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U.L.B.
Faculté des Sciences Sociales
politiques et économiques
LE ROYALISME DANS L'EUROPE
DU
BICENTENAIRE DE LA REVOLUTION
FRANCAISE
Mémoire présenté par
Bruno Duboisdenghien
en vue de l'obtention
du grade de licencié en
sciences politiques et
relations internationales
Année Académique 1990-1991
UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
Avenue Franklin Roosevelt 50
1050 Bruxelles
U.L.B.
Faculté des Sciences Sociales
politiques et économiques
LE ROYALISME DANS L'EUROPE
DU
BICENTENAIRE DE LA REVOLUTION
FRANCAISE
Mémoire présenté par
Bruno Duboisdenghien
en vue de l'obtention
du grade de licencié en
sciences politiques et
relations internationales
Année Académique 1990-1991
TToouuss mmeess rreemmeerrcciieemmeennttss
aauu DDiirreecctteeuurr dduu MMéémmooiirree,, MMmmee FF.. NNAAHHAAVVAANNDDYY,,
aauuxx AAsssseesssseeuurrss:: MMmmee LLOOEEBB,, MMrr PPUUIISSSSAANNTT,, MMrr MMIIRROOIIRR
ppoouurr lleeuurrss pprréécciieeuuxx ccoonnsseeiillss.
Le présent mémoire est soumis au droit d’auteur et ne peut en
aucune manière être publiée sous quelque support que ce soit
sans l’accord de l’auteur.
Introduction
Chap I La France et le royalisme
A. Introduction
1. Monarchie
2. Monarchie absolue
3. La Révolution Française
4. Le royalisme
5. La Restauration
6. La Monarchie de Juillet
7. République et Empire
8. Le Nationalisme
B. Les royalistes à la lumière du
Bicentenaire de la Révolution
Française
1. Introduction
2. Nouvelle Action Royaliste
3. Restauration Nationale
4. Les Légitimistes
5. France et Royauté
6.D'autres mouvements royalistes
C. Portrait socio-politique des
royalistes
D. Manifestations des royalistes
E. Les prétendants
1. le duc de Cadix
2. le comte de Paris
3. le comte de Clermont
4. Sixte Henry de Bourbon Parme
Chap II l'Autriche-Hongrie et le royalisme
A. Introduction
B. La Hongrie
1. Les différents gouvernements
2. La question européenne hongroise
3. Qui défendait la monarchie?
4. L'Amiral Horty et le roi
5. Deux tentatives de restauration
6. La Hongrie autoritaire
C. L'Autriche
1. La 1ère République
2. Les années trente et les
3. La fin des lois « anti-
Habsbourg »
4. L'Anschluss
5. La guerre 1939-45
6. La Fédération Danubienne
7. La 2ème République
D. La nostalgie de la monarchie
1. L'après-guerre
2. Le cardinal Mindszenty
3. Le retour de l'archiduc Otto en
4. La monarchie à l'époque atomique
5. Les années quatre-vingt-nonante
6. Le décès de l'impératrice Zita
7. Le retour de l'archiduc Otto en
8. Un espace politique danubien
E. Les relais de la pensée d'Otto de
1. Le CEDI International
2. L'Union Paneuropéenne
3. Neues Abendland
4. Certains Ordres de Chevalerie
Chap III D'autres royalismes
A. La Roumanie
B. La Bulgarie
C. L'Albanie
Chap IV Deux conceptions de l'Europe
A.L'Europe nationale du comte de Paris
B.L'Europe impériale d'Otto de Habsbourg
1. Un chef d'État pour l'Europe
2. L'Europe chrétienne
Conclusion
Annexes
Bibliographie
2
INTRODUCTION
Le royalisme est l'attachement au roi ou au prétendant. Ce
courant politique « n'est pas l'adhésion à une pensée politique
continue, mais (il est composé d'une) suite de pensées et
d'options sans autres liens que la consanguinité de ceux qui les
formulent »1
. Le royalisme est intimement lié à la personnalité
du prétendant. Celle-ci peut orienter de manière significative
le contenu du message politique de ses partisans. Le royalisme
peut s'orienter vers un monarchisme. La valorisation de
l'institution monarchique et l'attachement au roi peuvent, dans
certains cas, se combiner.
Nous avons étudié le royalisme au travers de deux entités: la
France et l'« Autriche-Hongrie ». Dans ces deux cas, la
monarchie n'existe plus.
Le royalisme français fut analysé par rapport à la célébration
du Bicentenaire de la Révolution Française. Le choix de cette
période est dicté par l'importance européenne des effets de 1789
et l'existence d'un récent Mémoire qui a traité la période
antérieure à 1989. 2
Nous avons introduit la description du
royalisme par un rappel de ce que furent la Monarchie et la
Révolution Française. Cette étude s'est penchée sur les
différentes organisations royalistes: la Nouvelle Action
Royaliste, la Restauration Nationale, les Légitimistes, France
et Royauté, ainsi que sur leurs attitudes et actions politiques
à l'égard du Bicentenaire. Nous avons analysé la sociologie
politique des individus qui se déclarent royalistes. Nous avons
confronté ces différents éléments aux positions des prétendants:
le duc de Cadix, le comte de Paris, le comte de Clermont et
Sixte Henry de Bourbon-Parme. L'antagonisme Bourbons-Orléans
explique la pluralité.
Cependant, nous avons développé de manière plus approfondie la
personnalité du comte de Paris. Nous pensons que son importance
politique est supérieure à celle des autres prétendants.
L'entretien que nous a accordé le comte de Paris nous a permis
d'apporter un éclairage particulier sur sa pensée politique. Des
zones d'ombre subsistent cependant quant aux relations de ce
dernier avec Ch. De Gaulle.
D'une manière plus globale, nous devons constater le manque de
références objectives concernant la période actuelle du
1
du PUY DE CLINCHAMPS, Ph., Le Royalisme, p 10, Collection
Que Sais-je?, Presses Universitaires de France
2
HERMAN, P., Le mouvement royaliste en France de 1945 à nos
jours, Mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de
licencié en sciences politiques et relations internationales,
Année académique 1987-1988, Université Libre de Bruxelles
3
royalisme français. Beaucoup d'auteurs consultés sont eux-mêmes
royalistes. Ils sont dès lors subjectifs. Nous en sommes
conscients et avons voulu le mentionner. Nous avons aussi dû
surmonter leur raisonnement qui tend à exagérer le rôle de leur
prétendant ainsi que l'importance numérique des monarchistes.
Le « royalisme dans l'Autriche-Hongrie » est avant tout lié à
l'évolution politique de ces deux pays issus du démembrement de
l'Empire Habsbourgeois. L'empereur Charles conserva en Hongrie
un courant de sympathie. Celui-ci se retrouva au sein de
différents partis politiques et de l'Église catholique.
L'existence de ce courant et l'appui de certaines autorités
expliquent les deux tentatives de restauration.
L'archiduc Otto de Habsbourg devenu chef de la Maison
Impériale va focaliser dans un premier temps son action sur
l'Autriche. Dans les années trente, des monarchistes ont soutenu
le régime de Dollfuss auquel succédera Schuschnigg. Des contacts
auront lieu entre le chancelier autrichien et le prétendant.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Otto de Habsbourg proposera
un plan de « Fédération Danubienne » qui sera discuté avec les
autorités américaines et anglaises. Un certain nombre de
mouvements de résistance et d'Autrichiens exilés vont lui faire
écho. La famille Habsbourg sera politiquement très active.
L'engagement de l'archiduc va évoluer. Il va se créer une
stature d'homme politique européen. Ses activités de prétendant
seront toujours présentes. Il développera sa conception du
« monarchisme ». Ses actions européennes vont parfois se
confondre avec son statut d'héritier de la Double Monarchie.
C'est ce que nous avons voulu, principalement, mettre en
évidence dans cette partie du travail. Nous sommes conscients de
n'avoir qu'effleuré ce sujet. Il nous a été difficile d'obtenir
des précisions quant au rôle actuel d’Otto de Habsbourg en
Europe Centrale. Son nom ainsi que celui de son organisation
apparaissent à de nombreuses reprises. Nous avons essayé d'y
trouver une logique politique. La nostalgie de l'Autriche-
Hongrie fut aussi valorisée par l'impératrice Zita.
Nous avons complété cette comparaison France - Autriche-
Hongrie par une analyse plus succincte d'autres royalismes.
Ceux-ci se sont récemment manifestés avec « l'effondrement » des
régimes totalitaires de l'Est. Nous avons retenu trois pays:
Roumanie, Bulgarie, Albanie. Ils ont rappelé qu'ils avaient été
des monarchies. Celles-ci n'avaient rien de démocratique. Nous
avons précisé dans les trois cas, les caractéristiques des
régimes établis sous ces monarchies. Nous avons voulu savoir
quelles sont les relations qu'entretiennent les trois
prétendants: Michel, Siméon, Léka avec les nouvelles autorités
politiques ainsi qu'avec la population de leurs pays.
4
Pour conclure, nous avons examiné comment la dimension
européenne était prise en compte par deux prétendants. Nous
avons analysé la « pensée européenne » du comte de Paris et
celle de Otto de Habsbourg. Dans sa fidélité à Ch. De Gaulle, le
comte de Paris développe une « Europe Nationale ». L'archiduc
Otto de Habsbourg, devenu député européen, défend l'idée d'une
« Europe Impériale ». Cette conception s'enracine dans
l'histoire de sa famille. À la différence de l'héritier des
Orléans, Otto de Habsbourg dispose d'un réseau européen
d'associations. Ces dernières rattachent son engagement à la
droite ultraconservatrice de tendance fascisante.
Chap 1. La France et le royalisme
A) IInnttrroodduuccttiioonn
1.Monarchie
Étymologiquement, la Monarchie est une forme de gouvernement
caractérisé par l'unicité du titulaire du pouvoir et par
l'exercice de celui-ci au bénéfice de tous. C'est Aristote qui
avait retenu ce critère. Cette conception fut bien souvent
contredite par la réalité. Bien des monarques ont exercé leur
pouvoir dans leurs intérêts ou au bénéfice de groupes
structurés.
La monarchie est une forme de pouvoir organisé suivant des
principes et des normes institutionnelles. L'absence de
principes organisationnels caractérise la tyrannie et la
dictature.
La monarchie a toujours connu une relation avec le sacré et le
religieux. Cette relation est liée à l'interprétation du monde
elle-même sacrée ou religieuse. « Le roi était strictement lié
par des règles d'origines divines; il exerçait son pouvoir en
fonction d'une élection divine, par exemple la monarchie en
Israël, et selon un canon très précis, ainsi la monarchie
égyptienne, aztèque, romaine. Ce pouvoir ne comportait ni toute-
puissance ni arbitraire. La relation des rois à la divinité,
exprimée dans les mythes, à la fois assurait le pouvoir et le
limitait. » 3
Lorsque la monarchie « se laïcise », elle conserve sa
réglementation. Il s'agit d'un système juridique donné et hors
d'atteinte du pouvoir. Il est soit encore lié au sacré, soit
fondé sur la coutume. Ce système définit le caractère de la
monarchie. Deux règles se retrouvent dans chaque système. Elles
concernent la succession au pouvoir et l'exercice de celui-ci.
Il « n'y a monarchie que lorsque le titulaire unique du pouvoir
3
ELLUL, J., "Monarchie",in Encyclopaedia Universalis, Vol
11, pp 213-222 Paris, 1968
5
est tenu d'obéir à un certain nombre d'impératifs externes et de
gouverner selon des normes, à l'intérieur d'un système plus
global qu'il ne domine pas. »4
Le roi entretient des relations avec certains groupes sociaux.
Ces relations procurent un appui à son gouvernement. Il s'agit
aussi d'un système de relations entre le monarque et l'ensemble
du peuple. Ces groupes ne sont pas associés à la gestion du
pouvoir. Mais parfois, ils parviennent à prendre une telle
importance qu'ils limitent l'action royale. Ainsi, le pouvoir
échappe au roi et est concentré entre les mains d'un groupe
dominant.
2.La monarchie absolue
Elle règne sur la France du XVIe au XVIIIe siècle. Elle
constitue le cadre politique dans lequel se prépara la
Révolution Française.
La monarchie absolue est centralisatrice. La société française
est considérée comme un corps dont le roi en est le sommet. Il
est le seul centre de décision. Le roi prétend gouverner sans
limites et avoir tous les droits sur ses sujets. Pour ce faire,
un quadrillage administratif de la société est nécessaire. Le
roi assimile sa volonté à la loi.
La seule légitimité, toute théorique, de ce régime est la
relation personnelle entre le monarque et Dieu. Le roi est son
représentant sur terre.
L'absolutisme monarchique s'est établi par l'élimination des
grands féodaux et l'intégration de leurs territoires dans un
royaume. Celui-ci est conçu comme une unité organique qui
implique la suppression des différents centres politiques. Cela
a pour conséquences: l'unification de l'administration, l'unité
de la langue et de la religion.
Malgré son haut degré d'organisation, la monarchie absolue est
limitée dans son exécution. D'abord, elle doit obéir aux lois
fondamentales du royaume. Celles-ci sont coutumières, mais
impératives. Étant la source profonde du Droit, le roi ne peut
pas les modifier de manière autoritaire.
D'autre part, la monarchie absolue doit faire face à un second
obstacle qui est l'absence de moyens d'action. L'absolutisme est
d'autant plus fort que ses moyens d'action sont faibles.
L'absence de moyens de communication rapides, la faiblesse de la
police, le petit nombre de représentants du roi, la fragilité de
l'appareil économique empêchent une exécution de la politique
royale. Des actions dites « exemplaires » sont entreprises.
3.La Révolution Française
4
ibid
6
Elle va mettre fin au régime féodal, mais pas, dans un premier
temps, à la monarchie. Le 9 juillet 1789, l'Assemblée Nationale
devient Constituante.
Le 11 août 1789, l'Assemblée vote qu'elle détruit entièrement
le régime féodal...Elle désigne par là, ce qui subsiste de la
propriété féodale et du contrat de fief, les dîmes, la vénalité
des offices, les privilèges des individus et des corps, bref
l'ensemble de la structure corporative de la société.
Mais rien n'est réglé en ce qui concerne la Constitution du
royaume.5
Louis XVI est d'ailleurs proclamé Restaurateur de la
liberté française
Le Régime qui s'établit est composé de deux pouvoirs: le Roi
et l'Assemblée. Il n'est plus le roi de France, mais devient roi
des Français. Ceci implique qu'il n'est plus roi absolu. Il ne
détient plus la souveraineté. Le roi est soumis à la loi et ne
règne plus que par la loi. La personne du roi est inviolable. Il
ne lui reste que très peu de pouvoirs réels. Le roi ne détient
plus le pouvoir législatif. C'est l'Assemblée qui exerce le
pouvoir constituant et le pouvoir législatif. La Déclaration des
Droits de l'homme est votée. Les biens du clergé sont mis à la
disposition de la Nation. La constitution civile du clergé est
instaurée en août 1790. Ce faisant, les curés et évêques vont
être élus par le peuple . Cette décision impose aux
ecclésiastiques un serment civique. Louis XVI, résigné, apporte
son contreseing à ces décisions. Ainsi, l'Église catholique perd
son rôle politique dans la société française. Mais, en même
temps, en voulant créer une Église nationale, ces décisions
allaient dans le sens du gallicanisme. 6
De septembre 1791 à août 1792, la Constitution va s'appliquer.
