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Université de Strasbourg EM Strasbourg 
MASTER MARKETING ET GESTION D’EVENEMENTS 
« Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le prestige de la marque de luxe ? » 
Par Marion MAISTRE 
Tuteurs : M. Daniel HAROCHE et M. Angelo PULICE 
Responsable de Master : Mme Sylvie HERTRICH 
Année universitaire 2013-2014
Université de Strasbourg EM Strasbourg 
MASTER MARKETING ET GESTION D’EVENEMENTS 
« Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le prestige de la marque de luxe ? » 
Par Marion MAISTRE 
Tuteurs : M. Daniel HAROCHE et M. Angelo PULICE 
Responsable de Master : Mme Sylvie HERTRICH 
Année universitaire 2013-2014
REMERCIEMENTS 
Avant toute chose, je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont rendu possible la réalisation de ce mémoire. 
Je pense tout particulièrement à mes tuteurs MM. Daniel HAROCHE et Angelo PULICE qui m’ont soutenue et assistée tout au long de son élaboration. Leur disponibilité, leur écoute et leur bienveillance m’ont permis d’avancer dans ce travail avec sérénité et quiétude. 
De même je remercie Mme Sylvie HERTRICH, responsable du diplôme, pour la patience et la pédagogie dont elle a fait preuve vis-à-vis de ses élèves, ainsi que Mme Agnès WALSER- LUCHESI pour ses cours de méthodologie et ses bons conseils. 
Pour le temps qu’ils m’ont accordé, j’adresse mes remerciements à Mme Nathalie ROLAND- HUCKEL, M. Thibault de LA RIVIERE, M. Gilles AUBERGER et les intervenants de la journée de réflexion sur l’industrie du luxe en Alsace. Leurs connaissances ont apporté une lumière nouvelle à cette réflexion. 
Je souhaite également remercier les étudiants dont les travaux antérieurs à cet ouvrage ont facilité ma recherche, mes remerciements également aux documentalistes qui ont su m’aiguiller. 
De même, je remercie mes relecteurs pour l’exigence dont ils ont su faire preuve ainsi que leur regard critique sur ce travail. Merci enfin à mes proches pour leur soutien et leur compréhension tout au long de cette année.
TABLE DES MATIERES 
INTRODUCTION GENERALE 01 
PARTIE I : LE PRESTIGE D’UNE MARQUE DE LUXE 04 
I.1 : La notion de prestige pour l’individu 04 
I.2 : Le luxe, un apport de prestige 12 
I.3 : La marque de luxe 17 
PARTIE II : DE L’EMERGENCE DU LUXE ACCESSIBLE A SON DEVELOPPEMENT 25 
II.1 : Le marché du luxe aujourd’hui, et sa clientèle 25 
II.2 : La stratégie marketing du luxe accessible 30 
II.3 : Le luxe accessible par les extensions de marque 34 
II.4 : Les risques pour le luxe 40 
II.5 : Autres stratégie de marques : co-branding 43 
Partie III : LE PRODUIT, PORTEUR DU PRESTIGE DE LA MARQUE DE LUXE 46 
III.1 : Méthodologie 46 
III.2 : Analyse des entretiens : l’objet de luxe 48 
III.3 : Discussion : vers une nouvelle définition du luxe ? 53 
III.4 : Limites du travail 58 
CONCLUSION GENERALE 60 
BIBLIOGRAPHIE 62 
SCHEMAS ET TABLEAUX 66 
ANNEXES 67
1 
« Jadis alimenté par la consommation ordinaire de gens exceptionnels, le luxe se nourrit aujourd'hui de la consommation exceptionnelle de gens ordinaires », Les Echos, 23 mai 2007 
Cette affirmation d’un journaliste des Echos est parue en mai 2007, date à laquelle le journal a publié un dossier sur cette « forteresse entamée » qu’est le luxe. Selon les spécialistes interrogés, le luxe s’effrite et perd de son lustre. En effet, depuis plusieurs années et tout particulièrement depuis les années 1980, la consommation du luxe a évolué. Secteur à part, dont l’accès a longtemps été réservé à une élite – que ce soit par des normes ou par son prix –, il est aujourd’hui devenu accessible. Cette mutation est due à des changements majeurs : la hausse du pouvoir d’achat, à la démocratisation des sociétés et à la mondialisation [Bastien & Kapferer, 2013]. 
L’actuelle démocratisation du luxe – fait de rendre populaire et accessible le luxe en proposant des produits diversifiés et à un prix inférieur au prix du luxe – est un fait acquis et reconnu par la littérature1. Stratégie voulue par les marques afin de survivre dans un univers concurrentiel toujours plus fort – les marques premium sont de plus en plus qualitatives et la notion de service et personnalisation propre au luxe est appliquée dans la plupart des marchés – ou stratégie subie, la démocratisation est fille de la nécessité pour les marques d’être rentables et viables. Comme l’analyse Marie-Claude Sicard, « les marques de luxe voudraient faire croire qu’elles ne font pas de marketing, mensonge » (2010). De fait, l’industrie du luxe est passée d’un artisanat familial à une industrie financière et distribuée largement [Floch & Roux, 1996]. Utilisant des techniques marketings visant à survaloriser la marque afin de vendre en masse – mass-marketing – les marques de luxe ne maîtrisent pas toujours leurs extensions ou leurs licences, perdant alors leur image. Le mix marketing semble incohérent pour du luxe, et des associations surprenantes apparaissent, comme Sonia Rykiel pour H&M, Christian Lacroix pour TGV… où la marque de luxe est liée à la diffusion en masse, enlevant au luxe son caractère sacré. Le mass-tige – contraction de mass marketing et prestige – est né [Danziger, 2005]. 
D’autre part, avec un chiffre d’affaire en progression de 10%2 en 2012, le marché du luxe semble pourtant parfaitement gérer cette descente parmi les classes populaires. Et même si les spécialistes du luxe se font critiques et n’hésitent à parler de la mort du luxe et de naissance de l’hyperluxe [Fashion Industry Insight, Décembre 2013], d’autres marques jouent pleinement du mythe de la marque et annoncent des prix exorbitants. Quelle est la réalité du luxe aujourd’hui ? De quel luxe parle-t-on alors ? Pourquoi associer luxe et prestige ? Telles sont les questions soulevées par le 
1 Bastien, V. & Kapferer, J-N., 2013 ; Allères, D., 2008 ; Roux, E., 2009 ; De Barnier, V., Falcy S. &Valette-Florence P., 2012 ; Paquot 2007 
2 Etude Bain et Cie, 2013, menée sur le secteur du luxe : étude de 10% hors taux de change, ramené à 6% à taux de change comparable
2 
marché du luxe, amenant alors la problématique de cette recherche : face à la démocratisation du luxe, comment conserver le prestige de la marque de luxe ? 
Pour y répondre, il faut commencer par étudier, dans une première partie, le fondement du luxe : la recherche de prestige et d’appartenance. L’humain est un être social qui cherche à montrer son appartenance à un groupe tout en se référençant à un groupe idéal [Darpy, 2012]. Le prestige rejoint l’identification à un groupe de référence. Les marques de luxe peuvent répondre à ce besoin de prestige [Kim et al., 2001]. L’analyse de la marque de luxe et sa réponse au besoin de prestige de l’individu permettra de poser les concepts nécessaires à la compréhension de l’importance de l’image de marque pour le luxe et le prestige. En effet, l’image de marque est très importante pour les entreprises, mais pour les marques de luxe elle revêt un rôle tout particulier. C’est elle qui est porteuse de l’histoire de la marque et ce qui fait d’elle du luxe : l’élément différenciateur. Oublier de travailler son image de marque pour le luxe, c’est prendre le risque de ne plus se démarquer, de ne plus avoir un atout différenciant. En étudiant la composante de la marque de luxe, nous parviendrons à comprendre son fonctionnement et la façon dont elle créé le prestige et le transmet. 
Dans une seconde partie, l’analyse des concepts de démocratisation du luxe et mass-tige permettra de comprendre leur réalisation. Il semblerait effectivement que plusieurs types de luxe coexistent [Vigneron & Jonhson] dépendant de la marque et de son image. Ceci est également lié aux choix stratégiques lors de la définition des produits, passant par plusieurs stratégies marketing : les licences, le co-branding et l’extension de marque. 
Par définition, l’extension de marque correspond à l’élargissement du territoire d’une marque vers une nouvelle catégorie de produits3. Pour, Kapferer, « l’ère n’est plus aux marques mono-produits. La marque ne se vit plus comme un produit, mais comme un concept : or, une fois construit, un concept s’élabore et se renforce par des extensions » (2007)4. Le co-branding, quant à lui, consiste à associer deux marques distinctes afin de créer un nouveau produit profitant de la renommée des deux marques. On pense notamment au partenariat de Coca-Cola avec la marque James Bond, ou même avec Jean-Paul Gaultier. Dans ce cas, le co-branding permet à Coco-cola de toucher une cible différente de son coeur de cible. Cependant, un risque de perdre son auditorat premier ou de créer une confusion entre les marques existe. 
L’utilisation d’un nom de marque connue rassure le consommateur sur la qualité et les caractéristiques des produits et permet à celui-ci d’accepter le nouveau produit [Kim et al., 2001]. Cependant, selon Dimitriadis (1993), « à partir du moment où le consommateur tient compte de la 
3 Lendrevie & Levy, Mercator, 2013, 10ème édition. Paris : Dunod 
4 Kapferer, J-N., 2007, p74
3 
marque pour faire son évaluation et que cette même marque se retrouve sur deux (ou plusieurs) produits, il faut étudier les liens que le consommateur fera entre ces produits du fait de la présence de la marque commune ». De fait, les extensions de marque se multiplient, pensons à Armani qui propose Emporio Armani, Giorgio Armani, Armani Privè pour différents publics ou encore Cartier, joaillier, qui produit désormais de la maroquinerie5. En effet la diffusion massive de produits associés à une marque de luxe risque aussi de nuire à sa reconnaissance par son coeur de cible : les élites de la méritocratie. Un autre risque apparaît également : la perte d’identité liée à la délocalisation et la démocratisation. Les produits sont fabriqués à l’étranger pour réduire les coûts de main d’oeuvre et ouvrir le marché de clientèle. Est-ce qu’un sac Louis Vuitton produit en Italie respecte le luxe français ? Enfin, une dernière question apparaît, est-ce qu’un vernis à ongle Chanel appartient encore au luxe ? L’extension verticale risque de noyer le luxe dans les marques modes, premium et haut de gamme – la qualité des produits devenant alors similaire. Seule la marque reste porteuse du rêve lié au luxe – et non plus le produit. 
Extension de marque et prestige de la marque ont déjà été étudiés dans la littérature [Kim et al., 2001], sans réussir à prouver qu’une extension de marque nuisait au prestige de la marque de luxe. Il semblerait que cela dépende de la perception du consommateur et de l’image de la marque. Cette hypothèse n’ayant jamais été vérifiée, nous essaierons de découvrir dans cet écrit si ce lien existe. La troisième partie de cette recherche permettra de comprendre la démarche que les marques de luxe doivent suivre si elles veulent continuer à refléter le prestige et l’envie. Ces recommandations sont basées sur l’analyse des entretiens réalisés. 
5 Les extensions de marque font d’ailleurs l’objet d’une littérature nombreuse, en augmentation chaque année
4 
PARTIE I : LE PRESTIGE D’UNE MARQUE DE LUXE 
Afin de comprendre comment une marque de luxe peut conserver son prestige face à la démocratisation du luxe, il convient tout d’abord de définir ce que sont le prestige et une marque de luxe. Il faudra aussi comprendre pourquoi le client ressent le besoin de consommer6 du luxe. 
Le prestige, pour le Larousse, est « la qualité de quelque chose ou quelqu’un qui frappe l’imagination et impose l’admiration par son éclat et sa valeur ». Ce concept, dans son sens premier, signifie illusion, et pour le Trésor de la Langue Française, il est un enchantement des sens et de l’intellect par une manifestation artistique ou culturelle. Nous considèrerons dans ce travail que le prestige est lié d’une part à la perception de l’individu en fonction de sa place dans la société ainsi qu’aux attitudes et comportement7 en usage dans celle-ci ; d’autre part du point de vue de la marque en fonction de son exclusivité, sa qualité et du mythe qui l’entoure. 
1. La notion de prestige pour l’individu 
L’étude du comportement humain est nécessaire à la compréhension de la recherche de prestige par celui-ci. L’être humain a des besoins et des désirs communs à tous, qui ont été définis et ont fait l’objet d’études, notamment en psychologie sociale. La notion de besoin se rapporte à une situation naturelle de manque, un déséquilibre qu’il faut combler. La faim, le sommeil, le froid sont des besoins à combler au même titre que la domination, le jeu, l’intellect. Les premiers sont qualifiés de biogéniques car rattachés à notre nature humaine. Les seconds sont décrits comme psychogéniques8 : ils sont dépendants de notre appartenance à une société. Denis Darpy précise que « les besoins résultent donc souvent de normes sociales » (2012). On recherche un produit pour la façon dont il va répondre au besoin. Ainsi, on désire une montre pour répondre à un besoin d’appartenance et de prestige ; une horloge ou un cadran solaire aurait pu tout aussi bien indiquer l’heure, mais il est plus prestigieux d’avoir une montre. Ce n’est pas le produit qui créé le besoin : le besoin est antérieur, il existait auparavant. De plus, d’une part le désir est l’expression du besoin et sa prise de conscience. Il est défini comme « l’expression culturellement apprise d’un besoin » par Joël Brée (2009, p70). Il est surtout la partie la plus subjective du besoin. D’autre part, un même besoin peut correspondre à plusieurs désirs. Celui qui voudra séduire (besoin) pourra choisir de se 
6 Chevalier & Mazzalovo (2008) considèrent que le terme « consommateur » est inadapté dans le secteur du luxe étant donné que ce dernier est considéré comme non-consommable. Cependant, pour faciliter la compréhension de ce travail, nous utiliserons le terme « consommateur » du luxe aussi bien que « client » du luxe. 
7 Joëlle Michaud cite les différentes théories de sociologies l’amenant à ces distinctions p.4 
8 On utilise également les notions de « besoins hypothalamiques » et de « besoins limbiques » ou de « besoins absolus » et de « besoins relatifs ».
5 
parfumer (désir de sentir bon), faire du sport (désir d’être svelte), se maquiller (désir d’améliorer son apparence). 
Maslow (1943) a hiérarchisé les besoins selon différents niveaux. Cette typologie distingue les besoins fonctionnels (sommeil, nourriture), de sécurité (logement, sûreté), d’appartenance à un groupe (amitiés, amour), de reconnaissance (honneur, gloire) et de réalisation de soi (culture, sagesse). 
Figure I : Pyramide des besoins dite de Maslow (1943) 
Source : Maslow, A., A theory of human motivation, Psychological review, 1943, pp 370-396 
Alderfer (1972) a également déterminé un modèle appelé ERG9 reprenant ces notions de distinction des besoins entre des besoins de survie, de vie en société et de réalisation personnelle. 
Le besoin de prestige est un besoin relatif, c’est-à-dire créé par rapport à une société et reposant sur l’imaginaire. En effet, pour Daniel Allères « passé un certain niveau de développement économique, le système de consommation va devenir un phénomène culturel : le besoin comme nécessité sociale de signe et non pas comme nécessité vitale de consommation » (2005). De fait, les sociologues et psychologues analysent les motivations profondes des besoins comme étant un besoin d’identification, de distinction et de reconnaissance ainsi qu’un besoin de rêve et de fantasme. 
9 Le modèle ERG ou Existence, Relatedness, Growth a été décrit par Alderfer en 1972. Il considère que les besoins sont reliés à la survie de l’individu (existence), aux contacts humains (relatedness) et à son épanouissement personnel (growth) 
Epanouissement 
Reconnaissance 
Appartenance à un groupe 
Sécurité 
Survie
6 
1.1.Le prestige social : groupes de références et élévation sociale 
Les sociétés sont structurées selon une stratification : divisées en groupes sociaux – strates – selon des critères variables – religieux, économiques, … Marx et Weber ont tous deux défini différents types de sociétés. Qu’elles soient basées sur des principes distincts n’est pas le sujet de cette réflexion. Ce qui nous intéresse ici, c’est leur capacité à souligner l’existence d’une hiérarchie dans la société : hiérarchie économique mais également issue d’un besoin humain d’avoir un ordre social établi [Hobbes, 1651]. Cependant, l’homme n’aime avoir un ordre établi que pour mieux le dépasser et se prouver qu’il peut évoluer. 
Selon Weber, le prestige est ce qui créé le statut et la stratification sociale. Le prestige est ainsi fondé sur le style de vie, le niveau d’instruction ou de culture, la naissance (aristocratie) ou encore l’exercice d’un métier particulier (médecin, avocat). Le statut est acquis en fonction de sa consommation et son style de vie. On montre son statut grâce à des symboles qui permettent également de créer une certaine ségrégation ou distinction des autres statuts. Ainsi, l’objet permet de s’identifier à un groupe : c’est un ensemble de signes et symboles qui sont reconnus par les autres [Allérès, 2005 ; Darpy, 2012]. Posséder un objet c’est déclarer appartenir à un groupe. 
Au-delà de la société existe le groupe social défini par la proximité des liens et le partage de valeurs. Deux types de groupes sont définis : les groupes d’appartenance et les groupes de références. Les groupes d’appartenance sont ceux auxquels un individu appartient de par leur proximité : les liens sont directs entre l’individu et le groupe. Les valeurs peuvent ne pas être partagées. Ce sont en général la famille, la nationalité, l’entreprise, les amis. Au sein des groupes d’appartenance, la hiérarchie est souvent structurée et définie. Les groupes de références sont des groupes d’individus auxquels l’être humain s’identifie soit par attirance soit par rejet. Il s’agit des groupes de tendances ou tribus. Soit la personne souhaite être comme les individus du groupe, soit elle fera tout pour ne pas leur ressembler.
7 
Figure II : Les groupes sociaux par rapport à l’individu 
Source : Tunca, 2012 
De par le besoin de conformisme de l’individu10, les groupes influent directement sur le comportement de l’individu – soit en le poussant à agir, soit en refreinant l’action. L’influence du groupe sur le choix du produit ou de la marque dépend de sa consommation – privée ou publique – ainsi que le montre le tableau suivant. 
Figure III : Influence du groupe sur les comportements de consommation 
Utilitaire (faible influence) 
Hédoniste (forte influence) 
Utilisation privée (faible influence) 
Nécessité privée (papier toilettes, piles, pâtes et riz…) 
Luxe privé (home cinéma, auto-cuiseur, centrale- vapeur…) 
Utilisation publique (forte influence 
Nécessité publique (voiture, lunettes, téléphone, montre…) 
Luxe public (bijoux, ski, bateau, club de golf) 
Source : Darpy, 2012 ; Tunca, 2012 
10 Diverses études sociales ont montré le fort besoin de conformisme de l’être humain, la plus connue étant celle de Ash. Ce psychologue américain a réalisé une expérience sur des individus : ceux-ci devaient étudier divers dessins similaires mais différents et dire s’ils étaient identiques. Dans le groupe d’individus, tous sauf un étaient des acteurs qui devaient affirmer la similitude des dessins même quand ce n’était pas le cas. Le « cobaye » est alors confronté à un dilemme : dire la vérité ou rejoindre le groupe. Après plusieurs essais, l’expérience montre que l’individu préfère suivre le groupe même s’il sait avoir tort plutôt qu’être différent.
8 
Les produits nécessaires sont avant tout jugés sur leur utilité. Les produits luxueux n’ont pas cette utilité première : ils satisfont des besoins acquis. On considère que le luxe privé satisfait un besoin personnel de qualité et de produit réussi – respect de soi et élévation psychique. Le luxe public est fait pour être exposé – appartenance sociale ou réussite. Le groupe de référence aura un poids d’autant plus grand sur ces produits. 
La vision de soi pour un individu dépend ainsi de sa perception de lui-même, de sa perception de son entourage (soi social) et de son soi idéal. Ce dernier est un désir permanent d’élévation de soi : il correspond à ce que l’individu voudrait être. Rattaché au besoin, le soi social doit combler les besoins d’appartenance à un groupe et de reconnaissance ; le soi idéal, le besoin d’épanouissement [Darpy, 2012]. L’humain se réfère non seulement au groupe social auquel il appartient mais également à un groupe de référence dans lequel il se reconnaît par les valeurs, le statut social et auquel il tend à appartenir. Ces groupes définissent ses comportements d’achat. 
1.2.Rêve hédoniste de l’objet de luxe 
Les marques de luxe se reposent sur le rêve. L’être humain a besoin d’un idéal vers lequel tendre, et, comme l’expliquent les sciences sociales, le rêve caractérise l’humain. Contrairement au désir qui est fugace et disparaît une fois satisfait, le rêve perdure et peut même durer toute une vie. 
La société actuelle est une société hédoniste, qui s’intéresse au plaisir par opposition au matérialisme. L’individu ne cherche plus simplement à satisfaire des besoins primaires mais il souhaite également répondre à un besoin d’amusement et de plaisir. Il en découle deux types de consommation différents : la consommation utilitaire et la consommation hédoniste. La première est la conséquence d’un besoin fonctionnel et primaire. La seconde quant à elle satisfait des aspirations supérieures mais peut alors apparaître comme frivole car non-nécessaire. Dans un produit, la dimension hédoniste est subséquente aux sensations qui apparaissent lors de son utilisation alors que la dimension utilitaire découle directement des fonctions du produit [Michaud, 2006]. Ainsi, un même produit peut répondre aux deux dimensions. Une montre permet de connaître l’heure : on la choisira en fonction de sa fiabilité ainsi qu’également de son poids, de la durée de vie de la pile, de son étanchéité, mais aussi pour son esthétisme, le dessin des chiffres, la marque. Un produit peut ainsi avoir des attributs fonctionnels et des attributs hédonistes. 
Face au nombre grandissant de produits et de leurs significations – pour Allérès (2005), les individus se définissent par rapport aux objets et leur symbolique –, le consommateur se tourne vers l’expérience, l’émotion, les sensations et les produits lui permettant d’atteindre un monde de rêve et
9 
d’imagination [Holbrook, 1993]. Cette notion de plaisir est même qualifiée de bénéfice de nature intangible pour le produit de luxe, par Dubois, et al. (2001). 
La composante hédoniste du luxe est liée au caractère pluri sensoriel du produit comme l’indiquent Bastien & Kapferer (2013) mais également au plaisir qui ressort de sa consommation. « La consommation du luxe est hédoniste, et désigne les facettes du comportement du consommateur qui sont liées aux aspects sensoriels, imaginaires et émotionnels de l’expérience de consommation. Les produits de luxe renforçant les significations véhiculées par les objets, par les émotions et les sensations. L’achat d’un produit de luxe est lié au plaisir de l’instant, au sentiment de satisfaction intrinsèque, gratification dont est avide le consommateur », Almeida, et al. (2008). 
