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De l’Algorithme au Diagramme
Bernhard Rieder
Mediastudies Department
Universiteit van Amsterdam
Toulouse, Janvier 23, 2019
Comment étudier l’objet « plateforme » ?
Introduction
Depuis une vingtaine d’années, les « plateformes » en ligne sont
discutées vivement sous différentes noms et angles.
Des moteurs de recherche comme « métamédia » (Winkler 1997) au
« web comme plateforme » (O’Reilly 2005), aux « jardins clôturés »
(Zittrain 2008), aux « marchés bifaces » (Rochet & Tirole 2003) ou aux
« gardiens de l’Internet » (Gillespie 2018), ce sont les différentes
fonctions d’intermédiation et leurs implications qui sont thématisées.
Les débats se focalisent désormais (souvent) sur un nombre limité de
(très) grandes entreprises spécialisées dans la mise en relation (de
différentes groupes d’acteurs).
La notion de « platformisation » adresse l’émergence d’un « modèle
infrastructurel et économique dominant » (Helmond 2015).
Introduction
Les algorithmes impliqués dans la mise
en relation sont le dernier sujet/aspect
« en vogue », notamment dans le
contexte de l’infomédiation
(Rebillard et Smyrnaios 2010).
Des mots comme distorsion, opacité,
fragmentation, ou polarisation
marquent les critiques et pluralité,
transparence, ou accountability les
solutions proposées.
Certains parlent même de domination et
de mesures antitrust.
« New operators such as Google, Microsoft, Yahoo! and Apple, as well as
the new, rising social media firms, such as Facebook or Twitter, should by
now be included in the list of the most powerful media organisations
worldwide. » (Centre for Media Pluralism and Media Freedom 2013)
Introduction
Différentes disciplines approchent la question du pouvoir des plateformes
de différentes manières, et les différences de conceptualisation et de
méthodologie se mélangent aux désaccords normatifs.
Dans mon propre travail la dimension technique est au centre : comment
penser et étudier la technique comme « technologie de pouvoir »
(Foucault 1994).
Cela inclut l’investigation historique et conceptuelle des techniques
algorithmiques, la création d’outils numériques pour chercheurs, des
recherches empiriques, les questions de conception de logiciel, et l’étude
du triangle entre technique, politique et économie.
Cette présentation se nourrit de ces différentes lignes d’investigation.
L’articulation se focalise sur une plateforme particulière : YouTube.
Introduction
YouTube est l’un des centres d’un « media système hybride » (Chadwick
2013) ou d’une « nouvelle écologie d’écran » (Cunningham et al. 2016).
De l’algorithme au diagramme
Le but n’est pas de faire une « biographie de plateforme » (Burgess
2016), mais plutôt de retracer un « diagramme de plateforme ».
On peut lire ce terme dans un sens technique :
« At a more mechanical level, a platform is also a standardized diagram or
technology. » (Bratton 2015, 44)
Chez Foucault, nous trouvons le concept de diagramme comme outil
à penser la liaison entre éléments hétérogènes – entre « des discours
et des architectures » (Foucault 1975, 276), entre « des programmes
et des mécanismes » (Deleuze 1984, 46).
Ces éléments ne sont pas l’émanation d’une même logique, mais
plutôt un agencement de « pièces » qui fonctionnent ensemble.
platform
(e.g. Facebook, Uber, App
Stores, etc.)
side 1
(e.g. users)
side 2
(e.g. advertisers,
sellers, etc.)
platform-enabled transaction
facilitates transaction by supporting offer, search,
security, contracting, payment, etc.
end-users
YouTube
(owned by Alphabet Inc.)
advertisers
content
creators
interfaces, ToS, etc.interfaces, ToS, etc.
Digitalisation, datafication, et informatisation (« computerization »)
produisent des infrastructures qui « captent » toujours plus de pratiques
(Agre 1994), les médiatise et les « constitue » (Burrows 2009, 451).
La « mediatization profonde » (Couldry and Hepp 2016) qui résulte
s’organise autour des formes et fonctions qui nivellent les différences
entre acteurs et entre contenus par le biais de formes techniques
standardisées qui échangent dans des très grand marchés.
"In other words, by imposing a mathematically precise form upon previously unformalized
activities, capture standardizes those activities and their component elements and
thereby prepares them […] for an eventual transition to market-based relationships."
(Agre 1994, 120)
Digitalisation
Partant de la théorie de Coase (1937) sur la « nature » de l’entreprise,
Ciborra développe un argument concernant le cout de transaction:
« The costs of organizing, i.e. costs of coordination and control, are decreased by
information technology which can streamline all or part of the information processing
required in carrying out an exchange: information to search for partners, to develop a
contract, to control the behavior of the parties during contract execution and so on »"
(Ciborra 1985, 63)
Mais les fonctions d’organisation sont construites et impliquent maintes
instances de décision et de design.
