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L'argumentation mathématique
Un concept nécessaire pour penser
l’apprentissage de la démonstration
Nicolas Balacheff, 7e Journées Épistémologie Montpellier -mai 2019 1 / 31
Une problématique épistémologique
L’argumentation est un discours
orienté, il vise la validité d’un énoncé
intentionnel, il cherche à modifier un jugement
critique, il analyse, soutient et défend
Argumenter est un acte
qui structure la socialisation
qui instrumente le langage
qui change la valeur épistémique d’un énoncé
qui modifie le rapport à la connaissance
{énoncé, argumentation}
2Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
L’argumentation dans le discours des
institutions scolaires
Cycle 2
• « Le discours produit est argumenté et prend appui sur des
observations et des recherches et non sur des croyances. »
Cycle 3
• « Les mathématiques contribuent à construire chez les élèves l'idée
de preuve et d'argumentation. »
Cycle 4
• Démontrer : « utiliser un raisonnement logique et des règles établies
(propriétés, théorèmes, formules) pour parvenir à une conclusion »
 « moyen mathématique d’accès à la vérité » en donnant à voir « les
différentes étapes d’une preuve par la présentation, rédigée sous
forme déductive, des liens logiques qui la sous-tendent. »
• « défendre ses jugements en s’appuyant sur des résultats établis et
sur sa maîtrise de l’argumentation ».
3Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Source ministère de l’éducation nationale
Complexité du projet scolaire
« Il n’est pas question de démontrer tous les théorèmes ou
propriétés figurant au programme »
« Afin de ne pas détourner de la résolution de problèmes les élèves ayant des
difficultés à entrer dans les codes de rédaction d’une démonstration, il importe de
valoriser les productions spontanées, écrites ou orales, issues des phases de
recherche et d’expérimentation. »
Le travail de la classe comprend ainsi « des temps de mise en
commun et d’argumentation permettant de produire une preuve et
des temps de mise en forme (démonstrations rédigées) »
4Nicolas Balacheff, 7e Journées Épistémologie Montpellier -mai 2019 / 31
Source ministère de l’éducation nationale
Complexité du projet scolaire
Mise en commun…
• « L'élève doit établir la validité d'une assertion, il doit s'adresser en tant que
sujet à un autre sujet susceptible d'accepter ou de refuser ses assertions, de
lui demander d'administrer des preuves de ce qu'il avance, de lui opposer
d'autres assertions. Ces échanges contribuent à faire expliciter les théories
mathématiques mais aussi à mettre en place les mathématiques en tant que
moyen d'éprouver celles que l'on conçoit. Une démarche de preuve est
construite dans une dialectique de la validation qui conduit l'élève,
successivement à user spontanément des figures de rhétorique puis à y
renoncer.»
(Brousseau, 1978 --1998, p. 127)
Institutionnalisation…
• « pour mettre de l’ordre dans le désordre qu’introduit fatalement le débat et
pour introduire et expliquer ce qu’aucun débat ne peut introduire et/ou
expliquer à un coût raisonnable. »
(Marc Legrand 1990. p.116).
 Situations de validation (Brousseau)
 Norme sociale et mathématique (Cobb)
5Nicolas Balacheff, 7e Journées Épistémologie Montpellier -mai 2019 / 31
Une problématique qui traverse la scolarité
Argumentation, preuve et démonstration sont les mots clés
d’une même problématique : la validation
Elle traverse les programmes de l’enseignement obligatoire
Finalité éducative
 distinguer croyance et connaissance
Finalité didactique
 répondre à la question du vrai en mathématique
 distinguer argumentation, preuve, démonstration
 comprendre la démonstration comme type de preuve
Des questions
• Définition des termes (argumentation, preuve, démonstration)
• Tensions entre prouver et comprendre (expliquer)
• Tensions entre convaincre et persuader (interactions humaines)
6Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Vocabulaire – raisonnement, explication
Raisonnement
« organisation de propositions qui est orientée vers un énoncé-cible pour modifier la
valeur épistémique que cet énoncé-cible a dans un état de connaissance donné, ou
dans un milieu social donné, et, qui par voie de conséquence, en modifie la valeur
de vérité lorsque certaines conditions particulières d’organisation sont remplies »
(Duval 1992)
 modifier la valeur épistémique d’un énoncé-cible
La question de la valeur épistémique résolue, se pose celle de la construction de la
cohérence ou appartenance de la nouvelle production au système de
connaissance.
Explication
 système de relations au sein duquel
l’énoncé à expliquer trouve sa place
« L'explication n'a pas pour but la modification de la valeur épistémique d'un
énoncé-cible : elle ne s'appuie pas du tout sur les valeurs épistémiques des
propositions mobilisées, mais seulement sur leur contenu. » (Duval 1992)
7Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Vocabulaire – argumentation … démonstration
8
argumentation démonstration
preuveExplication
privé
public
Argumentation  vraisemblance et conviction (autrui / soi-même)
Explication  validité
Explication + Discours (orientation, intention, critique)
argumentation acceptée collectivement  Preuve
forme particulière de la preuve en mathématiques  Démonstrations
Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Vocabulaire – argumentation … démonstration
9Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019
Argumentation rhétorique vs heuristique (Duval)
Explication épistémique vs ontique (G. Hanna)
/ 31
« […] while the content of any particular proof is the fruit of a person’s
epistemic work, it can be separated as an object independent of a
particular mind. Other people can read this proof and be convinced by
it. This leads us to the question whether showing why a theorem is true
is a feature of the proof itself or a feature of communicative acts, texts
or representations. »
(Delarivière, Frans, & Van Kerkhove, 2017. p.3)
Argumentation  vraisemblance et conviction (autrui / soi-même)
Explication  validité
Explication + Discours (orientation, intention, critique)
argumentation acceptée collectivement  Preuve
forme particulière de la preuve en mathématiques  Démonstrations
Vocabulaire – argumentation et valeur des énoncés
Agent = soi, un autre, les autres
Argumentation rhétorique vs heuristique
rhétorique  convaincre un agent
heuristique  progresser dans un problème
existence ou non d'une organisation théorique du champ
de connaissances et de représentations dans lequel se
déroule l'argumentation
Valeur épistémique vs ontique
épistémique  implique la compréhension d’un agent
ontique  indépendance de la compréhension d’un agent
10Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Illustration 1 – aire et périmètre
Cycle 4, les élèves travaillent en binômes
Dans une classe, les élèves travaillent sur
l'aire et le périmètre d'un rectangle. Voici ce
qu'en disent certains d'entre eux :
• David: deux rectangles qui ont le même
périmètre ont la même aire.