1.3.La sensibilité aux marques génératrices de prestige : la valeur perçue du luxe 
Aaker (1999) explique qu’une marque permet de s’exprimer et de refléter sa véritable personnalité. Kim et al. (2001) précise d’ailleurs qu’une marque est perçue comme attirante lorsqu’elle permet à l’individu de s’exprimer et qu’il s’identifie à la marque11. L’individu va s’intéresser aux marques afin de pouvoir dire qui il est et l’affirmer à la société – que ce soit une société réduite et sélectionnée ou bien le monde entier. 
Kim et al. (2001) considèrent qu’il existe différents types de marques : les marques dites fonctionnelles et les marques dites de prestige. Les marques fonctionnelles correspondent aux marques vendant des produits utiles et nécessaires au quotidien, comme Casio ou Renault. Les marques dites de prestige permettent d’accéder à un statut social plus élevé. Les marques associées à ce type de qualification sont par exemple Rolex et Rolls Royce : les marques de luxe. Selon Kim et al., le prestige de la marque repose sur l’impression d’exclusivité – distribution, service, produit – et sur la qualité des produits. 
Cependant, il s’avère que, d’après les études de Roux (1991) et Vigneron & Johnson (1999), la notion de prestige de la marque dépend de l’individu. Selon Vigneron & Johnson, la consommation de marques de prestige est considérée comme un signe de statut social et de possession de biens. La marque augmentera d’autant plus le prestige d’un individu que le prix du produit est perçu comme supérieur aux standards, et que sa distribution est limitée. Le prestige est également issu de la conception du produit et du soin extrême porté à sa réalisation : plus le produit semblera artisanal ou d’une technique supérieure, plus il sera prestigieux. A ce titre, une montre Rolex pouvant fonctionner sous l’eau jusqu’à 1,220 mètres de profondeur sera plus prestigieuse qu’une simple montre ne pouvant fonctionner sous l’eau [Vigneron & Johnson, 1999]. Ils précisent également que 
11 Texte original : « The brand will be perceived as attractive when it helps a person to express him/herself, and when the person identifies with the brand », 2001
10 
l’esthétique et l’hédonisme sont des critères de prise en compte d’augmentation du prestige, une fois la marque établie comme prestigieuse. Ainsi si une marque est considérée comme illustre, l’attention portée au caractère esthétique de ses produits sera génératrice d’un prestige encore plus grand. 
De plus, Vigneron & Johnson (1999) ont établi que la recherche de prestige était propre à chaque individu et dépendait de son environnement (économique) et de ses motivations. Ainsi, les motivations d’expression de soi et de sociabilité sont primordiales. C’est pour étudier ces motivations que nous nous pencherons sur les cinq valeurs du prestige et les motivations de recherche dont ces valeurs découlent. 
Figure IV : Valeurs de prestige par rapport aux motivations 
Valeurs 
Motivation 
Ostentatoire 
Veblen (Statutaire) 
Différenciation 
Snob 
Appartenance 
Bandwagon (Suiveur) 
Emotionnelle 
Hédoniste 
Qualité 
Perfectionniste 
Source : Vigneron & Johnson, 1999 
Appartenance et différenciation sont deux manières distinctes de développer le concept de soi, comme l’indiquent Dubois & Desquenes (1996). 
Le Veblen doit son nom à Thorstein Veblen (1899) qui considérait que l’ostentatoire était utilisé pour signifier son statut social et ses revenus. La possession démontre le pouvoir de son détenteur. Le prix et la notoriété des marques sont alors les deux preuves de la qualité du produit. 
Les Snobs cherchent à se différencier du reste de la population en achetant en priorité les produits des marques qui sont limitées d’accès et en rejetant les marques qui sont en diffusion massive. Un produit rare à une valeur plus importante. Sa possession impose le respect et le prestige. 
La motivation des Suiveurs est d’appartenir à une classe sociale plus prestigieuse et de se détacher de leur classe sociale selon eux moins reluisante. Ils cherchent à se conformer à une symbolique associée au prestige. Cette motivation apparaît, dans la littérature, comme la raison première de consommer du luxe. 
Les trois valeurs associées à ces comportements sont considérées comme interpersonnelles car dépendantes du regard des autres. Les deux autres valeurs sont liées à la perception personnelle.
11 
Figure V : Effets interpersonnels sur la recherche de prestige 
L’hédoniste recherche le plaisir et le perfectionniste un produit de qualité. Ces deux composantes sont offertes par les marques dites premium aussi bien que les marques de luxe. Ainsi, un individu recherchant avant tout la qualité préfèrera une Lexus à une Roll Royce dont les défauts sont connus. Son prestige social en sera amoindri d’autant. Alors que l’individu préférant une Ferrari à une Lexus indiquera son statut social. L’hédoniste pourra préférer une expérience incroyable mais ne lui apportant aucun prestige direct : un saut en parachute est une expérience hédoniste – pas d’utilité fonctionnelle – mais sans prestige direct. 
Le perfectionniste cherchera avant tout un produit parfait au niveau de la qualité. A ce niveau, Macintosh correspond au perfectionniste ; ce n’est pas un produit de marque – au départ – mais un produit reconnu pour sa qualité. L’esthétique devra être présente mais sans être prioritaire. 
De plus, ainsi que l’expliquent Bastien & Kapferer (2013), le prestige est directement lié à la marque et l’occasion de consommation. Plus un individu aura l’occasion de porter publiquement son achat d’un produit de luxe, plus le produit et son propriétaire seront valorisés. Le produit de luxe joue un rôle social : s’il n’est pas vu, même s’il est utilisé, il perd une partie de sa fonction première. Des chaussures Louboutin ne sont pas faites pour être portées en intérieur, sans être vues. Une montre Patek Philippe, même discrète, est portée en public afin que les initiés, en la voyant connaissent la valeur de son propriétaire. Un vase Daum ou un lustre Baccarat ne resteront pas au fond du grenier : ils seront exposés dans la maison. La valeur perçue est d’autant plus élevée que le consommateur en voit son bénéfice social – son prestige – augmenter. 
Effets interpersionels 
Valeur ostentatoire 
Ostentation 
Veblen 
Valeur d'unicité 
Non-conformité 
Snob 
Valeur sociale 
Conformité 
Bandwagon 
Valeur 
Motivation 
Dénomination
12 
Le consommateur du luxe porte avant tout son attention au plaisir et à l’accomplissement de soi mais également au regard des autres. Il est en conséquent fortement impliqué lors de sa consommation d’où l’importance de la valeur perçue du produit. 
Lors de l’achat d’un produit, le client fixe une certaine valeur au produit. Cette valeur est souvent différente de la valeur voulue par l’entreprise. Elle est définie par le sacrifice accepté par le consommateur : ce que l’individu est prêt à donner pour acquérir l’objet. Le sacrifice est aussi bien lié à l’aspect monétaire de l’achat mais également au temps consacré à l’achat, à la recherche du produit adéquat, aux efforts consacrés pour comprendre son utilisation, aux risques liés à l’achat ou la consommation. C’est pour cette raison que la valeur perçue d’un produit n’est pas toujours liée à son rapport qualité-prix. Aurier et al. (2004) ont défini six valeurs pour définir la valeur perçue d’un produit : utilitaire, connaissance, stimulation expérientielle, expression de soi, lien social, spiritualité. On parle également de valeur fonctionnelle, valeur économique, valeur ludique et valeur esthétique [Darpy, 2012]. De par son prix élevé, l’objet de luxe a une valeur forte, d’autant plus qu’il augmente le pouvoir imaginaire et le lien social d’un individu. 
Bien que la valeur perçue soit subjective et propre à chaque individu, on considère souvent que plus un consommateur est impliqué lors de l’achat d’un produit, plus sa valeur perçue augmente ; plus les sacrifices sont élevés, plus l’attente de bénéfices en retour est grande. 
Une fois compris les notions de prestige du point de vue de l’individu et le besoin de reconnaissance sociale, il est nécessaire d’expliquer ce qu’est une marque de luxe et d’étudier son fonctionnement afin de réaliser comment une marque de luxe peut créer du prestige. 
2. Le luxe, un apport de prestige 
2.1.Tentative de définition 
C’est du luxe ! Quel luxe ! C’est un petit luxe. Le terme luxe est employé couramment pour désigner des notions différentes, mais souvent relatives à la perception de l’individu en comparaison à son quotidien. Ainsi, pour certains, le luxe sera de bénéficier d’une journée de repos. Pour d’autres, le luxe sera d’être en famille. Mais ces types de luxe sont considérés comme « des » luxes – l’attention est portée à l’indéfini devant le mot, qui change sa signification. Le luxe quant à lui est un concept difficile à définir de par sa fonction symbolique et sociétale.
13 
D’après l’étymologie, le luxe viendrait de luxus, qui signifie faste, abondance et excès. La notion de lumière (lux) est également évoquée par Sicard (2005) : le luxe serait ce qui brille. Le Larousse (2004) désigne le luxe comme « ce qui est coûteux, raffiné et somptueux ». 
D’après la littérature, le luxe est « subjectif, personnel et perceptuel » [Laurent & Dubois, 1996]. Pour Mason (1981), « un produit est considéré comme luxueux si l’élasticité de la demande par rapport au revenu est supérieure à un ». Selon Lombard (1989), « un produit de luxe est un objet acquis ou reçu pour se faire plaisir ou se valoriser ». D’après Allerès (1997) « Toute création hors du commun, de l’ordinaire, extraordinaire, synonyme de beauté, d’esthétique, de raffinement, produit magique, empreint de séduction, objet ludique, évocateur de rêve, de plaisir, promesse de bonheur, est qualifiée de prestigieuse, “haut de gamme”, inaccessible produit de luxe ». 
Selon Roux (1991), « la marque de luxe se caractérise par une valeur ajoutée symbolique imaginaire ou sociale qui la différencie des autres. La marque de luxe correspond ainsi aux besoins symboliques que le consommateur peut ressentir (par opposition aux besoins fonctionnels ou de variété) ». 
Pour Touzani & Laouti (2005), « le luxe relève le plus souvent de l’inaccessible, du rêve et de l’élévation symbolique. A travers sa dimension ostentatoire, il est également source de différenciation sociale et d’appartenance à des groupes de référence. […] il revêt une dimension hédonique – caractérisée par la recherche d’émotion, de plaisir et de beauté – et une dimension existentielle – marquée par la volonté d’affirmation, d’expression et de réalisation de soi ». 
Il en ressort, globalement, que chacun définit le luxe à sa façon en partant de principes reconnus de tous : le rêve, et la valeur symbolique du luxe qui permet de recréer de l’écart. 
2.2.Les attributs du luxe 
Pour Bastien & Kapferer, « le luxe est fondé sur l’hédonisme et l’esthétique » (2013), c’est d’ailleurs ainsi qu’il répondrait au besoin d’idéal de l’homme. Les attributs essentiels du luxe sont : le prix, la rareté, la durabilité, l’authenticité ainsi que la valeur symbolique et la notion de rêve. La rareté et le prix sont souvent les deux concepts mis en avant lorsqu’on interroge des individus sur la notion de luxe [Touzani & Laouti, 2005]. 
Le rapport du luxe à l’argent n’est plus à démontrer. Tous deux permettent de définir une stratification sociale : l’argent en permettant d’acheter, le luxe en cultivant. De plus, longtemps le luxe et l’argent ont été possédés par une même classe sociale : l’élite, la noblesse. En effet, plus un produit est cher, plus il sera difficile d’accès par la majorité de la population et sera alors considéré comme luxueux. Enfin, comme vu précédemment, certains clients n’achètent des produits que s’ils
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sont chers et reconnus comme tels afin de mieux se valoriser socialement. Cependant croire qu’un prix élevé suffit à faire le luxe est illusion. La valeur du luxe est différente de son prix : elle est également dépendante du travail fourni pour l’obtenir et de la symbolique de l’objet pour le consommateur. 
La rareté est le second concept généralement associé au luxe. Bernard Catry (2007) considère qu’il existe plusieurs types de rareté comme l’indique le schéma suivant. 
Figure VI : Compatibilité du volume avec le type de rareté (naturelle à virtuelle) 
Source : Catry, 2004 
Un produit massivement distribué ou disponible ne peut pas faire rêver : il est accessible à tous. Il ne permet pas de se différencier ni de répondre à des aspirations sociales. Les produits non rares répondent à des besoins physiques. L’exclusivité est une notion utilisée en marketing : les promotions, les ventes éphémères ou les éditions limitées sont autant de stratégies marketing illustrant le besoin humain d’exclusivité. L’être humain veut être différent des autres, à part, afin d’être valorisé. La rareté est directement liée à l’exclusivité. Le vrai luxe est celui dont la rareté est avant tout physique ou humaine – ressources ou compétences. Il implique une distribution limitée car le stock est épuisable. Cependant, la rareté peut aussi passer par des contraintes techniques, des innovations technologiques ou une distribution contrôlée. Ferrari produit moins de 6000 voitures par an, afin de créer de la rareté et augmenter l’attente. La satisfaction à l’achat en est d’autant plus grande. De son côté, Chanel innove régulièrement la technologie d’ouverture de ses rouges à lèvres 
Faible 
•Ingrédients, composants, expertise humaine rare, limite de capacité 
•Diamants, bagues, fourrures 
Moyenne 
•Techno-rareté, innovations, nouveaux produits 
•Toyota et la voiture hybride 
Moyenne 
•Editions limitées, sur mesure, one to one 
•Les Exclusifs de Chanel 
Bonne 
•Rareté fondée sur la distribution 
•Ferrari 
Pas de limite physique 
•Rareté informationnelle, star system, marque, secrets et rumeurs 
•Magasins éphémères, Fashion Week 
Distribution
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tout en étant les seuls sur le marché à le faire. La rareté permet de créer un sentiment d’exceptionnel et d’unique. 
D’après les consommateurs, la qualité est le troisième élément qui définit l’objet de luxe, au même titre que son prix et que sa rareté. Le client attend d’un produit de luxe qu’il soit de bonne fabrique et qu’il soit durable : inscrit dans le temps. Cependant, un produit de parfaite qualité n’est pas toujours considéré comme du luxe ; sa qualité ne passe pas par une absence de défaut mais par l’utilisation de matériaux résistants au temps et à l’usure. Il pourra ainsi perdurer. Un lustre Baccarat gardera son éclat plus longtemps qu’un lustre en verre. Une fourrure Fendi résiste au temps, de même que les malles en cuir Vuitton. La qualité inclut l’imperfection. La qualité d’une montre Cartier est indéniable. Pourtant, sa mécanique la rend plus lourde et nécessité de la remettre à l’heure chaque année : elle est résistante par ses matériaux mais l’esthétique passe avant la perfection. La qualité seule ne fait pas rêver. 
La notion d’esthétique est également partagée par l’artisanat dont l’objet de luxe fait partie. Il se reconnait par sa qualité, le temps passé à le créer, et le rapport à l’humain. Ainsi un produit de luxe est un produit d’art, issu de l’artisanat. Il est fait par un Homme pour un Homme. L’industrie du luxe est mécanisée au minimum. Les finitions sont manuelles. D’après Bastien & Kapferer, plus il y a d’hommes pour réaliser un objet, plus l’objet perd son luxe et son humanité. Autrement dit, un produit artisanal fabriqué par un homme seul a plus de valeur que celui produit par une machine. Il est vrai que le retour du « fait à la main » ou plutôt « fatte a mano » pour la conception maroquinerie italienne semble souligner cette affirmation. Cela implique qu’un objet de luxe doit être fait entièrement ou en partie à la main. De plus, la notion d’artisanat souligne l’importance des savoir-faire et de la maîtrise d’une technique particulière. Cependant, l’artisanat seul n’explique pas le luxe – sans quoi chaque artisan serait directeur d’une maison de luxe. 
L’appartenance au luxe est également liée à une histoire : la marque doit avoir un héritage ou à défaut un méritage12 – mérite et héritage – expliquant son mythe. Cette notion de mythe et d’histoire est liée à la personnalité du créateur, réel fondateur d’une marque de luxe. Une marque est un nom : Chanel, Dior, Yves Saint Laurent. Ou alors elle reflète une personnalité : Hermès, Ralph Lauren, Montblanc, … Cette histoire permet de créer l’univers de la marque : un espace où la marque pourra déployer son style de vie avec des symboles et des valeurs connus. Le mythe passe aussi par la création d’un univers, d’une cosmogonie avec ses icônes et ses rituels. Le rapport du 
12 Le méritage est le terme utilisé pour décrire les marques récentes ou américaines, qui n’ont pas accès à un passé de 200 ou 300 ans et fondent leur succès sur le mérite de leur créateur et sur des mythes inventés. La Maison de Haute- Couture ESCADA est un exemple de méritage.
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luxe au sacré revient régulièrement, ne serait-ce que par son origine : les premiers objets de luxe étaient mis dans des tombes pour représenter le mort dans l’au-delà et étaient sacrés. 
La notion d’innovation découle directement du créateur. La marque de luxe est avant-gardiste. Elle est là où on ne l’attend pas et ne cherche pas à correspondre à une cible. Coco Chanel a inventé des tenues choquantes pour son époque, mais qui sont aujourd’hui perçues comme naturelles. Yves Saint Laurent a été le premier à dessiner un tailleur féminin. Montblanc a inventé le premier stylo à plume qui ne coule pas. La marque de luxe est en avance sur son temps, au même titre que l’art, d’où les alliances nombreuses entre les galeries d’art contemporain et les marques de luxe : la Fondation Cartier en étant l’initiatrice. Tout comme l’art, la marque de luxe permet d’atteindre un idéal et de s’élever spirituellement [Bastien & Kapferer, 2013]. Elle a une notion de sacré. 
Enfin, le luxe est plaisir. Cela implique que l’objet de luxe est pluri sensoriel. 
Figure VII : Les mots clés du luxe : une définition ? 
Les différents mots clés du schéma ci-dessus sont les différents principes repris par Marie-Claude Sicard, Bastien & Kapferer, Daniel Allérès et Chevalier & Mazzalovo. 
Luxe 
Esprit créateur 
Rareté 
Prix 
Qualité 
Rêve mythe univers 
Hédonisme 
Art et esthétique 
Savoir- faire et artisanat
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Cette étude des différentes composantes et définitions du luxe montre bien que celui-ci est difficile à cerner mais surtout qu’il est porteur de signes et symbolique. 
2.3.Le luxe pour les autres et le luxe pour soi : le rôle du luxe 
D’une part, le luxe est basé sur le désir d’appartenance à une classe supérieure grâce à des symboles [Bastien & Kapferer, 2013]. Grâce au luxe, chacun peut atteindre son rêve d’appartenance à tel ou tel groupe. Ainsi, tant qu’un objet est signifiant social, il conserve un statut de luxe. A contrario, le moment où l’objet perd son statut de stratificateur social signe la perte du luxe. Le luxe est alors un marqueur social : il doit être visible et montré. Il repose sur des codes explicites – ceux de la marques – ainsi que culturels. Il symbolise la réussite sociale. D’autre part, le luxe possède une composante personnelle très forte : il doit faire plaisir. C’est la recherche d’hédonisme et de satisfaction. Il ne s’agit pas seulement d’impressionner ou d’afficher un statut, de consommer pour consommer, mais également de faire adhérer le client à une culture, de toucher les individus en quête de sens et pas seulement de signes. Deux versants du luxe s’opposent : le « connecting luxury » celui qui permet de s’afficher socialement et le « cocooning luxury », celui qui permet de vivre une expérience individuelle. 
Ces deux facettes sont mesurées par le Luxury Institute et expliquent la complexité de la définition du luxe. 
3. La marque de luxe 
L’acte d’achat suppose généralement une prise de risques de la part du consommateur. Lorsque la marque du produit a un impact social fort, on estime que son obtention est délicate. L’achat demande au consommateur de s’impliquer [Vigneron & Johnson, 1999]. Celui-ci cherche en conséquent à se rassurer : c’est la marque qui va jouer ce rôle. 
La marque est un nom, un logo, un symbole, une image permettant de reconnaître une entreprise. Elle se présente au consommateur sous différentes formes : 
- le signe verbal (nom, slogan), 
- le signe visuel (logo, couleurs, design), 
- le signe sonore (jingle), 
- le produit phare ou la forme du produit. 
La marque génère la confiance : elle garantit l’origine des produits, elle est porteuse d’une promesse qui la distingue de ses concurrents, elle rassure les individus en valorisant leur choix. Elle crée en
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conséquent de la valeur pour le consommateur et l’entreprise. Pour Aaker (1996), « elle aide le consommateur à traiter l’information sur le produit, elle différencie le produit et le positionne, elle fournit des raisons d’acheter, elle tend à développer un sentiment positif à l’égard de la marque et elle permet des extensions de marque ». Ainsi, la marque facilite le processus d’achat pour le consommateur. 
Elle a également une valeur financière, commerciale – actif immatériel – et l’entreprise est directement liée à son image – en interne comme en externe [Lendrevie, Lindon, Lévy, 2013, pp. 802-808]. Cette définition issue du Mercator suffit à elle-même à justifier l’existence des marques et expliquer les nombreuses recherches qui portent sur ce sujet. 
Le Publicitor va même plus loin, parlant d’un pouvoir d’influencer le consommateur. Ainsi Kapferer (2007) explique que la marque est liée au risque perçu sur un marché et en dépend. Elle doit fournir un bénéfice client mais également porter un dessein. 
La marque de luxe a une valeur financière, commerciale et de distinction sociale supérieure aux marques classiques et premium de par le prestige dont elle est porteuse. Les produits – créations – et rêves qui lui sont associés sont la raison de cet écart de même que l’identité de marque. Mais comment construire une marque de luxe ? 
3.1.Une marque avant tout 
3.1.1. De la notoriété à l’image : l’identité de marque 
Pour apprendre à construire une marque de luxe, il faut comprendre qu’une marque a des fonctions et des bénéfices clients, détaillés par Kapferer (2008). La communication permet de faire connaître les avantages de la marque aux clients et ainsi de les fidéliser. Une communication réussie passe par la définition d’une identité de marque réussie, faisant découler une notoriété et une image forte. 
La notoriété est la capacité de la marque à être présente dans l’esprit du consommateur : elle est dépendante de la visibilité de la marque. Elle permet de mesurer quantitativement la marque. On distingue différents types de notoriété : 
- Spontanée : la marque est citée spontanément par le consommateur 
- « Top of Mind » : la marque est citée en premier parmi un groupement de marques ou vient spontanément à l’esprit et en premier 
- Assistée : le consommateur reconnaît le nom de l’entreprise lorsqu’on lui présente 
L’image de la marque est la perception que le consommateur ou le public a d’une marque : sa vision d’une marque, d’une entreprise, d’un service construite sur la réception et l’interprétation des
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signes, symboles, noms émis par la marque ou par l’entreprise. L’image et la notoriété ne sont pas forcément liées ; une marque peut avoir une bonne notoriété – être connue – mais avoir une mauvaise image. Par exemple, SNCF a une mauvaise image mais une très forte notoriété. Les consommateurs y associent le retard et les grèves. Une mauvaise image est difficile à faire oublier et perdure dans l’esprit du consommateur. 