Celle-ci pose les principes de la souveraineté nationale et de
la séparation des pouvoirs, mais elle maintient la monarchie.
Dans cette conception, le roi représente à l'extérieur la
nation. Ce n'est pas le cas à l'intérieur
L'Assemblée législative constitue le premier pouvoir qui a
l'initiative et le vote des lois. Le roi peut indiquer les
matières sur lesquelles il souhaite établir une loi. Pour qu'une
décision de l'Assemblée législative devienne « loi », elle doit
revêtir la sanction royale. Le roi dispose ainsi d'un veto.
Cette possibilité institutionnelle provoque la crise permanente
et l'effondrement du régime.
En votant le contingent militaire, l'Assemblée participe à
l'exécutif, mais n'a pas de pouvoirs politiques réels. Le roi
détient le pouvoir exécutif, mais ses pouvoirs sont énumérés. Il
5
FURET, F., "Ancien Régime", in Dictionnaire Critique de
la Révolution Française, pp 627-637, Paris, 1988
6
Doctrine de l'Eglise de France, qui, tout en marquant son
attachement à la foi catholique voulait restreindre l'emprise du
souverain pontife.
7
choisit et révoque ses ministres. Ceux-ci ne doivent pas être
députés. Ils ne forment pas un cabinet, puisqu'ils travaillent
de manière isolée. Ils doivent rendre des comptes à l'Assemblée.
Cette dernière peut déclarer au roi que ses ministres ont perdu
la confiance de la Nation, mais ne peut pas les révoquer.
« L'idée d'«Ancien Régime», formulée pour la première fois à
propos du gouvernement monarchique....( est encore ) apprivoisée
par la présence de Louis XVI dans la nouvelle Constitution,
comme si le roi d'hier, récupéré par la Révolution dans un rôle
tout différent, restait malgré tout un trait d'union entre les
Français et leur histoire. Mais cette fiction fragile, déjà mise
à mal par les journées d'octobre de 1789, meurt avec la fuite à
Varennes (juin 1791). Louis XVI, avant de quitter les Tuileries,
a laissé sur son bureau un désaveu public des lois
révolutionnaires qu'il a dû signer, et d'ailleurs son départ dit
tout sur ses sentiments. »7
Les débats autour de la nouvelle constitution, le rôle
grandissant des clubs, les menaces de complots et
d'interventions armées de l'étranger vont accélérer la chute de
l'institution monarchique. Le 20 avril, la France déclare la
guerre au roi de Bohème et de Hongrie. Le 12 juillet 1792,
l'Assemblée déclare la «patrie en danger». Le 10 août, c'est
l'insurrection parisienne qui se poursuivra par la prise des
Tuileries et le renversement du trône.
Le 21 septembre, sous la Convention Girondine (septembre 1792-
juin 1793) la royauté est abolie. Les actes publics sont
désormais datés de «l'an 1 de la République». Trois jours plus
tard, la République est déclarée une et indivisible. Le 11
décembre débute le procès de Louis XVI. Le roi sera exécuté le
21 janvier 1793.
4.Le royalisme
« Le royalisme naît de la Révolution et, dès la Révolution, il
éclate en de nombreuses chapelles. Il y a ceux qui refusent
toute la révolution, ceux qui en acceptent un peu, ceux qui en
acceptent beaucoup. » 8
Nous tempérons cette affirmation, en
soulignant que s'il naît à la Révolution, le royalisme « a pris
forme après 1870 et plus précisément après la restauration
manquée par le comte de Chambord en 1873 » 9
Du point de vue de la forme, nous pensons que le royalisme
s'exprime -tout au long de son histoire- par trois types
d'acteurs: le prétendant, le « praticien » ou homme politique et
le théoricien ou intellectuel militant, celui-ci étant dans bien
des cas plus royaliste que le roi ou que le prétendant. Ce
7
FURET,F., "Ancien Régime", in Dictionnaire Critique de la
Révolution Française, pp 630-631
8
FLEUTOT F.M., LOUIS P., Les Royalistes. Enquête sur les
amis du Roi aujourd'hui, pp 13-1989, Paris
9
du PUY DE CLINCHAMPS, Ph, op.-cit., p 13, Paris, 1967
8
dernier n'ayant pas toujours le contrôle des deux autres
« acteurs du royalisme ».
En 1789, on peut parler de « préroyalisme ». Il y a d'abord la
pensée du comte de Provence, régent du royaume après l'exécution
de Louis XVI. Sa pensée politique se retrouve dans le Manifeste
de Hamm et celui de Vérone. Il condamne la Révolution dans son
ensemble. Il veut rétablir la monarchie d'avant 1789 en
réformant certains abus qu'il ne précise jamais. Il était
partisan d'un absolutisme royal à la manière de Louis XIV.
Il y a ensuite ceux qui dans les Assemblées et dans les
gouvernements de la France de 1792 à 1799 défendent
l'institution royale. Sous la Constituante, les monarchiens sont
partisans d'une royauté à l'anglaise contrôlée par deux Chambres
(une élue, l'autre composée de « dignitaires »). Le roi possède
le droit de veto absolu. « Il se situe entre les aristocrates, à
l'extrême droite, et les patriotes constitutionnels, au
centre. » 10
Progressivement, les monarchiens entrent dans
l'opposition au régime révolutionnaire.
D'autre part, trois doctrinaires ont influencé le royalisme.
Jacques Pallet défend une monarchie respectant les
transformations sociales issues de la Révolution et contrôlées
par deux assemblées. En ce sens, il rejoint les monarchiens.
Joseph de Maistre et Louis de Bonald sont des théocrates. Tout
pouvoir venant de Dieu, il ne peut être exercé que par ceux qui
en ont été divinement investis. C'est une monarchie absolue de
droit divin qu'ils défendent. Celle-ci reposant sur une série de
familles, qui constituent la société et non plus des individus
comme le voulait la Déclaration des droits de l'homme.
La presse royaliste est déjà présente. Rivarol est le premier
rédacteur du Journal politique national.11
D'autres titres
existent: Les Actes des Apôtres (son financement fut attribué à
Louis XVI), Le Journal de monsieur Suleau, La Gazette de Paris
de Rozoi, L'Ami du roi de l'abbé Royou. Ces publications
disparaîtront après le 10 août 1792.
Après le 14 juillet 1789, le comte d'Artois, second frère du
roi, est le premier à émigrer. Il entraîne des nobles et des
militaires. Des armées sont constituées aux frontières de la
France. Le comte d'Artois et le comte de Provence complotent de
l'extérieur.
L'exécution de Louis XVI, la Constitution civile du clergé, la
levée des trois cent mille hommes pour la guerre du Rhin, vont
susciter des insurrections contre la Révolution. Celles-ci se
situent dans l'Ouest; la Bretagne méridionale, le Bas-Poitou,
l'Anjou, le Bas-Maine et la Vendée.
10
"Monarchiens", Grand Larousse Encyclopédique, vol 8,
p 448, Paris, 1963
11
TULLARD, J., "Contre-Révolution", in Encyclopaedia
Universalis, corpus 5, pp 444-447, Paris, 1985
9
En mai 1793, la Grande armée catholique et royale est créée.
Le bas clergé n'a pas accepté de prêter serment et des nobles
vont encadrer les paysans de cette région. L'opposition ville-
campagne a influencé ces mouvements: les révolutionnaires,
bourgeois, acquéreurs de biens nationaux ou animateurs de loges
maçonniques, sont dans les villes; les paysans, en revanche,
restent sous l'influence des seigneurs, d'autant que dans le cas
des régions de l'Ouest le régime féodal était assez doux » 12
Au
prix de nombreuses pertes humaines, les Vendéens et les Chouans
sont vaincus.
5.La Restauration
En 1814, la Restauration bien que ramenant les Bourbons sur le
trône de France ne met pas un terme aux divisions des
royalistes. La Charte constitutionnelle de juin 1814 prévoit:
l'égalité devant la loi, les libertés individuelles, de culte,
de travail et de commerce. Elle limite expressément les pouvoirs
du roi à l'exécutif et (inspiré du modèle anglais) instaure un
conseil des ministres nommé par le roi. Le décorum de l'Ancien
Régime est rétabli. Symbole important, le drapeau tricolore est
remplacé par le drapeau blanc. La Restauration n'implique donc
pas totalement une rupture avec l'histoire républicaine et
impériale de la France. C'est ce qui explique la désunion des
royalistes.
Les « ultras » sont plus royalistes que le roi. Ils sont
placés à l'extrême droite. Ils défendent la doctrine autoritaire
et théocratique de Joseph de Maistre et Louis de Bonald,
élaborée durant la République. Ils souhaitent le rétablissement
intégral de la monarchie absolue. Ils sont en désaccord avec
Louis XVIII (« Vive le Roi... quand même" criaient-ils). Ils
placent tous leurs espoirs dans le comte d'Artois (futur Charles
X) Le parti des ultras est surtout composé de hobereaux ruraux.
L'action politique des « ultras » est aussi caractérisée par un
ultramontanisme. 13
Les royalistes constitutionnels sont satisfaits de la Charte
et du parlementarisme qui en découle. Ils sont au centre de
l'Assemblée. Le règne de Charles X (1824-30) accentue le
cléricalisme dans les Institutions françaises. Les ultras sont
au pouvoir. La révolution de 1830 provoque la chute des
Bourbons.
6.La Monarchie de Juillet
Louis-Philippe d'Orléans monte sur le trône français. La
révolution de 1830 marque le triomphe de la bourgeoisie et du
libéralisme. La charte de 1814 est révisée. Elle n'est plus
octroyée, mais devient un contrat entre le roi et la nation.
12
ibid
13
Doctrine théologique favorable au Saint-Siège et au
renforcement de son rôle sur l'Eglise.
10
Le drapeau tricolore fut adopté. Le catholicisme cesse d'être
religion d'État. Désormais, il n'est plus possible, pour le roi,
de suspendre une loi ni de dispenser son exécution.
Les tribunaux d'exception sont interdits. La liberté de la
presse est renforcée. Cette politique est défendue par la
Résistance qui devient la droite dynastique. Pour le parti du
mouvement, puis pour la gauche dynastique, le pouvoir appartient
aux Chambres et aux Ministères. Ils sont partisans du principe:
« Le roi règne, mais ne gouverne pas »
Le légitimisme apparaît à cette époque. Il regroupe les
royalistes fidèles à la branche aînée des Bourbons, représentée
par le comte de Chambord, petit-fils de Charles X. Cela va
contribuer à la division des royalistes français. Cette
divergence dans les allégeances ne doit pas masquer un différend
idéologique fondamental. Les légitimistes n'acceptent pas le
principe de droit national. Ils souhaitent le rétablissement
d'une monarchie paternelle et chrétienne, de droit divin. Les
Orléanistes acceptent le principe de la souveraineté du peuple
symbolisé dans le drapeau tricolore. Ils sont attachés au
parlementarisme.
7.La République et l'Empire
En 1848, la Monarchie de Juillet est renversée. Une nouvelle
république voit le jour. Louis Napoléon Bonaparte est élu
Président lors d'un quasi-plébiscite. Un peu plus tard,
l'Assemblée Nationale élue comprend une majorité de
monarchistes. Ils se sont retrouvés -avec des catholiques
conservateurs- au sein du Comité de la rue de Poitiers. Mais la
division entre Orléanistes et Légitimistes persiste toutefois.
Le comte de Chambord demande à ses partisans de se retirer de la
politique active. Les royalistes ont vécu dans le souvenir de la
Restauration, pour les uns, de la Monarchie de Juillet, pour les
autres.
En novembre 1852, un sénatus-consulte proclame Louis Napoléon
empereur des Français sous le nom de Napoléon III. Les
dissensions entre royalistes facilitent la restauration de la
monarchie impériale.
À la chute du Second Empire, les monarchistes gagnent les
élections de 1871. La troisième République est proclamée.
La querelle dynastique semble être apaisée. Les Orléans ont fait
allégeance au comte de Chambord. L'affaire du Drapeau Blanc va
empêcher toute Restauration. Derrière la question du Drapeau, se
cache une opposition plus fondamentale quant à la nature du
Pouvoir et des Institutions.
À la mort du comte de Chambord (24 août 1883), les royalistes
s'unissent derrière les Orléans. Mais des royalistes s'orientent
vers les Bourbons d'Espagne. Entre temps, à l'Assemblée, les
Républicains sont majoritaires. En juin 1886, la loi d'exil est
adoptée par la Troisième République. Le Chef de la Maison de
France doit quitter le territoire français. En 1890, l'Église
Catholique à travers le cardinal Lavigerie reconnaît la
11
légitimité de la République. Ainsi, des catholiques vont quitter
les rangs monarchistes. Ceux-ci n'étaient attachés à la
monarchie que parce qu'elle était catholique et constituait une
alternative à la République laïque.
8.Le Nationalisme
En 1899, autour de la Revue d'Action française, animée par
Maurice Pujo et Henri Vaugeois va se développer un nouveau
courant royaliste. Ce mouvement est avant tout nationaliste.
L'Action Française, sous l'influence de Charles Maurras 14
,
devient royaliste. C'est lui qui sur base de son nationalisme
intégral défend une monarchie héréditaire, décentralisée et
antiparlementaire. Son nationalisme explique le choix des
Orléans comme prétendants au trône de France.15
Il ne défend pas une monarchie de droit divin. Il considère le
choix de la monarchie comme rationnel. Il démontre la nécessité
de cette institution. Son « positivisme ou scientisme agressif »
16
a pu heurter certains royalistes catholiques. Il profite de
« l'anticléricalisme » de la République, de la condamnation de
la Démocratie chrétienne par Pie X en 1910 pour les rallier.
Ceci implique que la monarchie de Maurras n'est pas liée à la
Mystique royale ni au dogme de la divine providence. L'influence
de Maurras sur le royalisme sera importante. Étant donné
l'existence du récent Mémoire 17
consacré à ce même sujet, nous
n'approfondissons pas les relations entre Charles Maurras,
l'Action Française et le royalisme français. Ces relations y
font d'ailleurs l'objet d'une analyse approfondie. Le royalisme
durant et autour du Bicentenaire de la Révolution Française fait
l'objet de nos recherches.
14
Il pense que la royauté est la forme la plus parfaite
du nationalisme.
15
Maurras préfère les princes de nationalités françaises
aux Bourbons d'Espagne.
16
CHEVALIER,J.J., Les grandes oeuvres politiques de
Machiavel à nos jours, p 232, Armand
Collin-Collection U, 1970, Paris
17
HERMAN, P, op.-cit.
12
B) LLeess rrooyyaalliisstteess àà llaa lluummiièèrree dduu BBiicceenntteennaaiirree ddee llaa
RRéévvoolluuttiioonn FFrraannççaaiissee
1. Introduction
La célébration du Bicentenaire provoqua plusieurs débats. Que
commémore-t-on? se sont demandé plusieurs intellectuels. 1789,
est-ce, pour reprendre le titre du dossier du Nouvel
Observateur, 18
la liberté ou la terreur ? La richesse des
différences a apporté différentes réponses. Nous en avons retenu
trois. Pierre Chaunu pense qu'on commémore un « ratage de notre
histoire ». À l'opposé, Régis Debray, commémore « Notre acte de
naissance républicain ». Dans la même acception de l'événement,
mais avec des nuances qu'elle eut l'occasion de développer, Mona
Ozouf pense que la Révolution Française de 1789 est avant tout
« une revendication illimitée d'égalité »19
.ainsi, Mona Ozouf
fait partie de ceux qui refusent de célébrer la Révolution
Française comme un « Bloc »20
Aujourd'hui comme hier, il n'y pas une célébration de la
Révolution Française. De la même manière, il n'y a pas une
condamnation de la Révolution Française. En 1989, on peut dire
qu'il existe d'une part les contre-révolutionnaires et d'autre
part les royalistes.