• Suzanne: deux rectangles qui ont la même
aire ont le même périmètre .
• Guy: si on augmente le périmètre d'un
rectangle son aire augmente aussi.
• Serge: si on augmente l'aire d'un rectangle
son périmètre augmente aussi.
• Brigitte: tous les rectangles qui ont une aire
de 36cm ont un périmètre qui ne fait pas
moins de 24cm.
• Louise: pour tout rectangle il en existe un
autre qui a la même aire mais dont le
périmètre est plus grand.
Que pensez-vous de ce que raconte chacun
de ces élèves : êtes-vous d'accord ou non?
Expliquez pourquoi.
oui, car ils ont le même périmètre donc ils sont isométriques, sinon ils
n'auraient pas la même aire, car la surface est délimitée par le périmètre
donc comme le périmètre est [le] même, l'aire est la même.
Théorème-en-acte : si deux formes sont
différentes alors les mesures qui leurs sont
associées le sont aussi.
Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 11 / 31
Illustration 1 – aire et périmètre
Cycle 4, les élèves travaillent en binômes
Dans une classe, les élèves travaillent sur
l'aire et le périmètre d'un rectangle. Voici ce
qu'en disent certains d'entre eux :
• David: deux rectangles qui ont le même
périmètre ont la même aire.
• Suzanne: deux rectangles qui ont la même
aire ont le même périmètre .
• Guy: si on augmente le périmètre d'un
rectangle son aire augmente aussi.
• Serge: si on augmente l'aire d'un rectangle
son périmètre augmente aussi.
• Brigitte: tous les rectangles qui ont une aire
de 36cm ont un périmètre qui ne fait pas
moins de 24cm.
• Louise: pour tout rectangle il en existe un
autre qui a la même aire mais dont le
périmètre est plus grand.
Que pensez-vous de ce que raconte chacun
de ces élèves : êtes-vous d'accord ou non?
Expliquez pourquoi.
oui, car la délimitation de la surface va être augmentée donc la surface
va être augmentée aussi là, les nombres qui se multiplient ... qui
s'ajoutent [ ... ] ben oui, parce que quand tu augmentes le périmètre, la
longueur et la largeur augmentent. Donc lorsqu'on les multiplie tous
les deux, ça augmente aussi.
Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 12 / 31
Connaissance, conception, argumentation
Conception surface-contour
• cadre spatio-graphique
• perception de la forme
Conception aire-périmètre
• cadre arithmétique
• formules
ils ont le même périmètre donc ils sont isométriques, sinon ils n'auraient pas la
même aire, car la surface est délimitée par le périmètre donc comme le périmètre
est [le] même, l'aire est la même.
------
la délimitation de la surface va être augmentée donc la surface va être augmentée
aussi là, les nombres qui se multiplient ... qui s'ajoutent [ ... ] ben oui, parce que
quand tu augmentes le périmètre, la longueur et la largeur augmentent. Donc
lorsqu'on les multiplie tous les deux, ça augmente aussi.
Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 13
Une connaissance  de multiples conceptions
 activées selon le problème à résoudre.
 distinguées par les moyens de représentation et les
structures de contrôles (choix, jugements, décisions)
/ 31
A partir d'un segment AB, on construit un cercle ayant
AB comme diamètre. Partager AB en deux parties égales,
AC et CB. On construit deux cercles ayant pour diamètres
respectivement AC et CB. On continue à découper les
segments résultant en deux moitiés, et on construit
sur ces parties les cercles ayant pour diamètres ces segments.
Comment varie la longueur totale des périmètres ?
Comment varie l'aire totale des cercles ?
Vincent : l'aire est à chaque fois divisée par deux…et à la limite?
A la limite c'est une droite, confondue avec le segment de départ …
[…]
Vincent : elle tend à zéro […] oui mais alors le périmètre ?
Ludovic: non, le périmètre est toujours le même
Vincent : au pire le périmètre il tombe jusqu'à deux fois le segment
[…]
Vincent : si on fait tendre à zéro l'aire on fait tendre le périmètre aussi… je ne sais pas…
Ludovic: Je finis la première démonstration
Illustration 2 – où il est question de limite
A B
C
Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 14 / 31
Illustration 2 – où il est question de limite
Le périmètre est
toujours le même
A la limite le périmètre
est le diamètre
à la limite le
périmètre est le
même
Principe de
conservation à la
limite
Conception
algébrique
Cadre algébrique
aire/périmètre
formuleLudovic
Conception algébrique
Vincent
conception
arithmétique
symbolique
15Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Types d’argumentation / preuve
David Tall, 2011
- « Children or novices do not initially think deductively. »
- « It is only much later—usually at college level—that axiomatic formal proof arises in terms of
formal definitions and deductions »
to rethink the nature of mathematical proof and to consider the use of different
types of proof related to the cognitive development of the individual.