L’identité, à l’inverse, est un concept d’émission [Kapferer, 2008]. Elle est voulue par l’entreprise là où l’image est subie, car perçue par le consommateur. L’identité permet de définir la marque, sa mission. Bastien et Kapferer précisent : « l’identité est ce qui donne un sentiment très fort d’unicité à la marque, une cohérence dans le temps et la nécessaire authenticité qui nourrit la durée », 2013. 
Kapferer (2008) explique que la marque a une structure pyramidale : au sommet s’exprime l’idéal de la marque, sa vision et sa mission. Cet étage est celui de l’ADN, et de la personnalité. Le second étage est l’espace d’expression du ton et des codes de la marque. Les codes doivent permettre à la marque de garder sa cohérence et définir une ligne directrice, permettant d’appuyer une vision unique. Un troisième étage permet de préciser la vision de la marque : ce sont les axes stratégiques. Pour Toyota, ça sera l’innovation technologique, les « options » fournies d’office et le respect de l’autre. Pour Michelin, la vision est celle du progrès dans la mobilité [Gilles Auberger, 2014] et les axes stratégiques seront l’innovation, la libération par l’automobile, la sécurité. Kapferer précise que « chaque modèle doit être la concrétisation des valeurs de la marque » (2008) d’où le quatrième étage, celui des produits, directement issu des traits stratégiques. L’expérience et le sensoriel correspondent au vécu du consommateur et la première expérience qu’il a de la marque. Cela implique qu’un produit hors du territoire de la marque ne représentera pas correctement ses valeurs et risque de la desservir. 
Figure VIII : Le système de la marque
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Source : Le système de la marque, Kapferer, 2008 
3.1.2. Construire son identité 
Pour Bastien & Kapferer, le succès d’une marque vient avant tout de sa cohérence et donc de la codification de son identité. Le prisme de l’identité de la marque – inventé par Kapferer – permet d’analyser une marque en fonction de ses spécificités – extérieures et intérieures – qui font qu’elle est cette marque. L’identité de la marque repose sur les concepts suivants : un héritage, des racines, un territoire, des savoir-faire et des codes. En respectant l’identité définie par le prisme et en la déclinant pour chaque produit, la marque s’assure la cohérence nécessaire à son succès et établit un territoire, créant ainsi son univers13. 
Figure IX : Le prisme d’identité de marque 
Source : Kapferer, 2008 
Le sommet du prisme définit la représentation de la marque : le physique et la personnalité. 
Le physique de la marque permet de définir la ressemblance nécessaire entre les différents produits d’une même marque : les codes, les signes, les gestes, couleurs. Un produit doit montrer son appartenance à la marque même si le logo n’est pas visible. La marque Bjorg mise sur des couleurs et une écriture reconnaissable. Les produits Apple sont reconnaissables par leur design, la couleur type, la présentation. Les produits iconiques se retrouvent aussi dans cette catégorie. D’après 
13 Le territoire d’une marque est défini par le Mercator comme « les marchés actuels ou potentiels où une marque est légitime aux yeux des consommateurs », ainsi pour Lendrévie & Lévy, Cartier ne pourrait pas vendre des produits alimentaires de luxe si ce n’est pas inscrit dans son ADN.
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Kapferer, l’imagerie non verbale est d’autant plus importante que le produit a une fonction symbolique. Les marques de luxe ont un très fort besoin du physique. 
La personnalité de marque est définie comme « l’ensemble des caractéristiques humaines associées à une marque », Aaker (1997). La marque a des traits de caractères typiques – ceux de son créateur ou ceux construits dans le temps – qui sont humains et permettent un reflet du soi par l’individu. L’échelle de mesure de personnalité de la marque adaptée par Aaker (1997) distingue des facteurs généraux qui définissent les traits de la marque (cf. Annexes). L’association de traits de personnalité humains à une marque permet au consommateur d’exprimer sa perception de soi – self-concept – apportant ainsi des bénéfices symboliques forts [Vernette, 2003]. De plus, la personnalité permet la construction de liens humains, émotionnels et affectifs forts avec le consommateur. Dans le luxe, c’est souvent la personnalité du créateur qui est reprise : Yves Saint Laurent est une marque impertinente, provocante et inaccessible comme l’homme lui-même ; Chanel est provocante, élégante et sophistiquée comme Mademoiselle. Ce sont avant tout des marques féminines ou masculines, avec un caractère dominant : séductrices et distinguées ou indépendantes et assurées. Elles sont également perçues comme fiables, bien que ce dernier point ne soit pas un critère majeur d’évaluation par le consommateur [Normand, 2010]. 
La personnalité de la marque est fortement liée à la perception du consommateur de la marque et non aux attributs réels des produits. Il est nécessaire de connaître sa personnalité perçue pour essayer de la contrôler mais sans un ADN clairement exprimé, une marque ne pourra pas tenir sa personnalité. Les spécificités d’une marque, sans lesquelles elle ne serait plus la même, correspondent à l’ADN de la marque. Ces invariants sur lesquels la marque ne peut pas transiger peuvent être de nature physique – conception et fabrication du produit –, esthétique ou même éthique. C’est également là que l’on retrouve les valeurs de la marque. 
La facette relationnelle décrit la relation entre le destinataire de la marque et son émetteur. Elle est dépendante de la personnalité, de l’ADN et du reflet du client. La marque peut choisir de dominer son client, comme certaines marques de luxe tentent de le faire. 
Le reflet du client et la mentalisation correspondent à la construction du client idéal par la marque : celle-ci s’adresse à une cible précise et pense à elle dans son expression. Cette construction est un miroir : intérieur pour la mentalisation et extérieur pour le reflet. Le reflet est l’image des clients construit par les autres. Ce sont les clients types tels qu’on les imagine. C’est grâce au reflet que la marque de luxe nourrit le désir et qu’à l’inverse elle peut s’effondrer. La mentalisation est la représentation de soi par la marque : c’est la création et la valorisation du self-concept. Une marque de luxe se doit donc de faire correspondre la mentalisation de ses cibles au reflet de ses clients réels.
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C’est à cause du reflet mal géré que Lacoste en France et Burberry en Angleterre ne sont plus perçues comme des marques de luxe mais associées aux jeunes des cités. 
3.2.Spécificités de la marque de luxe 
La marque de luxe a été définie par Marie-Claude Sicard en 2010 d’après sept concepts : le temps (ou ancrage à l’héritage et intemporalité), le projet de la marque, les relations de la marque au destinataire, les postures (comme la supériorité), les normes (et codes) de la marque, son espace de distribution, le physique de la marque (ou le produit et sa conception). Considérant que « le luxe est un écart »14, elle a fixé que, si au minimum quatre des sept curseurs sont au maximum pour une marque, alors cette marque appartient au luxe. 
Figure X : Le clavier des curseurs 
Source : Sicard, 2010 
La marque de luxe ne cherche pas simplement à définir un positionnement spécifique pour se différencier dans un univers concurrentiel : elle souhaite faire adhérer à son univers culturel. En offrant « une élévation de soi à la fois en son for intérieur (la mentalisation de l’individu) et dans l’image de soi qu’il donne aux autres (le reflet de l’individu), elle contribue à la construction de l’identité même de ses clients », Bastien & Kapferer, 2013. L’importance de l’identité de marque en est alors d’autant plus forte. 
14 Marie-Claude Sicard explique que le luxe est un écart vers le haut, le bas ou de côté. Ecart vers le haut pour le désir d’ascension sociale, écart de côté pour le désir de différenciation, et écart vers le bas pour les excès du luxe comme le porno-chic ou les sommes astronomiques demandées en raison d’un luxe.
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3.2.1. Le reflet, source de prestige 
Ainsi, le reflet de la marque de luxe a un impact plus important encore que celui d’une marque traditionnelle. Comme expliqué précédemment, le reflet du client ou la perception qu’un individu a de la marque (en fonction de l’image que lui renvoient ses clients) en nourrit le caractère. La femme Chanel n’est pas la même que la femme Gucci ou la femme Yves Saint Laurent : chacune a ses particularités et cible un type de segment-cible. Le reflet est d’autant plus important à la marque de luxe qu’il doit lui permettre d’assurer sa cohérence. Si la marque présente de multiples reflets, elle fragmente le profil de ses clients potentiels et brise l’image qu’elle renvoie : elle n’est plus unique. Pour sa nouvelle campagne publicitaire, Dove a filmé plusieurs clientes montrant que la marque s’adressait à toutes les femmes. Ce type de campagne qui fonctionne pour une marque classique ne fonctionne pas dans le luxe, sous peine de détruire l’image. 
Le parfum Miss Dior Chérie reflète des valeurs différentes de Dior J’adore, car il s’adresse à un public différent. L’un cible la femme sublime, sûre d’elle et élégante, un peu impertinente ; l’autre est consacrée à la jeune femme, encore innocente mais déjà séductrice. Les deux parfums pourraient être de deux marques différentes. Reste l’impertinence en commun, lien sans lequel l’image de Dior se fragmenterait. 
3.2.2. La dimension du rêve dans le luxe 
Enfin, le prestige de la marque de luxe repose sur sa capacité à créer du rêve par son aptitude à construire un univers et un idéal. Une marque de luxe doit avoir un potentiel onirique fort et détacher l’individu du quotidien pour tendre vers un idéal quasiment sacré. 
Marques classiques et marques premium se construisent par rapport à un positionnement, formulation de leur promesse garantie à une clientèle ciblée par rapport aux concurrents. Ainsi, Panzani propose des pâtes inscrites dans la tradition italienne par opposition à Lustucru qui cible avant tout la fraicheur des pâtes, et le prix plus accessible. Le positionnement est défini par Kapferer (2007) comme la pierre angulaire du management de marque. Pour étendre sa part de marché, une marque doit apporter un plus considéré comme valable aux yeux de la clientèle ciblée. 
Cette stratégie n’est pas valable pour le luxe, secteur dans lequel l’identité de marque a été, selon la littérature, substituée au positionnement. La marque cherche à être unique, différente. Elle ne se compare pas aux autres marques de luxe : elle navigue dans un autre univers, qu’elle se construit. Les marques de luxe ne cherchent pas à être supérieures les unes par rapport aux autres si cela nuit à leur image de marque. Elles préfèrent conserver leur identité, ce qui fait leur unicité. Il ne viendrait pas à l’esprit d’un consommateur averti de comparer un carré de chez Hermès avec un foulard en soie Chanel – ou une montre Oméga à une Patek Philippe. Chacun des produits cités a ses
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spécificités et une histoire particulière, elle-même liée à l’histoire et l’identité de la marque dont dépend le produit. C’est parce qu’un client achète le produit d’une marque – et non pas un produit parmi tant d’autres – que l’image de marque de luxe est à ce point importante. Le client achète un morceau d’histoire et d’identité d’une marque en laquelle il se reconnait, une culture propre à travers laquelle il percevra le monde. 
Le story-telling permet de raconter cette épopée et l’ancrer à l’Histoire comme l’illustrent Guerlain et Shalimar ou encore Chanel et Coco Mademoiselle. Le produit de luxe a une raison d’être, justifiée par une narration qui augmente sa part de rêve. Reposer sur un passé véritable ou création d’une histoire propre à la marque, peu importe : ce qui compte c’est de développer un univers permettant de créer le rêve. L’expérientiel et le sensoriel ont aussi leur rôle à jouer dans cette construction du rêve. Les lieux de vente sont théâtralisés comme les bars à parfums Chanel et Dior, ou bien les magasins Louis Vuitton. Veuve Clicquot s’invente un passé et Dior s’expose dans un musée. Bastien & Kapferer considèrent ainsi que le rêve peut être construit grâce à : 
- La saga du créateur 
- L’épopée du produit et du terroir 
- Les clients 
- La mise en scène d’un univers et d’une expérience dans les magasins 
Le rêve d’une marque de luxe est fonction de l’écart entre le nombre de possesseurs de la marque et sa notoriété. Cette notion de rêve reprend le concept de Marie-Claude Sicard du luxe comme créateur d’écart. 
SYNTHESE 
L’être humain a besoin de s’identifier à des groupes et a une nécessité d’élévation spirituelle et sociale. Les marques de luxe peuvent répondre à ces besoins en offrant du prestige lié à l’image de la marque et à la dimension hédoniste du produit. 
La cohérence de la marque de luxe – dont l’importance a déjà été soulignée – passe par un respect de l’identité telle qu’elle est définie par le prisme. Cependant, le paradoxe des marques de luxe est de savoir rester fidèles à leur héritage sans renoncer à leur modernité et leur rentabilité. Comment rester source d’inspiration et d’innovation, créer un désir d’élévation de soi, sans perdre son identité ?
25 
PARTIE II : DE L’EMERGENCE DU LUXE ACCESSIBLE A SON DEVELOPPEMENT 
« La démocratisation de quelque chose, c’est-à-dire le fait d’en permettre l’accès à tous n’entraîne pas forcément sa vulgarisation c’est à dire une perte totale de valeur », Bastien & Kapferer, 2013 
La partie précédente nous a permis d’étudier la notion de prestige et de comprendre comment une marque de luxe pouvait répondre à ce besoin humain, en lui fournissant une satisfaction sociale et hédoniste. Face à l’évolution des sociétés, et l’accès facilité au prestige, le luxe a dû évoluer et son marché changer. Cette réflexion nous mène désormais à analyser le marché du luxe aujourd’hui, à étudier sa clientèle et à comprendre les concepts de luxe inaccessible, intermédiaire et accessible pour enfin s’intéresser à un type de stratégie de luxe accessible : l’extension de marque. 
1. Le marché du luxe aujourd’hui et sa clientèle 
1.1. Evolution du marché 
Avec l’évolution du marché mondial depuis le XIXème siècle, des changements majeurs sont apparus, transformant les habitudes de consommation et ouvrant le marché du luxe à des nouveaux profils de clients. 
La première remarque possible, lorsque le marché du luxe est étudié, c’est que celui-ci se porte bien. C’est l’un des seuls secteurs qui voit son chiffre d’affaires progresser chaque année, même en période de crise. En 2012, on remarquait une hausse de 10% par rapport à 2011. Bien que 2013 soit remarquable par sa faible hausse – seulement 2% - le marché continue de progresser. Bain & Company estime qu’en 2025, le marché mondial des produits de luxe sera cinq fois plus grand qu’en 1995. 
Selon une étude de Bain & Company, le nombre de consommateurs de produits de luxe a plus que triplé dans le monde en vingt ans. Estimé à 330 millions aujourd’hui, il devrait passer la barre des 400 millions de consommateurs en 2020. Le nombre de millionnaires augmente chaque année, laissant la place à des opportunités grandissantes pour les marques de luxe. 
Les meilleurs clients potentiels au monde – les High Net Worth Individuals (HNWI) – dépassent les 11 millions d’individus. Chacun d’eux possède plus d’un million de dollars en actifs, en excluant la résidence principale.
26 
Les ultra-riches (ultra HNWI) quant à eux sont 98 000 mais ont un actif supérieur à 30 millions de dollars : représentant 0,9% des HNWI, ils en possèdent 36,1% de la fortune15. 
Figure XI : Les pays où vivent le plus de millionnaires 
Source : Capgemini 
Cela est sans compter l’ouverture du marché grâce à la mondialisation et la démocratisation, comme l’explique Marc-André Kamel, responsable de Bain & Company France : « le marché du luxe entre dans une nouvelle phase de son évolution. Plus de marchés, plus de segments clients, une plus grande diversité des goûts, autant de variables supplémentaires avec lesquelles il faudra compter pour résoudre l’équation de la bonne stratégie de croissance. ». Il faut dire qu’avec un chiffre d’affaire de 217 milliards d’euros, le secteur du luxe est un marché porteur. De plus, contrairement au secteur agroalimentaire, dont la part dans les dépenses du ménage français est en baisse continue, la part du secteur du luxe augmente16. « Liddl finance Chanel » disent Bastien & Kapferer. 
Les secteurs du luxe sont recensés au nombre de huit : 
- La joaillerie et la haute-horlogerie 
- La haute-couture 
- La haute-gastronomie 
15 Etude Bain & Cie 2013 et Luxe Oblige p. 165-166 
16 Insee, Consommation des ménages 2013
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- L’hôtellerie de luxe 
- Les parfums et les cosmétiques 
- La maroquinerie 
- Le prêt à porter 
- Les arts de la table 
Figure XII : Ventilation des ventes dans le secteur du luxe en 2013 
Source : Bains & Co, estimation sur les chiffres de 2013 
La ventilation des ventes du luxe permet de comprendre qu’aujourd’hui le luxe ne se consacre pas qu’à un seul secteur cependant les ventes concernent principalement des produits issus du luxe accessible. 
De plus, les données issues de Forbes (2011) montrent que l’évolution des niveaux de vie entre classe moyenne et classe supérieure n’est pas similaire, conduisant à une augmentation de l’écart. 
28% 
20% 
23% 
25% 
4% 
UNE VENTILATION DES VENTES ÉQUILIBRÉE 
Parfums et cosmétiques 
Maroquinerie et chaussures 
Montres, joaillerie 
Prêt à porter 
Autres 
217 milliards €
28 
1976 1983 1994 2000 2007 2010 
Cost of living 
extremely well 
100 200 400 500 772 910 
Cost of living : 
consumer 
price index 
100 160 250 300 385 400 
Figure XIII : Comparaison de la croissance du coût de vie des très riches avec le coût moyen de vie 
Source : Forbes, 2011, Bastien & Kapferer, 2013 
1.2. Conséquence de la démocratisation et mondialisation 
Les changements ayant amené l’accessibilité du luxe sont tout d’abord, pour Bastien & Kapferer 
(2013), la démocratisation progressive du monde économique. Passant de monarchies établies ou 
dictatures où la distinction sociale était clairement avérée et visible, les sociétés sont devenues 
démocratiques, ouvrant l’univers des possibles en termes d’évolution sociale. La naissance ne 
définit plus l’avenir d’un individu. Tout au plus pose-t-elle des conditions de début de vie plus 
difficiles. Chacun peut espérer réussir et s’élever socialement. La démocratie a également été 
accompagnée d’une suppression des privilèges liés à la naissance : le privilège de porter du parfum 
ou même certains tissus considérés comme royaux ou réservés à une élite a été aboli en même 
temps que les oligarchies. La méritocratie a fait disparaître les privilèges écrits d’une élite, en même 
temps que la définition précise de classes sociales. 
La hausse notable du pouvoir d’achat depuis les années 1950 est liée aux progrès technologiques et 
à la baisse des coûts manufacturés augmentant la possibilité de consommer. Depuis les années 
1980, la consommation du luxe a explosé - +10% chaque année - renforçant la déstructuration de la 
société : en économisant, un individu peut espérer acheter du luxe, fait impensable au XIXème 
siècle. Non seulement il peut espérer avoir les moyens de l’acheter, mais s’il le fait, il 
n’outrepassera pas ses droits en accédant à un privilège. 
Avec la démocratisation et la technologie est venue la mondialisation. Celle-ci favorise les échanges 
permettant de produire en Chine des produits conçus dans la Silicon Valley et revendus en France. 
Les interactions entre les peuples sont devenues plus aisées : les échanges sont rapides – on peut 
faire le tour du monde en quelques heures – et des projets entre plusieurs pays sont régulièrement 
mis au jour – on se souviendra du Concorde, mais également des Airbus construits par l’Europe. La
29 
délocalisation a également permis une baisse significative des coûts de la main d’oeuvre, issue des pays en développement. Il est possible d’acheter plus pour un prix équivalent. Cependant, ces échanges culturels multiplient la perte d’identité et de repères – de l’individu qui appartient à l’Europe, au monde, à son pays ou du produit qui vient d’un peu partout dans le monde. L’humain ne peut supporter d’appartenir à un tout indifférent décrit comme l’indifférenciation sociale par Hobbes dans le Léviathan (1651). 
Ces transformations historiques et culturelles sont une opportunité formidable pour le luxe qui de par son appartenance à une culture et son rôle de différenciateur social recrée des strates au sein de la société, comme nous l’avons vu dans la définition du luxe. Toutefois, ces mêmes changements constituent une menace à cause de l’élargissement de la base de clientèle du luxe avec la hausse du pouvoir d’achat et la démocratisation sociale. 
1.3. Evolution de la clientèle 
« Les clients du luxe d’aujourd’hui sont différents : ils doivent être surpris, émoustillés, captivés, courtisés, choyés et constamment satisfaits », Okonkwo, 2007, p.60 
Cette évolution du marché a impacté les comportements des clients de luxe. La littérature est formelle, les mentalités ont changé17. 
La hausse du pouvoir d’achat a amené l’apparition d’une société de consommation du plaisir, permettant l’accès aux dépenses de loisirs. Pour Allérès, « les actes de consommation traduisent davantage la recherche de plaisir, le désir narcissique de chaque individu de flatter son imaginaire », 2005. C’est aussi la conclusion de Dubois & Laurent sur l’étude menée en 1999 et conduisant à appeler ce type de clientèle les « excursionnistes ». De fait, ceux-ci attendent d’une marque de luxe : 
- Une qualité exceptionnelle, 
- Un prix élevé pour refléter l’achat inhabituel, 
- Une certitude de rareté et exclusivité, 
- Un produit intemporel s’inscrivant dans une histoire, 
- Une expérience pluri sensorielle, 
- De la futilité et du superflu apportant du rêve. 
Les nouvelles attentes du consommateur sont l’affectif et l’esthétique du produit, faisant découler de nouveaux comportements : des clients éclectiques aux valeurs hédonistes [Chevalier & Mazzalovo, 2011] accordant une importance forte au développement personnel. 
17 Cf. : Danièle Allèrés, Bastien & Kapferer, Marie-Claude Sicard
30 
Face à cette quête hédoniste, l’élite cherche à maintenir l’écart social par une fuite en avant : l’innovation et l’originalité des produits sont alors recherchées, par opposition aux consommateurs suiveurs. L’élite a une consommation audacieuse, tournée vers l’intimiste, la rareté et la création d’un mythe alors que la démocratisation des produits démystifie la marque. « Le luxe des classes nanties est la recherche et le culte permanent de la PPDM (plus petite différence marginale) : rechercher les petits différences qualitatives par lesquelles se signalent le style et le statut », Jean Baudrillard (1970). 
Figure XIV : L’acte d’achat en fonction du type de consommateur 
Source : Gilles Auberger 
Ainsi, on observe des comportements différents de consommation en fonction de l’attente du client définissant des styles de vie différents. La segmentation se fait alors en opposant qualité du produit et présence du logo, authenticité et histoire, ou encore individualisation et intégration. 
Bastien & Kapferer ont également analysé des types de comportements en fonction de la rupture voulue par l’achat de luxe : la disruption pour se distinguer des autres ou s’intégrer dans un monde aspirationnel, préférer le produit pour ce qu’il est ou choisir l’emblème social (cf. Annexes). 