Les premiers se retrouvent autour de l'Anti-89. Il s'agit des
disciples de la Fraternité Saint-Pie X de Mgr Lefèvre21
, du
Centre Henri et André Charlier, du mouvement Chrétien Solidarité
de Bernard Anthony (député européen du Front National) qui veut
rapprocher les lefèvristes de l'ultradroite de l'Église romaine
catholique. Le mouvement Chouan qui défend l'identité de la
chouannerie se retrouve dans ce mouvement. Il y a aussi d'autres
groupuscules dont: la Contre-Réforme Catholique de l'abbé
Georges de Nantes hostile à Jean Paul II et à Mgr Lefèvre. Il
défend un maurassisme de stricte obédience teinté de théocratie.
Il ne ménage pas Jean-Marie Le Pen et a appelé à voter Jacques
Chirac.
Au nom de leur foi catholique, les contre-révolutionnaires se
retrouvent dans un rejet total de la Révolution Française. Les
18
"La révolution devant ses juges", Le Nouvel Observateur,
4-10 mai 1989
19
Ces citations furent reprises du dossier mentionné ci-
dessus. Nous sommes conscients que cette question a donné lieu à
des Débats, des Colloques importants. Ceux-ci ainsi que l'oeuvre
des auteurs cités ne se résument pas dans ces trois réponses.
Mais elles permettent de sentir les différences d'appréciation.
Celles-ci impliquent des perceptions différentes de ce que
représente 1789. C'est pourquoi nous les avons mentionnées.
20
La Révolution est un bloc avait dit Clémenceau en 1891.
21
Mgr Marcel Lefèvre est décédé le 25 mars 1991. C'est
l'abbé allemand Franz Schmidberger qui lui a succédé. Pour une
meilleure compréhension, nous mentionnerons le nom de Mgr
Lefèvre lorsque nous évoquerons son mouvement.
13
contre-révolutionnaires sont avant tout religieux. Mais, s'ils
partagent tous la foi catholique, ils ne se retrouvent pas tous
au sein de la même Église. Ils véhiculent la nostalgie de
l'Ancien Régime. Sur base de ce tronc commun, les divergences
sont de règle. Il n'est pas obligatoire que cette nostalgie
s'exprime politiquement par la défense de la royauté. Ils se
retrouvent très bien dans les régimes autoritaires qu'a connus
le continent européen: Vichy, Salazar au Portugal, Franco en
Espagne, la Grèce des Colonels. L'engagement politique est
secondaire.
Les royalistes sont aussi divisés en plusieurs chapelles. Mais
leur engagement est avant tout politique. Il est marqué par leur
fidélité à une famille royale. Il est évident qu'une grande
partie des royalistes est contre-révolutionnaire. Mais cet
aspect de leur engagement est, en théorie, secondaire. La
position schismatique de feu Mgr Lefèvre rajoute un élément de
division au sein des royalistes. Ceci est aussi vrai pour les
contre-révolutionnaires. Dans ce climat, nous pensons qu'à long
terme, l'Opus Deï pourrait trouver au sein des royalistes et
contre-révolutionnaires français une « clientèle » en quête de
certitude religieuse.
En 1989, le royalisme s'exprime suivant le schéma élaboré plus
haut: le prétendant, « le praticien » ou homme politique, « le
théoricien » ou intellectuel. Cependant, un élément doit être
modifié. Il n'y a plus, excepté des élus locaux ainsi que
Bertrand Renouvin (membre du Comité économique et Social) qui se
disent royalistes, de praticiens ou hommes politiques
d'envergure nationale qui défendent le royalisme. Signalons
cependant, l'attitude du Député R.P.R Philippe de Villiers qui
défend l'héritage vendéen. Ceci n'implique aucunement un
engagement royaliste. L'intellectuel royaliste existe toujours.
Il est religieux ou laïc. Mais il faut tenir compte
d'individualités militantes.
L'année du Bicentenaire fut l'occasion pour les contre-
révolutionnaires et royalistes de se manifester. Après s'être
déjà fait connaître dans les actions contre le film « La
dernière tentation du Christ » de Scorcese, des royalistes ont
débuté l'année « sacrilège » en faisant parler d'eux bruyamment.
Le 7 janvier, ils envahissaient une salle de spectacle où se
déroulait un récital de la chanteuse Hélène Delavaut intitulé
« La Républicaine ». Le commando d'une vingtaine de jeunes au
crâne rasé a arrosé la scène de gaz lacrymogène et malmené la
chanteuse la jetant à terre. Cet événement résume-t-il le
royalisme français ? Nous ne le pensons pas.
14
En 1987, dix-sept pour cent des Français se prononcent pour le
rétablissement de la monarchie. 22
De manière plus précise, dix-
sept pour cent d'hommes et dix-huit pour cent de femmes pensent
ainsi.
Les moins de trente-cinq ans sont plus nombreux à se prononcer
pour la monarchie. Ils sont plus nombreux à droite à approuver
pareille restauration (vingt-deux pour cent). Ils sont tout de
même treize pour cent à gauche à accepter pareille hypothèse.
Voyons quels sont les principaux mouvements royalistes à
l'époque du Bicentenaire. Nous examinerons quelles ont été leurs
prises de position. Ensuite, nous analyserons les positions des
deux prétendants français et nous nous attarderons sur la
position du comte de Paris.
Il existe au niveau national deux mouvements royalistes: La
Restauration Nationale et la Nouvelle Action Royaliste. Les
légitimistes et le mouvement France et Royauté animent le
royalisme français.
2. La Nouvelle Action Royaliste
La N.A.R. est issue de l'Action Française de Charles Maurras.
Ce mouvement a rompu tous les liens qui pouvaient le rattacher à
l'extrême droite. Pour préparer l'année du Bicentenaire, il a
organisé un colloque qui s'est tenu à Paris le 19 novembre 1988.
Il avait pour thème « Célébrer 1789 ».
Pour Bertrand Renouvin, le président de la N.A.R., sérénité et
humilité seront les règles de l'attitude de son mouvement à
l'égard de ces festivités. Pour lui, « la Révolution est ici
pleinement assumée, dans son génie (le mot est du comte de
Paris) comme dans ses tragédies. Cela signifie que la Révolution
Française est faite, que nul ne peut en effacer l'héritage, et
qu'elle est pour nous terminée puisque nous refusons de rejouer
ou de prolonger les terribles affrontements de l'époque.
Précisons encore que le Bicentenaire n'est pour les royalistes
conséquents ni une gêne ni une menace - et cela d'autant moins
que l'événement révolutionnaire de 1789 s'inscrit dans le cadre
d'une institution monarchique qui n'est pas récusée ». 23
Durant l'été des célébrations, son bimensuel avait consacré un
numéro spécial intitulé «Des Bastilles restent à prendre». Il
insiste sur les aspects positifs de la Révolution. Il s'agit de
la Déclaration des droits de l'homme, l'Assemblée nationale, la
fête de la Fédération. Il rappelle que la Révolution française
s'accomplit avec la monarchie, non contre elle.
22
Sondage IPSOS-Le Point, 21/01/1987
23
RENOUVIN, B, "Les enjeux du Bicentenaire", Royaliste,
n52, p 12
15
« C'est donc sans aucun paradoxe que notre famille politique
peut participer à la célébration de ces événements, sans que
soient oubliées pour autant les tragédies ultérieures..(mais il
prévient) Nous ne saurions cependant nous contenter d'une
approbation benoîte des cérémonies du Bicentenaire . La
contradiction est en effet trop violente entre le projet
révolutionnaire actuellement glorifié et l'état de notre
société. Puissance de l'argent, privilèges en tous genres,
inégalités scandaleuses, division et exclusion sociale,
citoyenneté déficiente devraient susciter un projet de
transformation économique et sociale digne de nos principes de
justice et de liberté....Plutôt que de commémorer la Révolution
en s'abritant derrière une fausse humilité gestionnaire, c'est
sans plus attendre qu'il faut reprendre le mouvement de 1789 ».24
Le message et l'attitude politique de ce mouvement tranchent
avec les autres mouvements monarchistes. On les situe souvent
comme des Royalistes de Gauche. Eux se disent ni de Droite, ni
de Gauche, mais «ailleurs». Précisons que Bertrand Renouvin fut
candidat à l'élection présidentielle de 1974. Il avait recueilli
43.722 voix soit 0,14% de l'électorat. Depuis août 1984, il est
membre du Conseil Economique et Social. Certains y verront un
remerciement au soutien apporté par son mouvement, en 1981, à
l'élection du Président Mitterrand.
Ils ont appelé à voter pour François Mitterrand. « On les a
vus manifester contre la réforme du code de la nationalité, aux
côtés des militants de S.O.S. Racisme...(Ils) se tiennent pour
la plupart à l'écart des grandes manifestations monarchistes
traditionnelles. Mais ils ne dédaignent pas marquer leur
fidélité en assistant aux messes à la mémoire de Louis XVI et ne
manquent jamais d'entourer le comte de Paris (dont nous
parlerons plus loin) lors de ses manifestations publiques. Pour
le reste, plutôt que de rester entre eux, ils préfèrent
dialoguer avec des personnalités non royalistes du monde
intellectuel et politique » 25
Ils s'opposent à ce qu'on appelle la «Nouvelle Droite»
organisée autour de différents clubs comme le G.R.E.C.E.26
Certains de leurs militants sont actifs dans les milieux
syndicaux ou participent à la vie municipale sur des listes PS,
divers gauche ou du Centre. Ils sont quinze à être considérés
comme élus de la N.A.R. En mars 1986, dans le Maine-et-Loire,
une Liste N.A.R. recueille 2230 voix soit O,67% de l'électorat.
En 1988, Bertrand Renouvin fut invité à représenter la N.A.R. au
sein du Comité national de soutien à François Mitterrand
Son engagement politique au sein des institutions
républicaines va encore se préciser. Le 13 novembre 1990, le
Conseil National de la N.A.R. envisage favorablement la
proposition faite par Mr Soisson, Ministre du Travail dans le
24
RENOUVIN, B, "Editorial", Royaliste, n519, p 3
25
FLEUTOT, F.M., LOUIS,P, Les royalistes. Enquête sur les
amis du Roi aujourd'hui, pp.51-63, Albain Michel, Paris, Janvier
1989
26
Groupement de Recherche et d'Etudes pour la Civilisation
Européenne fut fondé en 1969.
16
gouvernement Rocard, quant à la participation de la Nouvelle
Action Royaliste à la France Unie. Rappelons une fois de plus
que la N.A.R. est le seul mouvement royaliste aussi intégré dans
le cadre républicain.
À cette occasion, B. Renouvin déclare: « Un souhait vieux de
dix ans en ce qui nous concerne, est en train de devenir
réalité: celui du rassemblement et de l'organisation, à côté du
Parti Socialiste, de tous ceux, personnalités et mouvements qui
soutiennent le président de la République...(Il tient à
rappeler) Nous sommes des royalistes, dont la visée à long terme
n'exclut pas l'engagement présent, dès lors qu'un projet
politique rencontre le nôtre sur des points que nous jugeons
essentiels, dès lors que le chef de l'État inscrit son projet
dans la continuité nationale. Tel est le cas en ce qui concerne
François Mitterrand. » 27
Cette adhésion à France Unie suscita l'opposition d'une
composante de ce rassemblement, le Mouvement des Radicaux de
Gauche. Son Président, M. Zuccarelli, a exprimé son refus formel
d'accepter la Nouvelle Action Royaliste.
Le 13 avril 1991, le mouvement France Unie de J.P. Soisson et
la N.A.R. annonçaient leur accord au terme duquel, la Nouvelle
Action Royaliste participera à l'élaboration du projet et de la
stratégie de France Unie, et à la mise en place de
l'organisation nationale et locale de la majorité
présidentielle. Le 18 avril, le M.R.G. réagissait en réaffirmant
que les radicaux de gauche ne voulaient pas d'alliance avec les
royalistes.
Il n'est pas certain que la Famille de France voie d'un très
bon œil l'orientation politique directe de la N.A.R. Le comte de
Clermont (fils aîné du comte de Paris) n'apprécie pas l'attitude
des amis de Bertrand Renouvin. Il est vrai que la N.A.R. avait
soutenu le Président Mitterrand (comme d'ailleurs le comte de
Paris lui-même), mais en dehors de toute structure politique
partisane. Bien que nous comprenons l'attrait de la personnalité
et de la politique du Président Mitterrand, on peut se demander
si, en devenant une composante de France Unie, la N.A.R. est
encore royaliste?
Cependant, ce mouvement fait sortir le royalisme du carcan
étroit de l'extrême droite passéiste. La N.A.R. s'inscrit dans
le courant de pensée qui défend l'institution présidentielle
comme étant l'expression républicaine de l'idéal monarchique.
27
RENOUVIN, B., "Vers la «France unie»", Royaliste, p 12,
3-12/12/90
17
3. La Restauration Nationale
La R.N. se veut l'héritière directe de l'Action Française.
EIle reprend les idées de Charles Maurras: «Nationalisme
intégral», Monarchie traditionnelle, héréditaire,
antiparlementaire et décentralisée. Elle dispose d'un
hebdomadaire « Aspect de la France ». Ce mouvement s'est
structuré dans le milieu étudiant. Deux publications leur sont
destinées: « Feu Follet » (bimestriel étudiant) et
« Insurrection » (mensuel lycéen).
Selon la Restauration Nationale, « le régime républicain met
la France en danger de mort et, par ses doctrines de base, le
libéralisme et la démocratie, elle sape le pouvoir de
l'État...Il faut abattre la République et restaurer la
Monarchie, incarnée par Monseigneur le comte de Paris, héritier
des quarante Rois qui, en mille ans, ont fait la France ».28
Il
faut savoir que le comte de Paris s'est fortement éloigné de
l'Action Française. Il ne manque d'ailleurs aucune occasion pour
désavouer les actions violentes de la R.N.
Ce mouvement est animé par Pierre Pujo et Guy Steinbach. Ils
commémorent chaque année la fête nationale de Jeanne d'Arc.
Pendant une période, ils manifestèrent avec les membres du Front
National. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Ses militants se
veulent les héritiers des « Camelots du Roi ».C'est ce qui
explique que ce soient certains d'entre eux qui aient participé
à l'action contre la chanteuse Delavaut. À la différence de la
N.A.R., ils ne participent pas à la vie politique active. Ils
n'ont pas d'élus.
4. Les Légitimistes
Ces derniers contestent la légitimité dynastique du comte de
Paris 29
et se tournent vers un prince espagnol. Il s'agit
d'Alfonso de Bourbon-Dampierre, duc de Cadix, aîné des Bourbons.
Ils ont refusé de se rallier aux Orléans à la mort du comte de
Chambord en 1883 et ont fait acte d'allégeance aux Bourbons
d'Espagne. Ceux-ci sont les descendants directs de Louis XIV.
