Les dessous du web : comment fonctionnent les systèmes de notation numérique ? Pourquoi notons-nous les services ? Les notes sont-elles attribuées au service ou à la personne rendant ledit service ? Les usages des services de notations étant divers, il s'agira de rendre compte de leur complexité, de leur diversité.

1. La notation numérique

2. Introduction
⇒ Uber en Nouvelle-Zélande et Australie : des clients
pourront perdre l’accès à l’application si leur note générale
tombe en dessous d’un certain minimum.
⇒ Bouleversement des pratiques et des usages : plus
besoin de posséder un bien pour accéder à son usage
grâce à la mise en commun et plus besoin d'intermédiaire
grâce aux plateformes numériques.
⇒ Systématisation des notes a transformé les relations
entre usagers.
⇒ Derrière l’économie collaborative, des logiques
commerciales et la mise en concurrence des individus.
Médiocre
“Je recommande”“A éviter”

3. Méthodologie- 4 entretiens
2 durant un trajet en voiture de 4 heures avec deux personnes en
couple de 27 (podologue libéral) et 28 ans (professeure d’anglais)
Un salarié et une étudiante, usagers de Blablacar, interrogés par
téléphone
Un questionnaire
Majoritairement à destination d’étudiants
22 questions, fermées et ouvertes
22 réponses, prédéfinies et libres
- Un corpus large, composé d’articles de presse et d’articles scientifiques
Objectifs
- Collecter des données à la fois collectives et individuelles
- Collecter des données à la fois quantitatives (données chiffrées nous
permettant d’avoir un nombre limité d’informations sur un grand nombre
de personnes) et qualitatives (grande quantité d’informations sur un petit
nombre d’individus).

4. Problématique : comment les applications de
notation sur internet ont modifié les rapports
entre les usagers, contribuant à instaurer une
relation de notation sociale ?

5. I- Les origines de la notation
numérique en France
A- Définitions et origines
● L’économie du partage : selon le le gouvernement français, est le
partage ou la vente entre particuliers de biens, d’équipements ou de
services, souvent favorisés par les plateformes numériques qui
génèrent des gains monétaires (Uber) ou non monétaires (Blablacar,
service de covoiturage entre particulier) et permettent de partager les
frais d’usage ou d’apporter des revenus complémentaires, et qui entrent
parfois en concurrence avec des acteurs installés en posant la question du
statut des utilisateurs des plateformes.
● C’est une économie de “particuliers” : impossible de s’y fier comme on
se fierait à des professionnels. Il n’y a pas le gage de “diplôme” ou de
professionnalisation. L’attribution de notes ou d’avis en guise de “gage”
de professionnalité ou de talent.
● D’après Frédéric Mazzella, le créateur de Blablacar, le but de
l’économie collaborative est “d’améliorer la technologie des plateformes en ligne,
via l’augmentation de la taille des bases de données, des capacités des moteurs de recherche
et l’amélioration de la connectivité.”

6. I- Les origines de la
notation numérique en
FranceB- Le numérique, nouveau routard ?
L’économie collaborative est basée sur l’évaluation constante de l’utilisateur au sein des plateformes d’échanges
collaboratifs. L’un des tout premier site de notation était Note2be, fondé en 2008 par Stéphane
Cola. Il visait à noter les professeurs. Le site de notation sera fermé après une décision de
justice. Aujourd’hui, au bout d’une décennie, c’est devenu une pratique récurrente grâce à
Internet.
Les avis des clients, qu’ils soient satisfaits ou mécontents, ont toujours influé sur l’activité
commerciale d’une entreprise. Mais quel est vraiment le rôle de la note ? :
Dans la réalité, ces échanges ne sont applicables qu’en étant fondés sur la relation de
confiance et sur la certitude qu’ils se dérouleront dans les meilleures conditions. Si on ne
connaît pas quelqu’un, que l’on ne l’a jamais vu auparavant, comment lui faire
confiance ? La note s’est donc imposée comme un argument de taille : une bonne note = un
service de qualité, un service fiable. Le numérique s’est donc imposé comme un catalogue
de références.
La multiplication des plateformes interactives (Trip Advisor, Airbnb…) prenant en compte la
note et l’appréciation du consommateur modifient le fonctionnement des sites numériques. Le
site devient un intermédiaire entre les consommateurs et plus seulement une plateforme