La masse des objets et contenus à l’offre dans les très grand marchés
semble demander et valoriser la délégation du trie à des techniques
algorithmiques qui reçoivent un pouvoir considérable.
Digitalisation
Formes institutionnelles de gouvernance
Les plateformes opèrent sur le biais de modèles techno-
institutionnels qui combinent décentralisation (marché) et
centralisation (état) :
« Platforms can be based on the global distribution of Interfaces and Users, and in
this, platforms resemble markets. At the same time, the programmed coordination of
that distribution reinforces their governance of the interactions that are exchanged
and capitalized through them, and for this, platforms resemble states. » (Bratton
2015, 41)
Comment opèrent distribution et gouvernance, comment identifier
et décrire les facteurs ou « causes » derrière les phénomènes
observables ?
Un diagramme de plateforme devrait permettre de discuter ensemble
et de juxtaposer des éléments souvent traités séparément.
Les éléments de ce diagramme (expérimental) :
1) Les « algorithmes »
2) Les infrastructures construites
3) Les participants, pratiques et contenus
4) Le business
5) Les « politiques » et « valeurs »
6) L'entreprise et son environnement
Chaque élément ouvre maintes possibilités d’étudier l’objet
« plateforme » : il recouvre des des questions particulières, des
approches et méthodes, des trajectoires historiques, etc.
Le diagramme de YouTube
end-users
YouTube
content
creators
search, recommendation
1) Les « algorithmes »
La question du pouvoir des algorithmes n’est pas nouvelle mais se pose
désormais avec urgence, notamment depuis l’apprentissage
automatique a commencé de se répandre.
Le pouvoir de souvent attribué aux algorithmes alimente les demandes
de transparence et d’accountability ; mais le problème est compliqué.
Les chercheurs en SHS proposent des approches empiriques (Sandvig et
al. 2014; Diakopoulos 2014) et conceptuelles (Burrell 2016; Mackenzie
2015, 2017) pour capter comment ces algorithmes opèrent ou
« pensent ».
1) Les « algorithmes »
Des expériences (ici Kosinski et al.
2013) montrent que p.ex. des « likes »
sur Facebook prédisent plutôt bien des
variables intimes et sensibles.
En spécifiant une variable cible comme
« temps sur site » ou « probabilité de
vente », ces techniques représentent
une lecture « intéressée » de la réalité.
(Rieder 2017)
Dans ce contexte, « l’enjeu n’est pas la
vérité, mais la performativité, c’est-à-
dire le meilleur rapport input/output »
(Lyotard 1997).
1) Penser l'apprentissage automatique
Au lieu de spécifier un modèle comme une formule, l’apprentissage automatique permet de
dériver un modèle à partir d’une « orchestration » spécifique de feedback. Chaque signal reçoit
une signification par rapport à une variable cible et le modèle est à la fois complexe (plein de
variables et rapport) et dynamique (il change avec le feedback capté par l’infrastructure).
Les initiatives d’observation empirique commencent à se
multiplier, ici AlgoTransparency par Guillaume Chaslot.
résultats de
recherche
pour [syria]
YouTube Data Tools
(Rieder 2015)
RankFlow
(Rieder 2015)
[gamergate] avRBD 0.03
[syria] avRBD 0.47
[trump] avRBD 0.8
Nous avons trouvé trois types de « morphologie » :
⦿ stable sur longue périodes de temps (avRBD bas) ;
⦿ stable avec interruptions « newsy » (avRBD moyen) ;
⦿ requêtes « newsy » avec changement permanent (avRDB élevé) ;
Les périodes stables s’organisent souvent autour des vidéos d’explication
publiées par des canaux qui se présentent comme neutre ou autour des
grands noms américains (p.ex. Stephen Colbert) ; dans les périodes plus
agitées, des acteurs « natifs » interviennent plus souvent.
La culture YouTube est très importante, mais ce « vernaculaire de
plateforme » (Gibbs et al. 2015) se croise aux vernaculaires des sujets
connectés aux requêtes, ce qui rend chaque cas différent des autres.
1) YouTube empirique
Nous voyons une corrélation entre production de vidéos, volume de
recherche (via Google Trends), et niveau de changement, mais une image
claire des causalités nous échappe.
1) YouTube empirique
Notre approche s’intéresse au fonctionnement technique de la recherche
sur YouTube mais la situe à l’intérieur d’un système plus large et affecté
par les pratiques usagers.
