de moins en moins utilisés66. CONCLUSION DU CHAPITRE 2 La mise en place de processus de gouvernance s’est déroulée depuis les années 1970 dans un contexte de limitations des prérogatives du politique. Après l’Etat-Providence tout puissant, le secteur public a été réduit, permettant l’arrivée de nouveaux acteurs dans la décision politique. Ces acteurs, provenant du secteur privé, soit par le monde économique, soit par le monde associatif et citoyen, ont acquis une part de pouvoir proportionnel à leur pouvoir 64Gerry Stoker, Transforming Local Governance, From Thatcherism to New Labour. Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2004, p. 32-35. 65Jean-Pierre Gaudin, « La contractualisation des politiques et la nouvelle action publique » in Collectivités territoriales et gouvernance contractuelle. Paris : L’Harmattan, 2006, p. 15-26. 66Olivier Rouquan, Culture territoriale. Paris : Gualino, 2011, p. 179-186.
  • 34. - 34 - d’influence dans la réalisation para-institutionnelle de la théorie réaliste de Dahl. Jan Kooiman décrit sept conditions qui ont favorisé la gouvernance, parmi lesquelles la crise de confiance dans les autorités passées, une réorganisation incomplète des champs politiques, l’intéressement mutuel du public et du privé apparaissent comme les principales. Mais il faut cependant rester sceptique vis-à-vis des autres conditions : la constitution d’un nouveau rapport gagnant-gagnant pour les acteurs impliqués, une confiance réciproque entre ces acteurs, une volonté de responsabilité commune et un investissement politique et social mutuel67. 67Jan Kooiman, “Findings, Speculations and Recommendations” in Modern Governance : New Government- Society Interactions. Londres : SAGE Publications, 1993, p. 251.
  • 35. - 35 - CCHHAAPPIITTRREE 33 LLEESS CCAADDRREESS JJUURRIIDDIIQQUUEESS EETT FFIINNAANNCCIIEERRSS AAUUXX PPOOLLIITTIIQQUUEESS DDEE DDEEPPLLAACCEEMMEENNTTSS Les deux premiers chapitres ont posé les conditions du rapport de force permanent qu’est la décision politique. Ce troisième chapitre traite du cadre dans lequel s’exerce ce rapport de force. Il met en valeur les lois qui régulent la planification des transports en France comme en Angleterre, tout en intégrant cette planification dans le cadre global de la planification urbaine (I). Puis il décrit les conditions dans lesquelles les plans sont financés dans un cadre public ou privé (II). I. PLANIFICATION DES TRANSPORTS A. PDU, POUR PLAN DE DEPLACEMENTS URBAINS Il y a en France quatre documents principaux de planification urbaine. Parmi ceux-ci, le Plan de Déplacements Urbains (PDU) est le document central de planification des transports, même si le volet déplacement du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) s’impose à lui68. Si les PDU ont été créés par la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs (LOTI) en 1982, ils ont pris toute leur importance actuelle suite à la loi sur l’air de 1996 et surtout à la loi SRU de 2000. Intégrés dans la hiérarchie de la planification territoriale, ils sont désormais obligatoires pour toutes les agglomérations dont le Périmètre de Transport Urbain (PTU) regroupe plus de 100 000 habitants, ainsi que pour toutes les collectivités ayant le statut d’Autorité Organisatrice de Transports Urbains (AOTU). Les PDU ne sont donc plus de simples documents d’orientation, mais les véritables instruments de la mise en place de politiques transversales de déplacements urbains. Consacrés dans le cadre de la politique de développement durable, ils visent particulièrement à réduire la part du trafic automobile au profit de modes de déplacements collectifs (métro, tramway, bus) ou doux (vélo, marche). Dans cet objectif, ils disposent d’outils comme la coordination de la billettique, l’incitation à mettre en place des Plans de Déplacements Entreprise (PDE) pour les salariés des employeurs importants 68Du Schéma de Développement de l’Europe Communautaire au Plan Local d’Urbanisme, La planification territoriale en France. Certu : Lyon, 2008, p. 50.