À la différence des Orléanistes, les liens entre le duc de Cadix
et ses partisans sont beaucoup plus forts. On peut dire que ces
mouvements sont d'une certaine manière dirigés par le
prétendant.
L'Union des Cercles Légitimistes de France édite une
publication « La Gazette Royale ». Celle-ci fut fondée en 1957.
L' U.C.L.F. se dit « catholique et monarchiste » et défend la
« Monarchie catholique française traditionnelle ».
« Nous refusons et refuserons toujours toutes concessions à la
république et aux erreurs de la révolution. Ni Marseillaise, ni
drapeau tricolore, incarnation de cette révolution satanique. »
Ainsi elle se démarque des royalistes de la N.A.R., qui
«jouent le jeu» des institutions républicaines. Elle n'a qu'un
28
"Le combat royaliste. Principes fondamentaux", Aspects de
la France, nhors série, été 1987, p 38
29
Dans le chapitre consacré aux prétendants, nous
résumerons l'opposition Orléans-Bourbons d'Espagne.
18
but: « la restauration de la Monarchie française,
traditionnelle, catholique, hiérarchique, corporative,
antidémocratique, antiparlementaire, anticentralisatrice,
garante des libertés des
Provinces, des professions, des communes, des familles... ayant
à sa tête au sommet de la hiérarchie, le Roi, Lieutenant du
Christ Vrai Roi de France. » 30
On retrouve -avec des nuances- les termes utilisés par Charles
Maurras pour définir la Monarchie. Les légitimistes se
différencient -du courant maurrassien- par la Famille Royale à
laquelle ils se rattachent, mais aussi par l'absence de violence
potentielle pour rétablir l'ordre politique qu'ils défendent.
D'autre part, en matière religieuse, ils soutiennent Mgr Lefèvre
et s'en prennent violemment à la Franc-maçonnerie. Les
légitimistes n'assimilent pas à la royauté française le concept
de nationalité.
À propos du Bicentenaire, leur attitude est tranchée « Parce
qu'au nom des néfastes utopies et des mortels sophismes du
Siècle «des lumières» dont on va nous rabattre les oreilles à
l'occasion du Bicentenaire de 89, parce qu'au nom des sacro-
saints «droits de l'homme» si chers à l'intelligentsia
gauchiste, aux évêques et aux curés rouges ou roses, à toutes
ces organisations apatrides (cela rejoint la tradition de
l'extrême droite) qui sont devenues la conscience de la
Cinquième République, on a détruit ces liens qui, à travers des
générations, unissaient nos peuples dans une même tradition,
dans une même foi et dans une même vocation, pour promouvoir
l'anarchie, la chienlit, les «égalités» illusoires et contre
nature, et les «libertés» nuisibles » 31
5. France et Royauté
Parmi les Légitimistes, certains se sont distingués en créant
en novembre 1987 le mouvement « France et Royauté ». Celui-ci
édita une publication utilisant la quadrichromie sur papier
glacé, intitulée, « La France monarchiste et légitimiste ».
Cette qualité d'impression était le signe d'une certaine aisance
financière, ce qui est loin d'être la règle dans les milieux
royalistes français. Ils firent allégeance au prince Alphonse de
Bourbon, duc de Cadix.
Ce mouvement est animé par Marcel Chéreil de la Rivière, un
aristocrate très proche de Jean-Marie Le Pen. Il fut candidat
F.N lors d'élections cantonales et soutint le tribun de
l'extrême droite, lors des élections présidentielles.
Mais les propos tenus par le prince Alphonse de Bourbon au
magazine « Newmen » ne seront pas acceptés par le président de
« France et Royauté ». Le prince déclarait qu'il fallait
respecter les droits de l'immigrant et souhaitait que les
immigrés puissent s'intégrer à la société française. Le fait que
30
SACLIER de la BATIE, G, "Notre combat", La Gazette
Royale, Janvier- Février 1989, n30
31
LAURENT,P.M., "A l'aube du Bicentenaire de la révolution.
Le recours", La Gazette royale, Novembre-
Décembre,1988, n29
19
l'aîné des Bourbons ne condamne pas l'immigration et qu'il fasse
des déclarations à un magazine érotique lui faisait perdre toute
légitimité. C'est en tout cas le raisonnement que tient M.
Chéreil de la Rivière.
« Une nouvelle loi fondamentale (de dévolution de la couronne)
est née: «pour être légitime, le roi doit penser comme il faut».
Exception faite des providentialistes purs, qui attendent le
choix de Dieu, et des survivantistes, qui cherchent une
éventuelle descendance de Louis XVII; tous les royalistes,
qu'ils fussent partisans d'un Orléans ou d'un Bourbon d'Espagne,
semblaient d'accord sur le contenu des règles de dévolution de
la Couronne. La querelle ne portait que sur l'existence ou la
non-existence d'un «vice de pérégrénité», c'est-à-dire sur
l'éventuelle influence de la nationalité du prince sur sa
capacité théorique à régner. Aucun royaliste n'avait encore
affirmé que les idées du prince décidaient de sa légitimité.
Cela paraissait être une caractéristique essentielle de la
monarchie héréditaire, échappant à toute discussion. » 32
Le directeur de la France Monarchiste propose comme prétendant
légitime, le prince Sixte Henri de Bourbon Parme qui est un
descendant de Louis XIV (mais il est le cadet d'une branche
cadette) et a la nationalité française. En ce sens, ils se
coupent du légitimisme qui accordait plus d'importance à la
descendance qu'à la nationalité du prince-prétendant. De plus,
Sixte Henri de Bourbon Parme « pense bien » puisqu'il fut membre
du comité de soutien de J.M. Le Pen. 33
Tout en restant dans cette même filière politique, on retrouve
Jean Louis Damville, correspondant national du Mouvement France
et Royauté, qui vient du Front national de la Jeunesse. Ce
dernier rappelle les enseignements de Mgr Escriva Balaguer
(fondateur de l'Opus Deï) 34
dans la problématique concernant
Mgr Lefèvre. Ceci est-il suffisant pour pouvoir affirmer qu'en
matière religieuse, « France et Royauté » ait pris le parti de
l'Opus Deï contre les traditionalistes ? On peut le supposer.
Mais nous ne disposons pas d'assez d'éléments pour pouvoir
l'affirmer.
32
FLEUTOT,F.M., LOUIS,P, op.- cit., pp 97-98
33
ibid
34
DAMVILLE, J.L., "Déclaration de Foi", La France
monarchiste et légitimiste, août 1988
20
Le mouvement France et Royauté s'est opposé aux célébrations
du Bicentenaire. Arguant du caractère «viscéralement
anticatholique» de la Révolution, ils qualifient leurs
adversaires de «fils de persécuteurs et de régicides (qui)
s'apprêtent à pavoiser pour leur bicentenaire d'enfer»
Ils considèrent aussi que « l'essor économique entamé sous
Louis XVI fut brutalement stoppé en 1789 et donna naissance
quelques années après, à l'éconocratie et au libéralisme
sauvage. (Ils défendent l'ordre corporatif) que l'on a supprimé
pour mieux asservir la classe ouvrière » 35
Ce mouvement se démarque de la violence dont voulaient faire
preuve certains royalistes à l'égard du Bicentenaire et invite
ses amis « à ne point répondre aux éventuelles provocations
antiroyalistes... Nous ne supporterions pas que des royalistes
se comportent en personnes discourtoises et agressives. 1989
n'est pas une année de vengeance, mais plutôt d'espoir...nous
pourrons enfin dévoiler certaines vérités sur la Révolution
française et le jeu de la démocratie républicaine » 36
En fait, nous pensons que les vérités dévoilées concernent
surtout les liens existant entre ces organisations royalistes -à
l'exception de la Nouvelle Action Royaliste- et l'extrême
droite.
6. D'autres mouvements royalistes
Il existe d'autres mouvements qui n'ont pas une grande audience
politique.
L’Association des Amis de la Maison de France fut créée par
Stéphane Bern en 1984. Cette association a pour but de faire
connaître la famille de France et ses activités auprès des
Français et promouvoir la pensée et l'action du comte de Paris.
Les adhérents ne souscrivent pas à un programme politique, à la
différence de la N.A.R. mais défendent la légitimité du comte de
Paris. L'Association édite un bimestriel; l'Alliance Royale.
Il existe des « royalistes mystiques » ou
« providentialistes » qui croient au « Règne du Grand
Monarque ». Sur base de prophéties, ils pensent que la monarchie
de droit divin sera restaurée par la seule volonté de Dieu et
par des moyens qui échappent à toute prévision humaine.
Les « survivantistes » croient en la descendance du fils de
Louis XVI. La France debout, bulletin royaliste et catholique de
Bretagne est un mouvement qui s'est converti au survivantisme.
35
G.F., "Economie", La France Monarchiste et légitimiste,
n 13, février 1989
36
"Vie du mouvement «France et Royauté»", La France
Monarchiste et légitimiste, n13, février 1989
21
Pour des mouvements plus locaux, la question de choix de
prétendants n'est pas primordiale. L'amitié les rapproche dans
la défense de la monarchie.
Le Cercle d'Aguesseau rassemble à Limoges des royalistes qui
veulent dépasser les habituelles divisions. Les mêmes
responsables éditent une revue: Légiste, qui, elle, est
orléaniste. À Tours, fut créée l'Union royaliste de Touraine qui
édite l'Action Royaliste du Centre-Ouest. Ce mouvement n'a
aucune attache avec des mouvements nationaux. C'est ce qu'on
appelle une « Communauté militante ». À Grenoble, les royalistes
se retrouvent autour de la Chronique dauphinoise. Ils défendent
une tradition royaliste ouverte sur le monde moderne. Parmi
ceux-ci, on retrouve un gynécologue qui pratique l' I.V.G., mais
il avoue lui- même ne pas être accepté par les autres
royalistes.
Il existe aussi l'Union des sections royalistes de Lorraine qui
a son siège à Nancy. Cette union a rallié la Restauration
Nationale.
L'association Vendée Militaire fut créée en 1976 et est animée
par Lambert de la Douasnerie qui veut sauver de l'oubli et de
l'indifférence le souvenir des guerres de Vendée et la
Chouannerie. Il édite la revue Savoir qui est patronnée par
Sixte Henry de Bourbon-Parme.
C. PPoorrttrraaiitt ssoocciiooppoolliittiiqquuee ddeess RRooyyaalliisstteess 37
La confusion Royaliste-Noble semble n'être qu'une idée reçue,
seuls dix pour cent des répondants sont nobles. L'éparpillement
régional est total. Il n'y a pas de réponses significatives
quant à savoir s'ils sont plus nombreux à la campagne ou dans
les villes. Concernant l'échelle d'âges, il n'y a pas
surreprésentation d'une génération.
Les royalistes semblent faire partie des classes sociales
élevées; vingt-huit pour cent exercent une profession libérale
ou sont cadres supérieurs. Dix-sept pour cent appartiennent à -
ce qu'ils appellent- « la classe intellectuelle » c'est-à-dire:
les enseignants, chercheurs, écrivains, artistes.
À cela s'ajoutent treize pour cent d'étudiants. De manière
plus globale, cinquante-huit pour cent des royalistes font ou
ont fait des études supérieures.
Ils lisent (nonante pour cent d'entre eux) plus de dix livres
par an et de préférence des livres historiques. Septante pour
cent achètent régulièrement un quotidien et soixante-huit pour
cent lisent des magazines. L'enquête ne dit rien des titres des
quotidiens et magazines lus par ces derniers.
En matière religieuse, quatre-vingt-cinq pour cent se
déclarent catholiques, trente-neuf pour cent précisant catho-
37
Les informations qui vont suivre sont extraites de:
FLEUTOT,F.M., LOUIS,P., op.-cit., pp 239-243. Cette enquête est
basée sur 1542 réponses d'un questionnaire. Celui-ci contenait
115 questions et a été diffusé à plus de 7000 exemplaires par
différentes organisations royalistes. Ce portrait s'attache aux
individus et non aux différents mouvements politiques.
22
liques-traditionalistes. Ces réponses ont été formulées avant le
schisme de Mgr Lefèvre. Seulement sept pour cent des royalistes
interrogés s'affirment agnostiques ou athées.
L'enquête révèle que quatre pour cent de royalistes sont
protestants. Ce qui fait dire aux auteurs qu'ils sont « les
héritiers d'une tradition souvent méconnue ».
Comment vivent-ils leur royalisme ? Ils appliquent en quelque
sorte un des principes de la monarchie à savoir, la continuité,
puisque trente-sept pour cent reconnaissent qu'il y avait déjà
des royalistes dans leur famille. Quelques signes extérieurs les
distinguent. Trente-huit pour cent possèdent un portrait de leur
prétendant à domicile, vingt-huit pour cent portent une fleur de
lys à la boutonnière, une cravate ou un noeud fleurdelysé.
Seulement dix-huit pour cent adhèrent aux partis politiques.
Six pour cent choisissent le Front National et cinq pour cent
les partis de la Droite parlementaire (RPR ou UDF). Signalons
que quatre pour cent choisissent le PS ou le MRG et deux pour
cent ont rejoint la mouvance écologique.38
Pour cette dernière
possibilité, on peut la mettre en rapport avec la volonté de
retour aux traditions. Certes, l'écologisme ne se résume pas à
cette dimension.
Les royalistes sont dix-sept pour cent à se syndiquer. En
1988, en France le taux de syndicalisation était de quatorze
pour cent. La syndicalisation des royalistes se répartit de la
façon suivante: la C.G.C (Confédération Générale des Cadres) 39
l'emporte devant la CFTC (Confédération Française des
Travailleurs Chrétiens), la CFDT (Confédération Française
Démocratique du Travail) et FO (Force Ouvrière).
En matière de questions de société ou plus généralement les
questions morales, il n'y a que quarante-neuf pour cent des
royalistes favorables à l'usage de contraceptifs et seulement
treize pour cent à accepter la liberté de l'avortement.
Signalons que les réponses féminines à ces questions font
augmenter les pourcentages cités ci-dessus.
Nous comparons ces chiffres avec deux autres types de réponses.
Premièrement, cinquante pour cent de catholiques (mais vingt-
cinq pour cent de catholiques pratiquants acceptent
l'avortement. 40
Il semble que les royalistes aient, pour ces
questions, une conception plus restrictive des problèmes.
L'influence de l'intégrisme religieux, de la droite ultra de
l'Église catholique sur les royalistes permet sans doute
d'expliquer leurs conceptions.
38
Rappelons que ces chiffres concernent les adhésions aux
partis politiques. Ils ne disent rien sur la manière de voter
des royalistes dans leur ensemble.
39
Ceci confirme les chiffres cités ci-dessus qui
indiquaient la présence des royalistes dans les classes sociales
élevées. Ce chiffre ne fait qu'affiner le profil des royalistes.
40
Chiffres issus d'un Sondage Sofres-Le Monde de septembre
1986 sur base d'un échantillon de 1500 personnes de 18 ans et
plus.
23
Concernant la peine de mort, trente-six pour cent des
royalistes interrogés sont « résolument opposés ».41
En
comparaison, soixante pour cent de Français pensent que la peine
de mort serait une mesure efficace pour faire diminuer
l'insécurité. 42
Soixante-sept pour cent des royalistes sont favorables à une
France multiconfessionnelle et soixante-cinq pour cent acceptent
une France multiraciale. Cela tranche avec les discours
sectaires et d'exclusion prononcée par certains.
