La réussite de cette initiative assez exceptionnelle – sur une période courte mais si médiatique - porte en soi un questionnement essentiel (et pourtant fréquent) dans la pratique du marketing et de la communication : comment, avec peu de moyens, dans un univers pourtant si encombré (en nombre d’intervenants, de messages, de médias, de réseaux sociaux et de modes de communication…) « faire le trou » et donc disposer de suffisamment d’émergence, d’impact, de capacité pour intéresser, populariser, créer le débat et même impliquer?
Or ce qui fait la richesse de ce cas et son apport dans la compréhension des domaines évènementiels, c’est l’union de la pertinence stratégique, de la capacité à faire croire l’impossible, de la parfaite orchestration des discours, des moyens mis en œuvre, du timing, de la juste relation avec les diverses populations impliquées.Cette perfection unit la créativité, celle de l’idée de la « fin des blagues Carambar », à la justesse stratégique (car on touche à la force symbolique de la marque et son essence) et à la perfection dans la planification…Recette qu’on ne retrouve pas toujours dans des ambitionsde nature similaire.
2. SYNTHESE
La réussite de cette initiative assez exceptionnelle – sur
une période courte mais si médiatique - porte en soi un
questionnement essentiel (et pourtant fréquent) dans la
pratique du marketing et de la communication :
comment, avec peu de moyens, dans un univers pourtant
si encombré (en nombre d’intervenants, de messages, de
médias, de réseaux sociaux et de modes de
communication…) « faire le trou » et donc disposer de
suffisamment d’émergence, d’impact, de capacité pour
intéresser, populariser, créer le débat et même impliquer?
3. Or ce qui fait la richesse de ce cas et son apport dans la
compréhension des domaines évènementiels, c’est l’union
de la pertinence stratégique, de la capacité à faire croire
l’impossible, de la parfaite orchestration des discours, des
moyens mis en œuvre, du timing, de la juste relation avec
les diverses populations impliquées.
Cette perfection unit la créativité, celle de l’idée de la « fin
des blagues Carambar », à la justesse stratégique (car on
touche à la force symbolique de la marque et son essence)
et à la perfection dans la planification…Recette qu’on ne
retrouve pas toujours dans des ambitionsde nature
similaire.
4. Les blagues Carambar, bien
plus qu’une animation qu’un
emballage du produit :
une partie totalement inséparable
de ce dernier, un attribut
fort, historique, reconnu à la
marque Carambar, depuis des
décennies.
5. 1. LE CONTEXTE ET LA DEMARCHE
• Né en 1954 Carambar, s’impose depuis longtemps, comme l’une des
friandises favorites de générations de jeunes. De 300 millions d’unités
produites par an la marque est passée au milliard l’année dernière
(2013).
• Malgré une rotation forte de son actionnariat (pas moins de six
entreprises en moins de trente ans), la marque a su rester fidèle à son
« secret de départ » : un nom facile + une forme originale et un
emballage flashy reconnaissable malgré les diversifications + les
gestuelles bien connues de l’ouverture et du maniement du produit (un
caramel pliable, extensible…)…
• Élément important du mix, car créateur d’une expérience de marque,
les blagues de Carambar sont depuis longtemps des vecteurs d’image
et de présence dans les cours d’écoles (ces blagues sont apparues en
1969 et elles ont été maintenues ou adaptées… en charades,
concours…).
6. • La question qui se pose en 2013 est celle d’une dynamisation de la
marque à l’occasion de ses 60 ans…
• …En prenant en considération qu’il s’agit d’une marque universelle
(pour les enfants et achetés aussi par les parents) mais qu’elle ne
dispose pas de moyens élevés (s’il se vend 1 milliard de Carambar par
année, le chiffre d’affaires avoisine à peine les 60 millions d’euros).