Piaget
Le développement de la pensée représentative passe par deux grandes étapes
caractérisées par la nature des rapports aux objets qu’elle considère et par la
nature des structures logiques qui sous-tendent les conduites et les notions des
sujets.
Quelles types de preuves disponibles avant l’apprentissage de la
démonstration ? Quelle place leur donner dans l’enseignement ?
Quels interactions entre argumentation et conceptions ?
16Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Empirisme naïf
• Tirer la validité d’un énoncé de
l'observation d'un petit nombre de
cas
• Laurent: « [...] calculer le nombre des ... ben,
oui, c'est ... y'a 5 sommets et 5 diagonales. »
• Lionel: « ouais et on l'a prouvé. »
• Ils remettent un texte
• L'observateur propose un
hexagone.
« Ben, y aura 6 diagonales. »
• Pour trouver le nombre de diagonales dans un polygone
il suffit de diviser le nombre de sommets par deux
• Polygone ayant 6 sommets :
6:2=3 diagonales
• Polygone ayant 8 sommets :
8:2=4 diagonales
17Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Expérience cruciale
Le principe : choisir un cas dont la complexité ou la singularité
permettent de confirmer ou vérifier une conjecture :
• à la suite d’un exemple générique :
« on va faire une immense figure pour vérifier »
• à la suite d’une conjecture forgée sur quelques cas :
« essaie une fois avec 15 et puis si ça marche,
ben ça veut dire qu'ça marche avec les autres »
La généralisation est prise en compte explicitement avec une intention
probatoire ou de vérification
 en complément d’une approche empirique
 pour lever le doute d’un opposant (convaincre ou persuader)
18Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Exemple générique
explicitation des raisons de la
validité d'un énoncé par la
réalisation d'opérations sur un
objet présent non pour lui‐même
mais en tant que bon
représentant d'une classe
• dans un polygone à 6 sommets, il part 3 diagonales
par sommets donc il part 18 diagonales, mais une
diagonale joint deux points il n’y a que 9
diagonales : 18:2=9
• et de même avec 7 sommets 8, 9, 10, 11, etc.
• alors à 7 sommets il partira 4 diagonales par
sommet
• à chaque fois que l’on ajoute un sommet au
précédent polygone on ajoute une diagonale par
sommet aux précédentes diagonales et on divise par
deux le nombre de toutes les diagonales et on
trouve le nombre de diagonales du polygone.
19Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Expérience mentale
invoque l'action en
l'intériorisant et en la
détachant de sa réalisation sur
un représentant particulier.
Elle reste marquée par la
temporalité anecdotique, mais
les opérations et les relations
sont désignées autrement que
par le résultat de leur mise en
œuvre
• En sachant le nombre de sommets d’un
polygone, il partira de chaque point, le nombre
de sommets – (ses deux voisins + lui-même)
• Il faut multiplier ce qu’on a trouvé par le
nombre de sommets (par chaque sommet il
part le même nombre de diagonales)
• Mais on compte chaque diagonale deux fois.
Le nombre de diagonales est donc à diviser par
deux et on obtient une fois chaque diagonale.
20Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Types d’argumentation / preuve
un même processus de résolution d'un problème
plusieurs niveaux de preuve
21
La signification de ces processus de validation ne peut être
saisie sans un examen des conceptions que les élèves
mobilisent, et celle de la lecture qu'ils font de la situation dans
laquelle ils se trouvent.
Comprendre et modéliser le lien connaissance / preuve
Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Illustration 3 – valeurs intermédiaires
... il suffit de faire voir que la courbe qui a pour équation y=f(x) rencontrera une
ou plusieurs fois la droite qui a pour équation y=b dans l'intervalle compris entre
les ordonnées qui correspondent aux abscisses x0 et x ; or c'est évidemment ce qui
aura lieu dans l'hypothèse admise.
En effet, la fonction f(x) étant continue entre les limites x=x0 et x=x, la courbe qui
a pour équation y=f(x) et qui passe 1° par le point correspondant aux
coordonnées x0, f(x0), 2° par le point correspondant aux coordonnées x et f(x),
sera continue entre ces deux points; et, comme l'ordonnée constante b de la droite
qui a pour équation y=b se trouve comprise entre les ordonnées f(x0), f(x) des
deux points que l'on considère, la droite passera nécessairement entre ces deux
points, ce qu'elle ne peut faire sans rencontrer dans l'intervalle la courbe ci-dessus
mentionnée.
Cauchy, cours d’analyse de 1821
Remarque sur le théorème des valeurs
intermédiaires.
• La notion of variable domine celle
de fonction (variable dépendante)
avec une conception dynamique
de la convergence qui influe sur
celle de limite et de continuité.
• La continuité est définie sur un
intervalle et non en un point, elle
est intimement liée à la perception
de la continuité graphique de la
courbe.
• Les quantificateurs ne sont pas
disponibles (il faut attendre le XX°
siècle)
L’analyse d’Arsac est construite sur une
dissection précise du texte en prenant en
compte la situation des mathématiques
dans la première moitié du XIX° siècle.
22Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Illustration 3 – valeurs intermédiaires
Caractériser une conception par
la donnée simultanée et reliée
• des problèmes (finalité),
• des systèmes de représentation,
• des opérations disponibles,
• des moyens de validation.