Les auteurs ont voulu savoir quel type de monarchie, les
royalistes souhaitaient. Soixante-cinq pour cent des royalistes
sont pour une «démocratie sous l'autorité du roi». De manière
plus précise, soixante-quatre pour cent sont favorables à
l'existence des partis politiques.
C. LLeess mmaanniiffeessttaattiioonnss rrooyyaalliisstteess
Ces dernières ne furent pas nombreuses. Si l'on excepte
l'intrusion violente dans une salle de spectacle, les
apparitions des royalistes n'ont pas mis en danger le bon
déroulement des cérémonies ni les fondements de la République.
Signalons qu'elles rassemblèrent aussi beaucoup de contre-
révolutionnaires et de sympathisants de l'extrême droite.
Le 21 janvier 1989, ils célébrèrent le 196e anniversaire de la
mort de Louis XVI, mais, ils étaient divisés et dispersés.
Certains se sont retrouvés à la salle de la Mutualité à
l'appel du Comité Anti-89. Il s'agit d'un regroupement d'asso-
ciations contre-révolutionnaires où se retrouve une partie des
royalistes.
« Dans le ciel de la Contre-Révolution, la religion donne la
main au nationalisme.. Rassemblés pour dénoncer «l'imposture» de
1789, ils accusent en bloc «le manque de vertu» du monde moderne
et «l'invasion immigrée» qui menace d'asphyxier la terre de
France.
Le sentiment d'appartenir à une même famille persécutée par la
«trilatérale franc-maçonne» et les «lobbies sionistes» gomme
bien les différences. Des prélats intégristes aux longues
soutanes noires déambulent à travers la foule, rappelant par
leur présence que le combat contre la célébration du Bicente-
naire est avant tout une lutte en faveur de la religion tradi-
tionnelle. La Révolution offre aux intégristes des martyrs dont
l'interminable inventaire ponctue les discours à la façon d'une
litanie. La Déclaration des Droits de l'homme, qualifiée de
41
Les chiffres avancés par les auteurs ne sont pas clairs.
Y a-t-il 70 % de royalistes qui soient résolument contre la
peine de mort?
42
D'après un sondage de la Sofrès réalisé en novembre 1984.
Signalons que les questions ne portaient pas directement sur le
rétablissement de la peine de mort. Ces chiffres sont aussi à
replacer dans le climat d'attentats qu'a connu la France pendant
le début des années quatre-vingt. Ces chiffres sont néanmoins
des indications.
24
«fausse», figure en bonne place sur le cahier des doléances de
cette journée. Cette soumission aux volontés du Christ n'est
cependant pas la seule préoccupation des participants. S'ils
acceptent volontiers leurs devoirs religieux, ceux-ci n'enten-
dent pas se priver de leur droit à la contestation, voire à
l'anathème. On annonce publiquement la prochaine commémoration
du 6 février 1934 (tentative de putsch organisée par les ligues
fascistes). On se réjouit de la disparition des deux premiers
Présidents de la Mission Nationale du Bicentenaire. On parle à
la tribune, de la «démocratie sans âme et sans souffle» (qui)
est condamnée pendant le grand banquet au cours duquel certains
portent des toasts à la mémoire du maréchal Pétain, tandis que
d'autres boivent à la santé du roi » .43
Les militants du Parti nationaliste français et européen
(PNFE), groupe néo-nazi, côtoyaient les disciples de la Frater-
nité Saint-Pie X de Mgr Lefèvre.Les militants de « L'oeuvre
Française », animée par Pierre Sidos, participaient à cette
manifestation comme ceux du Mouvement Chouan où rock n'roll et
royalisme vont de pair.
Le 20 janvier, les légitimistes se sont retrouvés à Saint-
Denis. À l'issue d'une messe en latin, le duc de Cadix est allé
se recueillir un instant sur la tombe de Louis XVI. Le 22
janvier, tous ces fervents se sont retrouvés aux alentours de la
Chapelle expiatoire, square Louis XVI.Celle-ci fut bâtie sur
l'emplacement du cimetière où le roi fut inhumé initialement.
Les partisans de Sixte Henri de Bourbon Parme étaient
regroupés autour de « France et Royauté ». Ces derniers avaient
aussi participé aux réunions de l'Anti-89. Venant de la chapelle
expiatoire -où ils n'ont pu entrer- ils défilèrent vers la
Concorde où ils déposèrent une gerbe de lys.
La famille d'Orléans fut beaucoup plus discrète, seul le comte
de Clermont accompagné de son épouse et de quelques amis
prièrent en l'abbaye du Temple, en région parisienne. Le comte
de Paris n'assiste jamais aux messes du 21 janvier.
La disparition quelques jours plus tard du duc de Cadix fit
perdre au courant légitimiste beaucoup d'énergie. D'autant que
son fils, encore jeune, n'a pas encore manifesté d'intérêt pour
cet hypothétique trône.
Les royalistes d'obédience légitimiste ou parmiste ont
continué à organiser dans plusieurs villes des messes pour
«réparer la Révolution». Ils se sont manifestés au mois d'août
1989 lors de l'Assomption. Cette fête religieuse devait être la
«grande journée de réparation des crimes de la Révolution».
Ce devait être le point d'orgue des «croisés contre-
révolutionnaires». Ils n'étaient pas un million, comme les
organisateurs de l'Anti 89 l'avaient espéré lors de la présenta-
tion de leur projet en 1987. Ils n'étaient pas 500.000, chiffre
avançé quelques semaines avant la cérémonie.
Ils étaient plusieurs dizaines de milliers à s'être donné
43
REROLLE, Raphaëlle, "Les différentes familles de
l'extrême droite ont participé à la «grande journée anti-
89»", Le Monde, 24/01/1989
25
rendez-vous à la place du Louvre à Paris. Cette célébration
était orchestrée par les disciples de Mgr Lefèvre. La position
schismatique de ce dernier, peut expliquer, en partie, le peu de
succès rencontré par les organisateurs. Il s'agissait
principalement de catholiques intégristes français, mais aussi
espagnols et belges. Certains royalistes étaient présents. Les
orléanistes ne participaient pas à ces cérémonies.
Le seul représentant de la famille Capétienne était le Prince
Sixte Henri de Bourbon Parme (dont nous parlerons plus loin).
Avec la disparition du duc de Cadix, il pourrait bien devenir le
prétendant des légitimistes qui sont loin d'être unis.
Certes, ils étaient plus nombreux qu'en janvier, mais
nombreux aussi, étaient ces « touristes japono-italo-allemands
ravis d'assister à une manifestation de chants folkloriques sans
avoir eu à réserver les places » 44
D. LLeess pprréétteennddaannttss
Nous avons délibérément choisi de nous en tenir aux deux
principaux descendants d'Hugues Capet. Nous sommes conscients
qu'il s'agit d'un choix subjectif. Nous pensons que ces deux
personnalités ont un intérêt politique et parfois historique
plus important que « d'autres prétendants ». 45
Cependant, deux
autres figures, le comte de Clermont, Sixte-Henri de Bourbon-
Parme pourraient aussi marquer le devenir politique du royalisme
français. Ils feront l'objet d'une plus courte analyse.
Un court rappel historique nous paraît nécessaire. 46
Le comte de Paris (Henry d'Orléans) est le descendant de Louis-
Philippe 1er qui fut le dernier roi des Français. Ce dernier
descend de Philippe 1er qui fut le frère de Louis XIV. Le duc de
Cadix (Don Alfonso de Bourbon-Dampierre) est le descendant en
ligne directe de Louis XIV par son petit-fils, le roi
Philippe V d'Espagne. Il est l'aîné des Bourbons.
Un conflit existe entre les deux familles. Depuis le Traité
d'Utrecht où Philippe V abandonne ses prétentions au trône de
France les Bourbons-Orléans revendiquent l' héritage de la
monarchie française. Cette analyse n'est pas partagée par le duc
de Cadix et ses partisans légitimistes. Il se veut le successeur
légitime de Saint-Louis et arbore les « armes pleines de la
Maison de France » à savoir : « trois fleurs de lys d'or, sur
champ d'azur ». Ses partisans affirment que la couronne se
transmet par ordre d'aînesse, de mâle en mâle appartenant à une
même branche. Par conséquent, ils pensent que Louis Philippe fut
un usurpateur. Ils répondent à l'argument du Traité d'Utrecht
44
REYNAERT, F., "Intégristes ASSOMPTION: LE FLOP DES ANTI
89", Libération, 16 août 1990
45
Pour plus de détails à propos des "autres prétendants"
cf. "Descendants des anciens souverains français", QUID 1991, pp
614-618, 1991, Robert Laffont,Paris ainsi que de WARREN, R., Les
prétendants au trône de France, Col. Mémorables L'Herne, Paris,
1990
46
Voir le schéma dynastique en annexe.
26
que les règles de l'ordre successoral, lois fondamentales du
Royaume, l'emportent sur la nationalité du prince capétien
héritier. Selon cette logique, celui qui reçoit la couronne ne
peut y renoncer.
Sans vouloir trancher entre ces deux thèses, nous devons
constater qu'en 1830, il y a eu transmission de la couronne au
profit des Bourbons-Orléans. La volonté politique de l'époque en
a décidé ainsi. Pour notre part, nous nous sommes intéressés à
la vie politique des deux principaux héritiers de Louis Capet.
1. Le duc de Cadix
a. Généralités
Sa vie politique fut, d'abord, liée à l'histoire espagnole.
Jusqu'en 1969, ce licencié en droit travailla dans le monde de
la banque et de la finance. Franco trouva que c'était indigne
d'un prince royal. Le général le recommanda pour qu'il entre à
la Banco Extérior (banque d'État.). Il fut vice-président de la
Chambre de commerce italienne en Espagne.
Il fut ambassadeur d'Espagne à Stockholm de 1969 à 1972. Il
épousa le 8 mars 1972 la petite-fille du Général Franco dont il
divorça. Le mariage sera annulé par le Vatican en 1986.
En novembre 1972, Franco l'autorise à porter le titre de duc de
Cadix. Il était qualifié d'Altesse Royale. Le duc de Cadix logea
auprès du chef de l'État franquiste. Il eut l'occasion de le
rencontrer et, à plusieurs reprises, de s'entretenir avec lui.
Il succéda à son père en 1975 et prit le titre de duc d'Anjou.
Nous devons cependant rappeler, que son père, Dom Jaime duc de
Ségovie, devenu sourd et muet renonça à ses droits en 1933. Ceci
fut confirmé en juillet 1945 et en juin 1949. Mais en décembre
1949, Dom Jaime déclare revenir sur sa renonciation.En 1963, il
se proclamera chef de la Toison d'Or.
Le duc de Cadix occupa la présidence de l'Institut de la
culture hispanique. Ce poste fut spécialement créé pour lui par
le Général Franco qui y voyait un intérêt politique évident. Il
avait rang de Sous-Secrétaire d'État. Son Institut dépendait
directement du Ministère des Affaires étrangères. Un prince
d'Espagne, de plus l'aîné des Bourbons au service du franquisme
avait un intérêt politique.
Il fut en relation avec l'Amérique centrale et particulièrement
avec le général Omar Torijos du Panama. En 1978, il fut relevé
de ses fonctions. 47
Bien qu'officiellement, il ne fit aucune opposition à
l'accession au trône de Juan Carlos, il faut cependant constater
que « dans la famille de Franco, le prince d'Espagne (Juan
Carlos) est loin d'être aimé, et le mariage du duc de Cadix avec
la petite-fille de Franco a animé les espoirs d'une dynastie
47
"Descendance des Capétiens. Le duc d'Anjou. Chef de la
Maison Bourbon", p 615 et "Espagne. Famille royale", p 951, QUID
1991, Robert Laffont, 1991
27
nouvelle de Bourbon-Franco »48
. Cette possibilité était aussi
partagée par les responsables de la Phalange. Finalement, il
n'en fut rien.
De 1974 à 84, il fut Président de la Fédération espagnole de
ski. En 1984, il sera élu Président du Comité Olympique
Espagnol.
b. Son attitude à l'égard du Bicentenaire
Sa disparition accidentelle, le 30 janvier 1990, ne permet pas
de connaître avec précision quelle aurait été son attitude
durant le Bicentenaire. Néanmoins, certains écrits et
déclarations permettent d'en savoir plus. Cependant, cette
disparition a privé le mouvement légitimiste d'un catalyseur
important.
Il disposait d'un Institut de la Maison Bourbon dont il avait
la présidence d'honneur. Celui-ci était présidé par le duc de
Bauffremont. Un organisme politique lui était favorable, l'Union
des Cercles Légitimistes de France déjà évoqué. D'autre part, il
a reçu la présidence d'honneur du Mémorial de France à Saint-
Denis.
En 1972, lors de son premier voyage en Vendée, haut lieu de la
contre-révolution, le ton est donné, « La véritable unité de la
Nation française ne se fera que par un retour à la foi de ses
ancêtres et à la royauté capétienne... le corps social doit être
délivré de toutes ces pollutions mortelles que sont l'étatisme,
le laïcisme, le socialisme, les partis, l'immoralité et l'argent
tout puissant »49
Lors du Millénaire Capétien, il réalise un véritable Tour de
France (Saint-Denis, Narbonne, château de Saumur, Pau, château
de Béthune, Béziers, cathédrale de Lyon, Nantes, École militaire
de Sorèze, la Vendée et Reims...) Il ne fut pas invité à toutes
les manifestations célébrant le Millénaire. Là où il le fut, sa
présence suscita l'opposition des Orléanistes.
Le Premier Ministre de l'époque, Jacques Chirac, n'accepta pas
qu'un « prince étranger » soit associé à une « manifestation
nationale française ».
Le descendant en ligne directe de Louis XIV préfère célébrer
le quadricentenaire de l'avènement d'Henri IV qui a su
« réconcilier les Français, catholiques ou protestants, panser
les plaies d'une épouvantable guerre civile, réduire les
factions, redonner la paix religieuse, restaurer l'État et le
pouvoir royal...et redonner à la France...les moyens de son
rayonnement international » 50
. Cette célébration, selon son vœu,
aurait dû être l'occasion de rassembler tous les Français
48
BERN,S, L'Europe des rois, p 440, Paris, 1988
49
Déclaration du duc de Cadix à l'occasion de son voyage
dans les "provinces de l'ouest, au Mont des Alouettes, le 19
novembre 1972
50
Allocution du duc d'Anjou prononcée à l'Institut de la
Maison Bourbon à Paris le 22 janvier 1989.
28
évitant toute division. Sa présence suscita l'opposition des
Orléanistes.
Il considère la célébration du Bicentenaire comme la fête
d'une victoire d'une partie de la nation sur l'autre et ne peut
s'y joindre. « Mais si la célébration du Bicentenaire a pour
résultat de dresser un bilan sans complaisance de la Révolution,
de faire litière de tous les mensonges apologétiques accumulés
depuis deux siècles, de faire le ménage dans les écuries
d'Augias jacobines, alors j'approuverai, car c'est autour de la
vérité que les Français pourront réaliser une nouvelle unité, et
certes pas autour d'un mensonge, même entretenu. Je constate que
dans beaucoup de livres qui paraissent sur la Révolution depuis
quelque temps, le bilan de cette période tragique de notre
histoire est globalement négatif ».