  • 36. - 36 - de l’agglomération, le tout au service d’une qualité de vie urbaine, aussi renforcée par des aménagements de la voirie publique69. Ce rôle important est néanmoins le résultat d’un processus long et compliqué qui a vu les intercommunalités émerger et prendre un rôle croissant dans la planification des transports urbains. Longtemps du ressort du secteur privé, les communes ont, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, gagné le droit de réguler le transport urbain, avec des périmètres d’action calqués sur le développement des zones bâties. Dans les années 1970, une nouvelle évolution intervient : la création des PTU calque l’organisation des transports sur un périmètre administratif communal, et la création du Versement Transport (VT) favorise le développement de regroupements intercommunaux, principalement sous forme de syndicats intercommunaux. Relancée par la loi ATR de 1992 et de l’essor des EPCI qui suivra la loi Chevènement, cette dimension syndicale devient intercommunale et les PDU sortent renforcés des lois qui se succèdent70. Cette dynamique se poursuit aujourd’hui, comme en témoigne l’avant-projet de loi sur la réforme territoriale qui devrait enfin consacrer l’intercommunalité comme chef de file dans la planification des transports. Ce succès de l’intercommunalité est important, car hors de ce contexte, le PTU faisait la part belle à l’échelle communale (et souvent à la ville-centre) dans la rédaction des PDU. A l’inverse, il prouve que la loi Chevènement a marqué la fin de la domination des communes et des syndicats (SIVU, SIVOM et syndicats mixtes) comme Autorité Organisatrice des Transports (AOT) au profit des EPCI et en particulier les Communautés d’Agglomération. Cette évolution se traduit sur le terrain par une double évolution : une évolution intensive avec la création de structures intercommunales intégratrices et une évolution extensive des PTU. Ces deux évolutions marquent un succès pour la politique des transports urbains qui sont désormais planifiés dans le cadre d’une réflexion beaucoup plus globale, concevant l’agglomération comme un tout, aux dépens de l’ancienne logique syndicale au sein de laquelle certains maires tentaient de récupérer quelque avantage pour leur commune71. B. LTP, POUR LOCAL TRANSPORT PLAN A l’image de la France dont les PDU ont connu leur véritable essor à la fin des années 1990, la Grande-Bretagne a rénové sa politique de planification des transports en 1998. Treize 69Henri Jacquot et François Priet, Droit de l’urbanisme. Paris : Dalloz, 2001 (4ème éd.), p. 345-347. 70Philippe Menerault, « Réforme territoriale et dynamique de l’intercommunalité dans les transports collectifs urbains : une approche diachronique » in Intercommunalité dans les transports publics en milieu urbain. Paris : Predit, 2005, p. 9-17. 71Cyprien Richer, « Les transformations récentes de l’intercommunalité en matière de transports urbains » in Intercommunalité dans les transports publics en milieu urbain. Paris : Predit, 2005, p. 18-21.