2. La stratégie marketing du luxe accessible 
La réussite d’une extension de marque passe avant tout par la cohérence de la marque avec son identité et son ADN, comme défini dans la première partie. Géraldine Michel ajoute même : « L'identité de la marque, les valeurs de la nouvelle catégorie de produit, puis l'image du produit en extension de marque. Une extension réussie repose ainsi sur les liens entre ces trois éléments. D'abord, la cohérence entre l'identité de la marque et l'image de l'extension. Ensuite, la pertinence de cette identité avec les valeurs de la nouvelle catégorie de produit. Enfin, sur la valeur ajoutée que l'extension peut apporter à
31 
cette nouvelle catégorie », 2004. De fait, Bastien & Kapferer ont analysé le potentiel d’extension d’une marque de luxe en fonction de ce qui fait la marque : le produit, le savoir-faire, la catégorie, les attributs, l’univers et les valeurs. Plus la marque apporte une différenciation et une personnification sociale – tout en proposant des valeurs, une histoire, un héritage et un savoir-faire – plus elle pourra s’étendre. Une stratégie spécifique doit alors être mise en place, mais seule une marque de luxe dont le centre de gravité s’élève pourra voir son extension (Bastien & Kapferer, 2013). 
Figure XV : Potentiel d’extension d’une marque en fonction de son centre de gravité 
Source : Bastien & Kapferer, 2013 
2.1. Les deux modèles stratégiques du luxe 
Le premier business modèle du luxe est d’origine européenne. Il est décrit comme le modèle pyramidal par Marie-Claude Sicard (2010). Ce modèle est fondé sur une image noble et porteuse, déclinée pour être accessible au peuple : la créativité inspire toute la pyramide. La hiérarchie se construit en diffusant l’énergie créative et le prestige.
32 
Figure XVI : Le modèle de la pyramide 
Source : Sicard, 2010 
L’illustration de ce modèle peut être trouvée dans les maisons de haute-couture qui créent une exclusivité indéniable avec des robes uniques déclinant ensuite des lignes de prêt à porter accessible. Le rêve provient du sommet. Cartier et Dior se sont également construits sur ce modèle. Cependant certains produits déclinés peuvent ne plus être du luxe. 
Face à ce modèle, Marie-Claude Sicard décrit le modèle dit de la galaxie, où chaque secteur se construit autour d’une vision portée par le créateur, mais sans hiérarchie contrairement à la structure pyramidale. Chaque produit est traité sur un pied d’égalité et participe à la construction d’un univers.
33 
Figure XVII : Le modèle de la galaxie 
Source : Sicard, 2010 
Contrairement à la pyramide, la galaxie ne définit pas un territoire à partir d’un produit précis, mais définit un univers qui peut s’étendre. Les extensions de marque sont plus aisément justifiables et légitimes que dans la pyramide, plus adaptée aux extensions de gamme. Certaines marques de luxe comme Chanel ou Hermès ont bâti leur stratégie sur un mélange des deux modèles : la Haute- Horlogerie Chanel est constituée de véritables montres créées au sein de la Maison Chanel et non pas licenciées, et sont déclinables en prix ; la Haute-Couture propose des lignes de prêt à porter. Chaque univers suit le modèle de la pyramide mais tout est construit autour d’un univers précis, pour conserver la cohérence. 
2.2. Luxe inaccessible, intermédiaire et accessible 
Le terme de luxe est d’autant plus flou que les notions de premium, haut de gamme et mode lui font concurrence, sans parler de l’apparition de « l’hyperluxe », ainsi que des notions de luxe inaccessible, intermédiaire et accessible [Allérès, 2005]. Bain & Company reprennent cette stratification sous les dénominations de luxe accessible, luxe aspirationnel et luxe absolu. 
Créateur 
Parfums et cosmétiques 
Arts de la table 
Prêt à porter 
Maroquinerie
34 
Figure XVIII : Hiérarchie des objets de luxe 
Source : Danièle Allérès, 2005 
L’annexe 5 permet de comprendre les différents types de luxe en fonction de sa clientèle, ses produits types et les motivations de la clientèle. 
3. Le luxe accessible par les extensions de marques 
« Avant tout projet d’extension, on doit mener une étude dite de fond de marque pour comprendre le sens profond de la marque, clarifier son prisme identitaire et en particulier la facette culturelle de celui-ci », Bastien & Kapferer, 2013 
3.1. Définition et concepts 
Le développement de l’offre de produits et de services proposée par une marque s’appelle stratégie d’extension. Profitant de la renommée d’une marque ou d’un produit, la stratégie d’extension permet d’en lancer de nouveaux à moindre coûts – financiers et humains. En effet, le lancement d’une nouvelle marque et sa promotion – communication et notoriété – constitue un budget important pour une entreprise [Aaker, 1997]. Le client ayant tendance à acheter un produit ou une marque qu’il connaît [Dimitriadis, 1993], s’appuyer sur une marque existante pour proposer une nouvelle offre est une stratégie reconnue et efficace. 
Luxe inaccessible (modèles) 
Luxe intermédiaire (reproduction des modèles) 
Luxe accessible (objets de série)
35 
L’extension s’appuie sur la maîtrise d’un réseau de distribution, d’un savoir-faire technique ou de la légitimité de la marque sur un territoire. L’entreprise peut ainsi choisir d’étendre son champ de compétences ou d’étendre sa marque. Les différents types d’extensions sont recensés dans le tableau ci-après. 
Figure XIX : Les différents types d’extensions 
Catégorie de produits 
Marque 
Existante 
Nouvelle 
Existante 
Extension de gamme 
Extension de marque 
Nouvelle 
Marques multiples 
Nouvelles marques 
Source : Michel (2000) 
La stratégie de marques multiples correspond au lancement d’une nouvelle marque dans un marché sur lequel l’entreprise est déjà présente mais avec une autre catégorie de produits. Ses produits se font alors concurrence, comme les différents produits laitiers-santé Danone, avec les marques Activia, Danacol et Taillefine. Le risque de cannibalisme étant fort, le luxe utilise peu cette stratégie. 
La stratégie de lancement de nouvelles marques consiste à créer une nouvelle marque, sur un nouveau marché. Cette solution concerne peu les marques de luxe. 
Les deux stratégies de marque du luxe sont l’extension de gamme et l’extension de marque, chacune correspondant à l’un des modèles définis et décrits précédemment : l’architecture galactique ou l’architecture pyramidale de la marque. 
Extension de gamme et extension de marque sont souvent décrites de manière similaire dans la littérature [Aaker, 1990 ; Lendrévie & Levy, 2013] créant une réelle confusion. Cegarra et Merunka (1993) considèrent que l’extension de marque se distingue de l’extension de gamme grâce à la nature et la fonction du produit lancé. Ainsi en extension de marque, la fonction et la nature du nouveau produit sont fondamentalement différentes des produits existants alors que l’extension de gamme propose un produit soit de nature soit de fonction différente – mais pas les deux à la fois.
36 
3.1.1. Extension de marque 
L’extension de marque correspond à l’élargissement du territoire d’une marque vers une nouvelle catégorie de produits18. Elle consiste à lancer un nouveau produit (extension) dans un nouveau marché – une catégorie de produits différente de la catégorie de produits vendus – en utilisant une marque existante (marque-mère) [Aaker & Keller, 1990]. Il s’agit pour la marque d’acquérir une nouvelle compétence, sans toucher directement au prix ni à la qualité des produits. Ce type d’élargissement permet à la marque d’apparaître dans les divers univers de la vie du client, représenté par le modèle de la galaxie. 
Lendrévie & Lévy (2013) distinguent deux types d’extension de marque : 
- l’extension de marque continue 
- l’extension de marque discontinue 
L’extension de marque continue utilise les savoir-faire et les compétences acquises de la marque pour créer un nouveau produit, comme Baccarat proposant des bijoux en cristal après avoir été spécialisé dans les arts de la table. A contrario, dans le cadre d’une extension discontinue, la marque occupe des marchés totalement différents. Le coeur de métier de Ralph Lauren est le prêt à porter. Le créateur a ensuite décliné sa marque en développant une gamme de décoration intérieure, de petite maroquinerie, de soins du corps… De la même façon, Hermès, bien qu’étant à l’origine un sellier, s’est reconverti en produisant tout d’abord de la maroquinerie – extension continue –, puis de la soie et des parfums – extension discontinue. 
3.1.2. Extension de gamme 
L’extension de gamme consiste à développer l’offre de produits sur un même domaine de produits. Il s’agit d’enrichir une catégorie existante afin d’augmenter la visibilité de la marque pour le produit considéré – augmentation du linéaire. On distingue extension de gamme et complément de gamme, bien que ces deux notions soient souvent confondues. Le complément de gamme n’affecte pas de manière directe la nature ou la fonction du produit. Le produit changera en goût, en format, en couleur : comme les eye-liners noirs, kaki, brun, taupe chez Chanel. L’extension de gamme proposera deux types de produits : soit des produits de nature différente mais de fonction identique, soit des produits de fonction différente et de nature identique. Le second cas permet de toucher une cible différente du coeur de cible [Cegarra & Merunka, 1993]. 
Il existe deux types d’extensions de gamme : 
18 Lendrevie & Levy (2013) ; Cegarra et Merunka (1993)
37 
- l’extension verticale 
- l’extension horizontale 
L’extension horizontale vise à étendre le nombre de produits au sein d’une gamme. Ceux-ci auront un prix et une qualité similaire mais des caractéristiques différentes. 
Dans l’extension verticale, les nouveaux produits sont proposés à des niveaux de prix et de qualités très différents de l’offre initiale, afin de créer une véritable distinction. L’extension verticale peut être faite vers le haut ou vers le bas, dans une stratégie d’accessibilité. Le luxe utilise ces deux stratégies : les MUST de Cartier, lancés en 1973, répondent à un désir de pénétrer une cible moins aisée et occasionnelle – les « excursionnistes » décrits par Dubois & Laurent19 ; à l’inverse, Armani a lancé la marque Armani Privè afin de séduire une clientèle élitiste et conserver un écart avec la clientèle occasionnelle. L’extension vers le haut permet également à la marque de luxe de recréer des barrières à l’entrée par le prix et la création d’un univers culturel ; Armani a ainsi ouvert un hôtel à Dubaï en 2010, dans la tour la plus haute du monde. 
3.2. Enjeux 
L’enjeu principal de l’extension vers le bas est d’accroître le volume des ventes – en réalisant des économies d’échelle [Aaker, 1997] ainsi que la conquête d’une nouvelle cible qui n’a actuellement pas les moyens financiers d’acquérir la marque – avec à terme l’objectif d’augmenter le panier moyen (somme dépensée par achat) [Kirmani et al., 1997]. C’est la stratégie suivie par Cartier, qui augmente peu à peu les prix des MUST en les intégrant à sa collection de joaillerie. 
L’extension vers le haut permet de (re)séduire le coeur de cible, une clientèle élitiste qui doit être convaincue que la marque de luxe est la plus appropriée pour elle. 
De plus, les occasions de plus en plus rares de porter les robes de haute-couture et de la haute- joaillerie ont conduit les marques de luxe comme Chanel ou Mellerio à se reconvertir vers des secteurs plus porteurs, sous peine de disparaître. Cette stratégie de diversification et d’extension de marque est considérée comme nécessaire dans un monde où le luxe fait face aux produits premium et haut de gamme. 
19 Bastien & Kapferer, Luxe Oblige, 2013. 2ème édition. Paris : Eyrolles. p166
38 
3.2.1. Occuper le terrain et perdurer 
L’extension discontinue de gamme permet à une marque d’étendre son territoire et en conséquent d’être plus présente. Elle augmente son chiffre d’affaires potentiel et sa notoriété. 
Mais avant tout, la marque s’assure que le territoire conquis ne pourra pas l’être pas une autre. Si un territoire n’est pas occupé, il est pris par un concurrent. Lorsque Cartier avait choisi de vendre des cigarettes, il s’était assuré d’être présent sur le marché des cigarettes de luxe, comme Malboro ou Dunhill avant lui. Mais à l’inverse de ses concurrents, Cartier a maîtrisé sa distribution et ses prix, afin de rester une marque de luxe. Les étuis Cartier sont aussi une autre occasion de valoriser la maîtrise du travail des métaux, par le célèbre joaillier. 
De plus, si le domaine d’une marque de luxe n’est plus rentable ou en disparition, l’extension lui permet de se repositionner pour acquérir une légitimité dans un autre domaine. Fendi, qui était dans la fourrure, a su survivre grâce à sa reconversion, en proposant de la haute-couture ; de même que Hermès à l’origine dans la sellerie, s’est tourné vers la soierie. L’extension permet alors à la marque de luxe de s’adapter à un marché concurrentiel mouvant. 
3.2.2. Développer sa notoriété et sa clientèle 
Pour Thiébault de La Rivière, ancien directeur de Lancel et actuel directeur de Sup de Luxe, la problématique actuelle – autour du luxe qui s’émancipe et s’adapte à la société (se démocratise) en risquant la vulgarisation – n’en est pas une. Selon lui, les marques doivent « aller chercher de nouveaux clients, les nouveaux riches et les bourgeois, qui sont une source d’inspiration et un potentiel extraordinaire ». Développer la marque, c’est alors séduire de nouveaux consommateurs et élargir la cible. Ces nouveaux clients pourront pénétrer l’univers de la marque et s’intéresser à d’autres produits : l’intérêt de l’extension est alors de permettre à des clients occasionnels de découvrir la marque, son univers, de tester sa qualité et ses valeurs – à un coût moindre qu’avec un produit de luxe. Si le client est conquis, il aura tendance à revenir vers la marque. C’est ainsi qu’un client ayant acheté un portefeuille Louis Vuitton aura tendance à acheter un sac Louis Vuitton par la suite. Il peut s’agir de proposer des produits plus accessibles, permettant de faire connaître la marque, ou de proposer une gamme de produits s’adressant à une autre cible. La gamme Epi de Louis Vuitton répondait au besoin pour la marque de se rajeunir et séduire une cible citadine – le voyage urbain. En fixant un prix de base 50% supérieur à la gamme Monogram, coeur de marque de Louis Vuitton, la marque de luxe ne revoyait pas ses critères de segmentation à la baisse. La gamme Epi correspond à un public différent et n’a pas cannibalisé la gamme Monogram : au contraire, les ventes ont même augmenté. La gamme Epi a permis de faire connaître Louis Vuitton et sa qualité [Bastien & Kapferer, 2013]. De la même façon, Chanel qu’on associe à la femme sophistiquée,
39 
indépendante et glamour a lancé en 2008 la gamme de montres J12 - afin de séduire une clientèle masculine. 
Enfin, en permettant à une clientèle occasionnelle de découvrir le luxe, les marques de luxe entretiennent le rêve : elles augmentent leur notoriété et valorisent ainsi leurs clients les plus riches. Une marque totalement inaccessible n’est ni connue ni reconnue et ne remplit donc pas de fonction sociale pour son consommateur. La marque de luxe ne doit pas devenir accessible à tous – au risque de perdre son rôle de différenciateur social – mais doit être suffisamment connue pour qu’on reconnaisse la signification de sa possession. Cela peut passer par l’accessibilité. Ainsi, une montre Swatch n’est pas une montre de luxe, car bien que connue de tous, elle est accessible. En revanche, une Rolex continue de faire rêver car – même s’il est possible pour un client plus modeste d’en acheter une un jour – sa valeur étant connue, elle valorise son porteur. 
3.2.3. Développer le chiffre d’affaires et stabiliser la marque 
L’extension de marque a pour but premier le développement du chiffre d’affaires et de la marge produite, en limitant les risques. La réutilisation d’une marque connue rassure le consommateur qui accepte d’acheter le produit. En effet, selon Mc Kinsey, « cette pratique a un impact direct sur les performances boursières; les groupes qui l’utilisent ont vu leur capitalisation progresser de 5% contre seulement 0,5% pour les autres », preuve de l’augmentation du chiffre d’affaires. 
Dans le cas du luxe, l’extension de marque permet d’atteindre une population dont le panier moyen de consommation sera sûrement moins élevé que celui de sa clientèle habituelle, mais dont le nombre compense largement la différence. De fait, les parfums les plus chers au monde – plusieurs milliers d’euros – ne sont pas ceux qui rapportent le plus : leur rareté et leur prix exorbitant limitent leur distribution. D’un autre côté, Coco Mademoiselle – parfum le plus vendu dans le monde en 201220 – a permis à Chanel de séduire une nouvelle cible et redévelopper son chiffre d’affaire alors que N°5 n’était plus aussi rentable. 
L’extension de gamme permet également à la marque d’éviter la faillite. Rentabiliser l’image de marque en conservant une activité de haute-couture tout en proposant des produits dérivés accessibles est la solution adaptée par Dior, Yves Saint Laurent et Chanel. Le domaine des accessoires et de la cosmétique sont souvent les lieux privilégiés des extensions de gamme du luxe du fait de leur forte rentabilité : un parfum Dior se vend en moyenne 30% au-dessus du marché – soit 70€ pour J’adore, face aux 55€ d’un jus non-luxe. Il s’agit alors de lancer des produits de série, en s’appuyant sur le rayonnement de la marque qu’il faut alors récréer en permanence en maintenant son prestige et sa créativité, comme l’explique Kapferer (2007). 
20 Thiébault Dromar, « Le top 10 des parfums les plus vendus en France », Challenges, 15 février 2013
40 
4. Les risques pour le luxe 
L’extension de marque semble être une solution idéale pour l’entreprise qui souhaite à la fois augmenter sa notoriété, son chiffre d’affaire et ses compétences. Cependant, Géraldine Michel explique que : « la stratégie d'extension de marque consiste à transposer les valeurs fondamentales de la marque sur une nouvelle catégorie de produits (nature et fonction différentes par rapport aux catégories de produits originelles de la marque), ce qui implique la création d'une nouvelle légitimité de la marque et des risques importants pour la marque. »21 Ce sont ces risques que nous allons à présent étudier. Le risque principal est la perte de l’image de marque, noyée par les nouvelles gammes, ainsi que l’explique Ingarao : « la modification des niveaux de qualité et de prix d’une marque implique, pour les consommateurs, des efforts d’accommodation accompagnés d’un raisonnement de catégorisation complexe qui entraînent une dilution de l’image de marque. L’extension vers le bas, tout comme l’extension vers le haut, engendre ainsi une dilution de la marque » (2010). Ce risque est lié à la perte de cohérence et à la perte de la créativité de la marque : son identité et son positionnement. 
4.1. La perte de cohérence et légitimité 
La marque est basée sur la cohérence. Elle traduit une identité, un esprit, une ADN qui lui est propre [Bastien & Kapferer, 2013]. Elle porte des valeurs qui peuvent justifier son extension aux yeux des consommateurs : c’est la définition du territoire de la marque. Cela implique que le nouveau produit doit être porteur de la marque et de cette cohérence. De son côté, le produit peut être porteur d’une image propre. Cette image-produit doit également être en adhésion avec la marque. 
Bic est une marque reconnue pour sa maîtrise du plastique. La marque a commencé une extension continue en proposant des rasoirs jetables, des briquets et même des téléphones portables. En 1988, elle lance des parfums jetables vendus en bar-tabac. Bien qu’innovant et basé sur une technologie que la marque maîtrisait, le nouveau produit est un échec. Bic le retire du marché. Que s’est-il passé ? Les stylos Bic sont associés à une notion de jetable, de pratique, utile et bon marché. Le parfum est associé à l’agréable, au reflet de soi et à un certain prix. Les deux images – marque et produit – n’étaient pas cohérentes et n’ont pas permis au client de croire au produit. Cependant la 
21 Géraldine Michel, La stratégie d’extension de marque, 2000. Paris : Vuibert
41 
marque Bic elle-même n’a pas pâti de cet échec puisque le produit lancé était cohérent avec ses valeurs. 
Dans le luxe, la marque est d’autant plus importante qu’elle est porteuse de sa capacité à produire la distinction sociale. Le produit ne doit pas contredire la marque sous peine d’en faire pâtir l’image et l’univers : ainsi le parfum Barbara Bui n’a pas eu le succès escompté car les consommateurs ne l’ont pas jugé légitime, de même que la maroquinerie Cartier ou Lalique. 
4.2. La sortie du luxe 
4.2.1. Perte de créativité 
Pour Bastien et Kapferer, l’un des autres grands désavantages de l’extension de la marque est le risque d’être pris dans son propre jeu : une marque de luxe doit être innovante, créative et avant- gardiste. Or la stratégie d’extension est une stratégie marketing qui se base majoritairement sur des écoutes de marché et des études du comportement du consommateur. C’est ce dernier qui va en partie créer le produit : le produit doit à coup sûr satisfaire un besoin afin d’être acheté et générer du chiffre d’affaire. C’est ainsi que la plupart des parfums se ressemblent aujourd’hui, afin de plaire au plus grand nombre de consommateurs possibles ; cependant, les jus créés sont fades et se distinguent peu les uns des autres. De même, dans le prêt à porter, la créativité est limitée par les consommateurs qui recherchent avant tout des vêtements pratiques à porter et à laver : le cachemire disparaît au profit du coton. Cette sélection de publicités des parfums Chanel, Dior et Yves Saint Laurent montre combien la perte de la créativité détruit ce qui faisait l’unicité de la marque.
42 
Les égéries Chanel, Dior et Yves Saint Laurent sont toutes trois incarnées par des personnages virils, sauvages et représentés en noir et blanc. 
4.2.2. Perte de la cible primaire 
La perte de cohérence d’une marque passe aussi par la perte de sa cible primaire, qui ne se reconnaît plus dans la marque. La modification du niveau de prix et de qualité engendrée par une stratégie de marque verticale vers le bas risque tout particulièrement de diluer l’image de la marque, de même que son capital-marque [Aaker, 1996]. Le lancement sur le marché d’un produit moins onéreux que le précédent nuit au prestige de la marque, selon Kim & Lavack (1996), diminuant le statut social des actuels possesseurs de la marque. L’accès au plus grand nombre créé un risque de dilution. Une extension de gamme verticale vers le bas diminue forcément le prix d’achat. Comme les consommateurs associent le prestige au prix [Park et al., 1986 ; Petroshius & Monroe, 1987], la baisse du prix influe directement sur l’image de la marque. Lorsque Ford rachète Jaguar en 1989 puis Aston Martins afin de créer PAG – Premier Automobile Group -, le groupe décide d’appliquer une stratégie d’extension vers le bas à Jaguar. La voiture serait désormais accessible à un public de classe moyenne, grâce à la rationalisation du processus de production – utilisation de pièces motorisées Ford Mondeo – et la définition d’un modèle plus petit. L’aura de la marque n’a pas suffi à la sauver de la faillite. En effet, en changeant le produit et détruisant ce qui faisait Jaguar – le moteur, le socle – Ford a détourné les clients initiaux de la marque, qui ne veulent voir ni des Jaguar partout dans la rue22 ni la qualité détournée au profit de la quantité. 