Nous passons d’algorithmes de ranking aux « cultures » de ranking et
combinent méthodes qualitatives et quantitatives dans un mouvement
« d’assemblage descriptif » (Savage 2009). Des facteurs techniques, des
vernaculaires de plateforme et les particularités de sujets particuliers sont
tous prises en compte.
Les éléments techniques et non-techniques, « la plateforme » et « les
pratiques » deviennent impossibles à distinguer.
1) Au-delà des « algorithmes »
« Concepts like ‘algorithm’ have become sloppy shorthands, slang terms for the act of
mistaking multipart complex systems for simple, singular ones. » (Bogost 2015, n.p.)
La « coordination programmée » (Bratton 2015) ne se limite guère aux
algorithmes, mais inclut un grand ensemble de formes et fonctions,
opérant dans les interfaces ou à l’intérieur des systèmes.
Des méthodes comme la « walkthrough method » (Light et al. 2017)
servent à repérer les affordances et comment elles s’enchainent dans
des « grammaires d’action » (Agre 1994), pour comprendre p.ex. « la
manière spécifique dont la sociabilité est programmée (c.-à-d. encodée,
assemblée et organisée) » (Bucher 2013, 480) sur Facebook.
L’étude des flux de données, leur « compression » en métriques et leurs
usages opérationnels constituent un autre niveau d’analyse.
2) Les infrastructures construites
end-users
YouTube
content
creators
search, recommendation, interaction
advertisers
interfaces interfaces
interfaces
L’informatisation implique qu’une large partie
des transactions se font à travers les interfaces.
La création d’une situation
communicationnelle, des
protocoles, etc.
Les infrastructures changent,
parfois rapidement.
Les plateformes proposent
différentes « market information
regimes » et « user information
regimes » (Webster 2010).
YouTube (Creator) Studio
La « métricisation »
soulève une série de
nouvelles interrogations.
La construction interne
des chiffres crée des
incertitudes concernant
la validité de ces régimes
informationnels.
Les plateformes sont peuplées de participants, de pratiques, de
contenus et de relations entre ces éléments ; les algorithmes et
infrastructures entre en dynamique avec les appropriations.
Les études ethnographiques nous donnent des aperçus intéressants,
mais partiels; les premières tentatives de décrire YouTube dans son
ensemble (p.ex. Bärtl 2018) restent des esquisses qui confirment
néanmoins l’« effet Mattieu » bien familier.
Auparavant souvent thématisée avec le terme « culture participative »
(Jenkins et al. 2015), nous voyons désormais des acteurs et
vernaculaires très différents et des niveaux d’échelle variés.
La proliferation des « multi-channel networks » (MCN) introduit une
couche de complexité supplémentaire. (cf. Lobato 2016)
3) Les participants, pratiques et contenus
Le format techno-institutionnel de la chaine
(avec sa logique de l’abonnement) est peut-
être l’unité centrale qui facilite stabilisation,
professionnalisation, création de marque et
fidélisation d’une audience.
La chaine rend l’offre « lisible » et navigable.
Qui est sur YouTube et pourquoi ? Qu’est-ce
qui « marche » ? Quel est le rôle des
algorithmes, mais aussi des dynamiques de la
sélection « culturelle » par l’audience ?
Qui va dominer cette écologie d’écran ?
3) Les participants, pratiques et contenus
Le top 10 des chaines françaises par
abonnements, selon socialblade.com
Réseau de « related channels » (YouTube Data Tools
+ Gephi) partant de Rubin Report et The Young Turks.
Tous les éléments déjà évoqués
connectent directement et
profondément avec les modèles
d’affaire employés.
Le modèle de YouTube repose toujours
en grande partie sur la publicité,
distribuée par « keyword bidding » et
partagée (55%/45%) avec plus d’un
million de « partenaires » (2016).
Les mécanismes désormais classiques
du « free » s’appliquent.
4) Le business
Certains acteurs (p.ex. chaines avec plus de
100.000 abonnés) ont droit au contact humain.
Patreon est devenu un source de financement majeure.
Des services payants comme YouTube Premium (RED) et YouTube Music
enlèvent la pub et permettent d’autres usages.
La fonction « join » ramène le modèle de Patreon à la plateforme et
l’intégration de fonctionnalités de vente élargit la gamme les
transactions possibles.
4) Le business
end-users
YouTube
(owned by Alphabet Inc.)
advertisers
content
creators
MCNs
MCNs
direct monetization
Patreon
Les discours justificatifs sont (étaient ?) souvent basés sur l’idée de la
« préférence révélée » selon laquelle « la cobaye individuelle, par son
comportement de marché, révèle son modèle de préférence »
(Samuelson 1948).