• Certes, la marque Carambar dispose d’une excellente notoriété auprès
des enfants et de leurs parents. Son image est restée de très bonne
qualité au fil des ans (en particulier parce qu’elle n’a pas cédé à un
marketing trop poussé de la diversification qui aurait fait n’importe
quoi du produit original et de sa recette)….mais en matière de moyens
elle joue dans la “cour des petits”.
7. Le « secret » de la réussite de Carambar depuis 50 ans :
un nom facile + une forme originale et un emballage flashy +
les gestuelles bien connues de l’ouverture et du maniement du
produit (pliable, extensible…)… et les blagues…
8. 2. LES CHOIX STRATEGIQUES ET CREATIFS
• La réussite de cette opération (un millier de mentions dans les médias,
articles de presse, présence sur toutes les chaines radios et télévisions
nationales…) tient principalement à trois décisions qui ont fonctionné
comme des accélérateurs de médiatisation :
• 1. L’idée forte, l’arrêt des blagues au profit d’une supposée « démarche
ludo-éducative» n’est pas un « truc » de communication qui pourrait
fonctionner pour toute autre marque. L’idée naît de la marque, de son
essence, de son ADN, de ce pour quoi elle est connue et reconnue. Le
sujet évoque immédiatement cette marque et aucune autre.
• 2. L’événementialisation construit une opération aux coûts limités (qui
correspond aux démarches entrevues dans les cas Queensland Tourism
ou Blair Witch) mais dont les retombées peuvent être exponentielles.
Dans tous les cas la mise de départ est assez faible.
9. • 3. La recherche d’une cible qui dépasse l’utilisateur habituel,
l’enfant…qui semble être une préoccupation secondaire pour les
concepteurs de la campagne. L’essentiel c’est l’effet de cet arrêt stupide
sur les anciens consommateurs, sur les parents, sur les influenceurs.
• Enfin, on ne peut sous-évaluer le caractère émotionnel de l’idée. Il ne
s’agit pas de n’importe quelle marque et les propos ne concernent pas
n’importe quel sujet. On évoque l’enfance, le souvenir, la famille, les
copains, l’école. On souligne les évolutions « politiquement correct » de
notre société (la marque a bien compris que derrière les critiques
relatives à ses blagues « simplettes », un peu « bébètes », existait un
très fort potentiel affectif qu’il fallait prendre en considération).
10. La première phase, celle d’alerte, mise sur une double action :
d’une part on communique par l’intermédiaire des réseaux sociaux
pour annoncer les changements, ou du moins l’importance d’une
décision importante…
….D’autre part, et de manière à la fois professionnelle et sérieuse, on
cherche à informer les médias traditionnels, les journalistes…Comme
si, effectivement, un changement important arrivait d’où les
reproches de mensonge émis par des médias dépités par l’histoire.
11. Le lendemain, phase de
révélation, le jeudi 21 mai,
Carambar annonce que les
blagues potaches qui ont fait
sa renommée seraient
remplacées par des quizz
sur l'orthographe et des
problèmes mathématiques
"ludo-éducatifs". Un compte
à rebours est même lancé
sur son site pour marquer
son entrée dans l'âge
sérieux, prévue le 15 avril.
12. Le film de révélation de la transformation des
blagues en des conseils ludo-pédagogiques va
être utilisé essentiellement par l’intermédiaire
de You Tube et des réseaux sociaux. Il annonce
les volontés ludo-pédagogiques de la marque…:
https://www.youtube.com/watch?v=ewkJkJhAVOo
13.
14. La puissance de l’idée : on est dans le réalisme…certes on peut
douter… mais en même temps tout apparait comme juste, crédible,
acceptable.