4.2.3. Déficit de rêve 
Le déficit de rêve d’une marque vient de la perte de l’écart entre l’élite et la clientèle accédant au luxe. Plus le luxe est accessible, plus il est diffusé, plus le risque est grand de perdre son potentiel de rêve. Comme l’explique Bastien & Kapferer : « pour les marques de luxe en revanche, la diffusion perçue tue le rêve via la perte d’exclusivité, donc la perte du ressort social du luxe et de la tension du désir de l’autre ». 
22 Bastien & Kapferer, p228
Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le prestige de la marque de luxe
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Mémoire Master 2 Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le prestige de la marque de luxe

  • 1. Université de Strasbourg EM Strasbourg MASTER MARKETING ET GESTION D’EVENEMENTS « Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le prestige de la marque de luxe ? » Par Marion MAISTRE Tuteurs : M. Daniel HAROCHE et M. Angelo PULICE Responsable de Master : Mme Sylvie HERTRICH Année universitaire 2013-2014
  • 2. Université de Strasbourg EM Strasbourg MASTER MARKETING ET GESTION D’EVENEMENTS « Face à la démocratisation du luxe, comment conserver le prestige de la marque de luxe ? » Par Marion MAISTRE Tuteurs : M. Daniel HAROCHE et M. Angelo PULICE Responsable de Master : Mme Sylvie HERTRICH Année universitaire 2013-2014
  • 3. REMERCIEMENTS Avant toute chose, je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont rendu possible la réalisation de ce mémoire. Je pense tout particulièrement à mes tuteurs MM. Daniel HAROCHE et Angelo PULICE qui m’ont soutenue et assistée tout au long de son élaboration. Leur disponibilité, leur écoute et leur bienveillance m’ont permis d’avancer dans ce travail avec sérénité et quiétude. De même je remercie Mme Sylvie HERTRICH, responsable du diplôme, pour la patience et la pédagogie dont elle a fait preuve vis-à-vis de ses élèves, ainsi que Mme Agnès WALSER- LUCHESI pour ses cours de méthodologie et ses bons conseils. Pour le temps qu’ils m’ont accordé, j’adresse mes remerciements à Mme Nathalie ROLAND- HUCKEL, M. Thibault de LA RIVIERE, M. Gilles AUBERGER et les intervenants de la journée de réflexion sur l’industrie du luxe en Alsace. Leurs connaissances ont apporté une lumière nouvelle à cette réflexion. Je souhaite également remercier les étudiants dont les travaux antérieurs à cet ouvrage ont facilité ma recherche, mes remerciements également aux documentalistes qui ont su m’aiguiller. De même, je remercie mes relecteurs pour l’exigence dont ils ont su faire preuve ainsi que leur regard critique sur ce travail. Merci enfin à mes proches pour leur soutien et leur compréhension tout au long de cette année.
  • 4. TABLE DES MATIERES INTRODUCTION GENERALE 01 PARTIE I : LE PRESTIGE D’UNE MARQUE DE LUXE 04 I.1 : La notion de prestige pour l’individu 04 I.2 : Le luxe, un apport de prestige 12 I.3 : La marque de luxe 17 PARTIE II : DE L’EMERGENCE DU LUXE ACCESSIBLE A SON DEVELOPPEMENT 25 II.1 : Le marché du luxe aujourd’hui, et sa clientèle 25 II.2 : La stratégie marketing du luxe accessible 30 II.3 : Le luxe accessible par les extensions de marque 34 II.4 : Les risques pour le luxe 40 II.5 : Autres stratégie de marques : co-branding 43 Partie III : LE PRODUIT, PORTEUR DU PRESTIGE DE LA MARQUE DE LUXE 46 III.1 : Méthodologie 46 III.2 : Analyse des entretiens : l’objet de luxe 48 III.3 : Discussion : vers une nouvelle définition du luxe ? 53 III.4 : Limites du travail 58 CONCLUSION GENERALE 60 BIBLIOGRAPHIE 62 SCHEMAS ET TABLEAUX 66 ANNEXES 67
  • 5. 1 « Jadis alimenté par la consommation ordinaire de gens exceptionnels, le luxe se nourrit aujourd'hui de la consommation exceptionnelle de gens ordinaires », Les Echos, 23 mai 2007 Cette affirmation d’un journaliste des Echos est parue en mai 2007, date à laquelle le journal a publié un dossier sur cette « forteresse entamée » qu’est le luxe. Selon les spécialistes interrogés, le luxe s’effrite et perd de son lustre. En effet, depuis plusieurs années et tout particulièrement depuis les années 1980, la consommation du luxe a évolué. Secteur à part, dont l’accès a longtemps été réservé à une élite – que ce soit par des normes ou par son prix –, il est aujourd’hui devenu accessible. Cette mutation est due à des changements majeurs : la hausse du pouvoir d’achat, à la démocratisation des sociétés et à la mondialisation [Bastien & Kapferer, 2013]. L’actuelle démocratisation du luxe – fait de rendre populaire et accessible le luxe en proposant des produits diversifiés et à un prix inférieur au prix du luxe – est un fait acquis et reconnu par la littérature1. Stratégie voulue par les marques afin de survivre dans un univers concurrentiel toujours plus fort – les marques premium sont de plus en plus qualitatives et la notion de service et personnalisation propre au luxe est appliquée dans la plupart des marchés – ou stratégie subie, la démocratisation est fille de la nécessité pour les marques d’être rentables et viables. Comme l’analyse Marie-Claude Sicard, « les marques de luxe voudraient faire croire qu’elles ne font pas de marketing, mensonge » (2010). De fait, l’industrie du luxe est passée d’un artisanat familial à une industrie financière et distribuée largement [Floch & Roux, 1996]. Utilisant des techniques marketings visant à survaloriser la marque afin de vendre en masse – mass-marketing – les marques de luxe ne maîtrisent pas toujours leurs extensions ou leurs licences, perdant alors leur image. Le mix marketing semble incohérent pour du luxe, et des associations surprenantes apparaissent, comme Sonia Rykiel pour H&M, Christian Lacroix pour TGV… où la marque de luxe est liée à la diffusion en masse, enlevant au luxe son caractère sacré. Le mass-tige – contraction de mass marketing et prestige – est né [Danziger, 2005]. D’autre part, avec un chiffre d’affaire en progression de 10%2 en 2012, le marché du luxe semble pourtant parfaitement gérer cette descente parmi les classes populaires. Et même si les spécialistes du luxe se font critiques et n’hésitent à parler de la mort du luxe et de naissance de l’hyperluxe [Fashion Industry Insight, Décembre 2013], d’autres marques jouent pleinement du mythe de la marque et annoncent des prix exorbitants. Quelle est la réalité du luxe aujourd’hui ? De quel luxe parle-t-on alors ? Pourquoi associer luxe et prestige ? Telles sont les questions soulevées par le 1 Bastien, V. & Kapferer, J-N., 2013 ; Allères, D., 2008 ; Roux, E., 2009 ; De Barnier, V., Falcy S. &Valette-Florence P., 2012 ; Paquot 2007 2 Etude Bain et Cie, 2013, menée sur le secteur du luxe : étude de 10% hors taux de change, ramené à 6% à taux de change comparable
  • 6. 2 marché du luxe, amenant alors la problématique de cette recherche : face à la démocratisation du luxe, comment conserver le prestige de la marque de luxe ? Pour y répondre, il faut commencer par étudier, dans une première partie, le fondement du luxe : la recherche de prestige et d’appartenance. L’humain est un être social qui cherche à montrer son appartenance à un groupe tout en se référençant à un groupe idéal [Darpy, 2012]. Le prestige rejoint l’identification à un groupe de référence. Les marques de luxe peuvent répondre à ce besoin de prestige [Kim et al., 2001]. L’analyse de la marque de luxe et sa réponse au besoin de prestige de l’individu permettra de poser les concepts nécessaires à la compréhension de l’importance de l’image de marque pour le luxe et le prestige. En effet, l’image de marque est très importante pour les entreprises, mais pour les marques de luxe elle revêt un rôle tout particulier. C’est elle qui est porteuse de l’histoire de la marque et ce qui fait d’elle du luxe : l’élément différenciateur. Oublier de travailler son image de marque pour le luxe, c’est prendre le risque de ne plus se démarquer, de ne plus avoir un atout différenciant. En étudiant la composante de la marque de luxe, nous parviendrons à comprendre son fonctionnement et la façon dont elle créé le prestige et le transmet. Dans une seconde partie, l’analyse des concepts de démocratisation du luxe et mass-tige permettra de comprendre leur réalisation. Il semblerait effectivement que plusieurs types de luxe coexistent [Vigneron & Jonhson] dépendant de la marque et de son image. Ceci est également lié aux choix stratégiques lors de la définition des produits, passant par plusieurs stratégies marketing : les licences, le co-branding et l’extension de marque. Par définition, l’extension de marque correspond à l’élargissement du territoire d’une marque vers une nouvelle catégorie de produits3. Pour, Kapferer, « l’ère n’est plus aux marques mono-produits. La marque ne se vit plus comme un produit, mais comme un concept : or, une fois construit, un concept s’élabore et se renforce par des extensions » (2007)4. Le co-branding, quant à lui, consiste à associer deux marques distinctes afin de créer un nouveau produit profitant de la renommée des deux marques. On pense notamment au partenariat de Coca-Cola avec la marque James Bond, ou même avec Jean-Paul Gaultier. Dans ce cas, le co-branding permet à Coco-cola de toucher une cible différente de son coeur de cible. Cependant, un risque de perdre son auditorat premier ou de créer une confusion entre les marques existe. L’utilisation d’un nom de marque connue rassure le consommateur sur la qualité et les caractéristiques des produits et permet à celui-ci d’accepter le nouveau produit [Kim et al., 2001]. Cependant, selon Dimitriadis (1993), « à partir du moment où le consommateur tient compte de la 3 Lendrevie & Levy, Mercator, 2013, 10ème édition. Paris : Dunod 4 Kapferer, J-N., 2007, p74
  • 7. 3 marque pour faire son évaluation et que cette même marque se retrouve sur deux (ou plusieurs) produits, il faut étudier les liens que le consommateur fera entre ces produits du fait de la présence de la marque commune ». De fait, les extensions de marque se multiplient, pensons à Armani qui propose Emporio Armani, Giorgio Armani, Armani Privè pour différents publics ou encore Cartier, joaillier, qui produit désormais de la maroquinerie5. En effet la diffusion massive de produits associés à une marque de luxe risque aussi de nuire à sa reconnaissance par son coeur de cible : les élites de la méritocratie. Un autre risque apparaît également : la perte d’identité liée à la délocalisation et la démocratisation. Les produits sont fabriqués à l’étranger pour réduire les coûts de main d’oeuvre et ouvrir le marché de clientèle. Est-ce qu’un sac Louis Vuitton produit en Italie respecte le luxe français ? Enfin, une dernière question apparaît, est-ce qu’un vernis à ongle Chanel appartient encore au luxe ? L’extension verticale risque de noyer le luxe dans les marques modes, premium et haut de gamme – la qualité des produits devenant alors similaire. Seule la marque reste porteuse du rêve lié au luxe – et non plus le produit. Extension de marque et prestige de la marque ont déjà été étudiés dans la littérature [Kim et al., 2001], sans réussir à prouver qu’une extension de marque nuisait au prestige de la marque de luxe. Il semblerait que cela dépende de la perception du consommateur et de l’image de la marque. Cette hypothèse n’ayant jamais été vérifiée, nous essaierons de découvrir dans cet écrit si ce lien existe. La troisième partie de cette recherche permettra de comprendre la démarche que les marques de luxe doivent suivre si elles veulent continuer à refléter le prestige et l’envie. Ces recommandations sont basées sur l’analyse des entretiens réalisés. 5 Les extensions de marque font d’ailleurs l’objet d’une littérature nombreuse, en augmentation chaque année
  • 8. 4 PARTIE I : LE PRESTIGE D’UNE MARQUE DE LUXE Afin de comprendre comment une marque de luxe peut conserver son prestige face à la démocratisation du luxe, il convient tout d’abord de définir ce que sont le prestige et une marque de luxe. Il faudra aussi comprendre pourquoi le client ressent le besoin de consommer6 du luxe. Le prestige, pour le Larousse, est « la qualité de quelque chose ou quelqu’un qui frappe l’imagination et impose l’admiration par son éclat et sa valeur ». Ce concept, dans son sens premier, signifie illusion, et pour le Trésor de la Langue Française, il est un enchantement des sens et de l’intellect par une manifestation artistique ou culturelle. Nous considèrerons dans ce travail que le prestige est lié d’une part à la perception de l’individu en fonction de sa place dans la société ainsi qu’aux attitudes et comportement7 en usage dans celle-ci ; d’autre part du point de vue de la marque en fonction de son exclusivité, sa qualité et du mythe qui l’entoure. 1. La notion de prestige pour l’individu L’étude du comportement humain est nécessaire à la compréhension de la recherche de prestige par celui-ci. L’être humain a des besoins et des désirs communs à tous, qui ont été définis et ont fait l’objet d’études, notamment en psychologie sociale. La notion de besoin se rapporte à une situation naturelle de manque, un déséquilibre qu’il faut combler. La faim, le sommeil, le froid sont des besoins à combler au même titre que la domination, le jeu, l’intellect. Les premiers sont qualifiés de biogéniques car rattachés à notre nature humaine. Les seconds sont décrits comme psychogéniques8 : ils sont dépendants de notre appartenance à une société. Denis Darpy précise que « les besoins résultent donc souvent de normes sociales » (2012). On recherche un produit pour la façon dont il va répondre au besoin. Ainsi, on désire une montre pour répondre à un besoin d’appartenance et de prestige ; une horloge ou un cadran solaire aurait pu tout aussi bien indiquer l’heure, mais il est plus prestigieux d’avoir une montre. Ce n’est pas le produit qui créé le besoin : le besoin est antérieur, il existait auparavant. De plus, d’une part le désir est l’expression du besoin et sa prise de conscience. Il est défini comme « l’expression culturellement apprise d’un besoin » par Joël Brée (2009, p70). Il est surtout la partie la plus subjective du besoin. D’autre part, un même besoin peut correspondre à plusieurs désirs. Celui qui voudra séduire (besoin) pourra choisir de se 6 Chevalier & Mazzalovo (2008) considèrent que le terme « consommateur » est inadapté dans le secteur du luxe étant donné que ce dernier est considéré comme non-consommable. Cependant, pour faciliter la compréhension de ce travail, nous utiliserons le terme « consommateur » du luxe aussi bien que « client » du luxe. 7 Joëlle Michaud cite les différentes théories de sociologies l’amenant à ces distinctions p.4 8 On utilise également les notions de « besoins hypothalamiques » et de « besoins limbiques » ou de « besoins absolus » et de « besoins relatifs ».
  • 9. 5 parfumer (désir de sentir bon), faire du sport (désir d’être svelte), se maquiller (désir d’améliorer son apparence). Maslow (1943) a hiérarchisé les besoins selon différents niveaux. Cette typologie distingue les besoins fonctionnels (sommeil, nourriture), de sécurité (logement, sûreté), d’appartenance à un groupe (amitiés, amour), de reconnaissance (honneur, gloire) et de réalisation de soi (culture, sagesse). Figure I : Pyramide des besoins dite de Maslow (1943) Source : Maslow, A., A theory of human motivation, Psychological review, 1943, pp 370-396 Alderfer (1972) a également déterminé un modèle appelé ERG9 reprenant ces notions de distinction des besoins entre des besoins de survie, de vie en société et de réalisation personnelle. Le besoin de prestige est un besoin relatif, c’est-à-dire créé par rapport à une société et reposant sur l’imaginaire. En effet, pour Daniel Allères « passé un certain niveau de développement économique, le système de consommation va devenir un phénomène culturel : le besoin comme nécessité sociale de signe et non pas comme nécessité vitale de consommation » (2005). De fait, les sociologues et psychologues analysent les motivations profondes des besoins comme étant un besoin d’identification, de distinction et de reconnaissance ainsi qu’un besoin de rêve et de fantasme. 9 Le modèle ERG ou Existence, Relatedness, Growth a été décrit par Alderfer en 1972. Il considère que les besoins sont reliés à la survie de l’individu (existence), aux contacts humains (relatedness) et à son épanouissement personnel (growth) Epanouissement Reconnaissance Appartenance à un groupe Sécurité Survie
  • 10. 6 1.1.Le prestige social : groupes de références et élévation sociale Les sociétés sont structurées selon une stratification : divisées en groupes sociaux – strates – selon des critères variables – religieux, économiques, … Marx et Weber ont tous deux défini différents types de sociétés. Qu’elles soient basées sur des principes distincts n’est pas le sujet de cette réflexion. Ce qui nous intéresse ici, c’est leur capacité à souligner l’existence d’une hiérarchie dans la société : hiérarchie économique mais également issue d’un besoin humain d’avoir un ordre social établi [Hobbes, 1651]. Cependant, l’homme n’aime avoir un ordre établi que pour mieux le dépasser et se prouver qu’il peut évoluer. Selon Weber, le prestige est ce qui créé le statut et la stratification sociale. Le prestige est ainsi fondé sur le style de vie, le niveau d’instruction ou de culture, la naissance (aristocratie) ou encore l’exercice d’un métier particulier (médecin, avocat). Le statut est acquis en fonction de sa consommation et son style de vie. On montre son statut grâce à des symboles qui permettent également de créer une certaine ségrégation ou distinction des autres statuts. Ainsi, l’objet permet de s’identifier à un groupe : c’est un ensemble de signes et symboles qui sont reconnus par les autres [Allérès, 2005 ; Darpy, 2012]. Posséder un objet c’est déclarer appartenir à un groupe. Au-delà de la société existe le groupe social défini par la proximité des liens et le partage de valeurs. Deux types de groupes sont définis : les groupes d’appartenance et les groupes de références. Les groupes d’appartenance sont ceux auxquels un individu appartient de par leur proximité : les liens sont directs entre l’individu et le groupe. Les valeurs peuvent ne pas être partagées. Ce sont en général la famille, la nationalité, l’entreprise, les amis. Au sein des groupes d’appartenance, la hiérarchie est souvent structurée et définie. Les groupes de références sont des groupes d’individus auxquels l’être humain s’identifie soit par attirance soit par rejet. Il s’agit des groupes de tendances ou tribus. Soit la personne souhaite être comme les individus du groupe, soit elle fera tout pour ne pas leur ressembler.
  • 11. 7 Figure II : Les groupes sociaux par rapport à l’individu Source : Tunca, 2012 De par le besoin de conformisme de l’individu10, les groupes influent directement sur le comportement de l’individu – soit en le poussant à agir, soit en refreinant l’action. L’influence du groupe sur le choix du produit ou de la marque dépend de sa consommation – privée ou publique – ainsi que le montre le tableau suivant. Figure III : Influence du groupe sur les comportements de consommation Utilitaire (faible influence) Hédoniste (forte influence) Utilisation privée (faible influence) Nécessité privée (papier toilettes, piles, pâtes et riz…) Luxe privé (home cinéma, auto-cuiseur, centrale- vapeur…) Utilisation publique (forte influence Nécessité publique (voiture, lunettes, téléphone, montre…) Luxe public (bijoux, ski, bateau, club de golf) Source : Darpy, 2012 ; Tunca, 2012 10 Diverses études sociales ont montré le fort besoin de conformisme de l’être humain, la plus connue étant celle de Ash. Ce psychologue américain a réalisé une expérience sur des individus : ceux-ci devaient étudier divers dessins similaires mais différents et dire s’ils étaient identiques. Dans le groupe d’individus, tous sauf un étaient des acteurs qui devaient affirmer la similitude des dessins même quand ce n’était pas le cas. Le « cobaye » est alors confronté à un dilemme : dire la vérité ou rejoindre le groupe. Après plusieurs essais, l’expérience montre que l’individu préfère suivre le groupe même s’il sait avoir tort plutôt qu’être différent.