« En abolissant la monarchie millénaire, la Révolution a aussi
et d'abord voulu abolir la royauté de Dieu sur la société
française...On célèbre aussi les Droits de l'homme, mais que
d'efforts ne faut-il pas faire pour qu'ils soient respectés dans
notre monde? Les Droits de l'homme sans Dieu se sont révélés
comme une catastrophe » 51
Le prince va même plus loin en affirmant que « Lénine Staline,
Hitler, Mao, Pol Pot, Castro et autres ne sont que les fils des
Danton, Robespierre, Saint Just, Marat, Turreau, Carrier ». 52
Le
duc de Cadix est un prétendant militant. Il ne se place pas au-
dessus des partis. Il a choisi, le sien, celui des intégristes
légitimistes. Tout en affirmant vouloir la vérité historique et
ainsi unir, il s'est enfermé dans un traditionalisme intolérant.
Celui qui fut l'Ambassadeur de l'Espagne franquiste et
considéré comme successeur possible de Franco préfère les
commémorations religieuses qu'elles soient fidèles à Rome ou à
Mgr Lefèvre.
2 Le comte de Paris
a. Généralités
En 1932, le comte de Paris prend la direction des activités
politiques de la Maison de France. Le secrétariat politique est
ouvert à Bruxelles. Il se dotera -plus tard- d'un Centre d'Etude
Sociale. D'autre part, un bureau sera ouvert à Paris. Un réseau
indépendant de l'Action Française se structure.
51
DEM, M, Le Duc d'Anjou m'a dit, Paris, Perrin, pp 150-151
Ce livre a été publié après la disparition du prince. Ce dernier était au
courant de la rédaction de l'ouvrage. Selon l'auteur, le prince y avait
apporté certaines modifications. Cependant pour des "raisons politiques,
familiales et juridiques" non précisées par l'auteur ("au pays des
royalistes", on aime s'entourer de mystères) ces textes ne sont pas publiés
sous la signature du Duc d'Anjou. C'est en accord avec la mère du prince et de
l'Institut de la Maison Bourbon qu'ils sont publiés sous la signature et sous
la responsabilité de M. Dem. Cela permettra à certains de douter de
l'authenticité de certains faits relatés. Pour ma part, je pense que l'on peut
tirer de ce livre certaines précisions sur la pensée politique du prince. Cela
explique les différentes citations auxquelles je me réfère.
52
ibid
29
Il fonde en 1934 la revue d'Information Question du Jour.
Celle-ci parut jusqu'en avril 1936 date de sa fusion avec
Courrier Royal. Celui-ci porte en manchette: La Monarchie n'est
pas un parti. Une campagne d'affichage fut lancée à travers
l'hexagone avec comme slogan: Une Famille au service de la
France. En 1936, il publie un livre « Essai sur le gouvernement
de demain ». L'année suivante, un second ouvrage sort en
librairie; « Le Prolétariat ».
Il défend une monarchie humaine et soucieuse de justice
sociale non liée au nationalisme intégral ni à l'antisémitisme
de l'A.F. En octobre 1938, il entre clandestinement en France et
dénonce publiquement les accords de Munich. Lorsque la guerre
est déclarée, il demande à être incorporé dans l'Armée
Française. La République refuse, mais il sera chargé de
plusieurs missions auprès de plusieurs Cours d'Europe. En juin
1940, il s'engage dans la Légion étrangère sous le pseudonyme de
Robert Orliac. Il fut démobilisé fin juillet.
Son père décède le 25 août 1940. Il devient le chef de la
Famille de France. Il s'installe près de Rabat au Maroc. En août
1942, il va à Vichy pour connaître les intentions de Pétain dans
l'hypothèse d'un débarquement anglo-américain en Afrique du
Nord. « Le comte de Paris tout un temps, va se montrer favorable
à une sorte de recueillement autour du Maréchal Pétain. Cela
n'ira pas au-delà de l'été 1942 ».53
En novembre 1942, il
assiste au débarquement. On imputa l'assassinat de l'amiral
Darlan au comte de Paris ou même à De Gaulle bien que rien ne
fut prouvé. À la fin de la guerre, le comte de Paris s'établit
en Espagne puis au Portugal.
À la libération, il crée à Paris un cercle de réflexion et
d'information monarchique: le Centre d'Étude et de
Documentation. En octobre 1946, sous la directive du comte de
Paris, les Comités monarchistes furent fondés. 54
En mai 1947, le
prince crée un hebdomadaire: « Ici France » qui va dans le
prolongement des activités du Centre d'Étude. Celui-ci sera
publié jusqu'en 1948. Entre-temps, en novembre 1947, les Comités
monarchistes furent dissous. La constitution d'un mouvement
politique important autour du prince échoue. Il annonce la fin
de toute propagande royaliste organisée autour de sa famille.
Toute cette structure était liée à Pierre Delongraye - Montier
qui représentait le comte de Paris en France.
53
VALYNSEELE, J., Les prétendants aux trônes d'Europe,
p 201, Paris, 1967
54
"On y retrouve mentionnés: le Mouvement Socialiste
Monarchiste, le Mouvement Traditionaliste, le Mouvement
National-Royaliste Démocratique, et divers radicaux Royalistes,
Chrétiens Royalistes, Paysans Royalistes. En organisant les
Comités Monarchistes, le comte de Paris souhaitait sans doute
éviter tout risque de cacophonie et réaffirmer son autorité sur
l'ensemble des royalistes"
PIERRAN, P, "Un moment de l'histoire du royalisme. le Congrès de
1947", Lys Rouge, n39, décembre 1988, p 16. Signalons qu'il s'agit
de la revue trimestrielle d'études et de débats de la Nouvelle Action
Royaliste (déjà évoqué plus haut) Ce numéro publie une reproduction du
Bulletin d'Information de ces Comités Monarchistes voulus par le prince.
30
En mai 1947, paraît un nouveau livre: « Entre Français » qui
analysent la situation intérieure de la France. Signalons ces
quelques mots concernant les communistes: « Pourquoi s'obstiner
à ne pas voir dans le marxisme et surtout le communisme
moscoutaire...un effort immense pour repenser et reconstruire
l'humanité que de mauvais chrétiens conduisaient vers sa
perdition ? » 55
À propos de cette époque, il écrit,
rétrospectivement,". Mon propos continuait de s'inscrire dans
l'esprit de la démocratie chrétienne. J'inclinais en faveur d'un
centre étayé par les socialistes et les radicaux » 56
Le 24 janvier 1948, il décida la création du « Bulletin
mensuel d'information du bureau politique de Mgr le Comte de
Paris » tiré à 70.000 exemplaires. La diffusion de ce Bulletin
fut ciblée: les membres des grands corps de l'État,
syndicalistes, prêtres, rabbins, pasteurs... Les destinataires
étaient choisis par le comte de Paris. Selon les propos du Chef
de la Maison de France, ce bulletin servit à préparer et à
faciliter son retour. Le Bulletin cessa toute activité le 18
juin 1967.
En juin 1950, la loi d'exil est abrogée.57
La famille
s'installe à Louveciennes près de Paris. Il va visiter
méthodiquement chaque Département français. Il se rendra dans
l'Union Française en A.O.F. et en A.E.F. (c'est-à-dire l'empire
colonial de la France) Il sera invité à de nombreuses cérémonies
officielles. Il recevra, lui-même, plusieurs hauts responsables
de la République. Les mercredis furent consacrés aux audiences
du public. La presse française « couvrira » l'actualité de la
Maison.
En décembre 1953, il se déclare prêt à accepter des
responsabilités actives dans le cadre du régime républicain.
Il accepterait des responsabilités gouvernementales « à
condition (qu'il) puisse compter sur la collaboration de toutes
les familles spirituelles françaises. » 58
Mais il ne souhaite
pas occuper le poste de Président de la République.
Le 13 mai 1958, le comte de Paris va prendre fait et cause
pour le Général de Gaulle. Il va soutenir son projet de
constitution. Le Prince approuve l'élection au suffrage
universel du Président de la République. Les deux hommes auront
des relations privilégiées. Il soutiendra le Général de Gaulle
dès son arrivée au pouvoir. Ses Mémoires d'exil le prouveront,
55
Propos cités par VALYNSELE, J., op.-cit, p 205
56
HENRI COMTE DE PARIS, Mémoire d'exil et de combats,
p 231, 1979
57
Elle fut votée en 1886. Elle s'appliqua seulement aux
Bourbons Orléans et aux Bonaparte. C'est Paul Hutin-Desgrées,
MRP, qui fit la proposition de la supprimer. 314 voix ont
accepté le retour (MRP, Radicaux, diverses formations du centre
et de droite) Il y eut 179 votes opposés au retour (communistes
et apparentés). Les socialistes se sont abstenus.
58
"Henri, comte de Paris intervient", L'Express,
26/12/1953, n32, p12
31
il entame avec de Gaulle une réflexion. Le comte de Paris
rencontrera très souvent le Général. Ces rencontres se firent le
soir, « lorsque l'Élysée n'est plus que le palais du monarque,
hors des oreilles et des yeux indiscrets. Nos entretiens ont
toujours eu la couleur du soir »59
Une question se pose. De Gaulle a-t-il pensé au comte de Paris
comme son successeur ? Nous devons apporter certaines précisions
à ce propos. Tous les témoignages concernant cette éventualité
sont issus du comte de Paris ou de royalistes convaincus. À
notre connaissance, il existe très peu de travaux scientifiques
sur la possible succession royale du Général.
Mais certains éléments peuvent laisser croire à l'existence de
préparatifs à cette succession. Parmi les témoignages les plus
importants, il faut citer celui de Philippe de Saint-Robert.
Nous avons repris les éléments principaux de celui-ci.
Après le référendum portant sur l'élection du Président de la
République au suffrage universel (octobre 1962), le Général De
Gaulle déclara au prince qu'il avait trois ans pour se préparer.
Certains affirment que dès décembre 1961, cette éventualité
avait déjà été examinée. Certaines déclarations du Général
furent analysées comme allant dans ce sens.
« Quand je ne serai plus là, il faudra un chef de l'État en
dehors des partis et qui ne soit pas lié à une majorité
parlementaire. Il faudra qu'il puisse donner les grandes
options, être un arbitre, mais surtout exprimer les grandes
orientations"60
. Était-ce le comte de Paris qui se cachait
derrière ce portrait ? Ces déclarations visaient-elles à
entretenir le doute sur les réelles intentions du Chef d'État
français ? Aucune réponse affirmative, allant dans un sens ou
dans l'autre, ne peut, à notre avis, être formulée.
L'attribution de la présidence de la Croix-Rouge au comte de
Paris fut évoquée. Ceci aurait facilité l'implication plus
directe du prince dans la vie politique française. Mais le
général ne mit pas beaucoup d'ardeur à réaliser ce projet. Sous
l'action du président sortant, André-François Poncet, le projet
échoua. À cette époque et selon le comte de Paris, le général
« n'envisageait pas de se représenter en 1965. Il s'estimait âgé
et fatigué. Son intention était de finir son septennat puis de
me laisser jouer. Jamais il ne s'était exprimé sur ce sujet avec
une telle netteté » 61
À en croire B.Renouvin,62
un groupe de personnalités ont
participé à cette préparation à savoir; Edmond Michelet (alors
membre du gouvernement) Michel Herson (secrétaire général
adjoint de l'UDR) Philippe de Saint-Robert et Pierre Delongraye-
Montier (secrétaire du comte de Paris). Selon Michel Herson,
certains gaullistes étaient attachés à un prolongement
59
HENRI COMTE DE PARIS, op.-cit., p 298
60
Propos repris par PASSERON, André, De Gaulle parle, 1962
et cité par de SAINT ROBERT, op. cit., p 53
61
HENRI COMTE DE PARIS, Mémoire d'exil et de combats,
p 292, Paris, 1979
62
RENOUVIN, B, La République au roi dormant, p 153
32
monarchique, comme le sénateur Jean-Louis Vigier et le député
René Hostache. 63
D'autres auraient exprimé leur sympathie à ce
projet. Les noms de Maurice Schumann, Louis Terrenoire et
Raymond Jacquet furent cités.
Cette possibilité de succession royale attira l'attention de
L'Express. Le 23 mai 1963, Jean Ferniot consacra une double page
à analyser les liens existant entre le comte de Paris et le
Général. Dans cette « longue et méticuleuse analyse historique
et institutionnelle (il souligna les) constants propos du
général de Gaulle, ses affinités politiques avec le comte de
Paris en dépit de la prudence de celui-ci pendant la guerre, la
suppression dans la Constitution de 1958 de l'article
interdisant aux membres des familles ayant régné sur la France
d'être éligibles à la présidence de la République, mais aussi le
maintien, par l'article 89, de l'intangibilité de la forme
républicaine du gouvernement »64
. Cet article suscita des
réactions de l'appareil gaulliste affirmant que le comte de
Paris n'était pas le dauphin du général.
En 1965, le Général se représenta. Il fut mis en ballottage,
mais néanmoins réélu. Sa légitimité perdit en qualité. Pour le
prince, « désormais, il cessait d'être l'arbitre pour devenir le
chef d'une majorité. À mes yeux, tout était, radicalement
changé...Si j'avais, un temps, sérieusement envisagé de tenter
ma chance devant les Français, pour succéder au général de
Gaulle, il n'en était de toute façon plus question. Je n'aurai
jamais la vocation de diriger une majorité » 65
Cette phrase est, à notre avis, révélatrice de l'éventualité de
la succession à De Gaulle. Nous pensons que l'héritier des
Orléans ne souhaitait pas diriger la France en devant tenir
compte d'une majorité parlementaire.
Le 20 janvier 1966, le comte rencontre le Général à l'Élysée.
Ce dernier évoqua la candidature du prince. Il se demanda si les
Français pourraient séparer sa candidature d'un vote contre la
République. Ce à quoi, le prince répondit qu'il n'espérait pas
une restauration monarchique. Le général évoqua la possibilité
pour le prince d'être candidat à l'Assemblée nationale ou au
Sénat. Le prince récusa cette éventualité. Le Chef de l'État lui
conseilla de voyager au Canada et en Afrique et de communiquer
avec les Français. Henri d'Orléans comprit qu'il n'avait plus
rien à attendre du Président.
Cependant, en août 1966, il fit parvenir au Chef de l'État, un
long Mémoire sur la situation de la France et des institutions.
Ils en discutèrent en octobre de la même année. Le prince lui
annonça qu'avant les prochaines élections, il préciserait
publiquement sa position et rassemblerait ceux qui
s'inquiétaient de la situation de la France. Le comte de Paris
lui confia qu'il allait organiser des enquêtes et sondages pour
déterminer les préoccupations des Français. Le coordinateur de
cette étude allait être Maurice Schumann. Le Général marqua son
accord sur le nom.
63
cf Le Figaro Magazine, 21avril 1979 et Royaliste, n309
64
de SAINT-ROBERT, op.-cit., pp 88-89
65
HENRI COMTE DE PARIS, op.-cit., p 304
33
La rupture de la communauté d'esprit entre les deux hommes se
fit en janvier 1967 lors de la campagne électorale.
René Rémond évoque l'affirmation selon laquelle, Charles de
Gaulle, aurait restauré une monarchie à qui ne manquerait plus
que le nom pour couronner le retour aux institutions
traditionnelles. Il ne partage pas cette affirmation qui
impliquerait la proximité politique entre le gaullisme et la
pensée maurassienne.