  • 37. - 37 - ans après la dérégulation massive imposée par Margaret Thatcher et son Transport Act de 1985, la publication par le Cabinet de Tony Blair du White Paper « A new deal for transport: better for everyone » s’inscrit dans une volonté de correction des dérives de la privatisation tous azimuts : des transports en commun affaiblis sont en partie responsables de la congestion routière et des pollutions atmosphériques. Face au constat dressé, la solution recherchée est celle d’une adaptation de ce cadre néolibéral aux impératifs du développement durable. Les autorités locales doivent désormais mieux articuler les différents services et renforcer ainsi l’intermodalité, grâce à la mise en place des Local Transport Plans (LTP) qui sont confiés aux Passenger Transport Authorities (PTA) : les comtés et autorités unitaires72. Dans le cadre de la privatisation des réseaux de transport en 1985, une distinction a été mise en place entre les PTA qui sont généralement les autorités locales régulant les infrastructures, et les PTE (Passenger Transport Executives) qui sont les agences mises en place dans les grandes agglomérations du pays pour externaliser la politique locale des transports. Les PTE définissent cette politique et la mettent en oeuvre, en plus d’encadrer la gestion de l’offre de transport en commun proprement dite. L’exemple le plus célèbre de PTE est le Transport for Londres (TfL), mais ces structures se retrouvent dans les six anciens comtés métropolitains (Birmingham, Manchester, Liverpool, Leeds, Sheffield, Newcastle). Dans le reste des autorités locales, la régulation de l’offre est censée s’effectuer par la main invisible du marché, guidée par la PTA73. Les LTP sont donc rédigés soit par des agences (les PTE), ce qui pose les problèmes de légitimité politique définis au chapitre 2, soit, à défaut, par les autorités locales érigées en PTA. Ce système permet de définir des périmètres d’action de grande taille (particulièrement comparés à leurs équivalents français). Si les autorités unitaires sont en général de taille inférieure aux agglomérations qu’elles dirigent, les PTE couvrent le territoire des plus grandes d’entre elles et les comtés sont bien plus grands que les plus grandes intercommunalités françaises. Les LTP ont aussi l’avantage de développer une approche transversale, intégrant dans la planification des transports des considérations relevant des politiques sanitaires ou éducatives, mais aussi une temporalité et une flexibilité financière qui manquaient au Transport Policy and Program, le précédent document de planification des transports74. 72Philippe Menerault et Natalie Mongin, « Les nouvelles donnes de la planification locale des transports en Angleterre et en France, in Recherche Transports Sécurité, n°69 (octobre – décembre 2000), p. 97-112. 73Reg Harman, Alain L’Hostis et Philippe Menerault, « Les transports publics urbains et régionaux, face à un avenir incertain » in Aménagement et urbanisme en France et en Grande-Bretagne, Paris : L’Harmattan, 2007, p. 302- 320. 74Philippe Menerault et Natalie Mongin, « Les nouvelles donnes de la planification locale des transports en Angleterre et en France, in Recherche Transports Sécurité, n°69 (octobre – décembre 2000), p. 97-112.
  • 38. - 38 - Cependant, même si les LTP peuvent paraître comme une opportunité pour les autorités locales de s’émanciper du pouvoir central, ce dernier conserve néanmoins la mainmise sur la rédaction de ces documents. Tout en laissant aux LTP le soin de rédiger le corps du plan, il impose un cadre précis qui conditionne fortement l’action locale. Ce cadre a pris par le passé la forme d’un document intitulé Guidance on a Local Transport Plan qui contient les thèmes, les objectifs et les moyens d’action et d’évaluation que doivent implémenter les autorités locales au sein de leur LTP. Il impose aussi une compatibilité obligatoire avec les autres documents de planification, notamment les documents stratégiques émis par les comtés. Le cadre institutionnel, les moyens de financements à privilégier, l’environnement, l’intermodalité ou encore le caractère intersectoriel de la politique des transports comptent parmi les thèmes imposés75. C. INTEGRER PDU ET LTP A LA PLANIFICATION URBAINE Si, en France, les collectivités territoriales disposent d’une autonomie constitutionnelle, il ne faut cependant pas croire que celle-ci leur garantit une protection face à l’irruption de l’Etat dans les questions de planification. Ainsi, bien que l’Etat n’intervienne pas directement sur les PDU, il reste présent grâce aux liens qui existent entre planification nationale et planification locale. Les Directives Territoriales d’Aménagement et de Développement Durable (DTADD), consacrées par la loi portant engagement national pour l’environnement (dite loi Grenelle 2), énoncent les choix stratégiques de l’Etat dans de nombreux domaines, allant du logement à la protection des zones naturelles, qui relèvent de l’aménagement. Si les DTADD ne s’imposent pas directement aux collectivités territoriales pour la rédaction de leurs documents d’urbanisme, elles permettent à l’Etat de définir des projets d’intérêt général qui auront un impact sur les possibilités d’action de ces collectivités. Ainsi, la construction des lignes à grande vitesse (LGV), prévue aussi bien par les DTADD que par le Schéma Directeur de l’Europe Communautaire (SDEC), ouvre des perspectives importantes aux villes dans la rédaction de leur PLU (opérations d’aménagement du quartier de la gare) comme de leur PDU (réorientation du réseau de transports urbains pour accueillir le flux de voyageurs supplémentaire à la gare)76. Au-delà de la simple influence stratégique de l’Etat sur la planification locale, la planification des transports s’intègre en France dans une hiérarchie des documents d’urbanisme qui est définie par la loi. En 2000, la loi SRU a défini les relations entre SCoT, PDU et PLU ainsi que les relations entre les périmètres de ces documents et les autorités chargées de leur 75Department of the Environment, Transport and the Regions, Guidance on Full Local Transport Plan, Londres : DETR, 2000, p. 9-14. 76Pierre Galan, « Enjeux intercommunaux et urbanisme » in Réformes et mutations des collectivités territoriales, Paris : L’Harmattan, 2012, p. 280-284.