Structure de contrôle
ensemble hiérarchisé de moyens et procédures pour juger, vérifier,
choisir, valider
• Les contrôles référents guident la recherche de solution
• Les contrôles d’instrumentation guident le choix des opérateurs
• Les contrôles locaux garantit la bonne
23Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
écart structurel
Contrôle, preuve et validation
Structure de contrôle : ensemble hiérarchisé de moyens et
procédures pour juger, vérifier, choisir, valider
24
Contrôle référent
Contrôle d’instrumentation
Contrôle local
Argumentation heuristique
Explication <> Argumentation
Preuve
Processus de
résolution
Processus de
validation
Privé
Public
(actuel ou potentiel)
/ 2Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
De l’importance de la situation (Brousseau)
La résolution engage des interactions
avec un milieu matériel ou immatériel.
La validation, collaborative ou
délibérative, implique le locuteur
(proposant/actant) et l’auditeur
(opposant/ rétroactant)
 Partage d’un registre langagier
 Partage de règles de débat
25
Milieu pour la
validation
/ 3Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Illustration 5 – la somme des angles d’un triangle
26Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019
Chacun trace et
mesure sur son
triangle
Un même
triangle
photocopié
pour tous
Collectivement
anticiper le
résultat
Conjecture 180°
/ 31
Illustration 5 – la somme des angles d’un triangle
Option 1 : construire les règles
Neutralité vis-à-vis des élèves qui pensent que la valeur de la
somme des angles d'un triangle dépend de sa forme
Légitimité du doute  produire un triangle dont la somme des
angles serait très éloignée de 180° ou produire une preuve que cela
est impossible.
Validé pour le triangle rectangle (« moitié » du
rectangle)
Option 2 : donner les règles
Les règles du jeu du débat sont données a priori, l’enseignant se
trouve de fait en position de juge.
L’injonction de prouver  sensibilité à l’instrumentalisation des
règles au service d’un jeu social plus large.
27Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Argumentation mathématique
Rhétorique
Heuristique
Prendre la preuve comme objet
 Normalisation du discours
Dépersonnalisation
Décontextualisation
Détemporalisation
 Normalisation de la référence
Faible distance discursive entre argumentation et
démonstration (Duval 1992)
Instituer des formes de preuve
Théorème = {théorie, énoncé, démonstration}
28/ 2Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Argumentation mathématique
29
Conjecture = {conception, énoncé, argumentation}
Fait = {répertoire institué, énoncé, arg. mathématique}
Unitéépistémique
Unitécognitive-Boero
Nicolas Balacheff, séminaire DEMa, IMAG Montpellier -mai 2019
Théorème = {théorie, énoncé, démonstration}
Mariotti et al
/ 31
Les conceptions mobilisées
• opérateurs
• représentations
• contrôles
Le langage, construction de l’argumentation
La situation
• Principe d’économie de logique (Bourdieu)
• Enjeux d’interaction sociale (Schwarz & Baker)
Création d’une norme socio-mathématique (Paul Cobb)
argumentation mathématique
Institutionnalisation
preuve
Contraintes sur la validation / argumentation
30/ 2Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
Questions ? Remarques ?
« Nolens volens, une preuve est teintée de rhétorique, car elle est un discours
complet, qui est surtout d’adéquation à ce qu’il prouve et présente de ce chef un
caractère interprétatif, alors qu’une démonstration peut être considérée comme un
acte d’extériorité ou d’objectivation, quelque chose qui requiert le regard (l’objet est
celui d’un sujet), mais un « voir » qui se suffit à lui-même, véritablement une
« monstration » de la vérité de ce qui est en cause. »
Jean Dhombres
« Les textes mathématiques courants sont bien entendu écrits dans le langage
commun gouvernés par les lois de la syntaxe et la grammaire ordinaires. […] Les
démonstrations ordinaires sont jugées exemptes de recours intempestif à des
intuitions extérieures ; aucune contestation sérieuse ne s’élevant à leur propos, il
n’est pas jugé nécessaire de les remplacer par des démonstrations formelles. Les
mathématiciens sont bien plus à la recherche d’intuitions à éviter que de manières
de les éviter. »
André Weil - Bourbaki
Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 31 / 31

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  • 1. L'argumentation mathématique Un concept nécessaire pour penser l’apprentissage de la démonstration Nicolas Balacheff, 7e Journées Épistémologie Montpellier -mai 2019 1 / 31
  • 2. Une problématique épistémologique L’argumentation est un discours orienté, il vise la validité d’un énoncé intentionnel, il cherche à modifier un jugement critique, il analyse, soutient et défend Argumenter est un acte qui structure la socialisation qui instrumente le langage qui change la valeur épistémique d’un énoncé qui modifie le rapport à la connaissance {énoncé, argumentation} 2Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 3. L’argumentation dans le discours des institutions scolaires Cycle 2 • « Le discours produit est argumenté et prend appui sur des observations et des recherches et non sur des croyances. » Cycle 3 • « Les mathématiques contribuent à construire chez les élèves l'idée de preuve et d'argumentation. » Cycle 4 • Démontrer : « utiliser un raisonnement logique et des règles établies (propriétés, théorèmes, formules) pour parvenir à une conclusion »  « moyen mathématique d’accès à la vérité » en donnant à voir « les différentes étapes d’une preuve par la présentation, rédigée sous forme déductive, des liens logiques qui la sous-tendent. » • « défendre ses jugements en s’appuyant sur des résultats établis et sur sa maîtrise de l’argumentation ». 3Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31 Source ministère de l’éducation nationale