  • 12. 8 Les produits nécessaires sont avant tout jugés sur leur utilité. Les produits luxueux n’ont pas cette utilité première : ils satisfont des besoins acquis. On considère que le luxe privé satisfait un besoin personnel de qualité et de produit réussi – respect de soi et élévation psychique. Le luxe public est fait pour être exposé – appartenance sociale ou réussite. Le groupe de référence aura un poids d’autant plus grand sur ces produits. La vision de soi pour un individu dépend ainsi de sa perception de lui-même, de sa perception de son entourage (soi social) et de son soi idéal. Ce dernier est un désir permanent d’élévation de soi : il correspond à ce que l’individu voudrait être. Rattaché au besoin, le soi social doit combler les besoins d’appartenance à un groupe et de reconnaissance ; le soi idéal, le besoin d’épanouissement [Darpy, 2012]. L’humain se réfère non seulement au groupe social auquel il appartient mais également à un groupe de référence dans lequel il se reconnaît par les valeurs, le statut social et auquel il tend à appartenir. Ces groupes définissent ses comportements d’achat. 1.2.Rêve hédoniste de l’objet de luxe Les marques de luxe se reposent sur le rêve. L’être humain a besoin d’un idéal vers lequel tendre, et, comme l’expliquent les sciences sociales, le rêve caractérise l’humain. Contrairement au désir qui est fugace et disparaît une fois satisfait, le rêve perdure et peut même durer toute une vie. La société actuelle est une société hédoniste, qui s’intéresse au plaisir par opposition au matérialisme. L’individu ne cherche plus simplement à satisfaire des besoins primaires mais il souhaite également répondre à un besoin d’amusement et de plaisir. Il en découle deux types de consommation différents : la consommation utilitaire et la consommation hédoniste. La première est la conséquence d’un besoin fonctionnel et primaire. La seconde quant à elle satisfait des aspirations supérieures mais peut alors apparaître comme frivole car non-nécessaire. Dans un produit, la dimension hédoniste est subséquente aux sensations qui apparaissent lors de son utilisation alors que la dimension utilitaire découle directement des fonctions du produit [Michaud, 2006]. Ainsi, un même produit peut répondre aux deux dimensions. Une montre permet de connaître l’heure : on la choisira en fonction de sa fiabilité ainsi qu’également de son poids, de la durée de vie de la pile, de son étanchéité, mais aussi pour son esthétisme, le dessin des chiffres, la marque. Un produit peut ainsi avoir des attributs fonctionnels et des attributs hédonistes. Face au nombre grandissant de produits et de leurs significations – pour Allérès (2005), les individus se définissent par rapport aux objets et leur symbolique –, le consommateur se tourne vers l’expérience, l’émotion, les sensations et les produits lui permettant d’atteindre un monde de rêve et
  • 13. 9 d’imagination [Holbrook, 1993]. Cette notion de plaisir est même qualifiée de bénéfice de nature intangible pour le produit de luxe, par Dubois, et al. (2001). La composante hédoniste du luxe est liée au caractère pluri sensoriel du produit comme l’indiquent Bastien & Kapferer (2013) mais également au plaisir qui ressort de sa consommation. « La consommation du luxe est hédoniste, et désigne les facettes du comportement du consommateur qui sont liées aux aspects sensoriels, imaginaires et émotionnels de l’expérience de consommation. Les produits de luxe renforçant les significations véhiculées par les objets, par les émotions et les sensations. L’achat d’un produit de luxe est lié au plaisir de l’instant, au sentiment de satisfaction intrinsèque, gratification dont est avide le consommateur », Almeida, et al. (2008). 1.3.La sensibilité aux marques génératrices de prestige : la valeur perçue du luxe Aaker (1999) explique qu’une marque permet de s’exprimer et de refléter sa véritable personnalité. Kim et al. (2001) précise d’ailleurs qu’une marque est perçue comme attirante lorsqu’elle permet à l’individu de s’exprimer et qu’il s’identifie à la marque11. L’individu va s’intéresser aux marques afin de pouvoir dire qui il est et l’affirmer à la société – que ce soit une société réduite et sélectionnée ou bien le monde entier. Kim et al. (2001) considèrent qu’il existe différents types de marques : les marques dites fonctionnelles et les marques dites de prestige. Les marques fonctionnelles correspondent aux marques vendant des produits utiles et nécessaires au quotidien, comme Casio ou Renault. Les marques dites de prestige permettent d’accéder à un statut social plus élevé. Les marques associées à ce type de qualification sont par exemple Rolex et Rolls Royce : les marques de luxe. Selon Kim et al., le prestige de la marque repose sur l’impression d’exclusivité – distribution, service, produit – et sur la qualité des produits. Cependant, il s’avère que, d’après les études de Roux (1991) et Vigneron & Johnson (1999), la notion de prestige de la marque dépend de l’individu. Selon Vigneron & Johnson, la consommation de marques de prestige est considérée comme un signe de statut social et de possession de biens. La marque augmentera d’autant plus le prestige d’un individu que le prix du produit est perçu comme supérieur aux standards, et que sa distribution est limitée. Le prestige est également issu de la conception du produit et du soin extrême porté à sa réalisation : plus le produit semblera artisanal ou d’une technique supérieure, plus il sera prestigieux. A ce titre, une montre Rolex pouvant fonctionner sous l’eau jusqu’à 1,220 mètres de profondeur sera plus prestigieuse qu’une simple montre ne pouvant fonctionner sous l’eau [Vigneron & Johnson, 1999]. Ils précisent également que 11 Texte original : « The brand will be perceived as attractive when it helps a person to express him/herself, and when the person identifies with the brand », 2001
  • 14. 10 l’esthétique et l’hédonisme sont des critères de prise en compte d’augmentation du prestige, une fois la marque établie comme prestigieuse. Ainsi si une marque est considérée comme illustre, l’attention portée au caractère esthétique de ses produits sera génératrice d’un prestige encore plus grand. De plus, Vigneron & Johnson (1999) ont établi que la recherche de prestige était propre à chaque individu et dépendait de son environnement (économique) et de ses motivations. Ainsi, les motivations d’expression de soi et de sociabilité sont primordiales. C’est pour étudier ces motivations que nous nous pencherons sur les cinq valeurs du prestige et les motivations de recherche dont ces valeurs découlent. Figure IV : Valeurs de prestige par rapport aux motivations Valeurs Motivation Ostentatoire Veblen (Statutaire) Différenciation Snob Appartenance Bandwagon (Suiveur) Emotionnelle Hédoniste Qualité Perfectionniste Source : Vigneron & Johnson, 1999 Appartenance et différenciation sont deux manières distinctes de développer le concept de soi, comme l’indiquent Dubois & Desquenes (1996). Le Veblen doit son nom à Thorstein Veblen (1899) qui considérait que l’ostentatoire était utilisé pour signifier son statut social et ses revenus. La possession démontre le pouvoir de son détenteur. Le prix et la notoriété des marques sont alors les deux preuves de la qualité du produit. Les Snobs cherchent à se différencier du reste de la population en achetant en priorité les produits des marques qui sont limitées d’accès et en rejetant les marques qui sont en diffusion massive. Un produit rare à une valeur plus importante. Sa possession impose le respect et le prestige. La motivation des Suiveurs est d’appartenir à une classe sociale plus prestigieuse et de se détacher de leur classe sociale selon eux moins reluisante. Ils cherchent à se conformer à une symbolique associée au prestige. Cette motivation apparaît, dans la littérature, comme la raison première de consommer du luxe. Les trois valeurs associées à ces comportements sont considérées comme interpersonnelles car dépendantes du regard des autres. Les deux autres valeurs sont liées à la perception personnelle.
  • 15. 11 Figure V : Effets interpersonnels sur la recherche de prestige L’hédoniste recherche le plaisir et le perfectionniste un produit de qualité. Ces deux composantes sont offertes par les marques dites premium aussi bien que les marques de luxe. Ainsi, un individu recherchant avant tout la qualité préfèrera une Lexus à une Roll Royce dont les défauts sont connus. Son prestige social en sera amoindri d’autant. Alors que l’individu préférant une Ferrari à une Lexus indiquera son statut social. L’hédoniste pourra préférer une expérience incroyable mais ne lui apportant aucun prestige direct : un saut en parachute est une expérience hédoniste – pas d’utilité fonctionnelle – mais sans prestige direct. Le perfectionniste cherchera avant tout un produit parfait au niveau de la qualité. A ce niveau, Macintosh correspond au perfectionniste ; ce n’est pas un produit de marque – au départ – mais un produit reconnu pour sa qualité. L’esthétique devra être présente mais sans être prioritaire. De plus, ainsi que l’expliquent Bastien & Kapferer (2013), le prestige est directement lié à la marque et l’occasion de consommation. Plus un individu aura l’occasion de porter publiquement son achat d’un produit de luxe, plus le produit et son propriétaire seront valorisés. Le produit de luxe joue un rôle social : s’il n’est pas vu, même s’il est utilisé, il perd une partie de sa fonction première. Des chaussures Louboutin ne sont pas faites pour être portées en intérieur, sans être vues. Une montre Patek Philippe, même discrète, est portée en public afin que les initiés, en la voyant connaissent la valeur de son propriétaire. Un vase Daum ou un lustre Baccarat ne resteront pas au fond du grenier : ils seront exposés dans la maison. La valeur perçue est d’autant plus élevée que le consommateur en voit son bénéfice social – son prestige – augmenter. Effets interpersionels Valeur ostentatoire Ostentation Veblen Valeur d'unicité Non-conformité Snob Valeur sociale Conformité Bandwagon Valeur Motivation Dénomination
  • 16. 12 Le consommateur du luxe porte avant tout son attention au plaisir et à l’accomplissement de soi mais également au regard des autres. Il est en conséquent fortement impliqué lors de sa consommation d’où l’importance de la valeur perçue du produit. Lors de l’achat d’un produit, le client fixe une certaine valeur au produit. Cette valeur est souvent différente de la valeur voulue par l’entreprise. Elle est définie par le sacrifice accepté par le consommateur : ce que l’individu est prêt à donner pour acquérir l’objet. Le sacrifice est aussi bien lié à l’aspect monétaire de l’achat mais également au temps consacré à l’achat, à la recherche du produit adéquat, aux efforts consacrés pour comprendre son utilisation, aux risques liés à l’achat ou la consommation. C’est pour cette raison que la valeur perçue d’un produit n’est pas toujours liée à son rapport qualité-prix. Aurier et al. (2004) ont défini six valeurs pour définir la valeur perçue d’un produit : utilitaire, connaissance, stimulation expérientielle, expression de soi, lien social, spiritualité. On parle également de valeur fonctionnelle, valeur économique, valeur ludique et valeur esthétique [Darpy, 2012]. De par son prix élevé, l’objet de luxe a une valeur forte, d’autant plus qu’il augmente le pouvoir imaginaire et le lien social d’un individu. Bien que la valeur perçue soit subjective et propre à chaque individu, on considère souvent que plus un consommateur est impliqué lors de l’achat d’un produit, plus sa valeur perçue augmente ; plus les sacrifices sont élevés, plus l’attente de bénéfices en retour est grande. Une fois compris les notions de prestige du point de vue de l’individu et le besoin de reconnaissance sociale, il est nécessaire d’expliquer ce qu’est une marque de luxe et d’étudier son fonctionnement afin de réaliser comment une marque de luxe peut créer du prestige. 2. Le luxe, un apport de prestige 2.1.Tentative de définition C’est du luxe ! Quel luxe ! C’est un petit luxe. Le terme luxe est employé couramment pour désigner des notions différentes, mais souvent relatives à la perception de l’individu en comparaison à son quotidien. Ainsi, pour certains, le luxe sera de bénéficier d’une journée de repos. Pour d’autres, le luxe sera d’être en famille. Mais ces types de luxe sont considérés comme « des » luxes – l’attention est portée à l’indéfini devant le mot, qui change sa signification. Le luxe quant à lui est un concept difficile à définir de par sa fonction symbolique et sociétale.
  • 17. 13 D’après l’étymologie, le luxe viendrait de luxus, qui signifie faste, abondance et excès. La notion de lumière (lux) est également évoquée par Sicard (2005) : le luxe serait ce qui brille. Le Larousse (2004) désigne le luxe comme « ce qui est coûteux, raffiné et somptueux ». D’après la littérature, le luxe est « subjectif, personnel et perceptuel » [Laurent & Dubois, 1996]. Pour Mason (1981), « un produit est considéré comme luxueux si l’élasticité de la demande par rapport au revenu est supérieure à un ». Selon Lombard (1989), « un produit de luxe est un objet acquis ou reçu pour se faire plaisir ou se valoriser ». D’après Allerès (1997) « Toute création hors du commun, de l’ordinaire, extraordinaire, synonyme de beauté, d’esthétique, de raffinement, produit magique, empreint de séduction, objet ludique, évocateur de rêve, de plaisir, promesse de bonheur, est qualifiée de prestigieuse, “haut de gamme”, inaccessible produit de luxe ». Selon Roux (1991), « la marque de luxe se caractérise par une valeur ajoutée symbolique imaginaire ou sociale qui la différencie des autres. La marque de luxe correspond ainsi aux besoins symboliques que le consommateur peut ressentir (par opposition aux besoins fonctionnels ou de variété) ». Pour Touzani & Laouti (2005), « le luxe relève le plus souvent de l’inaccessible, du rêve et de l’élévation symbolique. A travers sa dimension ostentatoire, il est également source de différenciation sociale et d’appartenance à des groupes de référence. […] il revêt une dimension hédonique – caractérisée par la recherche d’émotion, de plaisir et de beauté – et une dimension existentielle – marquée par la volonté d’affirmation, d’expression et de réalisation de soi ». Il en ressort, globalement, que chacun définit le luxe à sa façon en partant de principes reconnus de tous : le rêve, et la valeur symbolique du luxe qui permet de recréer de l’écart. 2.2.Les attributs du luxe Pour Bastien & Kapferer, « le luxe est fondé sur l’hédonisme et l’esthétique » (2013), c’est d’ailleurs ainsi qu’il répondrait au besoin d’idéal de l’homme. Les attributs essentiels du luxe sont : le prix, la rareté, la durabilité, l’authenticité ainsi que la valeur symbolique et la notion de rêve. La rareté et le prix sont souvent les deux concepts mis en avant lorsqu’on interroge des individus sur la notion de luxe [Touzani & Laouti, 2005]. Le rapport du luxe à l’argent n’est plus à démontrer. Tous deux permettent de définir une stratification sociale : l’argent en permettant d’acheter, le luxe en cultivant. De plus, longtemps le luxe et l’argent ont été possédés par une même classe sociale : l’élite, la noblesse. En effet, plus un produit est cher, plus il sera difficile d’accès par la majorité de la population et sera alors considéré comme luxueux. Enfin, comme vu précédemment, certains clients n’achètent des produits que s’ils
  • 18. 14 sont chers et reconnus comme tels afin de mieux se valoriser socialement. Cependant croire qu’un prix élevé suffit à faire le luxe est illusion. La valeur du luxe est différente de son prix : elle est également dépendante du travail fourni pour l’obtenir et de la symbolique de l’objet pour le consommateur. La rareté est le second concept généralement associé au luxe. Bernard Catry (2007) considère qu’il existe plusieurs types de rareté comme l’indique le schéma suivant. Figure VI : Compatibilité du volume avec le type de rareté (naturelle à virtuelle) Source : Catry, 2004 Un produit massivement distribué ou disponible ne peut pas faire rêver : il est accessible à tous. Il ne permet pas de se différencier ni de répondre à des aspirations sociales. Les produits non rares répondent à des besoins physiques. L’exclusivité est une notion utilisée en marketing : les promotions, les ventes éphémères ou les éditions limitées sont autant de stratégies marketing illustrant le besoin humain d’exclusivité. L’être humain veut être différent des autres, à part, afin d’être valorisé. La rareté est directement liée à l’exclusivité. Le vrai luxe est celui dont la rareté est avant tout physique ou humaine – ressources ou compétences. Il implique une distribution limitée car le stock est épuisable. Cependant, la rareté peut aussi passer par des contraintes techniques, des innovations technologiques ou une distribution contrôlée. Ferrari produit moins de 6000 voitures par an, afin de créer de la rareté et augmenter l’attente. La satisfaction à l’achat en est d’autant plus grande. De son côté, Chanel innove régulièrement la technologie d’ouverture de ses rouges à lèvres Faible •Ingrédients, composants, expertise humaine rare, limite de capacité •Diamants, bagues, fourrures Moyenne •Techno-rareté, innovations, nouveaux produits •Toyota et la voiture hybride Moyenne •Editions limitées, sur mesure, one to one •Les Exclusifs de Chanel Bonne •Rareté fondée sur la distribution •Ferrari Pas de limite physique •Rareté informationnelle, star system, marque, secrets et rumeurs •Magasins éphémères, Fashion Week Distribution
  • 19. 15 tout en étant les seuls sur le marché à le faire. La rareté permet de créer un sentiment d’exceptionnel et d’unique. D’après les consommateurs, la qualité est le troisième élément qui définit l’objet de luxe, au même titre que son prix et que sa rareté. Le client attend d’un produit de luxe qu’il soit de bonne fabrique et qu’il soit durable : inscrit dans le temps. Cependant, un produit de parfaite qualité n’est pas toujours considéré comme du luxe ; sa qualité ne passe pas par une absence de défaut mais par l’utilisation de matériaux résistants au temps et à l’usure. Il pourra ainsi perdurer. Un lustre Baccarat gardera son éclat plus longtemps qu’un lustre en verre. Une fourrure Fendi résiste au temps, de même que les malles en cuir Vuitton. La qualité inclut l’imperfection. La qualité d’une montre Cartier est indéniable. Pourtant, sa mécanique la rend plus lourde et nécessité de la remettre à l’heure chaque année : elle est résistante par ses matériaux mais l’esthétique passe avant la perfection. La qualité seule ne fait pas rêver. La notion d’esthétique est également partagée par l’artisanat dont l’objet de luxe fait partie. Il se reconnait par sa qualité, le temps passé à le créer, et le rapport à l’humain. Ainsi un produit de luxe est un produit d’art, issu de l’artisanat. Il est fait par un Homme pour un Homme. L’industrie du luxe est mécanisée au minimum. Les finitions sont manuelles. D’après Bastien & Kapferer, plus il y a d’hommes pour réaliser un objet, plus l’objet perd son luxe et son humanité. Autrement dit, un produit artisanal fabriqué par un homme seul a plus de valeur que celui produit par une machine. Il est vrai que le retour du « fait à la main » ou plutôt « fatte a mano » pour la conception maroquinerie italienne semble souligner cette affirmation. Cela implique qu’un objet de luxe doit être fait entièrement ou en partie à la main. De plus, la notion d’artisanat souligne l’importance des savoir-faire et de la maîtrise d’une technique particulière. Cependant, l’artisanat seul n’explique pas le luxe – sans quoi chaque artisan serait directeur d’une maison de luxe. L’appartenance au luxe est également liée à une histoire : la marque doit avoir un héritage ou à défaut un méritage12 – mérite et héritage – expliquant son mythe. Cette notion de mythe et d’histoire est liée à la personnalité du créateur, réel fondateur d’une marque de luxe. Une marque est un nom : Chanel, Dior, Yves Saint Laurent. Ou alors elle reflète une personnalité : Hermès, Ralph Lauren, Montblanc, … Cette histoire permet de créer l’univers de la marque : un espace où la marque pourra déployer son style de vie avec des symboles et des valeurs connus. Le mythe passe aussi par la création d’un univers, d’une cosmogonie avec ses icônes et ses rituels. Le rapport du 12 Le méritage est le terme utilisé pour décrire les marques récentes ou américaines, qui n’ont pas accès à un passé de 200 ou 300 ans et fondent leur succès sur le mérite de leur créateur et sur des mythes inventés. La Maison de Haute- Couture ESCADA est un exemple de méritage.
  • 20. 16 luxe au sacré revient régulièrement, ne serait-ce que par son origine : les premiers objets de luxe étaient mis dans des tombes pour représenter le mort dans l’au-delà et étaient sacrés. La notion d’innovation découle directement du créateur. La marque de luxe est avant-gardiste. Elle est là où on ne l’attend pas et ne cherche pas à correspondre à une cible. Coco Chanel a inventé des tenues choquantes pour son époque, mais qui sont aujourd’hui perçues comme naturelles. Yves Saint Laurent a été le premier à dessiner un tailleur féminin. Montblanc a inventé le premier stylo à plume qui ne coule pas. La marque de luxe est en avance sur son temps, au même titre que l’art, d’où les alliances nombreuses entre les galeries d’art contemporain et les marques de luxe : la Fondation Cartier en étant l’initiatrice. Tout comme l’art, la marque de luxe permet d’atteindre un idéal et de s’élever spirituellement [Bastien & Kapferer, 2013]. Elle a une notion de sacré. Enfin, le luxe est plaisir. Cela implique que l’objet de luxe est pluri sensoriel. Figure VII : Les mots clés du luxe : une définition ? Les différents mots clés du schéma ci-dessus sont les différents principes repris par Marie-Claude Sicard, Bastien & Kapferer, Daniel Allérès et Chevalier & Mazzalovo. Luxe Esprit créateur Rareté Prix Qualité Rêve mythe univers Hédonisme Art et esthétique Savoir- faire et artisanat
  • 21. 17 Cette étude des différentes composantes et définitions du luxe montre bien que celui-ci est difficile à cerner mais surtout qu’il est porteur de signes et symbolique. 2.3.Le luxe pour les autres et le luxe pour soi : le rôle du luxe D’une part, le luxe est basé sur le désir d’appartenance à une classe supérieure grâce à des symboles [Bastien & Kapferer, 2013]. Grâce au luxe, chacun peut atteindre son rêve d’appartenance à tel ou tel groupe. Ainsi, tant qu’un objet est signifiant social, il conserve un statut de luxe. A contrario, le moment où l’objet perd son statut de stratificateur social signe la perte du luxe. Le luxe est alors un marqueur social : il doit être visible et montré. Il repose sur des codes explicites – ceux de la marques – ainsi que culturels. Il symbolise la réussite sociale. D’autre part, le luxe possède une composante personnelle très forte : il doit faire plaisir. C’est la recherche d’hédonisme et de satisfaction. Il ne s’agit pas seulement d’impressionner ou d’afficher un statut, de consommer pour consommer, mais également de faire adhérer le client à une culture, de toucher les individus en quête de sens et pas seulement de signes. Deux versants du luxe s’opposent : le « connecting luxury » celui qui permet de s’afficher socialement et le « cocooning luxury », celui qui permet de vivre une expérience individuelle. Ces deux facettes sont mesurées par le Luxury Institute et expliquent la complexité de la définition du luxe. 3. La marque de luxe L’acte d’achat suppose généralement une prise de risques de la part du consommateur. Lorsque la marque du produit a un impact social fort, on estime que son obtention est délicate. L’achat demande au consommateur de s’impliquer [Vigneron & Johnson, 1999]. Celui-ci cherche en conséquent à se rassurer : c’est la marque qui va jouer ce rôle. La marque est un nom, un logo, un symbole, une image permettant de reconnaître une entreprise. Elle se présente au consommateur sous différentes formes : - le signe verbal (nom, slogan), - le signe visuel (logo, couleurs, design), - le signe sonore (jingle), - le produit phare ou la forme du produit. La marque génère la confiance : elle garantit l’origine des produits, elle est porteuse d’une promesse qui la distingue de ses concurrents, elle rassure les individus en valorisant leur choix. Elle crée en
  • 22. 18 conséquent de la valeur pour le consommateur et l’entreprise. Pour Aaker (1996), « elle aide le consommateur à traiter l’information sur le produit, elle différencie le produit et le positionne, elle fournit des raisons d’acheter, elle tend à développer un sentiment positif à l’égard de la marque et elle permet des extensions de marque ». Ainsi, la marque facilite le processus d’achat pour le consommateur. Elle a également une valeur financière, commerciale – actif immatériel – et l’entreprise est directement liée à son image – en interne comme en externe [Lendrevie, Lindon, Lévy, 2013, pp. 802-808]. Cette définition issue du Mercator suffit à elle-même à justifier l’existence des marques et expliquer les nombreuses recherches qui portent sur ce sujet. Le Publicitor va même plus loin, parlant d’un pouvoir d’influencer le consommateur. Ainsi Kapferer (2007) explique que la marque est liée au risque perçu sur un marché et en dépend. Elle doit fournir un bénéfice client mais également porter un dessein. La marque de luxe a une valeur financière, commerciale et de distinction sociale supérieure aux marques classiques et premium de par le prestige dont elle est porteuse. Les produits – créations – et rêves qui lui sont associés sont la raison de cet écart de même que l’identité de marque. Mais comment construire une marque de luxe ? 3.1.Une marque avant tout 3.1.1. De la notoriété à l’image : l’identité de marque Pour apprendre à construire une marque de luxe, il faut comprendre qu’une marque a des fonctions et des bénéfices clients, détaillés par Kapferer (2008). La communication permet de faire connaître les avantages de la marque aux clients et ainsi de les fidéliser. Une communication réussie passe par la définition d’une identité de marque réussie, faisant découler une notoriété et une image forte. La notoriété est la capacité de la marque à être présente dans l’esprit du consommateur : elle est dépendante de la visibilité de la marque. Elle permet de mesurer quantitativement la marque. On distingue différents types de notoriété : - Spontanée : la marque est citée spontanément par le consommateur - « Top of Mind » : la marque est citée en premier parmi un groupement de marques ou vient spontanément à l’esprit et en premier - Assistée : le consommateur reconnaît le nom de l’entreprise lorsqu’on lui présente L’image de la marque est la perception que le consommateur ou le public a d’une marque : sa vision d’une marque, d’une entreprise, d’un service construite sur la réception et l’interprétation des
  • 23. 19 signes, symboles, noms émis par la marque ou par l’entreprise. L’image et la notoriété ne sont pas forcément liées ; une marque peut avoir une bonne notoriété – être connue – mais avoir une mauvaise image. Par exemple, SNCF a une mauvaise image mais une très forte notoriété. Les consommateurs y associent le retard et les grèves. Une mauvaise image est difficile à faire oublier et perdure dans l’esprit du consommateur. L’identité, à l’inverse, est un concept d’émission [Kapferer, 2008]. Elle est voulue par l’entreprise là où l’image est subie, car perçue par le consommateur. L’identité permet de définir la marque, sa mission. Bastien et Kapferer précisent : « l’identité est ce qui donne un sentiment très fort d’unicité à la marque, une cohérence dans le temps et la nécessaire authenticité qui nourrit la durée », 2013. Kapferer (2008) explique que la marque a une structure pyramidale : au sommet s’exprime l’idéal de la marque, sa vision et sa mission. Cet étage est celui de l’ADN, et de la personnalité. Le second étage est l’espace d’expression du ton et des codes de la marque. Les codes doivent permettre à la marque de garder sa cohérence et définir une ligne directrice, permettant d’appuyer une vision unique. Un troisième étage permet de préciser la vision de la marque : ce sont les axes stratégiques. Pour Toyota, ça sera l’innovation technologique, les « options » fournies d’office et le respect de l’autre. Pour Michelin, la vision est celle du progrès dans la mobilité [Gilles Auberger, 2014] et les axes stratégiques seront l’innovation, la libération par l’automobile, la sécurité. Kapferer précise que « chaque modèle doit être la concrétisation des valeurs de la marque » (2008) d’où le quatrième étage, celui des produits, directement issu des traits stratégiques. L’expérience et le sensoriel correspondent au vécu du consommateur et la première expérience qu’il a de la marque. Cela implique qu’un produit hors du territoire de la marque ne représentera pas correctement ses valeurs et risque de la desservir. Figure VIII : Le système de la marque
  • 24. 20 Source : Le système de la marque, Kapferer, 2008 3.1.2. Construire son identité Pour Bastien & Kapferer, le succès d’une marque vient avant tout de sa cohérence et donc de la codification de son identité. Le prisme de l’identité de la marque – inventé par Kapferer – permet d’analyser une marque en fonction de ses spécificités – extérieures et intérieures – qui font qu’elle est cette marque. L’identité de la marque repose sur les concepts suivants : un héritage, des racines, un territoire, des savoir-faire et des codes. En respectant l’identité définie par le prisme et en la déclinant pour chaque produit, la marque s’assure la cohérence nécessaire à son succès et établit un territoire, créant ainsi son univers13. Figure IX : Le prisme d’identité de marque Source : Kapferer, 2008 Le sommet du prisme définit la représentation de la marque : le physique et la personnalité. Le physique de la marque permet de définir la ressemblance nécessaire entre les différents produits d’une même marque : les codes, les signes, les gestes, couleurs. Un produit doit montrer son appartenance à la marque même si le logo n’est pas visible. La marque Bjorg mise sur des couleurs et une écriture reconnaissable. Les produits Apple sont reconnaissables par leur design, la couleur type, la présentation. Les produits iconiques se retrouvent aussi dans cette catégorie. D’après 13 Le territoire d’une marque est défini par le Mercator comme « les marchés actuels ou potentiels où une marque est légitime aux yeux des consommateurs », ainsi pour Lendrévie & Lévy, Cartier ne pourrait pas vendre des produits alimentaires de luxe si ce n’est pas inscrit dans son ADN.