  • 39. - 39 - rédaction. Elle confie le SCoT à un organisme intercommunal pour un périmètre équivalent. Dans les grandes agglomérations, le SCoT ne couvre donc pas l’ensemble de l’aire urbaine, mais les autorités intercommunales peuvent s’entendre sur une charte inter-SCoT mettant les documents qu’elles rédigent en cohérence. Le PDU est à la charge de l’AOT et correspond au PTU de celle-ci. Cependant, dans un certain nombre de cas, la structure intercommunale chargée du SCoT et l’AOT se recoupe au sein d’une seule et même entité. Le PLU enfin s’exerce au niveau des communes qui peuvent cependant en déléguer la compétence à leur EPCI. Entre ces trois documents, une hiérarchie est établie de la plus petite échelle à la plus grande : le SCoT cadre le PDU et les deux documents s’imposent lors de la rédaction des PLU77. En Angleterre, le cadre institutionnel simplifié favorise également une plus grande clarté parmi les documents de planification locale. Au-delà du LTP, la planification locale ne s’appuie que sur un document, le Local Development Framework (LDF), qui vise à encadrer l’action politique locale dans le cadre traditionnel britannique d’un lien solide entre aménagement et développement économique. Pour autant, le LDF n’a que des liens étroits avec le LTP : ils ne sont pas réalisés à même échelle spatiale – le LDF est du ressort des districts, le LTP des comtés -, ni à même échelle temporelle (10 ans contre 5 ans). Enfin, malgré la volonté gouvernementale de lier aménagement et transport, il n’existe pas de hiérarchie entre LDF et LTP et les deux documents manquent parfois de cohérence, hormis peut-être dans les autorités unitaires chargées de la rédaction des deux documents78. En définitive, les documents de planification locale des transports constituent de parfaits révélateurs de la perception de la ville qu’ont les élus qui les rédigent. C’est particulièrement vrai dans le cas français où le PTU dépend de la capacité des élus locaux à mettre en place des coopérations entre communes et EPCI. Selon ces coopérations, il peut émerger des PDU fortement centrés sur la commune principale, avec différents degrés d’intégration des communes périphériques, ou des PDU envisageant l’agglomération comme un tout et développant des relations entre communes périphériques. Ce choix n’est pas seulement le résultat de la capacité des élus à coopérer. Il est aussi déterminé par les formes urbaines existantes (configuration des réseaux, densités des zones…), tout en influant sur l’évolution future de ces dernières : les formes de desserte retenues dans un PDU pèseront sur la capacité 77Reg Harman, Alain L’Hostis et Philippe Menerault, « Les transports publics urbains et régionaux, face à un avenir incertain » in Aménagement et urbanisme en France et en Grande-Bretagne, Paris : L’Harmattan, 2007, p. 308- 310. 78Ibid.