Ce raisonnement justifie l’usage des métriques de popularité parce que
les clicks deviennent des indications de préférence.
Mais la situation est devenue beaucoup plus compliquée à cause des
pressions commerciales (publicitaires nerveux) et politiques (pression
sociale, menaces de régulation).
La plateforme doit désormais s’engager dans le contrôle et la censure
au delà du copyright (Content ID) ; nous voyons un série d’expériences
qui inclue des nouvelles règles contrôlées et policées par des
algorithmes, des éditeurs et des utilisateurs.
5) « Politiques » et « valeurs »
Jack Dorsey et Alex Jones à la sortie des « Twitter-
Facebook Senate hearings » (Mahaskey 2018)
Après la phase de la « neutralité affichée »
commence celle des « valeurs humanistes ».
« [W]e're making a major change to how we build Facebook.
I'm changing the goal I give our product teams from focusing
on helping you find relevant content to helping you have
more meaningful social interactions. […] Now, I want to be
clear: by making these changes, I expect the time people
spend on Facebook and some measures of engagement will
go down. But I also expect the time you do spend on
Facebook will be more valuable. And if we do the right thing, I
believe that will be good for our community and our business
over the long term too. » (Zuckerberg 2018)
Ces questions de normativité ne sont
certainement pas simples.
5) « Politiques » et « valeurs »
Les politiques incluent désormais des
importantes initiatives de financement.
Les initiatives
de régulation
ou taxation se
multiplient.
Noyau: business établi, maitrise du processus
et du produit, revenu stable ;
Couche d’extension: maitrise du processus et
du produit, revenu discontinu ou incertain ;
Couche d’expansion: processus et produit
expérimentaux, revenu incertain ;
Les grandes plateformes poursuivent une stratégie d’« expansion
concentrique » (Thompson & Strickland 1978) qui mobilise les usagers et
canaux actuelles, les données collectionnées, les effets de réseau et les
capacités informatiques.
6) L’entreprise et son environnement
Les synergies ainsi libérées, rendent-elles les monopoles ou oligopoles
qui s’étendent sur différentes marchés inévitables ?
YouTube existe dans la famille des produits Alphabet / Google et il y a
maintes relations entre différentes produits.
Qu’est-ce qui résiste au pouvoir d’aspiration des plateformes ? Les
« grandes marques » ? Le service publique ? Les autres plateformes ?
Quels sont les compétiteurs de YouTube qui restent ? Facebook +
Instagram ? Amazon + Twitch ? Netflix ? Disney ? Les chaines de
télévision traditionnelles ?
6) L'entreprise et son environnement
Google Search
1998 2000 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
AdWords
Google News Beta
AdSense
GmailIPO
Picasa
Google Maps
YouTube
Android
Google Chrome
AdMob
Freebase
Google Wallet
Hangouts
Play Store Android Wear
Android Auto
Google Print
DoubleClick
Google X
Chrome OS
Google+
Google Drive
Google Cloud Platform
Google Now
Conclusions
Les plateformes représentent une reconfiguration des modalités de
transaction dans un mode informatique, incluant ces éléments :
⦿ Une normalisation qui facilite l’organisation des transactions dans la forme de
marché ; une « nivellisation » de certaines différences culturelles par la notion
de contenu et l’extension de ce principe à maintes domaines différentes ;
⦿ Des formes de coordination algorithmique qui automatisent l’optimisation
continue, adaptative et intéressée et l’intègrent dans les infrastructures mêmes ;
⦿ Les interfaces modulables qui captent les participants, leurs pratiques et leurs
données et servent comme coordinateurs et traducteurs entre ces participants et
les modes techno-organisationnels de la plateforme ;
⦿ Des très grands nombres de participants et contenus qui produisent
constamment de la valeur en alimentant et remplissant les formes et fonctions ;
⦿ Des modèles de business qui nourrissent la production de « contenus » tout en
gardant le « free » pour les usagers ;
⦿ Des politiques et discours de justification qui cherchent à protéger le modèle ;
⦿ Les modes de diversification et de concurrence qui favorisent l’émergence de
monopoles et la domination trans-marché ;
Conclusions
Le diagramme qui émerge décrit un modèle profondément
expansionniste qui se nourrit d’une dialectique entre décentralisation
et centralisation.
Les plateformes sont des « machines à effets de réseau transversaux »
qui avancent sur le modèle « Californie du Nord » (Cunningham et al.
2016) : expérimentation, itération, prise de risque, etc.
Nous sous-estimons la complexité du problème « plateforme » et des
énormes energies que libère ce modèle si nous le traiton comme un
phénomène venant d’un capitalisme « habituel ».