7. L’exemple de
Tripadvisor
● Sur le site, on peut noter les hôtels, les activités culturelles et sportives,
les restaurants, les vols et les compagnies aériennes, les locations de
vacances et de voitures… C’est un véritable guide du routard. C’est un
flot sans cesse renouvelé d’avis et de commentaires issu de millions
d’utilisateurs.
● Notion de “réversibilité des rôles” utilisée par Benyamin désigne la
réversion des rôles traditionnels pour se réapproprier la technologie. Il
n’est plus question d’un petit groupe spécialisé qui attribuerait des avis
pendant que les spectateurs les consultent inactifs. Désormais, tout le
monde peut donner son propre avis et le faire avoir de la valeur, peut
importe sa profession, son âge, ses origines sociales, etc.
● Ce système présente néanmoins des limites de fiabilité. Dans un
traditionnel guide du routard, les avis et observations sont le fruit de
plusieurs mois d’enquête réalisée par des experts, des professionnels. Sur
ces plateformes collectives et participatives, il s’agit d’expériences
ponctuelles d’utilisateurs, et leur point de vue est essentiellement
● Le site a été fondé en février 2000 par Stephen
Kaufer et Langley Steinert

8. II- Pratiques, usages et
dérives de la notation
numérique
A- Pratiques et usages de la notation numérique
En 2014 :
- 70 % des internautes français avaient
déjà acheté ou vendu sur des sites de
mise en relation de particuliers.
- 14% avaient déjà utilisé un service de
covoiturage.
- 5 millions de voyageurs avaient séjourné
dans un logement loué sur AirBnB en
France et 8 millions de personnes en
France étaient membres du site Blablacar.
“J’utilise
Blablacar toutesles semainespratiquement,très pratiquepour s'arrangerpour les trajetset faire deséconomies”
Mathilde,étudiante à L

9. II- Pratiques, usages et
dérives de la notation
numérique
A- Pratiques et usages de la notation numérique
Une pratique plutôt récente

10. “J’utilise blablacar toutes les semaines pratiquement, très pratique
pour s'arranger pour les trajets et faire des économies !”
Mathilde V, étudiante
“J’ai utilisé Blabacar régulièrement pendant des années pour faire des
allers retours entre Amiens et Paris. Je faisais mes études de médecine à
Amiens et j’allais voir des amis sur Paris”
Andréa S, 27 ans,
“Quand j’étais à Miami, j’ai utilisé Uber tous les jours. C’était pas cher
du tout et on pouvait choisir les voitures qu’on voulait. Du coup, si on
allait en soirée, même si on avait que deux minutes de trajet, on
choisissait une grosse cylindrée. Evidemment la marque de la voiture
comptait dans la note finale.”
Reva C, 28 ans:

11. II- Pratiques, usages et
dérives de la notation
numérique
A- Pratiques et usages de la notation numérique
Transécranique même si majoritairement sur
téléphone

12. “les notes sont utiles pour la sécurité”.
Léa M, étudiante
“ces notes sont plus des gages de “conseils”, sont un moyen de prévoir la
déception ou au contraire l'éviter”.
Romane F, étudiante
“je regarde les notes pour vérifier et évaluer la fiabilité du service”.
Sophie, salariée
“Il est rare de tomber sur des gens qui ont des mauvais avis. Ce qui peut
être rédhibitoire, c’est quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’avis”
Solène, étudiante
“S’il y a trop de commentaires négatifs, ou la mention de plusieurs
retards, j’annule la place du passager pour éviter tout problème
d’organisation.”
Emerick, conducteur,

13. II- Pratiques, usages et
dérives de la notation
numérique
A- Pratiques et usages de la notation numérique

14. II- Pratiques, usages et
dérives de la notation
numériqueA- Pratiques et usages de la notation numérique
Des notes, avis et commentaires qui comptent
“Il est rare de tomber sur des gens qui ont des mauvais avis. Ce qui peut être
rédhibitoire, c’est quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’avis” Solène, étudiante

15. II- Pratiques, usages et
dérives de la notation
numérique
A- Pratiques et usages de la notation numérique
Singularité des usages
⇒ “Utile pour la sécurité”
⇒ gage de “conseils”
⇒ “Aide au choix” + “trie dans les
passagers”
⇒ “prévoir la déception ou au contraire
l'éviter”
⇒ “vérifier et évaluer la fiabilité du
“S’il y a trop de commentaires négatifs, ou
la mention de plusieurs retards, j’annule la
place du passager pour éviter tout problème
d’organisation.”
Emerick, conducteur