  • 4. Complexité du projet scolaire « Il n’est pas question de démontrer tous les théorèmes ou propriétés figurant au programme » « Afin de ne pas détourner de la résolution de problèmes les élèves ayant des difficultés à entrer dans les codes de rédaction d’une démonstration, il importe de valoriser les productions spontanées, écrites ou orales, issues des phases de recherche et d’expérimentation. » Le travail de la classe comprend ainsi « des temps de mise en commun et d’argumentation permettant de produire une preuve et des temps de mise en forme (démonstrations rédigées) » 4Nicolas Balacheff, 7e Journées Épistémologie Montpellier -mai 2019 / 31 Source ministère de l’éducation nationale
  • 5. Complexité du projet scolaire Mise en commun… • « L'élève doit établir la validité d'une assertion, il doit s'adresser en tant que sujet à un autre sujet susceptible d'accepter ou de refuser ses assertions, de lui demander d'administrer des preuves de ce qu'il avance, de lui opposer d'autres assertions. Ces échanges contribuent à faire expliciter les théories mathématiques mais aussi à mettre en place les mathématiques en tant que moyen d'éprouver celles que l'on conçoit. Une démarche de preuve est construite dans une dialectique de la validation qui conduit l'élève, successivement à user spontanément des figures de rhétorique puis à y renoncer.» (Brousseau, 1978 --1998, p. 127) Institutionnalisation… • « pour mettre de l’ordre dans le désordre qu’introduit fatalement le débat et pour introduire et expliquer ce qu’aucun débat ne peut introduire et/ou expliquer à un coût raisonnable. » (Marc Legrand 1990. p.116).  Situations de validation (Brousseau)  Norme sociale et mathématique (Cobb) 5Nicolas Balacheff, 7e Journées Épistémologie Montpellier -mai 2019 / 31
  • 6. Une problématique qui traverse la scolarité Argumentation, preuve et démonstration sont les mots clés d’une même problématique : la validation Elle traverse les programmes de l’enseignement obligatoire Finalité éducative  distinguer croyance et connaissance Finalité didactique  répondre à la question du vrai en mathématique  distinguer argumentation, preuve, démonstration  comprendre la démonstration comme type de preuve Des questions • Définition des termes (argumentation, preuve, démonstration) • Tensions entre prouver et comprendre (expliquer) • Tensions entre convaincre et persuader (interactions humaines) 6Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 7. Vocabulaire – raisonnement, explication Raisonnement « organisation de propositions qui est orientée vers un énoncé-cible pour modifier la valeur épistémique que cet énoncé-cible a dans un état de connaissance donné, ou dans un milieu social donné, et, qui par voie de conséquence, en modifie la valeur de vérité lorsque certaines conditions particulières d’organisation sont remplies » (Duval 1992)  modifier la valeur épistémique d’un énoncé-cible La question de la valeur épistémique résolue, se pose celle de la construction de la cohérence ou appartenance de la nouvelle production au système de connaissance. Explication  système de relations au sein duquel l’énoncé à expliquer trouve sa place « L'explication n'a pas pour but la modification de la valeur épistémique d'un énoncé-cible : elle ne s'appuie pas du tout sur les valeurs épistémiques des propositions mobilisées, mais seulement sur leur contenu. » (Duval 1992) 7Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 8. Vocabulaire – argumentation … démonstration 8 argumentation démonstration preuveExplication privé public Argumentation  vraisemblance et conviction (autrui / soi-même) Explication  validité Explication + Discours (orientation, intention, critique) argumentation acceptée collectivement  Preuve forme particulière de la preuve en mathématiques  Démonstrations Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 9. Vocabulaire – argumentation … démonstration 9Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 Argumentation rhétorique vs heuristique (Duval) Explication épistémique vs ontique (G. Hanna) / 31 « […] while the content of any particular proof is the fruit of a person’s epistemic work, it can be separated as an object independent of a particular mind. Other people can read this proof and be convinced by it. This leads us to the question whether showing why a theorem is true is a feature of the proof itself or a feature of communicative acts, texts or representations. » (Delarivière, Frans, & Van Kerkhove, 2017. p.3) Argumentation  vraisemblance et conviction (autrui / soi-même) Explication  validité Explication + Discours (orientation, intention, critique) argumentation acceptée collectivement  Preuve forme particulière de la preuve en mathématiques  Démonstrations
  • 10. Vocabulaire – argumentation et valeur des énoncés Agent = soi, un autre, les autres Argumentation rhétorique vs heuristique rhétorique  convaincre un agent heuristique  progresser dans un problème existence ou non d'une organisation théorique du champ de connaissances et de représentations dans lequel se déroule l'argumentation Valeur épistémique vs ontique épistémique  implique la compréhension d’un agent ontique  indépendance de la compréhension d’un agent 10Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 11. Illustration 1 – aire et périmètre Cycle 4, les élèves travaillent en binômes Dans une classe, les élèves travaillent sur l'aire et le périmètre d'un rectangle. Voici ce qu'en disent certains d'entre eux : • David: deux rectangles qui ont le même périmètre ont la même aire. • Suzanne: deux rectangles qui ont la même aire ont le même périmètre . • Guy: si on augmente le périmètre d'un rectangle son aire augmente aussi. • Serge: si on augmente l'aire d'un rectangle son périmètre augmente aussi. • Brigitte: tous les rectangles qui ont une aire de 36cm ont un périmètre qui ne fait pas moins de 24cm. • Louise: pour tout rectangle il en existe un autre qui a la même aire mais dont le périmètre est plus grand. Que pensez-vous de ce que raconte chacun de ces élèves : êtes-vous d'accord ou non? Expliquez pourquoi. oui, car ils ont le même périmètre donc ils sont isométriques, sinon ils n'auraient pas la même aire, car la surface est délimitée par le périmètre donc comme le périmètre est [le] même, l'aire est la même. Théorème-en-acte : si deux formes sont différentes alors les mesures qui leurs sont associées le sont aussi. Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 11 / 31