« On tire aussi argument, dit le professeur de Sciences
Politiques, des égards que le Général de Gaulle témoigna à
maintes reprises à la personne du comte de Paris, de l'hommage
qu'il rendit à travers lui à la maison de France et de la
conviction que le prétendant en retira que le président de la Ve
République aurait songé au descendant des quarante rois qui
firent la France comme successeur possible. Pour séduisantes
qu'elles soient ces analogies ne touchent que la surface des
choses. La personnalisation du pouvoir est moins significative
que son origine: hors sous ce rapport, le Général de Gaulle a
toujours professé que le suffrage universel était en notre
siècle la seule source de légitimité et le peuple le souverain
véritable. Cette seule acception de la démocratie sépare sans
retour le chef de la France libre du maurrassisme » 66
Le débat sur les relations De Gaulle - comte de Paris n'est
pas clos. Il mériterait peut-être une étude plus approfondie.
Aujourd'hui, le comte de Paris préside la Fondation Saint-
Louis qui s'occupe du patrimoine immobilier de la Maison de
France. Il est aussi à la tête de la Fondation Condé qui possède
à Chantilly une Maison de Retraite et de Santé. La brochure
présentant la Fondation précise que « sur la démarche du Comte
de Paris auprès de Monsieur Mitterrand, Président de la
République, les anciens bâtiments datant de Louis Philippe ont
été rénovés et transformés en logements sociaux ». L'attitude du
comte de Paris à l'égard de la République, et vice-versa, est à
mon avis résumée dans cette phrase.
b. Son attitude à l'égard du Bicentenaire
Le prince s'est voulu discret pendant ces célébrations. Il a
souhaité être présent à certains événements de 1989. C'est ainsi
qu'il participa à la célébration du Bicentenaire des Droits de
l'homme. Il rappelle que ceux-ci ont été voulus par les États
Généraux, puis votés par l'assemblée constituante et finalement
signés par le Roi lui-même. Il assista à la reconstitution du
cortège des États généraux qui s'est déroulée à Versailles, car,
selon lui, il s'agissait d'un événement rassembleur, porteur
d'espérance. Il assista le 16 septembre 1989 au spectacle
retraçant la bataille de Valmy. Celle-ci marquait l'arrêt de
l'invasion prussienne, mais elle a aussi une autre symbolique,
le lendemain de cette victoire militaire, la Royauté était
abolie.
Il ne participa à aucune manifestation à la mémoire des
66
REMOND, R., Les droites en France, p 316, Paris, 1982
34
victimes de la Terreur (comme les Vendéens). Il n'a jamais
participé à la messe pour Louis XVI, les 21 janvier, à la
différence de son fils; le comte de Clermont.67
Par ailleurs, durant l'année du Bicentenaire, le journal Le
Monde publia chaque mois dans ses numéros spéciaux intitulés: Le
Monde de la Révolution Française une tribune intitulée « Le Roi
et moi » et signée par le comte de Paris. Il y évoqua la figure
de Louis XVI et rappela qu'avant de se proclamer républicaine,
la Révolution s'est faite avec le roi contre le privilège.
Voyons comment il analyse le phénomène révolutionnaire.
Le comte de Paris se démarque des doctrinaires de la contre-
révolution « qui considèrent les événements de 1789-1793 comme
une sorte d'acte de décès de la nation réelle, je ne dénie pas
au processus révolutionnaire son caractère authentiquement et
terriblement français... Comme tout événement majeur, la
Révolution française est une source inépuisable de questions,
qui découragent les condamnations radicales et les célébrations
sans réserve.
Il faut se souvenir que Louis XVI avait engagé un vaste
mouvement de réformes, que les événements de 1789 vinrent
accélérer. Les cahiers de doléances ne sont pas
antimonarchiques, mais réclament classiquement une rénovation de
la fiscalité et de la justice...Ni la nuit du 4 août, ni la
Déclaration des droits de l'homme n'annoncent la chute de la
monarchie... Le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération
renouvelle en effet le pacte entre le roi et le peuple.
Le pouvoir royal conserve alors toute sa force symbolique et
affective...Au pacte entre le roi et le peuple, on veut
substituer un contrat que le peuple passerait avec lui-même,
afin que la société soit fondée en lui et non plus sur une
institution extérieure, afin que la société se représente et se
gouverne elle-même dans un pouvoir qu'elle se serait enfin
approprié. En bonne logique, Louis XVI ne pouvait plus régner ni
exister. » 68
Le comte de Paris pense que la monarchie est morte à cause
« d'un relâchement entre elle et le pays ». Il condamne l'écran
formé par la Cour, l'inexistence de toute représentation
nationale, la conception passéiste et figée de l'organisation
politique et sociale. Cependant, il reconnaît au pouvoir royal,
sa volonté de modernisation administrative et le fait qu'il ait
été un facteur de développement. Certains verront dans cette
analyse, les conceptions de Tocqueville. En 1856, dans son
ouvrage L'ancien Régime et la Révolution, il montre que la
Révolution n'a été qu'un aboutissement ultime de la politique
monarchique d'abaissement de la noblesse, de centralisation
administrative, de morcellement de la propriété. 69
67
Nous verrons plus loin les relations entre le comte de
Paris et son fils aîné, le comte de Clermont.
68
COMTE DE PARIS, L'avenir dure longtemps, p 52, Paris,
1987
69
MOURRE, M., "Tocqueville", Dictionnaire d'Histoire
Universelle, vol 2, pp 2143-2144, Edit. Universitaire, Paris et
LAMBERTI, J.C., "Tocqueville", pp 175-183, Nouvelle Histoire
des idées politiques, Hachette, 1987
35
Le comte de Paris ne veut pas refaire le procès de la
Révolution. « L'événement a eu lieu, il a transformé pendant
plus d'un siècle notre conception du pouvoir et notre
représentation de la société. La tragédie de la Révolution,
vécue dans la ruine de la justice et du droit, dans la
destruction de tant de vies, tient au fait que malgré
l'abolition de la monarchie, le socle social ne parvient pas à
se constituer autrement : le peuple idéal demeure aussi
introuvable que le pouvoir qui devait advenir. Les
révolutionnaires évoluent dans un espace vide, qu'ils n'occupent
qu'artificiellement. » 70
Le comte de Paris regrette que le
processus révolutionnaire ait utilisé la Terreur et la guerre
pour imposer son message. Ce faisant, le processus divise la
France au lieu de l'unir.
À l'occasion du Bicentenaire, il veut unir ce qu'il appelle
« les deux France ». Ses présences à certaines cérémonies font
partie de cette démarche. Il faut souligner qu'en 1987, la
France avait célébré le Millénaire Capétien qualifié de « succès
politique » par le prince. Jacques Chirac et la Mairie de Paris
consacrèrent à cette célébration une plaquette. « Certes
(déclare-t-il) la Royauté qui a donné la France aux Français
n'est plus; mais confusément, l'idée du Royaume vit dans la
République. Car dans son identité profonde la France est à la
fois République et Royauté ».
En avril 1987 à Amiens, on remarqua la présence de François
Mitterrand aux côtés du comte de Paris lors d'une des
cérémonies. Le prince pense le plus grand bien de l'actuel
Président de la République: « Son sens de l'État, son respect de
la loi démocratique ont fait de lui malgré sa fidélité à la
vieille tradition républicaine un Chef d'État soucieux du bien
commun »71
Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le comte de Paris
qualifie de « cordiales » les relations qu'il a avec F.
Mitterrand. » Avec De Gaulle, j'avais été plus loin dans
l'analyse. J'avais vraiment infléchi la pensée de De Gaulle
pendant les deux ou trois premières années où il était au
Pouvoir surtout pendant la période de la guerre d'Algérie.
Avec Mitterrand, j'ai infléchi (sa politique ou son attitude)
dans certains cas où je lui ai permis de voir clair. (En matière
de politique extérieure) il poursuit sûrement, même
certainement, les principes de la Monarchie Française. Au moment
où Chirac et d'Estaing étaient associés au Pouvoir, ils n'ont eu
aucune grande politique étrangère.
Mitterrand a eu le mérite d'être logique et cohérent dans sa
position (dans un autre domaine) il a fait avancer l'Europe de
manière prodigieuse, plus que tous les autres avant lui.72
70
COMTE DE PARIS, op.-cit.,pp 145 et 148-151
71
ibid
72
Extrait de l'entretien que l’auteur a eu avec feu le comte de
Paris, le 13 mars 1990 à Chantilly dans son bureau de la
Fondation Condé.
Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien
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Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

  • 1. U.L.B. Faculté des Sciences Sociales politiques et économiques LE ROYALISME DANS L'EUROPE DU BICENTENAIRE DE LA REVOLUTION FRANCAISE Mémoire présenté par Bruno Duboisdenghien en vue de l'obtention du grade de licencié en sciences politiques et relations internationales Année Académique 1990-1991 UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Avenue Franklin Roosevelt 50 1050 Bruxelles U.L.B. Faculté des Sciences Sociales politiques et économiques
  • 2. LE ROYALISME DANS L'EUROPE DU BICENTENAIRE DE LA REVOLUTION FRANCAISE Mémoire présenté par Bruno Duboisdenghien en vue de l'obtention du grade de licencié en sciences politiques et relations internationales Année Académique 1990-1991 TToouuss mmeess rreemmeerrcciieemmeennttss aauu DDiirreecctteeuurr dduu MMéémmooiirree,, MMmmee FF.. NNAAHHAAVVAANNDDYY,, aauuxx AAsssseesssseeuurrss:: MMmmee LLOOEEBB,, MMrr PPUUIISSSSAANNTT,, MMrr MMIIRROOIIRR ppoouurr lleeuurrss pprréécciieeuuxx ccoonnsseeiillss. Le présent mémoire est soumis au droit d’auteur et ne peut en aucune manière être publiée sous quelque support que ce soit sans l’accord de l’auteur.
  • 3. Introduction Chap I La France et le royalisme A. Introduction 1. Monarchie 2. Monarchie absolue 3. La Révolution Française 4. Le royalisme 5. La Restauration 6. La Monarchie de Juillet 7. République et Empire 8. Le Nationalisme B. Les royalistes à la lumière du Bicentenaire de la Révolution Française 1. Introduction 2. Nouvelle Action Royaliste 3. Restauration Nationale 4. Les Légitimistes 5. France et Royauté 6.D'autres mouvements royalistes C. Portrait socio-politique des royalistes D. Manifestations des royalistes E. Les prétendants 1. le duc de Cadix 2. le comte de Paris 3. le comte de Clermont 4. Sixte Henry de Bourbon Parme Chap II l'Autriche-Hongrie et le royalisme A. Introduction B. La Hongrie 1. Les différents gouvernements 2. La question européenne hongroise 3. Qui défendait la monarchie? 4. L'Amiral Horty et le roi 5. Deux tentatives de restauration 6. La Hongrie autoritaire
  • 4. C. L'Autriche 1. La 1ère République 2. Les années trente et les 3. La fin des lois « anti- Habsbourg » 4. L'Anschluss 5. La guerre 1939-45 6. La Fédération Danubienne 7. La 2ème République D. La nostalgie de la monarchie 1. L'après-guerre 2. Le cardinal Mindszenty 3. Le retour de l'archiduc Otto en 4. La monarchie à l'époque atomique 5. Les années quatre-vingt-nonante 6. Le décès de l'impératrice Zita 7. Le retour de l'archiduc Otto en 8. Un espace politique danubien E. Les relais de la pensée d'Otto de 1. Le CEDI International 2. L'Union Paneuropéenne 3. Neues Abendland 4. Certains Ordres de Chevalerie Chap III D'autres royalismes A. La Roumanie B. La Bulgarie C. L'Albanie Chap IV Deux conceptions de l'Europe A.L'Europe nationale du comte de Paris B.L'Europe impériale d'Otto de Habsbourg 1. Un chef d'État pour l'Europe 2. L'Europe chrétienne Conclusion Annexes Bibliographie
  • 5. 2 INTRODUCTION Le royalisme est l'attachement au roi ou au prétendant. Ce courant politique « n'est pas l'adhésion à une pensée politique continue, mais (il est composé d'une) suite de pensées et d'options sans autres liens que la consanguinité de ceux qui les formulent »1 . Le royalisme est intimement lié à la personnalité du prétendant. Celle-ci peut orienter de manière significative le contenu du message politique de ses partisans. Le royalisme peut s'orienter vers un monarchisme. La valorisation de l'institution monarchique et l'attachement au roi peuvent, dans certains cas, se combiner. Nous avons étudié le royalisme au travers de deux entités: la France et l'« Autriche-Hongrie ». Dans ces deux cas, la monarchie n'existe plus. Le royalisme français fut analysé par rapport à la célébration du Bicentenaire de la Révolution Française. Le choix de cette période est dicté par l'importance européenne des effets de 1789 et l'existence d'un récent Mémoire qui a traité la période antérieure à 1989. 2 Nous avons introduit la description du royalisme par un rappel de ce que furent la Monarchie et la Révolution Française. Cette étude s'est penchée sur les différentes organisations royalistes: la Nouvelle Action Royaliste, la Restauration Nationale, les Légitimistes, France et Royauté, ainsi que sur leurs attitudes et actions politiques à l'égard du Bicentenaire. Nous avons analysé la sociologie politique des individus qui se déclarent royalistes. Nous avons confronté ces différents éléments aux positions des prétendants: le duc de Cadix, le comte de Paris, le comte de Clermont et Sixte Henry de Bourbon-Parme. L'antagonisme Bourbons-Orléans explique la pluralité. Cependant, nous avons développé de manière plus approfondie la personnalité du comte de Paris. Nous pensons que son importance politique est supérieure à celle des autres prétendants. L'entretien que nous a accordé le comte de Paris nous a permis d'apporter un éclairage particulier sur sa pensée politique. Des zones d'ombre subsistent cependant quant aux relations de ce dernier avec Ch. De Gaulle. D'une manière plus globale, nous devons constater le manque de références objectives concernant la période actuelle du 1 du PUY DE CLINCHAMPS, Ph., Le Royalisme, p 10, Collection Que Sais-je?, Presses Universitaires de France 2 HERMAN, P., Le mouvement royaliste en France de 1945 à nos jours, Mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de licencié en sciences politiques et relations internationales, Année académique 1987-1988, Université Libre de Bruxelles
  • 6. 3 royalisme français. Beaucoup d'auteurs consultés sont eux-mêmes royalistes. Ils sont dès lors subjectifs. Nous en sommes conscients et avons voulu le mentionner. Nous avons aussi dû surmonter leur raisonnement qui tend à exagérer le rôle de leur prétendant ainsi que l'importance numérique des monarchistes. Le « royalisme dans l'Autriche-Hongrie » est avant tout lié à l'évolution politique de ces deux pays issus du démembrement de l'Empire Habsbourgeois. L'empereur Charles conserva en Hongrie un courant de sympathie. Celui-ci se retrouva au sein de différents partis politiques et de l'Église catholique. L'existence de ce courant et l'appui de certaines autorités expliquent les deux tentatives de restauration. L'archiduc Otto de Habsbourg devenu chef de la Maison Impériale va focaliser dans un premier temps son action sur l'Autriche. Dans les années trente, des monarchistes ont soutenu le régime de Dollfuss auquel succédera Schuschnigg. Des contacts auront lieu entre le chancelier autrichien et le prétendant. Durant la Seconde Guerre mondiale, Otto de Habsbourg proposera un plan de « Fédération Danubienne » qui sera discuté avec les autorités américaines et anglaises. Un certain nombre de mouvements de résistance et d'Autrichiens exilés vont lui faire écho. La famille Habsbourg sera politiquement très active. L'engagement de l'archiduc va évoluer. Il va se créer une stature d'homme politique européen. Ses activités de prétendant seront toujours présentes. Il développera sa conception du « monarchisme ». Ses actions européennes vont parfois se confondre avec son statut d'héritier de la Double Monarchie. C'est ce que nous avons voulu, principalement, mettre en évidence dans cette partie du travail. Nous sommes conscients de n'avoir qu'effleuré ce sujet. Il nous a été difficile d'obtenir des précisions quant au rôle actuel d’Otto de Habsbourg en Europe Centrale. Son nom ainsi que celui de son organisation apparaissent à de nombreuses reprises. Nous avons essayé d'y trouver une logique politique. La nostalgie de l'Autriche- Hongrie fut aussi valorisée par l'impératrice Zita. Nous avons complété cette comparaison France - Autriche- Hongrie par une analyse plus succincte d'autres royalismes. Ceux-ci se sont récemment manifestés avec « l'effondrement » des régimes totalitaires de l'Est. Nous avons retenu trois pays: Roumanie, Bulgarie, Albanie. Ils ont rappelé qu'ils avaient été des monarchies. Celles-ci n'avaient rien de démocratique. Nous avons précisé dans les trois cas, les caractéristiques des régimes établis sous ces monarchies. Nous avons voulu savoir quelles sont les relations qu'entretiennent les trois prétendants: Michel, Siméon, Léka avec les nouvelles autorités politiques ainsi qu'avec la population de leurs pays.
