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Par Olivier GUY, édition du 21/01/2013
A la une
Le siège social d'Iter Organization a été inauguré le 17 janvier par Geneviève Fioraso, ministre
française de la recherche, et Günther Oettinger, commissaire européen en charge de l'énergie
(batiactu.com). ITER est le projet expérimental qui doit permettre de valider la possibilité de
produire de la chaleur -et par conséquent de l'électricité- à partir de la fusion d'atomes de
deuterium et de tritium, dans un plasma chauffé à 150 millions de degrés (technologie " tokamak"). Il
ne devrait être pleinement opérationnel qu'en 2027.
La fusion nucléaire n'est pas gourmande en matières premières : quelques centaines de kilos de
combustible par réacteur et par an devraient suffire. Or on trouve facilement le deuterium dans
l'eau de mer et le tritium se génère à partir du lithium, un métal dont on pense qu'il est très
abondant, même si l'industrie des batteries lithium-ion en consommera de plus en plus. Bref, ITER
est l'espoir -ou le mirage selon certains- d'une énergie presque illimitée pour l'humanité, sans
émission de CO2 ni déchets radioactifs.
Bien que les écologistes soient assez discrets sur le sujet dans les medias, ITER représente un point
de friction supplémentaire dans la majorité gouvernementale. EELV-Les Verts a plusieurs fois
manifesté son hostilité au projet, notamment pour des raisons de coût. Le parti écologiste a
d'ailleurs voté contre la rallonge budgétaire décidée en avril dernier par le Parlement Européen
(reporterre.net) alors que le gouvernement français a accepté d'augmenter sa dotation au projet de
60 à 100 millions d'euros par an pour les trois prochaines années.
Il faut dire qu'en matière de dérapage, ITER fait mieux que l'EPR de Flamanville puisque son coût
prévisionnel est passé de 6 à 16 milliards d'euros, dont plus de 45% à la charge de l'Europe. La France
s'est engagée à financer 20% de la contribution européenne tandis que Chine, Inde, Japon, Corée,
Russie et Etats-Unis couvrent le reste des besoins.
L'incertitude qui pèse sur le projet est avant tout d'ordre scientifique. L'ambition d'ITER est d'arriver
à produire, pendant seulement 500 secondes, 10 fois plus d'énergie que l'apport nécessaire au
chauffage du plasma, alors que les dispositifs expérimentaux existants en génèrent pour l'instant
moins qu'ils n'en reçoivent. Même si ITER atteint ses objectifs, on sera encore très, très loin d'une
application industrielle fonctionnant 24 heures sur 24.
On peut donner une idée des difficultés à surmonter en observant que le plasma à 150 millions de °C
doit être confiné dans un champ magnétique créé par des aimants supraconducteurs maintenus à
-271°C. Il faut donc séparer ces deux températures extrêmes par une paroi capable de les isoler
l'une de l'autre. Actuellement, on ne sait pas faire. D'autres inconnues subsistent, comme la
technique de transformation du lithium en tritium dans le réacteur, ou le processus de récupération
de la chaleur du réacteur pour la génération d'électricité.
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2. Devant l'ampleur des défis à relever, de nombreux scientifiques, et non des moindres, se sont depuis
longtemps désolidarisés du projet (La Tribune).
L'incertitude est aussi financière car le pool de nations impliquées pourrait se disloquer devant les
difficultés techniques et l'alourdissement de l'addition. Les Etats-Unis se sont déjà retirés d'ITER
entre 1998 et 2003, officiellement à cause de doutes sur les coûts et la technologie. Or, on a
récemment appris qu'ils allaient lancer un projet de "tokamak" en collaboration avec la Corée du
Sud. Ces 2 pays étant parties prenantes dans ITER, et compte tenu des investissements en jeu, cela
pourrait bien préfigurer un nouveau retrait qui mettrait en péril son équilibre financier
(Knovel.com).
L'idéal serait évidemment la fusion à froid, comme prétend l'avoir découverte le Professeur Rossi
avec sa machine e-cat (fusion-froide.com). Pour l'instant cela ressemble plutôt à un canular.
Météo et climat
[Climato-sceptiques]
Les publications du groupe News Corp (appartenant à Rupert Murdoch) dont le Wall Street Journal
est le vaisseau amiral, réservent en général une place de choix à la négation du changement
climatique. Graham Readfearn en donne un nouvel exemple sur son blog à propos d'un article
récemment publié dans The Australian, un quotidien du groupe.
Le rédacteur environnement du journal y affirmait, indûment, que les climatologues avaient
démontré que l'élévation du niveau de la mer n'était pas liée au réchauffement climatique. La
technique de désinformation employée est tout à fait classique : on s'appuie sur les travaux d'experts
reconnus, en les tronquant ou en les déformant sciemment pour dénaturer leurs conclusions. Cela
permet d'énoncer triomphalement une contre-vérité en première page du journal. Puis lorsque les
protestations arrivent, on publie un démenti dans un entrefilet à l'intérieur du journal, que personne
ne voit. Le mal est fait.