  • 25. 21 Kapferer, l’imagerie non verbale est d’autant plus importante que le produit a une fonction symbolique. Les marques de luxe ont un très fort besoin du physique. La personnalité de marque est définie comme « l’ensemble des caractéristiques humaines associées à une marque », Aaker (1997). La marque a des traits de caractères typiques – ceux de son créateur ou ceux construits dans le temps – qui sont humains et permettent un reflet du soi par l’individu. L’échelle de mesure de personnalité de la marque adaptée par Aaker (1997) distingue des facteurs généraux qui définissent les traits de la marque (cf. Annexes). L’association de traits de personnalité humains à une marque permet au consommateur d’exprimer sa perception de soi – self-concept – apportant ainsi des bénéfices symboliques forts [Vernette, 2003]. De plus, la personnalité permet la construction de liens humains, émotionnels et affectifs forts avec le consommateur. Dans le luxe, c’est souvent la personnalité du créateur qui est reprise : Yves Saint Laurent est une marque impertinente, provocante et inaccessible comme l’homme lui-même ; Chanel est provocante, élégante et sophistiquée comme Mademoiselle. Ce sont avant tout des marques féminines ou masculines, avec un caractère dominant : séductrices et distinguées ou indépendantes et assurées. Elles sont également perçues comme fiables, bien que ce dernier point ne soit pas un critère majeur d’évaluation par le consommateur [Normand, 2010]. La personnalité de la marque est fortement liée à la perception du consommateur de la marque et non aux attributs réels des produits. Il est nécessaire de connaître sa personnalité perçue pour essayer de la contrôler mais sans un ADN clairement exprimé, une marque ne pourra pas tenir sa personnalité. Les spécificités d’une marque, sans lesquelles elle ne serait plus la même, correspondent à l’ADN de la marque. Ces invariants sur lesquels la marque ne peut pas transiger peuvent être de nature physique – conception et fabrication du produit –, esthétique ou même éthique. C’est également là que l’on retrouve les valeurs de la marque. La facette relationnelle décrit la relation entre le destinataire de la marque et son émetteur. Elle est dépendante de la personnalité, de l’ADN et du reflet du client. La marque peut choisir de dominer son client, comme certaines marques de luxe tentent de le faire. Le reflet du client et la mentalisation correspondent à la construction du client idéal par la marque : celle-ci s’adresse à une cible précise et pense à elle dans son expression. Cette construction est un miroir : intérieur pour la mentalisation et extérieur pour le reflet. Le reflet est l’image des clients construit par les autres. Ce sont les clients types tels qu’on les imagine. C’est grâce au reflet que la marque de luxe nourrit le désir et qu’à l’inverse elle peut s’effondrer. La mentalisation est la représentation de soi par la marque : c’est la création et la valorisation du self-concept. Une marque de luxe se doit donc de faire correspondre la mentalisation de ses cibles au reflet de ses clients réels.
  • 26. 22 C’est à cause du reflet mal géré que Lacoste en France et Burberry en Angleterre ne sont plus perçues comme des marques de luxe mais associées aux jeunes des cités. 3.2.Spécificités de la marque de luxe La marque de luxe a été définie par Marie-Claude Sicard en 2010 d’après sept concepts : le temps (ou ancrage à l’héritage et intemporalité), le projet de la marque, les relations de la marque au destinataire, les postures (comme la supériorité), les normes (et codes) de la marque, son espace de distribution, le physique de la marque (ou le produit et sa conception). Considérant que « le luxe est un écart »14, elle a fixé que, si au minimum quatre des sept curseurs sont au maximum pour une marque, alors cette marque appartient au luxe. Figure X : Le clavier des curseurs Source : Sicard, 2010 La marque de luxe ne cherche pas simplement à définir un positionnement spécifique pour se différencier dans un univers concurrentiel : elle souhaite faire adhérer à son univers culturel. En offrant « une élévation de soi à la fois en son for intérieur (la mentalisation de l’individu) et dans l’image de soi qu’il donne aux autres (le reflet de l’individu), elle contribue à la construction de l’identité même de ses clients », Bastien & Kapferer, 2013. L’importance de l’identité de marque en est alors d’autant plus forte. 14 Marie-Claude Sicard explique que le luxe est un écart vers le haut, le bas ou de côté. Ecart vers le haut pour le désir d’ascension sociale, écart de côté pour le désir de différenciation, et écart vers le bas pour les excès du luxe comme le porno-chic ou les sommes astronomiques demandées en raison d’un luxe.
  • 27. 23 3.2.1. Le reflet, source de prestige Ainsi, le reflet de la marque de luxe a un impact plus important encore que celui d’une marque traditionnelle. Comme expliqué précédemment, le reflet du client ou la perception qu’un individu a de la marque (en fonction de l’image que lui renvoient ses clients) en nourrit le caractère. La femme Chanel n’est pas la même que la femme Gucci ou la femme Yves Saint Laurent : chacune a ses particularités et cible un type de segment-cible. Le reflet est d’autant plus important à la marque de luxe qu’il doit lui permettre d’assurer sa cohérence. Si la marque présente de multiples reflets, elle fragmente le profil de ses clients potentiels et brise l’image qu’elle renvoie : elle n’est plus unique. Pour sa nouvelle campagne publicitaire, Dove a filmé plusieurs clientes montrant que la marque s’adressait à toutes les femmes. Ce type de campagne qui fonctionne pour une marque classique ne fonctionne pas dans le luxe, sous peine de détruire l’image. Le parfum Miss Dior Chérie reflète des valeurs différentes de Dior J’adore, car il s’adresse à un public différent. L’un cible la femme sublime, sûre d’elle et élégante, un peu impertinente ; l’autre est consacrée à la jeune femme, encore innocente mais déjà séductrice. Les deux parfums pourraient être de deux marques différentes. Reste l’impertinence en commun, lien sans lequel l’image de Dior se fragmenterait. 3.2.2. La dimension du rêve dans le luxe Enfin, le prestige de la marque de luxe repose sur sa capacité à créer du rêve par son aptitude à construire un univers et un idéal. Une marque de luxe doit avoir un potentiel onirique fort et détacher l’individu du quotidien pour tendre vers un idéal quasiment sacré. Marques classiques et marques premium se construisent par rapport à un positionnement, formulation de leur promesse garantie à une clientèle ciblée par rapport aux concurrents. Ainsi, Panzani propose des pâtes inscrites dans la tradition italienne par opposition à Lustucru qui cible avant tout la fraicheur des pâtes, et le prix plus accessible. Le positionnement est défini par Kapferer (2007) comme la pierre angulaire du management de marque. Pour étendre sa part de marché, une marque doit apporter un plus considéré comme valable aux yeux de la clientèle ciblée. Cette stratégie n’est pas valable pour le luxe, secteur dans lequel l’identité de marque a été, selon la littérature, substituée au positionnement. La marque cherche à être unique, différente. Elle ne se compare pas aux autres marques de luxe : elle navigue dans un autre univers, qu’elle se construit. Les marques de luxe ne cherchent pas à être supérieures les unes par rapport aux autres si cela nuit à leur image de marque. Elles préfèrent conserver leur identité, ce qui fait leur unicité. Il ne viendrait pas à l’esprit d’un consommateur averti de comparer un carré de chez Hermès avec un foulard en soie Chanel – ou une montre Oméga à une Patek Philippe. Chacun des produits cités a ses
  • 28. 24 spécificités et une histoire particulière, elle-même liée à l’histoire et l’identité de la marque dont dépend le produit. C’est parce qu’un client achète le produit d’une marque – et non pas un produit parmi tant d’autres – que l’image de marque de luxe est à ce point importante. Le client achète un morceau d’histoire et d’identité d’une marque en laquelle il se reconnait, une culture propre à travers laquelle il percevra le monde. Le story-telling permet de raconter cette épopée et l’ancrer à l’Histoire comme l’illustrent Guerlain et Shalimar ou encore Chanel et Coco Mademoiselle. Le produit de luxe a une raison d’être, justifiée par une narration qui augmente sa part de rêve. Reposer sur un passé véritable ou création d’une histoire propre à la marque, peu importe : ce qui compte c’est de développer un univers permettant de créer le rêve. L’expérientiel et le sensoriel ont aussi leur rôle à jouer dans cette construction du rêve. Les lieux de vente sont théâtralisés comme les bars à parfums Chanel et Dior, ou bien les magasins Louis Vuitton. Veuve Clicquot s’invente un passé et Dior s’expose dans un musée. Bastien & Kapferer considèrent ainsi que le rêve peut être construit grâce à : - La saga du créateur - L’épopée du produit et du terroir - Les clients - La mise en scène d’un univers et d’une expérience dans les magasins Le rêve d’une marque de luxe est fonction de l’écart entre le nombre de possesseurs de la marque et sa notoriété. Cette notion de rêve reprend le concept de Marie-Claude Sicard du luxe comme créateur d’écart. SYNTHESE L’être humain a besoin de s’identifier à des groupes et a une nécessité d’élévation spirituelle et sociale. Les marques de luxe peuvent répondre à ces besoins en offrant du prestige lié à l’image de la marque et à la dimension hédoniste du produit. La cohérence de la marque de luxe – dont l’importance a déjà été soulignée – passe par un respect de l’identité telle qu’elle est définie par le prisme. Cependant, le paradoxe des marques de luxe est de savoir rester fidèles à leur héritage sans renoncer à leur modernité et leur rentabilité. Comment rester source d’inspiration et d’innovation, créer un désir d’élévation de soi, sans perdre son identité ?
  • 29. 25 PARTIE II : DE L’EMERGENCE DU LUXE ACCESSIBLE A SON DEVELOPPEMENT « La démocratisation de quelque chose, c’est-à-dire le fait d’en permettre l’accès à tous n’entraîne pas forcément sa vulgarisation c’est à dire une perte totale de valeur », Bastien & Kapferer, 2013 La partie précédente nous a permis d’étudier la notion de prestige et de comprendre comment une marque de luxe pouvait répondre à ce besoin humain, en lui fournissant une satisfaction sociale et hédoniste. Face à l’évolution des sociétés, et l’accès facilité au prestige, le luxe a dû évoluer et son marché changer. Cette réflexion nous mène désormais à analyser le marché du luxe aujourd’hui, à étudier sa clientèle et à comprendre les concepts de luxe inaccessible, intermédiaire et accessible pour enfin s’intéresser à un type de stratégie de luxe accessible : l’extension de marque. 1. Le marché du luxe aujourd’hui et sa clientèle 1.1. Evolution du marché Avec l’évolution du marché mondial depuis le XIXème siècle, des changements majeurs sont apparus, transformant les habitudes de consommation et ouvrant le marché du luxe à des nouveaux profils de clients. La première remarque possible, lorsque le marché du luxe est étudié, c’est que celui-ci se porte bien. C’est l’un des seuls secteurs qui voit son chiffre d’affaires progresser chaque année, même en période de crise. En 2012, on remarquait une hausse de 10% par rapport à 2011. Bien que 2013 soit remarquable par sa faible hausse – seulement 2% - le marché continue de progresser. Bain & Company estime qu’en 2025, le marché mondial des produits de luxe sera cinq fois plus grand qu’en 1995. Selon une étude de Bain & Company, le nombre de consommateurs de produits de luxe a plus que triplé dans le monde en vingt ans. Estimé à 330 millions aujourd’hui, il devrait passer la barre des 400 millions de consommateurs en 2020. Le nombre de millionnaires augmente chaque année, laissant la place à des opportunités grandissantes pour les marques de luxe. Les meilleurs clients potentiels au monde – les High Net Worth Individuals (HNWI) – dépassent les 11 millions d’individus. Chacun d’eux possède plus d’un million de dollars en actifs, en excluant la résidence principale.
  • 30. 26 Les ultra-riches (ultra HNWI) quant à eux sont 98 000 mais ont un actif supérieur à 30 millions de dollars : représentant 0,9% des HNWI, ils en possèdent 36,1% de la fortune15. Figure XI : Les pays où vivent le plus de millionnaires Source : Capgemini Cela est sans compter l’ouverture du marché grâce à la mondialisation et la démocratisation, comme l’explique Marc-André Kamel, responsable de Bain & Company France : « le marché du luxe entre dans une nouvelle phase de son évolution. Plus de marchés, plus de segments clients, une plus grande diversité des goûts, autant de variables supplémentaires avec lesquelles il faudra compter pour résoudre l’équation de la bonne stratégie de croissance. ». Il faut dire qu’avec un chiffre d’affaire de 217 milliards d’euros, le secteur du luxe est un marché porteur. De plus, contrairement au secteur agroalimentaire, dont la part dans les dépenses du ménage français est en baisse continue, la part du secteur du luxe augmente16. « Liddl finance Chanel » disent Bastien & Kapferer. Les secteurs du luxe sont recensés au nombre de huit : - La joaillerie et la haute-horlogerie - La haute-couture - La haute-gastronomie 15 Etude Bain & Cie 2013 et Luxe Oblige p. 165-166 16 Insee, Consommation des ménages 2013
  • 31. 27 - L’hôtellerie de luxe - Les parfums et les cosmétiques - La maroquinerie - Le prêt à porter - Les arts de la table Figure XII : Ventilation des ventes dans le secteur du luxe en 2013 Source : Bains & Co, estimation sur les chiffres de 2013 La ventilation des ventes du luxe permet de comprendre qu’aujourd’hui le luxe ne se consacre pas qu’à un seul secteur cependant les ventes concernent principalement des produits issus du luxe accessible. De plus, les données issues de Forbes (2011) montrent que l’évolution des niveaux de vie entre classe moyenne et classe supérieure n’est pas similaire, conduisant à une augmentation de l’écart. 28% 20% 23% 25% 4% UNE VENTILATION DES VENTES ÉQUILIBRÉE Parfums et cosmétiques Maroquinerie et chaussures Montres, joaillerie Prêt à porter Autres 217 milliards €
  • 32. 28 1976 1983 1994 2000 2007 2010 Cost of living extremely well 100 200 400 500 772 910 Cost of living : consumer price index 100 160 250 300 385 400 Figure XIII : Comparaison de la croissance du coût de vie des très riches avec le coût moyen de vie Source : Forbes, 2011, Bastien & Kapferer, 2013 1.2. Conséquence de la démocratisation et mondialisation Les changements ayant amené l’accessibilité du luxe sont tout d’abord, pour Bastien & Kapferer (2013), la démocratisation progressive du monde économique. Passant de monarchies établies ou dictatures où la distinction sociale était clairement avérée et visible, les sociétés sont devenues démocratiques, ouvrant l’univers des possibles en termes d’évolution sociale. La naissance ne définit plus l’avenir d’un individu. Tout au plus pose-t-elle des conditions de début de vie plus difficiles. Chacun peut espérer réussir et s’élever socialement. La démocratie a également été accompagnée d’une suppression des privilèges liés à la naissance : le privilège de porter du parfum ou même certains tissus considérés comme royaux ou réservés à une élite a été aboli en même temps que les oligarchies. La méritocratie a fait disparaître les privilèges écrits d’une élite, en même temps que la définition précise de classes sociales. La hausse notable du pouvoir d’achat depuis les années 1950 est liée aux progrès technologiques et à la baisse des coûts manufacturés augmentant la possibilité de consommer. Depuis les années 1980, la consommation du luxe a explosé - +10% chaque année - renforçant la déstructuration de la société : en économisant, un individu peut espérer acheter du luxe, fait impensable au XIXème siècle. Non seulement il peut espérer avoir les moyens de l’acheter, mais s’il le fait, il n’outrepassera pas ses droits en accédant à un privilège. Avec la démocratisation et la technologie est venue la mondialisation. Celle-ci favorise les échanges permettant de produire en Chine des produits conçus dans la Silicon Valley et revendus en France. Les interactions entre les peuples sont devenues plus aisées : les échanges sont rapides – on peut faire le tour du monde en quelques heures – et des projets entre plusieurs pays sont régulièrement mis au jour – on se souviendra du Concorde, mais également des Airbus construits par l’Europe. La
  • 33. 29 délocalisation a également permis une baisse significative des coûts de la main d’oeuvre, issue des pays en développement. Il est possible d’acheter plus pour un prix équivalent. Cependant, ces échanges culturels multiplient la perte d’identité et de repères – de l’individu qui appartient à l’Europe, au monde, à son pays ou du produit qui vient d’un peu partout dans le monde. L’humain ne peut supporter d’appartenir à un tout indifférent décrit comme l’indifférenciation sociale par Hobbes dans le Léviathan (1651). Ces transformations historiques et culturelles sont une opportunité formidable pour le luxe qui de par son appartenance à une culture et son rôle de différenciateur social recrée des strates au sein de la société, comme nous l’avons vu dans la définition du luxe. Toutefois, ces mêmes changements constituent une menace à cause de l’élargissement de la base de clientèle du luxe avec la hausse du pouvoir d’achat et la démocratisation sociale. 1.3. Evolution de la clientèle « Les clients du luxe d’aujourd’hui sont différents : ils doivent être surpris, émoustillés, captivés, courtisés, choyés et constamment satisfaits », Okonkwo, 2007, p.60 Cette évolution du marché a impacté les comportements des clients de luxe. La littérature est formelle, les mentalités ont changé17. La hausse du pouvoir d’achat a amené l’apparition d’une société de consommation du plaisir, permettant l’accès aux dépenses de loisirs. Pour Allérès, « les actes de consommation traduisent davantage la recherche de plaisir, le désir narcissique de chaque individu de flatter son imaginaire », 2005. C’est aussi la conclusion de Dubois & Laurent sur l’étude menée en 1999 et conduisant à appeler ce type de clientèle les « excursionnistes ». De fait, ceux-ci attendent d’une marque de luxe : - Une qualité exceptionnelle, - Un prix élevé pour refléter l’achat inhabituel, - Une certitude de rareté et exclusivité, - Un produit intemporel s’inscrivant dans une histoire, - Une expérience pluri sensorielle, - De la futilité et du superflu apportant du rêve. Les nouvelles attentes du consommateur sont l’affectif et l’esthétique du produit, faisant découler de nouveaux comportements : des clients éclectiques aux valeurs hédonistes [Chevalier & Mazzalovo, 2011] accordant une importance forte au développement personnel. 17 Cf. : Danièle Allèrés, Bastien & Kapferer, Marie-Claude Sicard
  • 34. 30 Face à cette quête hédoniste, l’élite cherche à maintenir l’écart social par une fuite en avant : l’innovation et l’originalité des produits sont alors recherchées, par opposition aux consommateurs suiveurs. L’élite a une consommation audacieuse, tournée vers l’intimiste, la rareté et la création d’un mythe alors que la démocratisation des produits démystifie la marque. « Le luxe des classes nanties est la recherche et le culte permanent de la PPDM (plus petite différence marginale) : rechercher les petits différences qualitatives par lesquelles se signalent le style et le statut », Jean Baudrillard (1970). Figure XIV : L’acte d’achat en fonction du type de consommateur Source : Gilles Auberger Ainsi, on observe des comportements différents de consommation en fonction de l’attente du client définissant des styles de vie différents. La segmentation se fait alors en opposant qualité du produit et présence du logo, authenticité et histoire, ou encore individualisation et intégration. Bastien & Kapferer ont également analysé des types de comportements en fonction de la rupture voulue par l’achat de luxe : la disruption pour se distinguer des autres ou s’intégrer dans un monde aspirationnel, préférer le produit pour ce qu’il est ou choisir l’emblème social (cf. Annexes). 2. La stratégie marketing du luxe accessible La réussite d’une extension de marque passe avant tout par la cohérence de la marque avec son identité et son ADN, comme défini dans la première partie. Géraldine Michel ajoute même : « L'identité de la marque, les valeurs de la nouvelle catégorie de produit, puis l'image du produit en extension de marque. Une extension réussie repose ainsi sur les liens entre ces trois éléments. D'abord, la cohérence entre l'identité de la marque et l'image de l'extension. Ensuite, la pertinence de cette identité avec les valeurs de la nouvelle catégorie de produit. Enfin, sur la valeur ajoutée que l'extension peut apporter à
  • 35. 31 cette nouvelle catégorie », 2004. De fait, Bastien & Kapferer ont analysé le potentiel d’extension d’une marque de luxe en fonction de ce qui fait la marque : le produit, le savoir-faire, la catégorie, les attributs, l’univers et les valeurs. Plus la marque apporte une différenciation et une personnification sociale – tout en proposant des valeurs, une histoire, un héritage et un savoir-faire – plus elle pourra s’étendre. Une stratégie spécifique doit alors être mise en place, mais seule une marque de luxe dont le centre de gravité s’élève pourra voir son extension (Bastien & Kapferer, 2013). Figure XV : Potentiel d’extension d’une marque en fonction de son centre de gravité Source : Bastien & Kapferer, 2013 2.1. Les deux modèles stratégiques du luxe Le premier business modèle du luxe est d’origine européenne. Il est décrit comme le modèle pyramidal par Marie-Claude Sicard (2010). Ce modèle est fondé sur une image noble et porteuse, déclinée pour être accessible au peuple : la créativité inspire toute la pyramide. La hiérarchie se construit en diffusant l’énergie créative et le prestige.