16. “Je mets une bonne note si la personne était aimable, sympathique, arrangeante. Je
consulte les notes pour savoir si le service est viable, correct, et si ce n’est pas le cas
alors m’orienter vers un autre. Si le service a beaucoup d’avis négatifs, cela
m’influence car je ne veux pas être confrontée à de mauvaises situations.”
Pauline H, 19 ans
“Toujours parfait, sinon je ne note pas.”
Solène T, étudiante
“Je n’ai jamais vraiment laissé de commentaire sur Blablacar, je mettais
simplement une tournure générale du style “Je recommande”. Je n’aime pas ce
système de notation”
Andréa S, 28 ans
“Si on me critique en me disant que ma conduite est trop lente alors que je respecte
les limitations de vitesse, je n’y accorde pas d’attention. . Si un passager a décidé de
mal noter, il notera mal.: “La note est une sorte de remerciement pour le voyage
effectué, en dehors de la question du paiement”.
Emerick, conducteur

17. II- Pratiques, usages et dérives de
la notation numérique
B- Dérives de la notation numérique
- Précarisation constante
- pression sociale
- ségrégation sociale
- mise en place d’un vaste système de
manipulation
- augmentation de la charge de travail

18. « J'ai 4,61 étoiles sur 5. (…) C'est une mauvaise note pour Uber. En dessous de
4,50, vous êtes automatiquement suspendus. Vous vous réveillez un matin,
essayez de vous connecter à l'application et c'est impossible »
Nabil, chauffeur, témoigne dans une enquête France Inter
“Cette note, c’est le seul moyen pour Uber de contrôler ce que l’on fait ; si on
arrive à un seuil trop faible, à 4,5 sur la note principale et à 50% d’annulation de
course, Uber bloque notre compte et on doit passer devant une commission qui
nous dit oui ou non, on peut reprendre la route”“
Eric, chauffeur VTC, 30 ans.

20. III- De la notation numérique d’un
service à la notation sociale d’un
individu
A- Quand chacun peut noter la valeur d’un
individu
⇒ On ne note plus un service, mais la/les
personne(s) qui rende(nt) le service
“La fin du salariat ou la 'freelancisation' de
l'économie fait de chaque individu une
marque”
Frédéric Mazella, fondateur de BlaBlaCar

21. III- De la notation numérique d’un
service à la notation sociale d’un
individu
A- Quand chacun peut noter la valeur d’un
individu

22. “Je trouve parfois cela malsain de juger les gens, de les noter. Car
en définitive, on ne les connait pas très bien : on a passé que deux ou
trois heures avec eux. C’est pour ça que je ne note que les gens avec
qui j’ai vraiment discuté. Si je ne leur ai pas parlé durant le trajet, je
ne me sens pas à même de les juger vraiment.”
Solène T, étudiante
“J’utilise le système de saisie automatique proposé par Blablacar.
Le passager s’enregistre directement et une notification me prévient
que la place est réservée. Ce n’est pas le cas du système manuel qui
demande de valider chaque passager, et prend plus de temps.”
Emerick F, conducteur

23. III- De la notation numérique d’un
service à la notation sociale d’un
individuA- Quand chacun peut noter la valeur d’un individu
“J'aime
pas
trop
me
retrouver avec un bloc de
glace.”
Manon, étudiante
“Je mets une bonne note si
la personne était aimable,
sympathique, arrangeante”

24. III- De la notation numérique d’un
service à la notation sociale d’un
individu
A- Quand chacun peut noter la valeur d’un individu

25. III- De la notation numérique d’un
service à la notation sociale d’un
individu
B- D’un principe collaboratif à un business de la
notation
“Les différentes plateformes ont des effets très différenciés sur le monde du travail”
Marie-Anne Dujarier,professeure de sociologie à l’Université Paris-Diderot.
● Les plateformes marchandes à but lucratif favorisent la domination des propriétaires et
concepteurs de la plateforme, qui captent une grande partie de la richesse, pratiquent
parfois l’évitement fiscal et s’appuient sur une masse de micro-entrepreneurs non-
salariés, qui ne participent donc pas à la solidarité liée à ce statut.
● Ces modèles économiques ont suscité l’émergence de nouveaux mouvements sociaux
visant à faire reconnaître le caractère parfois subordonné ou de dépendance économique
de ces travailleurs.
● À l’inverse, les contributeurs des plateformes non marchandes à but lucratif n’ont
généralement pas le sentiment d’exercer une activité professionnelle. Elles peuvent
toutefois entrer en concurrence avec des activités professionnelles existantes, d’où la
question du statut de ce type d’activité productive fournie volontairement et
bénévolement.
●
Ces deux modèles interrogent en permanence la frontière entre amateurs et
professionnels, ainsi que le concept même de « travail » dans nos institutions, observe la