Energie et matières premières
[Lithium]
L'extraction du lithium devient un enjeu économique, non pas encore pour alimenter les réacteurs à
fusion nucléaire (voir ci-dessus), mais pour la fabrication des batteries lithium-ion, dont les qualités
sont très prisées pour les voitures électriques : pas d'effet mémoire, faible auto-décharge et densité
énergétique élevée.
Dans le Financial Times, Andres Schipani qualifie la Bolivie de future "Arabie Saoudite" du lithium. La
compagnie minière d'état Comibol prévoit en effet de rattraper le Chili, premier producteur
mondial, en 2016, avant de se lancer dans la production de batteries.
Le groupe Bolloré fait partie des partenaires étrangers interessés par la Bolivie car le lithium
représente une matière stratégique pour la fabrication de ses batteries LMP (Lithium-Métal-
Polymère), réputées plus sures que les lithium-ion. Mais il faut jouer des coudes -avec les japonais,
les chinois, les coréens- et les négociations avec la Bolivie semblent assez compliquées (blog de Juan
Carlos Zuleta).
70% des réserves mondiales de lithium connues se trouvent en Amérique du Sud.
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3. Economie et Politique
[Energies renouvelables]
Le rapport "Renewable Power Generation Costs in 2012" de l'IRENA (International Renewable Energy
Agency) livre un tour d'horizon international du coût des énergies renouvelables, basé sur l'audit de
8000 projets : une mine d'informations.
Parmi les enseignements à tirer de cette étude, on relève qu'aujourd'hui, la moitié des nouvelles
capacités de production d'électricité installées dans le monde le sont en énergies renouvelables. Les
auteurs prévoient que le cout de l'éolien, du solaire à concentration et dans une moindre mesure du
photovoltaïque vont continuer de baisser d'ici 2020, alors que l'hydraulique, la biomasse et la
géothermie ont atteint leur maturité technologique.
L'IRENA est une agence intergouvernementale comprenant 105 pays membres et 55 en cours
d'admission.
[Bangladesh]
Le Bangladesh aura sa centrale nucléaire, et c'est la société d'état russe Rosatom qui la lui fournira.
Deux réacteurs de 1000 MW chacun seront construits pour un montant total de 3 milliards de dollars,
obligeamment financés par des prêts de Moscou. Les chinois, qui avaient la faveur du précédent
gouvernement sont donc écartés par le premier ministre actuel, Madame Hasina, qui préfère
s'acoquiner avec la Russie (Russia & India Report).
Pendant ce temps Arnaud Montebourg est en Arabie Saoudite pour préparer le terrain à la réponse de
la France aux futurs appels d'offres du Royaume concernant l'achat de plusieurs centrales nucléaires
(zawya.com).
Science et technologie
[Solaire]
La start-up française Solaire 2G a conçu le panneau solaire Dualsun, à double usage : électricité
photovoltaïque et eau chaude. Pourquoi n'y a-t-on pas pensé plus tot ? C'est d'autant plus intelligent
que le rendement de la partie photovoltaïque est amélioré par la collecte de chaleur pour le circuit
d'eau chaude.
2G vient de lever 500 k€ pour lancer son activité commerciale (fusacq.com).
Entreprises
[Google]
J'avais déjà mentionné l'incursion d'Apple dans la technologie des éoliennes (La lettre du climat
n°5). Google vient d'investir 200 millions de dollars dans un parc éolien appartenant à la filiale
américaine d'EDF Energies Nouvelles, ce qui porte le total des investissements de la société
californienne dans le domaine de l'énergie à plus d'un milliard de dollars (Smartplanet.fr). La
convergence internet-énergie, chère à Jérémy Rifkin, serait-elle en marche ?
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4. Société
[Arnaque]
Certaines entreprises malhonnêtes profitent de l'augmentation des prix de l'énergie pour convaincre
des particuliers de leur acheter de petites éoliennes à installer sur les toits. On fait miroiter aux
clients des rendements imaginaires, qui feront baisser leur facture énergétique, et surtout on profite
du crédit d'impot de 40% pour faire avaler passer des prix exorbitants : une petite éolienne de
pignon achetée 1000 euros en Chine est revendue 12 à 15 fois plus. Article détaillé de Rodrigue
Coutouly dans terraeco.net.
Photo/vidéo de la semaine
Rénover les logements pour économiser l'énergie c'est bien, encore faut-il ne pas le faire n'importe
comment. Dans cette vidéo (à regarder au moins jusqu'à 1'30"), on voit comment une isolation
extérieure mal conçue peut mener au drame. L'enfer (au sens propre) est pavé de bonnes
intentions...
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