  • 12. Illustration 1 – aire et périmètre Cycle 4, les élèves travaillent en binômes Dans une classe, les élèves travaillent sur l'aire et le périmètre d'un rectangle. Voici ce qu'en disent certains d'entre eux : • David: deux rectangles qui ont le même périmètre ont la même aire. • Suzanne: deux rectangles qui ont la même aire ont le même périmètre . • Guy: si on augmente le périmètre d'un rectangle son aire augmente aussi. • Serge: si on augmente l'aire d'un rectangle son périmètre augmente aussi. • Brigitte: tous les rectangles qui ont une aire de 36cm ont un périmètre qui ne fait pas moins de 24cm. • Louise: pour tout rectangle il en existe un autre qui a la même aire mais dont le périmètre est plus grand. Que pensez-vous de ce que raconte chacun de ces élèves : êtes-vous d'accord ou non? Expliquez pourquoi. oui, car la délimitation de la surface va être augmentée donc la surface va être augmentée aussi là, les nombres qui se multiplient ... qui s'ajoutent [ ... ] ben oui, parce que quand tu augmentes le périmètre, la longueur et la largeur augmentent. Donc lorsqu'on les multiplie tous les deux, ça augmente aussi. Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 12 / 31
  • 13. Connaissance, conception, argumentation Conception surface-contour • cadre spatio-graphique • perception de la forme Conception aire-périmètre • cadre arithmétique • formules ils ont le même périmètre donc ils sont isométriques, sinon ils n'auraient pas la même aire, car la surface est délimitée par le périmètre donc comme le périmètre est [le] même, l'aire est la même. ------ la délimitation de la surface va être augmentée donc la surface va être augmentée aussi là, les nombres qui se multiplient ... qui s'ajoutent [ ... ] ben oui, parce que quand tu augmentes le périmètre, la longueur et la largeur augmentent. Donc lorsqu'on les multiplie tous les deux, ça augmente aussi. Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 13 Une connaissance  de multiples conceptions  activées selon le problème à résoudre.  distinguées par les moyens de représentation et les structures de contrôles (choix, jugements, décisions) / 31
  • 14. A partir d'un segment AB, on construit un cercle ayant AB comme diamètre. Partager AB en deux parties égales, AC et CB. On construit deux cercles ayant pour diamètres respectivement AC et CB. On continue à découper les segments résultant en deux moitiés, et on construit sur ces parties les cercles ayant pour diamètres ces segments. Comment varie la longueur totale des périmètres ? Comment varie l'aire totale des cercles ? Vincent : l'aire est à chaque fois divisée par deux…et à la limite? A la limite c'est une droite, confondue avec le segment de départ … […] Vincent : elle tend à zéro […] oui mais alors le périmètre ? Ludovic: non, le périmètre est toujours le même Vincent : au pire le périmètre il tombe jusqu'à deux fois le segment […] Vincent : si on fait tendre à zéro l'aire on fait tendre le périmètre aussi… je ne sais pas… Ludovic: Je finis la première démonstration Illustration 2 – où il est question de limite A B C Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 14 / 31
  • 15. Illustration 2 – où il est question de limite Le périmètre est toujours le même A la limite le périmètre est le diamètre à la limite le périmètre est le même Principe de conservation à la limite Conception algébrique Cadre algébrique aire/périmètre formuleLudovic Conception algébrique Vincent conception arithmétique symbolique 15Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 16. Types d’argumentation / preuve David Tall, 2011 - « Children or novices do not initially think deductively. » - « It is only much later—usually at college level—that axiomatic formal proof arises in terms of formal definitions and deductions » to rethink the nature of mathematical proof and to consider the use of different types of proof related to the cognitive development of the individual. Piaget Le développement de la pensée représentative passe par deux grandes étapes caractérisées par la nature des rapports aux objets qu’elle considère et par la nature des structures logiques qui sous-tendent les conduites et les notions des sujets. Quelles types de preuves disponibles avant l’apprentissage de la démonstration ? Quelle place leur donner dans l’enseignement ? Quels interactions entre argumentation et conceptions ? 16Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 17. Empirisme naïf • Tirer la validité d’un énoncé de l'observation d'un petit nombre de cas • Laurent: « [...] calculer le nombre des ... ben, oui, c'est ... y'a 5 sommets et 5 diagonales. » • Lionel: « ouais et on l'a prouvé. » • Ils remettent un texte • L'observateur propose un hexagone. « Ben, y aura 6 diagonales. » • Pour trouver le nombre de diagonales dans un polygone il suffit de diviser le nombre de sommets par deux • Polygone ayant 6 sommets : 6:2=3 diagonales • Polygone ayant 8 sommets : 8:2=4 diagonales 17Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 18. Expérience cruciale Le principe : choisir un cas dont la complexité ou la singularité permettent de confirmer ou vérifier une conjecture : • à la suite d’un exemple générique : « on va faire une immense figure pour vérifier » • à la suite d’une conjecture forgée sur quelques cas : « essaie une fois avec 15 et puis si ça marche, ben ça veut dire qu'ça marche avec les autres » La généralisation est prise en compte explicitement avec une intention probatoire ou de vérification  en complément d’une approche empirique  pour lever le doute d’un opposant (convaincre ou persuader) 18Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 19. Exemple générique explicitation des raisons de la validité d'un énoncé par la réalisation d'opérations sur un objet présent non pour lui‐même mais en tant que bon représentant d'une classe • dans un polygone à 6 sommets, il part 3 diagonales par sommets donc il part 18 diagonales, mais une diagonale joint deux points il n’y a que 9 diagonales : 18:2=9 • et de même avec 7 sommets 8, 9, 10, 11, etc. • alors à 7 sommets il partira 4 diagonales par sommet • à chaque fois que l’on ajoute un sommet au précédent polygone on ajoute une diagonale par sommet aux précédentes diagonales et on divise par deux le nombre de toutes les diagonales et on trouve le nombre de diagonales du polygone. 19Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 20. Expérience mentale invoque l'action en l'intériorisant et en la détachant de sa réalisation sur un représentant particulier. Elle reste marquée par la temporalité anecdotique, mais les opérations et les relations sont désignées autrement que par le résultat de leur mise en œuvre • En sachant le nombre de sommets d’un polygone, il partira de chaque point, le nombre de sommets – (ses deux voisins + lui-même) • Il faut multiplier ce qu’on a trouvé par le nombre de sommets (par chaque sommet il part le même nombre de diagonales) • Mais on compte chaque diagonale deux fois. Le nombre de diagonales est donc à diviser par deux et on obtient une fois chaque diagonale. 20Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 21. Types d’argumentation / preuve un même processus de résolution d'un problème plusieurs niveaux de preuve 21 La signification de ces processus de validation ne peut être saisie sans un examen des conceptions que les élèves mobilisent, et celle de la lecture qu'ils font de la situation dans laquelle ils se trouvent. Comprendre et modéliser le lien connaissance / preuve Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 22. Illustration 3 – valeurs intermédiaires ... il suffit de faire voir que la courbe qui a pour équation y=f(x) rencontrera une ou plusieurs fois la droite qui a pour équation y=b dans l'intervalle compris entre les ordonnées qui correspondent aux abscisses x0 et x ; or c'est évidemment ce qui aura lieu dans l'hypothèse admise. En effet, la fonction f(x) étant continue entre les limites x=x0 et x=x, la courbe qui a pour équation y=f(x) et qui passe 1° par le point correspondant aux coordonnées x0, f(x0), 2° par le point correspondant aux coordonnées x et f(x), sera continue entre ces deux points; et, comme l'ordonnée constante b de la droite qui a pour équation y=b se trouve comprise entre les ordonnées f(x0), f(x) des deux points que l'on considère, la droite passera nécessairement entre ces deux points, ce qu'elle ne peut faire sans rencontrer dans l'intervalle la courbe ci-dessus mentionnée. Cauchy, cours d’analyse de 1821 Remarque sur le théorème des valeurs intermédiaires. • La notion of variable domine celle de fonction (variable dépendante) avec une conception dynamique de la convergence qui influe sur celle de limite et de continuité. • La continuité est définie sur un intervalle et non en un point, elle est intimement liée à la perception de la continuité graphique de la courbe. • Les quantificateurs ne sont pas disponibles (il faut attendre le XX° siècle) L’analyse d’Arsac est construite sur une dissection précise du texte en prenant en compte la situation des mathématiques dans la première moitié du XIX° siècle. 22Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 23. Illustration 3 – valeurs intermédiaires Caractériser une conception par la donnée simultanée et reliée • des problèmes (finalité), • des systèmes de représentation, • des opérations disponibles, • des moyens de validation. Structure de contrôle ensemble hiérarchisé de moyens et procédures pour juger, vérifier, choisir, valider • Les contrôles référents guident la recherche de solution • Les contrôles d’instrumentation guident le choix des opérateurs • Les contrôles locaux garantit la bonne 23Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 24. écart structurel Contrôle, preuve et validation Structure de contrôle : ensemble hiérarchisé de moyens et procédures pour juger, vérifier, choisir, valider 24 Contrôle référent Contrôle d’instrumentation Contrôle local Argumentation heuristique Explication <> Argumentation Preuve Processus de résolution Processus de validation Privé Public (actuel ou potentiel) / 2Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 25. De l’importance de la situation (Brousseau) La résolution engage des interactions avec un milieu matériel ou immatériel. La validation, collaborative ou délibérative, implique le locuteur (proposant/actant) et l’auditeur (opposant/ rétroactant)  Partage d’un registre langagier  Partage de règles de débat 25 Milieu pour la validation / 3Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 26. Illustration 5 – la somme des angles d’un triangle 26Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 Chacun trace et mesure sur son triangle Un même triangle photocopié pour tous Collectivement anticiper le résultat Conjecture 180° / 31
  • 27. Illustration 5 – la somme des angles d’un triangle Option 1 : construire les règles Neutralité vis-à-vis des élèves qui pensent que la valeur de la somme des angles d'un triangle dépend de sa forme Légitimité du doute  produire un triangle dont la somme des angles serait très éloignée de 180° ou produire une preuve que cela est impossible. Validé pour le triangle rectangle (« moitié » du rectangle) Option 2 : donner les règles Les règles du jeu du débat sont données a priori, l’enseignant se trouve de fait en position de juge. L’injonction de prouver  sensibilité à l’instrumentalisation des règles au service d’un jeu social plus large. 27Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 28. Argumentation mathématique Rhétorique Heuristique Prendre la preuve comme objet  Normalisation du discours Dépersonnalisation Décontextualisation Détemporalisation  Normalisation de la référence Faible distance discursive entre argumentation et démonstration (Duval 1992) Instituer des formes de preuve Théorème = {théorie, énoncé, démonstration} 28/ 2Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 29. Argumentation mathématique 29 Conjecture = {conception, énoncé, argumentation} Fait = {répertoire institué, énoncé, arg. mathématique} Unitéépistémique Unitécognitive-Boero Nicolas Balacheff, séminaire DEMa, IMAG Montpellier -mai 2019 Théorème = {théorie, énoncé, démonstration} Mariotti et al / 31