Les réponses politiques aux enjeux des plateformes dépendent de la
pertinence des analyses et de notre capacité de penser les différents
éléments ensemble.
Merci !
rieder@uva.nl
@RiederB
http://labs.polsys.net
http://thepoliticsofsystems.net

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De l’algorithme au diagramme: comment étudier l’objet « plateforme » ?

  • 1. De l’Algorithme au Diagramme Bernhard Rieder Mediastudies Department Universiteit van Amsterdam Toulouse, Janvier 23, 2019 Comment étudier l’objet « plateforme » ?
  • 2. Introduction Depuis une vingtaine d’années, les « plateformes » en ligne sont discutées vivement sous différentes noms et angles. Des moteurs de recherche comme « métamédia » (Winkler 1997) au « web comme plateforme » (O’Reilly 2005), aux « jardins clôturés » (Zittrain 2008), aux « marchés bifaces » (Rochet & Tirole 2003) ou aux « gardiens de l’Internet » (Gillespie 2018), ce sont les différentes fonctions d’intermédiation et leurs implications qui sont thématisées. Les débats se focalisent désormais (souvent) sur un nombre limité de (très) grandes entreprises spécialisées dans la mise en relation (de différentes groupes d’acteurs). La notion de « platformisation » adresse l’émergence d’un « modèle infrastructurel et économique dominant » (Helmond 2015).
  • 3. Introduction Les algorithmes impliqués dans la mise en relation sont le dernier sujet/aspect « en vogue », notamment dans le contexte de l’infomédiation (Rebillard et Smyrnaios 2010). Des mots comme distorsion, opacité, fragmentation, ou polarisation marquent les critiques et pluralité, transparence, ou accountability les solutions proposées. Certains parlent même de domination et de mesures antitrust.
  • 4.
  • 5. « New operators such as Google, Microsoft, Yahoo! and Apple, as well as the new, rising social media firms, such as Facebook or Twitter, should by now be included in the list of the most powerful media organisations worldwide. » (Centre for Media Pluralism and Media Freedom 2013)
  • 6. Introduction Différentes disciplines approchent la question du pouvoir des plateformes de différentes manières, et les différences de conceptualisation et de méthodologie se mélangent aux désaccords normatifs. Dans mon propre travail la dimension technique est au centre : comment penser et étudier la technique comme « technologie de pouvoir » (Foucault 1994). Cela inclut l’investigation historique et conceptuelle des techniques algorithmiques, la création d’outils numériques pour chercheurs, des recherches empiriques, les questions de conception de logiciel, et l’étude du triangle entre technique, politique et économie. Cette présentation se nourrit de ces différentes lignes d’investigation.
  • 7. L’articulation se focalise sur une plateforme particulière : YouTube. Introduction YouTube est l’un des centres d’un « media système hybride » (Chadwick 2013) ou d’une « nouvelle écologie d’écran » (Cunningham et al. 2016).
  • 8.
  • 9. De l’algorithme au diagramme Le but n’est pas de faire une « biographie de plateforme » (Burgess 2016), mais plutôt de retracer un « diagramme de plateforme ». On peut lire ce terme dans un sens technique : « At a more mechanical level, a platform is also a standardized diagram or technology. » (Bratton 2015, 44) Chez Foucault, nous trouvons le concept de diagramme comme outil à penser la liaison entre éléments hétérogènes – entre « des discours et des architectures » (Foucault 1975, 276), entre « des programmes et des mécanismes » (Deleuze 1984, 46). Ces éléments ne sont pas l’émanation d’une même logique, mais plutôt un agencement de « pièces » qui fonctionnent ensemble.
  • 10. platform (e.g. Facebook, Uber, App Stores, etc.) side 1 (e.g. users) side 2 (e.g. advertisers, sellers, etc.) platform-enabled transaction facilitates transaction by supporting offer, search, security, contracting, payment, etc. end-users YouTube (owned by Alphabet Inc.) advertisers content creators interfaces, ToS, etc.interfaces, ToS, etc.