15. Ina.fr@Inafr_officiel
Finies les blagues #Carambar ?En attendant, elles sont toujours sur
@Inafr_officiel ! http://ow.ly/jhPYm #nostalgie #pub #archives
LES MEDIAS REAGISSENT…
https://www.youtube.com/watch?v=41FO69nMApo
https://www.youtube.com/watch?v=cSstmaHhi1U
https://fr.news.yahoo.com/mairie-lance-p%C3%A9tition-
contre-fin-blagues-carambar-205224966.html
http://food-innovation.overblog.com/la-fin-des-blagues-
carambar
La spirale vertueuse du buzz prend…
16. Avec la rapidité de l’instant
l’information fait le tour de la
toile et s’empare des réseaux
sociaux, de Twitter, de
Facebook, des infos sur les
sites spécialisés…
17. La marque de bonbons caramélisées va
remplacer ses hilarantes plaisanteries par
des questions de culture générale.
(Libération – 21 mars)
20. Mission parfaitement accomplie : tous les sites d’information, les
réseaux sociaux, les grands médias, évoquent la bonne blague réalisée
par Carambar.
21. Une petite polémique dans le buzz
lui-même servira encore mieux la
marque : des journalistes s’offusquent
des « mensonges » de la marque et de
son comportement vis-à-vis des
médias : ces critiques institutionnelles
prêtent surtout à rire et à considérer
ces journalistes comme de mauvais
perdants…
…Se faisant, ils ne font que donner de la
matière pour prolonger le buzz.
22. L’historique de l’opération Carambar en 2 minutes :
« Carambar les coulisses de la blague de l’année ».
https://www.youtube.com/watch?v=4qEGCN5j3qE
23. 3. LES RESULTATS
• Les résultats sont ainsi chiffrés par différents médias :
• « En avril et mai 2013, le buzz a ainsi permis à Carambar d’augmenter
son chiffre d’affaires de 20%, ce qui n’était pas arrivé depuis des
années » (The brand blogger).
• « La marque assure lundi matin avoir reçu des milliers de preuves
d’amour, de consommateurs militant pour le maintien » (Les Echos).
• Deux autres données chiffrées sont reprises par plusieurs médias :
l’impact médiatique très fort avec le chiffrage des citations comme
supérieur au millier de mentions ; le test réalisé a posteriori et qui
donnerait 70% de personnes interrogées déclarant « avoir apprécié
l’opération » contre 20% de négatifs.
24. Mais il faut surtout souligner la qualité de l’impact, les
valeurs qui retombent ainsi sur la marque, son audace
et son impertinence, sa jeunesse et son sens de
l’humour…Pas mal pour une marque qui cherchait à
faire parler d’elle à l’occasion de ses 60 ans.
25. « Un changement appuyé par l'envoi aux journalistes d'un kit de presse,
accompagné de plusieurs questions de cultures générales qui étaient censées
trouver leur place dans les emballages de Carambar. Une campagne de
publicité en vidéo a également été proposée. Immédiatement, la décision de la
marque a été l'un des sujets les plus discutés sur les réseaux sociaux et cette
initiative a fait couler beaucoup d'encre. En plus
de puremedias.com, TF1, France 2, Canal+, France 5, D8, i-Télé, "Le Parisien
/ Aujourd'hui en France", "Le Monde", "Libération", Europe 1 et bien d'autres
ont relayé l'information, envoyée trop tôt pour être un poisson d'avril ».
26. « Carambar va continuer à publier des blagues sur le papier de ses
caramels, annonce la marque sur son site Internet, en révélant que la fin
de cette tradition annoncée la semaine dernière était en fait une farce
sciemment orchestrée pour faire parler d'elle. Jeudi, alors que l'arrêt des
blagues commençait à faire le buzz sur Internet, la marque avait
confirmé son intention d'y mettre un terme au profit de petits quizz et
de problèmes mathématiques ludo-éducatifs ».
27. 4. LES LENDEMAINS
• 1. La réussite de l’opération est incontestable et ce sont les médias eux-
mêmes, dont certains s’étaient pourtant aventurés loin dans l’analyse,
qui servent de témoin et qui portent ainsi cette reconnaissance.
• 2. Le coup est d’autant plus malin qu’il touche également les relais si
stratégiques que sont les distributeurs… Pendant une semaine la
marque, loin d’être importante en business quand on la compare aux
« grands » (Danette, Nesquik…), devient le centre de l’actualité.