  • 30. Les conceptions mobilisées • opérateurs • représentations • contrôles Le langage, construction de l’argumentation La situation • Principe d’économie de logique (Bourdieu) • Enjeux d’interaction sociale (Schwarz & Baker) Création d’une norme socio-mathématique (Paul Cobb) argumentation mathématique Institutionnalisation preuve Contraintes sur la validation / argumentation 30/ 2Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 / 31
  • 31. Questions ? Remarques ? « Nolens volens, une preuve est teintée de rhétorique, car elle est un discours complet, qui est surtout d’adéquation à ce qu’il prouve et présente de ce chef un caractère interprétatif, alors qu’une démonstration peut être considérée comme un acte d’extériorité ou d’objectivation, quelque chose qui requiert le regard (l’objet est celui d’un sujet), mais un « voir » qui se suffit à lui-même, véritablement une « monstration » de la vérité de ce qui est en cause. » Jean Dhombres « Les textes mathématiques courants sont bien entendu écrits dans le langage commun gouvernés par les lois de la syntaxe et la grammaire ordinaires. […] Les démonstrations ordinaires sont jugées exemptes de recours intempestif à des intuitions extérieures ; aucune contestation sérieuse ne s’élevant à leur propos, il n’est pas jugé nécessaire de les remplacer par des démonstrations formelles. Les mathématiciens sont bien plus à la recherche d’intuitions à éviter que de manières de les éviter. » André Weil - Bourbaki Nicolas Balacheff, 7° Journée d’épistémologie – Montpellier, mai 2019 31 / 31

Editor's Notes

  1. Lorsque Karl Popper définit la connaissance, il fait deux choses : il pose la définition, il écarte les mathématiques
  2. Cycle 3 Mise sur le même plan de preuve et argumentation Argumentation forme discursive du raisonnement Cycle 2 - Discours argumenté - Le mot « démontrer » est un glissement
  3. Complexité pour le professeur : Démontrer est indispensable en math Mais il ne démontrera pas tout Valoriser la démonstration et les productions spontanées Argumentation  preuve  démonstration (discours) En arrière plan, recommandations 2008 toujours valides  La mise en forme ne fait pas partie du socle commun
  4. Laisser de coté, pour une autre exposé, l’opposition convaincre/persuader (eg cf Harel)
  5. Problématique expliquer / prouver En relation avec besoin / compréhension
  6. I distinguish between a private and a public aspect of proof, the private being that which engenders understanding and provides a sense of why a claim is true. The public aspect is the formal argument with sufficient rigor for a particular mathematical setting which gives a sense that the claim is true. (Raman, 2002, p. 3; see also 2003, p. 320) Raman, M. (2002). Proof and justification in collegiate calculus. Unpublished doctoral dissertation, University of California, Berkeley. Raman, M. (2003). Key Ideas: What are they and how can they help us understand how people view proof? Educational Studies in Mathematics, 52(3), 319-325.
  7. I distinguish between a private and a public aspect of proof, the private being that which engenders understanding and provides a sense of why a claim is true. The public aspect is the formal argument with sufficient rigor for a particular mathematical setting which gives a sense that the claim is true. (Raman, 2002, p. 3; see also 2003, p. 320) Raman, M. (2002). Proof and justification in collegiate calculus. Unpublished doctoral dissertation, University of California, Berkeley. Raman, M. (2003). Key Ideas: What are they and how can they help us understand how people view proof? Educational Studies in Mathematics, 52(3), 319-325.
  8. I distinguish between a private and a public aspect of proof, the private being that which engenders understanding and provides a sense of why a claim is true. The public aspect is the formal argument with sufficient rigor for a particular mathematical setting which gives a sense that the claim is true. (Raman, 2002, p. 3; see also 2003, p. 320) Raman, M. (2002). Proof and justification in collegiate calculus. Unpublished doctoral dissertation, University of California, Berkeley. Raman, M. (2003). Key Ideas: What are they and how can they help us understand how people view proof? Educational Studies in Mathematics, 52(3), 319-325.
  9. Piaget appelle «sujet épistémique» les structures d'actions ou de pensée communes à tous les sujets d'un même niveau de développement, par opposition au «sujet individuel ou psychologique» utilisant ces instruments de connaissance. [http://www.fondationjeanpiaget.ch/fjp/site/ModuleFJP001/index_gen_page.php?IDPAGE=320&IDMODULE=72]
  10. Unité cognitive et écart structurel
  11. « Les textes mathématiques courants sont bien entendu écrits dans le langage commun gouvernés par les lois de la syntaxe et la grammaire ordinaires. De plus, les spécialistes mêmes de la logique formelle n’ont jamais présenté un texte mathématique ni même un système de règles (règles formatives et règles de raisonnement) se conformant strictement aux exigences d’un formalisme Pur. […] Les démonstrations ordinaires sont jugées exemptes de recours intempestif à des intuitions extérieures ; aucune contestation sérieuse ne s’élevant à leur propos; il n’est pas jugé nécessaire de les remplacer par des démonstrations formelles. Les mathématiciens sont bien plus à la recherche d’intuitions à éviter que de manières de les éviter. » « On peut par exemple se demander quel statut il conviendrait d’accorder à un énoncé dont on pourrait démontrer qu'il en existe une démonstration sans que la preuve de ce fait permette de construire effectivement une démonstration de cet énoncé. Un tel énoncé ne saurait être considéré (tant qu’on n’en a pas donné effectivement une démonstration) comme un théorème de la mathématique formelle ; néanmoins, l'opinion mathématique serait probablement assez divisée sur la question de savoir si un pareil énoncé devrait être tenu pour vrai » Rédaction n°066. Ensembles. Introduction (Chevalley). Chevalley, Claude, R066_awr002, accès le 18/05/2019, http://archives-bourbaki.ahp-numerique.fr/items/show/475