26. III- De la notation numérique d’un
service à la notation sociale d’un
individuC - Contourner et hacker les systèmes de
notationFace à la systématisation des modes d’évaluation, des moyens
pour contourner l’attribution de note sociale ont émergés. On tente
d’objectiver la notation.
- “ethical hacking” ou “white hat”, qui s’opposent aux
“blackhat”; ces experts informatiques qui piratent une
application ou un logiciel afin de s’immiscer dans les failles
informatiques de la plateforme.
- pirates informatiques qui se font payer pour changer les
résultats scolaires
“Hacker pour le bien de vos données”
- Docteur Charlie Miller

27. Que retenir ?
● La notation numérique est devenue une pratique récurrente, encore
assez récente, à la base pour instaurer une relation de confiance.
● L'économie du partage ou collaborative supprime la frontière entre
offreurs et demandeurs de travail et entre acheteur et vendeur. Les
usagers sont directement acteurs une fois dans la peau du vendeur, une
fois dans la peau de l'acheteur.
● Avec la notation numérique, il n’y a pas de distinction entre vie réelle ou
vie virtuelle, ni d’existence de deux monde distincts. Ce dualisme digital
n’existe pas. Il y a continuité, liens, entre les activités en ligne et celle
du quotidien.
● L’utilisateur n’a parfois plus la maîtrise de l’image qu’il se donne,
celle-ci étant dominée par les autres, même s’il est possible de
“reprendre le contrôle”, en menant par exemple “des échanges de
notes” ou encore de payer des services pour augmenter sa note.
● Les notes sont utilisés de manière singulière, même si il s’agit avant tout
d’être rassuré, ce qui peut être lié au manque de contrôle des offreurs de
services.
● La notation n’est plus basée sur un service, mais sur la personne
qui rend le service. Ce qui donne lieu à un véritable “business de la
notation”.
● Il est toujours possible de hacker les systèmes de notation en ligne

28. BibliographieDocuments papier
● Stéphane Ganassali, Enquêtes et analyse de données avec Sphinx, éditions Bachelor Licence, 2014
● Magazine Society “Tous notés” du 31/10/18 au 14/11/18
Webographie
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● http://www.leparisien.fr/economie/uber-va-t-il-bientot-bannir-ses-mauvais-eleves-07-09-2018-7879938.php
● https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/arreter-noter-chauffeurs-uber/
● https://www.lepoint.fr/monde/a-new-york-c-est-la-descente-aux-enfers-pour-les-vtc-09-08-2018-2242440_24.php
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● https://blogs.mediapart.fr/arnaud-durlach/blog/091218/et-si-boycottait-blablacar
Vidéos
● Journal L’obs rubrique “Tranché” - Laurence Allard - maitre de conférence à l’Université de Lille : contourner les applications de notation

29. Bibliographie
Documents papiers - Stéphane Ganassali, Enquêtes et analyse de données avec Sphinx, éditions Bachelor
Licence, 2014
- Magazine Society “Tous notés” du 31/10/18 au 14/11/18
Vidéos - Journal L’obs rubrique “Tranché” - Laurence Allard - maître de conférence
à l’Université de Lille : contourner les applications de notation
- Reportage réalisé par Vice “J’ai fait de ma cabane le meilleur restaurant de Londres”
https://video.vice.com/fr/video/oobah-butler-i-made-my-shed-the-1-
restaurant-in-london/5a5dfac6177dd44de3197af2
Sites internet ● https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/data-big-et-smart/arreter-noter-chauffeurs-uber/?utm_sour
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● https://www.strategie.gouv.fr/debats/economie-collaborative-economie-partage-enjeux-demain#_ftn4
● https://blogs.mediapart.fr/arnaud-durlach/blog/091218/et-si-boycottait-blablacar
● https://www.bbc.com/news/world-australia-45416404
● https://www.franceinter.fr/emissions/interception/interception-09-septembre-2018