28. • Même si cette opération évènementielle a eu des retombées totalement
disproportionnelles à l’investissement de départ (définition d’un buzz
réussi), on doit souligner la dynamique commerciale qu’elle entraîne.
• Une telle opération permet de « booster » les ventes de la marque,
même sur une période limitée, de favoriser sa présence en distribution
(à la fois en présence dans les points de vente et en référencements,
qu’en renforcement de la relation avec les distributeurs et les
acheteurs).
• Enfin, avec ce « retour aux sources » de la marque, son caractère
ludique et léger qui s’exprime depuis si longtemps avec ces blagues,
Carambar dispose d’un « filon » qu’il va développer dans le futur.
29. • L’année suivante la marque lance par l’intermédiaire des réseaux
sociaux (toujours l’alliance des médias les plus proches de ses clients et
la prise en compte des contraintes budgétaires) une série de mini-films
en vidéos tournée aux Etats-Unis, avec un objectif précis : faire rire les
Américains.
30. 5. LES ENSEIGNEMENTS
• 1. L’opération événementielle part de la marque, de son ADN, de son
essence, ces blagues si critiquées par les adultes mais qui font toujours
rire les enfants… Les valoriser, c’est automatiquement renforcer
l’attractivité de la marque tout en facilitant l’attribution.
• 2. L’idée même de la bonne blague s’inscrit aussi dans les gênes de la
marque… On ne cherche pas à se différencier par un artifice
événementiel que tout autre entreprise pourrait exploiter. On défend
depuis des décennies ces blagues et on va les porter au pinacle.
• 3. Sociologiquement, c’est aussi bien vu : retrait de blagues d’un
« comique contestable » au profit d’autres qui correspondent à la
sphère « ludo-éducative » fait croire que la marque bat en retraite face
aux pressions d’un « culturellement correct »… Ce qui est parfait pour
se mettre les critiques et les mécontents de son côté.
31. • 4. Si la marque ne figure pas parmi les « poids lourds » du business de
la grande consommation, son antériorité, son histoire, sa proximité
avec tous, sa notoriété, en font un « bon client » pour les médias.
• Cette opération réussit aussi parce que c’est cette marque et pas une
autre qui mène ce buzz. Elle est l’une des marques parmi les plus
anciennes et parmi les plus proches de la vie des gens (et de tous les
gens, quels qu’ils soient, du Sud ou du Nord, de la ville ou de la
campagne…). Carambar, c’est aussi un peu du « Capital de la France ».
• 5. Enfin, il faut admirer le courage de l’entreprise et la créativité de son
agence Fred et Farid : l’idée même de l’opération repose sur
l’exploitation, la médiatisation, la forte visibilité, de ce qui pourrait être
l’une des faiblesses de la marque, ces blagues un peu « niaises ».
33. • CHETOCHINE, Georges. To buzz or not to buzz?: comment lancer une campagne
de buzz marketing. Editions Eyrolles, 2011.
• SALERNO, Francis, BENAVENT, Christophe, VOILE, Pierre, et al. Eclairages sur
le marketing de demain: prises de décisions, efficacité et légitimité.Decisions
Marketing, 2013, no 72.
• Carl, W. J. (2006). What's all the buzz about? Everyday communication and the
relational basis of word-of-mouth and buzz marketing practices. Management
Communication Quarterly, 19(4), 601-634.
• HENRY, Amy. How buzz marketing works for teens. Young consumers: Insight
and ideas for Responsible Marketers, 2003, vol. 4, no 3, p. 3-10.
• ROSEN, Emanuel. The anatomy of buzz revisited: Real-life lessons in word-of-
mouth marketing. Random House LLC, 2009.
34. Ces slides ont été réalisés dans le cadre du
projet IONIS Brand Culture.
Pour découvrir l'intégralité des cas étudiés,
rendez-vous sur :
www.ionisbrandculture.com.