  • 11. Digitalisation, datafication, et informatisation (« computerization ») produisent des infrastructures qui « captent » toujours plus de pratiques (Agre 1994), les médiatise et les « constitue » (Burrows 2009, 451). La « mediatization profonde » (Couldry and Hepp 2016) qui résulte s’organise autour des formes et fonctions qui nivellent les différences entre acteurs et entre contenus par le biais de formes techniques standardisées qui échangent dans des très grand marchés. "In other words, by imposing a mathematically precise form upon previously unformalized activities, capture standardizes those activities and their component elements and thereby prepares them […] for an eventual transition to market-based relationships." (Agre 1994, 120) Digitalisation
  • 12. Partant de la théorie de Coase (1937) sur la « nature » de l’entreprise, Ciborra développe un argument concernant le cout de transaction: « The costs of organizing, i.e. costs of coordination and control, are decreased by information technology which can streamline all or part of the information processing required in carrying out an exchange: information to search for partners, to develop a contract, to control the behavior of the parties during contract execution and so on »" (Ciborra 1985, 63) Mais les fonctions d’organisation sont construites et impliquent maintes instances de décision et de design. La masse des objets et contenus à l’offre dans les très grand marchés semble demander et valoriser la délégation du trie à des techniques algorithmiques qui reçoivent un pouvoir considérable. Digitalisation
  • 13. Formes institutionnelles de gouvernance Les plateformes opèrent sur le biais de modèles techno- institutionnels qui combinent décentralisation (marché) et centralisation (état) : « Platforms can be based on the global distribution of Interfaces and Users, and in this, platforms resemble markets. At the same time, the programmed coordination of that distribution reinforces their governance of the interactions that are exchanged and capitalized through them, and for this, platforms resemble states. » (Bratton 2015, 41) Comment opèrent distribution et gouvernance, comment identifier et décrire les facteurs ou « causes » derrière les phénomènes observables ?
  • 14. Un diagramme de plateforme devrait permettre de discuter ensemble et de juxtaposer des éléments souvent traités séparément. Les éléments de ce diagramme (expérimental) : 1) Les « algorithmes » 2) Les infrastructures construites 3) Les participants, pratiques et contenus 4) Le business 5) Les « politiques » et « valeurs » 6) L'entreprise et son environnement Chaque élément ouvre maintes possibilités d’étudier l’objet « plateforme » : il recouvre des des questions particulières, des approches et méthodes, des trajectoires historiques, etc. Le diagramme de YouTube
  • 16. La question du pouvoir des algorithmes n’est pas nouvelle mais se pose désormais avec urgence, notamment depuis l’apprentissage automatique a commencé de se répandre. Le pouvoir de souvent attribué aux algorithmes alimente les demandes de transparence et d’accountability ; mais le problème est compliqué. Les chercheurs en SHS proposent des approches empiriques (Sandvig et al. 2014; Diakopoulos 2014) et conceptuelles (Burrell 2016; Mackenzie 2015, 2017) pour capter comment ces algorithmes opèrent ou « pensent ». 1) Les « algorithmes »
  • 17. Des expériences (ici Kosinski et al. 2013) montrent que p.ex. des « likes » sur Facebook prédisent plutôt bien des variables intimes et sensibles. En spécifiant une variable cible comme « temps sur site » ou « probabilité de vente », ces techniques représentent une lecture « intéressée » de la réalité. (Rieder 2017) Dans ce contexte, « l’enjeu n’est pas la vérité, mais la performativité, c’est-à- dire le meilleur rapport input/output » (Lyotard 1997). 1) Penser l'apprentissage automatique
  • 18. Au lieu de spécifier un modèle comme une formule, l’apprentissage automatique permet de dériver un modèle à partir d’une « orchestration » spécifique de feedback. Chaque signal reçoit une signification par rapport à une variable cible et le modèle est à la fois complexe (plein de variables et rapport) et dynamique (il change avec le feedback capté par l’infrastructure).
  • 19. Les initiatives d’observation empirique commencent à se multiplier, ici AlgoTransparency par Guillaume Chaslot.
  • 21.