  • 36. 32 Figure XVI : Le modèle de la pyramide Source : Sicard, 2010 L’illustration de ce modèle peut être trouvée dans les maisons de haute-couture qui créent une exclusivité indéniable avec des robes uniques déclinant ensuite des lignes de prêt à porter accessible. Le rêve provient du sommet. Cartier et Dior se sont également construits sur ce modèle. Cependant certains produits déclinés peuvent ne plus être du luxe. Face à ce modèle, Marie-Claude Sicard décrit le modèle dit de la galaxie, où chaque secteur se construit autour d’une vision portée par le créateur, mais sans hiérarchie contrairement à la structure pyramidale. Chaque produit est traité sur un pied d’égalité et participe à la construction d’un univers.
  • 37. 33 Figure XVII : Le modèle de la galaxie Source : Sicard, 2010 Contrairement à la pyramide, la galaxie ne définit pas un territoire à partir d’un produit précis, mais définit un univers qui peut s’étendre. Les extensions de marque sont plus aisément justifiables et légitimes que dans la pyramide, plus adaptée aux extensions de gamme. Certaines marques de luxe comme Chanel ou Hermès ont bâti leur stratégie sur un mélange des deux modèles : la Haute- Horlogerie Chanel est constituée de véritables montres créées au sein de la Maison Chanel et non pas licenciées, et sont déclinables en prix ; la Haute-Couture propose des lignes de prêt à porter. Chaque univers suit le modèle de la pyramide mais tout est construit autour d’un univers précis, pour conserver la cohérence. 2.2. Luxe inaccessible, intermédiaire et accessible Le terme de luxe est d’autant plus flou que les notions de premium, haut de gamme et mode lui font concurrence, sans parler de l’apparition de « l’hyperluxe », ainsi que des notions de luxe inaccessible, intermédiaire et accessible [Allérès, 2005]. Bain & Company reprennent cette stratification sous les dénominations de luxe accessible, luxe aspirationnel et luxe absolu. Créateur Parfums et cosmétiques Arts de la table Prêt à porter Maroquinerie
  • 38. 34 Figure XVIII : Hiérarchie des objets de luxe Source : Danièle Allérès, 2005 L’annexe 5 permet de comprendre les différents types de luxe en fonction de sa clientèle, ses produits types et les motivations de la clientèle. 3. Le luxe accessible par les extensions de marques « Avant tout projet d’extension, on doit mener une étude dite de fond de marque pour comprendre le sens profond de la marque, clarifier son prisme identitaire et en particulier la facette culturelle de celui-ci », Bastien & Kapferer, 2013 3.1. Définition et concepts Le développement de l’offre de produits et de services proposée par une marque s’appelle stratégie d’extension. Profitant de la renommée d’une marque ou d’un produit, la stratégie d’extension permet d’en lancer de nouveaux à moindre coûts – financiers et humains. En effet, le lancement d’une nouvelle marque et sa promotion – communication et notoriété – constitue un budget important pour une entreprise [Aaker, 1997]. Le client ayant tendance à acheter un produit ou une marque qu’il connaît [Dimitriadis, 1993], s’appuyer sur une marque existante pour proposer une nouvelle offre est une stratégie reconnue et efficace. Luxe inaccessible (modèles) Luxe intermédiaire (reproduction des modèles) Luxe accessible (objets de série)
  • 39. 35 L’extension s’appuie sur la maîtrise d’un réseau de distribution, d’un savoir-faire technique ou de la légitimité de la marque sur un territoire. L’entreprise peut ainsi choisir d’étendre son champ de compétences ou d’étendre sa marque. Les différents types d’extensions sont recensés dans le tableau ci-après. Figure XIX : Les différents types d’extensions Catégorie de produits Marque Existante Nouvelle Existante Extension de gamme Extension de marque Nouvelle Marques multiples Nouvelles marques Source : Michel (2000) La stratégie de marques multiples correspond au lancement d’une nouvelle marque dans un marché sur lequel l’entreprise est déjà présente mais avec une autre catégorie de produits. Ses produits se font alors concurrence, comme les différents produits laitiers-santé Danone, avec les marques Activia, Danacol et Taillefine. Le risque de cannibalisme étant fort, le luxe utilise peu cette stratégie. La stratégie de lancement de nouvelles marques consiste à créer une nouvelle marque, sur un nouveau marché. Cette solution concerne peu les marques de luxe. Les deux stratégies de marque du luxe sont l’extension de gamme et l’extension de marque, chacune correspondant à l’un des modèles définis et décrits précédemment : l’architecture galactique ou l’architecture pyramidale de la marque. Extension de gamme et extension de marque sont souvent décrites de manière similaire dans la littérature [Aaker, 1990 ; Lendrévie & Levy, 2013] créant une réelle confusion. Cegarra et Merunka (1993) considèrent que l’extension de marque se distingue de l’extension de gamme grâce à la nature et la fonction du produit lancé. Ainsi en extension de marque, la fonction et la nature du nouveau produit sont fondamentalement différentes des produits existants alors que l’extension de gamme propose un produit soit de nature soit de fonction différente – mais pas les deux à la fois.
  • 40. 36 3.1.1. Extension de marque L’extension de marque correspond à l’élargissement du territoire d’une marque vers une nouvelle catégorie de produits18. Elle consiste à lancer un nouveau produit (extension) dans un nouveau marché – une catégorie de produits différente de la catégorie de produits vendus – en utilisant une marque existante (marque-mère) [Aaker & Keller, 1990]. Il s’agit pour la marque d’acquérir une nouvelle compétence, sans toucher directement au prix ni à la qualité des produits. Ce type d’élargissement permet à la marque d’apparaître dans les divers univers de la vie du client, représenté par le modèle de la galaxie. Lendrévie & Lévy (2013) distinguent deux types d’extension de marque : - l’extension de marque continue - l’extension de marque discontinue L’extension de marque continue utilise les savoir-faire et les compétences acquises de la marque pour créer un nouveau produit, comme Baccarat proposant des bijoux en cristal après avoir été spécialisé dans les arts de la table. A contrario, dans le cadre d’une extension discontinue, la marque occupe des marchés totalement différents. Le coeur de métier de Ralph Lauren est le prêt à porter. Le créateur a ensuite décliné sa marque en développant une gamme de décoration intérieure, de petite maroquinerie, de soins du corps… De la même façon, Hermès, bien qu’étant à l’origine un sellier, s’est reconverti en produisant tout d’abord de la maroquinerie – extension continue –, puis de la soie et des parfums – extension discontinue. 3.1.2. Extension de gamme L’extension de gamme consiste à développer l’offre de produits sur un même domaine de produits. Il s’agit d’enrichir une catégorie existante afin d’augmenter la visibilité de la marque pour le produit considéré – augmentation du linéaire. On distingue extension de gamme et complément de gamme, bien que ces deux notions soient souvent confondues. Le complément de gamme n’affecte pas de manière directe la nature ou la fonction du produit. Le produit changera en goût, en format, en couleur : comme les eye-liners noirs, kaki, brun, taupe chez Chanel. L’extension de gamme proposera deux types de produits : soit des produits de nature différente mais de fonction identique, soit des produits de fonction différente et de nature identique. Le second cas permet de toucher une cible différente du coeur de cible [Cegarra & Merunka, 1993]. Il existe deux types d’extensions de gamme : 18 Lendrevie & Levy (2013) ; Cegarra et Merunka (1993)
  • 41. 37 - l’extension verticale - l’extension horizontale L’extension horizontale vise à étendre le nombre de produits au sein d’une gamme. Ceux-ci auront un prix et une qualité similaire mais des caractéristiques différentes. Dans l’extension verticale, les nouveaux produits sont proposés à des niveaux de prix et de qualités très différents de l’offre initiale, afin de créer une véritable distinction. L’extension verticale peut être faite vers le haut ou vers le bas, dans une stratégie d’accessibilité. Le luxe utilise ces deux stratégies : les MUST de Cartier, lancés en 1973, répondent à un désir de pénétrer une cible moins aisée et occasionnelle – les « excursionnistes » décrits par Dubois & Laurent19 ; à l’inverse, Armani a lancé la marque Armani Privè afin de séduire une clientèle élitiste et conserver un écart avec la clientèle occasionnelle. L’extension vers le haut permet également à la marque de luxe de recréer des barrières à l’entrée par le prix et la création d’un univers culturel ; Armani a ainsi ouvert un hôtel à Dubaï en 2010, dans la tour la plus haute du monde. 3.2. Enjeux L’enjeu principal de l’extension vers le bas est d’accroître le volume des ventes – en réalisant des économies d’échelle [Aaker, 1997] ainsi que la conquête d’une nouvelle cible qui n’a actuellement pas les moyens financiers d’acquérir la marque – avec à terme l’objectif d’augmenter le panier moyen (somme dépensée par achat) [Kirmani et al., 1997]. C’est la stratégie suivie par Cartier, qui augmente peu à peu les prix des MUST en les intégrant à sa collection de joaillerie. L’extension vers le haut permet de (re)séduire le coeur de cible, une clientèle élitiste qui doit être convaincue que la marque de luxe est la plus appropriée pour elle. De plus, les occasions de plus en plus rares de porter les robes de haute-couture et de la haute- joaillerie ont conduit les marques de luxe comme Chanel ou Mellerio à se reconvertir vers des secteurs plus porteurs, sous peine de disparaître. Cette stratégie de diversification et d’extension de marque est considérée comme nécessaire dans un monde où le luxe fait face aux produits premium et haut de gamme. 19 Bastien & Kapferer, Luxe Oblige, 2013. 2ème édition. Paris : Eyrolles. p166
  • 42. 38 3.2.1. Occuper le terrain et perdurer L’extension discontinue de gamme permet à une marque d’étendre son territoire et en conséquent d’être plus présente. Elle augmente son chiffre d’affaires potentiel et sa notoriété. Mais avant tout, la marque s’assure que le territoire conquis ne pourra pas l’être pas une autre. Si un territoire n’est pas occupé, il est pris par un concurrent. Lorsque Cartier avait choisi de vendre des cigarettes, il s’était assuré d’être présent sur le marché des cigarettes de luxe, comme Malboro ou Dunhill avant lui. Mais à l’inverse de ses concurrents, Cartier a maîtrisé sa distribution et ses prix, afin de rester une marque de luxe. Les étuis Cartier sont aussi une autre occasion de valoriser la maîtrise du travail des métaux, par le célèbre joaillier. De plus, si le domaine d’une marque de luxe n’est plus rentable ou en disparition, l’extension lui permet de se repositionner pour acquérir une légitimité dans un autre domaine. Fendi, qui était dans la fourrure, a su survivre grâce à sa reconversion, en proposant de la haute-couture ; de même que Hermès à l’origine dans la sellerie, s’est tourné vers la soierie. L’extension permet alors à la marque de luxe de s’adapter à un marché concurrentiel mouvant. 3.2.2. Développer sa notoriété et sa clientèle Pour Thiébault de La Rivière, ancien directeur de Lancel et actuel directeur de Sup de Luxe, la problématique actuelle – autour du luxe qui s’émancipe et s’adapte à la société (se démocratise) en risquant la vulgarisation – n’en est pas une. Selon lui, les marques doivent « aller chercher de nouveaux clients, les nouveaux riches et les bourgeois, qui sont une source d’inspiration et un potentiel extraordinaire ». Développer la marque, c’est alors séduire de nouveaux consommateurs et élargir la cible. Ces nouveaux clients pourront pénétrer l’univers de la marque et s’intéresser à d’autres produits : l’intérêt de l’extension est alors de permettre à des clients occasionnels de découvrir la marque, son univers, de tester sa qualité et ses valeurs – à un coût moindre qu’avec un produit de luxe. Si le client est conquis, il aura tendance à revenir vers la marque. C’est ainsi qu’un client ayant acheté un portefeuille Louis Vuitton aura tendance à acheter un sac Louis Vuitton par la suite. Il peut s’agir de proposer des produits plus accessibles, permettant de faire connaître la marque, ou de proposer une gamme de produits s’adressant à une autre cible. La gamme Epi de Louis Vuitton répondait au besoin pour la marque de se rajeunir et séduire une cible citadine – le voyage urbain. En fixant un prix de base 50% supérieur à la gamme Monogram, coeur de marque de Louis Vuitton, la marque de luxe ne revoyait pas ses critères de segmentation à la baisse. La gamme Epi correspond à un public différent et n’a pas cannibalisé la gamme Monogram : au contraire, les ventes ont même augmenté. La gamme Epi a permis de faire connaître Louis Vuitton et sa qualité [Bastien & Kapferer, 2013]. De la même façon, Chanel qu’on associe à la femme sophistiquée,
  • 43. 39 indépendante et glamour a lancé en 2008 la gamme de montres J12 - afin de séduire une clientèle masculine. Enfin, en permettant à une clientèle occasionnelle de découvrir le luxe, les marques de luxe entretiennent le rêve : elles augmentent leur notoriété et valorisent ainsi leurs clients les plus riches. Une marque totalement inaccessible n’est ni connue ni reconnue et ne remplit donc pas de fonction sociale pour son consommateur. La marque de luxe ne doit pas devenir accessible à tous – au risque de perdre son rôle de différenciateur social – mais doit être suffisamment connue pour qu’on reconnaisse la signification de sa possession. Cela peut passer par l’accessibilité. Ainsi, une montre Swatch n’est pas une montre de luxe, car bien que connue de tous, elle est accessible. En revanche, une Rolex continue de faire rêver car – même s’il est possible pour un client plus modeste d’en acheter une un jour – sa valeur étant connue, elle valorise son porteur. 3.2.3. Développer le chiffre d’affaires et stabiliser la marque L’extension de marque a pour but premier le développement du chiffre d’affaires et de la marge produite, en limitant les risques. La réutilisation d’une marque connue rassure le consommateur qui accepte d’acheter le produit. En effet, selon Mc Kinsey, « cette pratique a un impact direct sur les performances boursières; les groupes qui l’utilisent ont vu leur capitalisation progresser de 5% contre seulement 0,5% pour les autres », preuve de l’augmentation du chiffre d’affaires. Dans le cas du luxe, l’extension de marque permet d’atteindre une population dont le panier moyen de consommation sera sûrement moins élevé que celui de sa clientèle habituelle, mais dont le nombre compense largement la différence. De fait, les parfums les plus chers au monde – plusieurs milliers d’euros – ne sont pas ceux qui rapportent le plus : leur rareté et leur prix exorbitant limitent leur distribution. D’un autre côté, Coco Mademoiselle – parfum le plus vendu dans le monde en 201220 – a permis à Chanel de séduire une nouvelle cible et redévelopper son chiffre d’affaire alors que N°5 n’était plus aussi rentable. L’extension de gamme permet également à la marque d’éviter la faillite. Rentabiliser l’image de marque en conservant une activité de haute-couture tout en proposant des produits dérivés accessibles est la solution adaptée par Dior, Yves Saint Laurent et Chanel. Le domaine des accessoires et de la cosmétique sont souvent les lieux privilégiés des extensions de gamme du luxe du fait de leur forte rentabilité : un parfum Dior se vend en moyenne 30% au-dessus du marché – soit 70€ pour J’adore, face aux 55€ d’un jus non-luxe. Il s’agit alors de lancer des produits de série, en s’appuyant sur le rayonnement de la marque qu’il faut alors récréer en permanence en maintenant son prestige et sa créativité, comme l’explique Kapferer (2007). 20 Thiébault Dromar, « Le top 10 des parfums les plus vendus en France », Challenges, 15 février 2013
  • 44. 40 4. Les risques pour le luxe L’extension de marque semble être une solution idéale pour l’entreprise qui souhaite à la fois augmenter sa notoriété, son chiffre d’affaire et ses compétences. Cependant, Géraldine Michel explique que : « la stratégie d'extension de marque consiste à transposer les valeurs fondamentales de la marque sur une nouvelle catégorie de produits (nature et fonction différentes par rapport aux catégories de produits originelles de la marque), ce qui implique la création d'une nouvelle légitimité de la marque et des risques importants pour la marque. »21 Ce sont ces risques que nous allons à présent étudier. Le risque principal est la perte de l’image de marque, noyée par les nouvelles gammes, ainsi que l’explique Ingarao : « la modification des niveaux de qualité et de prix d’une marque implique, pour les consommateurs, des efforts d’accommodation accompagnés d’un raisonnement de catégorisation complexe qui entraînent une dilution de l’image de marque. L’extension vers le bas, tout comme l’extension vers le haut, engendre ainsi une dilution de la marque » (2010). Ce risque est lié à la perte de cohérence et à la perte de la créativité de la marque : son identité et son positionnement. 4.1. La perte de cohérence et légitimité La marque est basée sur la cohérence. Elle traduit une identité, un esprit, une ADN qui lui est propre [Bastien & Kapferer, 2013]. Elle porte des valeurs qui peuvent justifier son extension aux yeux des consommateurs : c’est la définition du territoire de la marque. Cela implique que le nouveau produit doit être porteur de la marque et de cette cohérence. De son côté, le produit peut être porteur d’une image propre. Cette image-produit doit également être en adhésion avec la marque. Bic est une marque reconnue pour sa maîtrise du plastique. La marque a commencé une extension continue en proposant des rasoirs jetables, des briquets et même des téléphones portables. En 1988, elle lance des parfums jetables vendus en bar-tabac. Bien qu’innovant et basé sur une technologie que la marque maîtrisait, le nouveau produit est un échec. Bic le retire du marché. Que s’est-il passé ? Les stylos Bic sont associés à une notion de jetable, de pratique, utile et bon marché. Le parfum est associé à l’agréable, au reflet de soi et à un certain prix. Les deux images – marque et produit – n’étaient pas cohérentes et n’ont pas permis au client de croire au produit. Cependant la 21 Géraldine Michel, La stratégie d’extension de marque, 2000. Paris : Vuibert
  • 45. 41 marque Bic elle-même n’a pas pâti de cet échec puisque le produit lancé était cohérent avec ses valeurs. Dans le luxe, la marque est d’autant plus importante qu’elle est porteuse de sa capacité à produire la distinction sociale. Le produit ne doit pas contredire la marque sous peine d’en faire pâtir l’image et l’univers : ainsi le parfum Barbara Bui n’a pas eu le succès escompté car les consommateurs ne l’ont pas jugé légitime, de même que la maroquinerie Cartier ou Lalique. 4.2. La sortie du luxe 4.2.1. Perte de créativité Pour Bastien et Kapferer, l’un des autres grands désavantages de l’extension de la marque est le risque d’être pris dans son propre jeu : une marque de luxe doit être innovante, créative et avant- gardiste. Or la stratégie d’extension est une stratégie marketing qui se base majoritairement sur des écoutes de marché et des études du comportement du consommateur. C’est ce dernier qui va en partie créer le produit : le produit doit à coup sûr satisfaire un besoin afin d’être acheté et générer du chiffre d’affaire. C’est ainsi que la plupart des parfums se ressemblent aujourd’hui, afin de plaire au plus grand nombre de consommateurs possibles ; cependant, les jus créés sont fades et se distinguent peu les uns des autres. De même, dans le prêt à porter, la créativité est limitée par les consommateurs qui recherchent avant tout des vêtements pratiques à porter et à laver : le cachemire disparaît au profit du coton. Cette sélection de publicités des parfums Chanel, Dior et Yves Saint Laurent montre combien la perte de la créativité détruit ce qui faisait l’unicité de la marque.
  • 46. 42 Les égéries Chanel, Dior et Yves Saint Laurent sont toutes trois incarnées par des personnages virils, sauvages et représentés en noir et blanc. 4.2.2. Perte de la cible primaire La perte de cohérence d’une marque passe aussi par la perte de sa cible primaire, qui ne se reconnaît plus dans la marque. La modification du niveau de prix et de qualité engendrée par une stratégie de marque verticale vers le bas risque tout particulièrement de diluer l’image de la marque, de même que son capital-marque [Aaker, 1996]. Le lancement sur le marché d’un produit moins onéreux que le précédent nuit au prestige de la marque, selon Kim & Lavack (1996), diminuant le statut social des actuels possesseurs de la marque. L’accès au plus grand nombre créé un risque de dilution. Une extension de gamme verticale vers le bas diminue forcément le prix d’achat. Comme les consommateurs associent le prestige au prix [Park et al., 1986 ; Petroshius & Monroe, 1987], la baisse du prix influe directement sur l’image de la marque. Lorsque Ford rachète Jaguar en 1989 puis Aston Martins afin de créer PAG – Premier Automobile Group -, le groupe décide d’appliquer une stratégie d’extension vers le bas à Jaguar. La voiture serait désormais accessible à un public de classe moyenne, grâce à la rationalisation du processus de production – utilisation de pièces motorisées Ford Mondeo – et la définition d’un modèle plus petit. L’aura de la marque n’a pas suffi à la sauver de la faillite. En effet, en changeant le produit et détruisant ce qui faisait Jaguar – le moteur, le socle – Ford a détourné les clients initiaux de la marque, qui ne veulent voir ni des Jaguar partout dans la rue22 ni la qualité détournée au profit de la quantité. 4.2.3. Déficit de rêve Le déficit de rêve d’une marque vient de la perte de l’écart entre l’élite et la clientèle accédant au luxe. Plus le luxe est accessible, plus il est diffusé, plus le risque est grand de perdre son potentiel de rêve. Comme l’explique Bastien & Kapferer : « pour les marques de luxe en revanche, la diffusion perçue tue le rêve via la perte d’exclusivité, donc la perte du ressort social du luxe et de la tension du désir de l’autre ». 22 Bastien & Kapferer, p228