  • 24. [gamergate] avRBD 0.03 [syria] avRBD 0.47 [trump] avRBD 0.8
  • 25. Nous avons trouvé trois types de « morphologie » : ⦿ stable sur longue périodes de temps (avRBD bas) ; ⦿ stable avec interruptions « newsy » (avRBD moyen) ; ⦿ requêtes « newsy » avec changement permanent (avRDB élevé) ; Les périodes stables s’organisent souvent autour des vidéos d’explication publiées par des canaux qui se présentent comme neutre ou autour des grands noms américains (p.ex. Stephen Colbert) ; dans les périodes plus agitées, des acteurs « natifs » interviennent plus souvent. La culture YouTube est très importante, mais ce « vernaculaire de plateforme » (Gibbs et al. 2015) se croise aux vernaculaires des sujets connectés aux requêtes, ce qui rend chaque cas différent des autres. 1) YouTube empirique
  • 26. Nous voyons une corrélation entre production de vidéos, volume de recherche (via Google Trends), et niveau de changement, mais une image claire des causalités nous échappe. 1) YouTube empirique
  • 27. Notre approche s’intéresse au fonctionnement technique de la recherche sur YouTube mais la situe à l’intérieur d’un système plus large et affecté par les pratiques usagers. Nous passons d’algorithmes de ranking aux « cultures » de ranking et combinent méthodes qualitatives et quantitatives dans un mouvement « d’assemblage descriptif » (Savage 2009). Des facteurs techniques, des vernaculaires de plateforme et les particularités de sujets particuliers sont tous prises en compte. Les éléments techniques et non-techniques, « la plateforme » et « les pratiques » deviennent impossibles à distinguer. 1) Au-delà des « algorithmes »
  • 28. « Concepts like ‘algorithm’ have become sloppy shorthands, slang terms for the act of mistaking multipart complex systems for simple, singular ones. » (Bogost 2015, n.p.) La « coordination programmée » (Bratton 2015) ne se limite guère aux algorithmes, mais inclut un grand ensemble de formes et fonctions, opérant dans les interfaces ou à l’intérieur des systèmes. Des méthodes comme la « walkthrough method » (Light et al. 2017) servent à repérer les affordances et comment elles s’enchainent dans des « grammaires d’action » (Agre 1994), pour comprendre p.ex. « la manière spécifique dont la sociabilité est programmée (c.-à-d. encodée, assemblée et organisée) » (Bucher 2013, 480) sur Facebook. L’étude des flux de données, leur « compression » en métriques et leurs usages opérationnels constituent un autre niveau d’analyse. 2) Les infrastructures construites
  • 29. end-users YouTube content creators search, recommendation, interaction advertisers interfaces interfaces interfaces L’informatisation implique qu’une large partie des transactions se font à travers les interfaces.
  • 30.
  • 31. La création d’une situation communicationnelle, des protocoles, etc.
  • 33. Les plateformes proposent différentes « market information regimes » et « user information regimes » (Webster 2010). YouTube (Creator) Studio
  • 34. La « métricisation » soulève une série de nouvelles interrogations. La construction interne des chiffres crée des incertitudes concernant la validité de ces régimes informationnels.
  • 35. Les plateformes sont peuplées de participants, de pratiques, de contenus et de relations entre ces éléments ; les algorithmes et infrastructures entre en dynamique avec les appropriations. Les études ethnographiques nous donnent des aperçus intéressants, mais partiels; les premières tentatives de décrire YouTube dans son ensemble (p.ex. Bärtl 2018) restent des esquisses qui confirment néanmoins l’« effet Mattieu » bien familier. Auparavant souvent thématisée avec le terme « culture participative » (Jenkins et al. 2015), nous voyons désormais des acteurs et vernaculaires très différents et des niveaux d’échelle variés. La proliferation des « multi-channel networks » (MCN) introduit une couche de complexité supplémentaire. (cf. Lobato 2016) 3) Les participants, pratiques et contenus
  • 36. Le format techno-institutionnel de la chaine (avec sa logique de l’abonnement) est peut- être l’unité centrale qui facilite stabilisation, professionnalisation, création de marque et fidélisation d’une audience. La chaine rend l’offre « lisible » et navigable. Qui est sur YouTube et pourquoi ? Qu’est-ce qui « marche » ? Quel est le rôle des algorithmes, mais aussi des dynamiques de la sélection « culturelle » par l’audience ? Qui va dominer cette écologie d’écran ? 3) Les participants, pratiques et contenus
  • 37. Le top 10 des chaines françaises par abonnements, selon socialblade.com
  • 38.
  • 39.
  • 40.
  • 41.
  • 42. Réseau de « related channels » (YouTube Data Tools + Gephi) partant de Rubin Report et The Young Turks.
  • 43. Tous les éléments déjà évoqués connectent directement et profondément avec les modèles d’affaire employés. Le modèle de YouTube repose toujours en grande partie sur la publicité, distribuée par « keyword bidding » et partagée (55%/45%) avec plus d’un million de « partenaires » (2016). Les mécanismes désormais classiques du « free » s’appliquent. 4) Le business
  • 44. Certains acteurs (p.ex. chaines avec plus de 100.000 abonnés) ont droit au contact humain.
  • 45. Patreon est devenu un source de financement majeure.
  • 46. Des services payants comme YouTube Premium (RED) et YouTube Music enlèvent la pub et permettent d’autres usages. La fonction « join » ramène le modèle de Patreon à la plateforme et l’intégration de fonctionnalités de vente élargit la gamme les transactions possibles. 4) Le business
  • 47. end-users YouTube (owned by Alphabet Inc.) advertisers content creators MCNs MCNs direct monetization Patreon
  • 48. Les discours justificatifs sont (étaient ?) souvent basés sur l’idée de la « préférence révélée » selon laquelle « la cobaye individuelle, par son comportement de marché, révèle son modèle de préférence » (Samuelson 1948). Ce raisonnement justifie l’usage des métriques de popularité parce que les clicks deviennent des indications de préférence. Mais la situation est devenue beaucoup plus compliquée à cause des pressions commerciales (publicitaires nerveux) et politiques (pression sociale, menaces de régulation). La plateforme doit désormais s’engager dans le contrôle et la censure au delà du copyright (Content ID) ; nous voyons un série d’expériences qui inclue des nouvelles règles contrôlées et policées par des algorithmes, des éditeurs et des utilisateurs. 5) « Politiques » et « valeurs »
  • 49. Jack Dorsey et Alex Jones à la sortie des « Twitter- Facebook Senate hearings » (Mahaskey 2018)
  • 50.
  • 51. Après la phase de la « neutralité affichée » commence celle des « valeurs humanistes ». « [W]e're making a major change to how we build Facebook. I'm changing the goal I give our product teams from focusing on helping you find relevant content to helping you have more meaningful social interactions. […] Now, I want to be clear: by making these changes, I expect the time people spend on Facebook and some measures of engagement will go down. But I also expect the time you do spend on Facebook will be more valuable. And if we do the right thing, I believe that will be good for our community and our business over the long term too. » (Zuckerberg 2018) Ces questions de normativité ne sont certainement pas simples. 5) « Politiques » et « valeurs »
  • 52. Les politiques incluent désormais des importantes initiatives de financement.
  • 53. Les initiatives de régulation ou taxation se multiplient.
  • 54. Noyau: business établi, maitrise du processus et du produit, revenu stable ; Couche d’extension: maitrise du processus et du produit, revenu discontinu ou incertain ; Couche d’expansion: processus et produit expérimentaux, revenu incertain ; Les grandes plateformes poursuivent une stratégie d’« expansion concentrique » (Thompson & Strickland 1978) qui mobilise les usagers et canaux actuelles, les données collectionnées, les effets de réseau et les capacités informatiques. 6) L’entreprise et son environnement Les synergies ainsi libérées, rendent-elles les monopoles ou oligopoles qui s’étendent sur différentes marchés inévitables ?
  • 55. YouTube existe dans la famille des produits Alphabet / Google et il y a maintes relations entre différentes produits. Qu’est-ce qui résiste au pouvoir d’aspiration des plateformes ? Les « grandes marques » ? Le service publique ? Les autres plateformes ? Quels sont les compétiteurs de YouTube qui restent ? Facebook + Instagram ? Amazon + Twitch ? Netflix ? Disney ? Les chaines de télévision traditionnelles ? 6) L'entreprise et son environnement Google Search 1998 2000 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 AdWords Google News Beta AdSense GmailIPO Picasa Google Maps YouTube Android Google Chrome AdMob Freebase Google Wallet Hangouts Play Store Android Wear Android Auto Google Print DoubleClick Google X Chrome OS Google+ Google Drive Google Cloud Platform Google Now
  • 56. Conclusions Les plateformes représentent une reconfiguration des modalités de transaction dans un mode informatique, incluant ces éléments : ⦿ Une normalisation qui facilite l’organisation des transactions dans la forme de marché ; une « nivellisation » de certaines différences culturelles par la notion de contenu et l’extension de ce principe à maintes domaines différentes ; ⦿ Des formes de coordination algorithmique qui automatisent l’optimisation continue, adaptative et intéressée et l’intègrent dans les infrastructures mêmes ; ⦿ Les interfaces modulables qui captent les participants, leurs pratiques et leurs données et servent comme coordinateurs et traducteurs entre ces participants et les modes techno-organisationnels de la plateforme ; ⦿ Des très grands nombres de participants et contenus qui produisent constamment de la valeur en alimentant et remplissant les formes et fonctions ; ⦿ Des modèles de business qui nourrissent la production de « contenus » tout en gardant le « free » pour les usagers ; ⦿ Des politiques et discours de justification qui cherchent à protéger le modèle ; ⦿ Les modes de diversification et de concurrence qui favorisent l’émergence de monopoles et la domination trans-marché ;
  • 57. Conclusions Le diagramme qui émerge décrit un modèle profondément expansionniste qui se nourrit d’une dialectique entre décentralisation et centralisation. Les plateformes sont des « machines à effets de réseau transversaux » qui avancent sur le modèle « Californie du Nord » (Cunningham et al. 2016) : expérimentation, itération, prise de risque, etc. Nous sous-estimons la complexité du problème « plateforme » et des énormes energies que libère ce modèle si nous le traiton comme un phénomène venant d’un capitalisme « habituel ». Les réponses politiques aux enjeux des plateformes dépendent de la pertinence des analyses et de notre capacité de penser les différents éléments ensemble.