  • 7. 4 Pour conclure, nous avons examiné comment la dimension européenne était prise en compte par deux prétendants. Nous avons analysé la « pensée européenne » du comte de Paris et celle de Otto de Habsbourg. Dans sa fidélité à Ch. De Gaulle, le comte de Paris développe une « Europe Nationale ». L'archiduc Otto de Habsbourg, devenu député européen, défend l'idée d'une « Europe Impériale ». Cette conception s'enracine dans l'histoire de sa famille. À la différence de l'héritier des Orléans, Otto de Habsbourg dispose d'un réseau européen d'associations. Ces dernières rattachent son engagement à la droite ultraconservatrice de tendance fascisante. Chap 1. La France et le royalisme A) IInnttrroodduuccttiioonn 1.Monarchie Étymologiquement, la Monarchie est une forme de gouvernement caractérisé par l'unicité du titulaire du pouvoir et par l'exercice de celui-ci au bénéfice de tous. C'est Aristote qui avait retenu ce critère. Cette conception fut bien souvent contredite par la réalité. Bien des monarques ont exercé leur pouvoir dans leurs intérêts ou au bénéfice de groupes structurés. La monarchie est une forme de pouvoir organisé suivant des principes et des normes institutionnelles. L'absence de principes organisationnels caractérise la tyrannie et la dictature. La monarchie a toujours connu une relation avec le sacré et le religieux. Cette relation est liée à l'interprétation du monde elle-même sacrée ou religieuse. « Le roi était strictement lié par des règles d'origines divines; il exerçait son pouvoir en fonction d'une élection divine, par exemple la monarchie en Israël, et selon un canon très précis, ainsi la monarchie égyptienne, aztèque, romaine. Ce pouvoir ne comportait ni toute- puissance ni arbitraire. La relation des rois à la divinité, exprimée dans les mythes, à la fois assurait le pouvoir et le limitait. » 3 Lorsque la monarchie « se laïcise », elle conserve sa réglementation. Il s'agit d'un système juridique donné et hors d'atteinte du pouvoir. Il est soit encore lié au sacré, soit fondé sur la coutume. Ce système définit le caractère de la monarchie. Deux règles se retrouvent dans chaque système. Elles concernent la succession au pouvoir et l'exercice de celui-ci. Il « n'y a monarchie que lorsque le titulaire unique du pouvoir 3 ELLUL, J., "Monarchie",in Encyclopaedia Universalis, Vol 11, pp 213-222 Paris, 1968
  • 8. 5 est tenu d'obéir à un certain nombre d'impératifs externes et de gouverner selon des normes, à l'intérieur d'un système plus global qu'il ne domine pas. »4 Le roi entretient des relations avec certains groupes sociaux. Ces relations procurent un appui à son gouvernement. Il s'agit aussi d'un système de relations entre le monarque et l'ensemble du peuple. Ces groupes ne sont pas associés à la gestion du pouvoir. Mais parfois, ils parviennent à prendre une telle importance qu'ils limitent l'action royale. Ainsi, le pouvoir échappe au roi et est concentré entre les mains d'un groupe dominant. 2.La monarchie absolue Elle règne sur la France du XVIe au XVIIIe siècle. Elle constitue le cadre politique dans lequel se prépara la Révolution Française. La monarchie absolue est centralisatrice. La société française est considérée comme un corps dont le roi en est le sommet. Il est le seul centre de décision. Le roi prétend gouverner sans limites et avoir tous les droits sur ses sujets. Pour ce faire, un quadrillage administratif de la société est nécessaire. Le roi assimile sa volonté à la loi. La seule légitimité, toute théorique, de ce régime est la relation personnelle entre le monarque et Dieu. Le roi est son représentant sur terre. L'absolutisme monarchique s'est établi par l'élimination des grands féodaux et l'intégration de leurs territoires dans un royaume. Celui-ci est conçu comme une unité organique qui implique la suppression des différents centres politiques. Cela a pour conséquences: l'unification de l'administration, l'unité de la langue et de la religion. Malgré son haut degré d'organisation, la monarchie absolue est limitée dans son exécution. D'abord, elle doit obéir aux lois fondamentales du royaume. Celles-ci sont coutumières, mais impératives. Étant la source profonde du Droit, le roi ne peut pas les modifier de manière autoritaire. D'autre part, la monarchie absolue doit faire face à un second obstacle qui est l'absence de moyens d'action. L'absolutisme est d'autant plus fort que ses moyens d'action sont faibles. L'absence de moyens de communication rapides, la faiblesse de la police, le petit nombre de représentants du roi, la fragilité de l'appareil économique empêchent une exécution de la politique royale. Des actions dites « exemplaires » sont entreprises. 3.La Révolution Française 4 ibid
  • 9. 6 Elle va mettre fin au régime féodal, mais pas, dans un premier temps, à la monarchie. Le 9 juillet 1789, l'Assemblée Nationale devient Constituante. Le 11 août 1789, l'Assemblée vote qu'elle détruit entièrement le régime féodal...Elle désigne par là, ce qui subsiste de la propriété féodale et du contrat de fief, les dîmes, la vénalité des offices, les privilèges des individus et des corps, bref l'ensemble de la structure corporative de la société. Mais rien n'est réglé en ce qui concerne la Constitution du royaume.5 Louis XVI est d'ailleurs proclamé Restaurateur de la liberté française Le Régime qui s'établit est composé de deux pouvoirs: le Roi et l'Assemblée. Il n'est plus le roi de France, mais devient roi des Français. Ceci implique qu'il n'est plus roi absolu. Il ne détient plus la souveraineté. Le roi est soumis à la loi et ne règne plus que par la loi. La personne du roi est inviolable. Il ne lui reste que très peu de pouvoirs réels. Le roi ne détient plus le pouvoir législatif. C'est l'Assemblée qui exerce le pouvoir constituant et le pouvoir législatif. La Déclaration des Droits de l'homme est votée. Les biens du clergé sont mis à la disposition de la Nation. La constitution civile du clergé est instaurée en août 1790. Ce faisant, les curés et évêques vont être élus par le peuple . Cette décision impose aux ecclésiastiques un serment civique. Louis XVI, résigné, apporte son contreseing à ces décisions. Ainsi, l'Église catholique perd son rôle politique dans la société française. Mais, en même temps, en voulant créer une Église nationale, ces décisions allaient dans le sens du gallicanisme. 6 De septembre 1791 à août 1792, la Constitution va s'appliquer. Celle-ci pose les principes de la souveraineté nationale et de la séparation des pouvoirs, mais elle maintient la monarchie. Dans cette conception, le roi représente à l'extérieur la nation. Ce n'est pas le cas à l'intérieur L'Assemblée législative constitue le premier pouvoir qui a l'initiative et le vote des lois. Le roi peut indiquer les matières sur lesquelles il souhaite établir une loi. Pour qu'une décision de l'Assemblée législative devienne « loi », elle doit revêtir la sanction royale. Le roi dispose ainsi d'un veto. Cette possibilité institutionnelle provoque la crise permanente et l'effondrement du régime. En votant le contingent militaire, l'Assemblée participe à l'exécutif, mais n'a pas de pouvoirs politiques réels. Le roi détient le pouvoir exécutif, mais ses pouvoirs sont énumérés. Il 5 FURET, F., "Ancien Régime", in Dictionnaire Critique de la Révolution Française, pp 627-637, Paris, 1988 6 Doctrine de l'Eglise de France, qui, tout en marquant son attachement à la foi catholique voulait restreindre l'emprise du souverain pontife.
  • 10. 7 choisit et révoque ses ministres. Ceux-ci ne doivent pas être députés. Ils ne forment pas un cabinet, puisqu'ils travaillent de manière isolée. Ils doivent rendre des comptes à l'Assemblée. Cette dernière peut déclarer au roi que ses ministres ont perdu la confiance de la Nation, mais ne peut pas les révoquer. « L'idée d'«Ancien Régime», formulée pour la première fois à propos du gouvernement monarchique....( est encore ) apprivoisée par la présence de Louis XVI dans la nouvelle Constitution, comme si le roi d'hier, récupéré par la Révolution dans un rôle tout différent, restait malgré tout un trait d'union entre les Français et leur histoire. Mais cette fiction fragile, déjà mise à mal par les journées d'octobre de 1789, meurt avec la fuite à Varennes (juin 1791). Louis XVI, avant de quitter les Tuileries, a laissé sur son bureau un désaveu public des lois révolutionnaires qu'il a dû signer, et d'ailleurs son départ dit tout sur ses sentiments. »7 Les débats autour de la nouvelle constitution, le rôle grandissant des clubs, les menaces de complots et d'interventions armées de l'étranger vont accélérer la chute de l'institution monarchique. Le 20 avril, la France déclare la guerre au roi de Bohème et de Hongrie. Le 12 juillet 1792, l'Assemblée déclare la «patrie en danger». Le 10 août, c'est l'insurrection parisienne qui se poursuivra par la prise des Tuileries et le renversement du trône. Le 21 septembre, sous la Convention Girondine (septembre 1792- juin 1793) la royauté est abolie. Les actes publics sont désormais datés de «l'an 1 de la République». Trois jours plus tard, la République est déclarée une et indivisible. Le 11 décembre débute le procès de Louis XVI. Le roi sera exécuté le 21 janvier 1793. 4.Le royalisme « Le royalisme naît de la Révolution et, dès la Révolution, il éclate en de nombreuses chapelles. Il y a ceux qui refusent toute la révolution, ceux qui en acceptent un peu, ceux qui en acceptent beaucoup. » 8 Nous tempérons cette affirmation, en soulignant que s'il naît à la Révolution, le royalisme « a pris forme après 1870 et plus précisément après la restauration manquée par le comte de Chambord en 1873 » 9 Du point de vue de la forme, nous pensons que le royalisme s'exprime -tout au long de son histoire- par trois types d'acteurs: le prétendant, le « praticien » ou homme politique et le théoricien ou intellectuel militant, celui-ci étant dans bien des cas plus royaliste que le roi ou que le prétendant. Ce 7 FURET,F., "Ancien Régime", in Dictionnaire Critique de la Révolution Française, pp 630-631 8 FLEUTOT F.M., LOUIS P., Les Royalistes. Enquête sur les amis du Roi aujourd'hui, pp 13-1989, Paris 9 du PUY DE CLINCHAMPS, Ph, op.-cit., p 13, Paris, 1967
  • 11. 8 dernier n'ayant pas toujours le contrôle des deux autres « acteurs du royalisme ». En 1789, on peut parler de « préroyalisme ». Il y a d'abord la pensée du comte de Provence, régent du royaume après l'exécution de Louis XVI. Sa pensée politique se retrouve dans le Manifeste de Hamm et celui de Vérone. Il condamne la Révolution dans son ensemble. Il veut rétablir la monarchie d'avant 1789 en réformant certains abus qu'il ne précise jamais. Il était partisan d'un absolutisme royal à la manière de Louis XIV. Il y a ensuite ceux qui dans les Assemblées et dans les gouvernements de la France de 1792 à 1799 défendent l'institution royale. Sous la Constituante, les monarchiens sont partisans d'une royauté à l'anglaise contrôlée par deux Chambres (une élue, l'autre composée de « dignitaires »). Le roi possède le droit de veto absolu. « Il se situe entre les aristocrates, à l'extrême droite, et les patriotes constitutionnels, au centre. » 10 Progressivement, les monarchiens entrent dans l'opposition au régime révolutionnaire. D'autre part, trois doctrinaires ont influencé le royalisme. Jacques Pallet défend une monarchie respectant les transformations sociales issues de la Révolution et contrôlées par deux assemblées. En ce sens, il rejoint les monarchiens. Joseph de Maistre et Louis de Bonald sont des théocrates. Tout pouvoir venant de Dieu, il ne peut être exercé que par ceux qui en ont été divinement investis. C'est une monarchie absolue de droit divin qu'ils défendent. Celle-ci reposant sur une série de familles, qui constituent la société et non plus des individus comme le voulait la Déclaration des droits de l'homme. La presse royaliste est déjà présente. Rivarol est le premier rédacteur du Journal politique national.11 D'autres titres existent: Les Actes des Apôtres (son financement fut attribué à Louis XVI), Le Journal de monsieur Suleau, La Gazette de Paris de Rozoi, L'Ami du roi de l'abbé Royou. Ces publications disparaîtront après le 10 août 1792. Après le 14 juillet 1789, le comte d'Artois, second frère du roi, est le premier à émigrer. Il entraîne des nobles et des militaires. Des armées sont constituées aux frontières de la France. Le comte d'Artois et le comte de Provence complotent de l'extérieur. L'exécution de Louis XVI, la Constitution civile du clergé, la levée des trois cent mille hommes pour la guerre du Rhin, vont susciter des insurrections contre la Révolution. Celles-ci se situent dans l'Ouest; la Bretagne méridionale, le Bas-Poitou, l'Anjou, le Bas-Maine et la Vendée. 10 "Monarchiens", Grand Larousse Encyclopédique, vol 8, p 448, Paris, 1963 11 TULLARD, J., "Contre-Révolution", in Encyclopaedia Universalis, corpus 5, pp 444-447, Paris, 1985
  • 12. 9 En mai 1793, la Grande armée catholique et royale est créée. Le bas clergé n'a pas accepté de prêter serment et des nobles vont encadrer les paysans de cette région. L'opposition ville- campagne a influencé ces mouvements: les révolutionnaires, bourgeois, acquéreurs de biens nationaux ou animateurs de loges maçonniques, sont dans les villes; les paysans, en revanche, restent sous l'influence des seigneurs, d'autant que dans le cas des régions de l'Ouest le régime féodal était assez doux » 12 Au prix de nombreuses pertes humaines, les Vendéens et les Chouans sont vaincus. 5.La Restauration En 1814, la Restauration bien que ramenant les Bourbons sur le trône de France ne met pas un terme aux divisions des royalistes. La Charte constitutionnelle de juin 1814 prévoit: l'égalité devant la loi, les libertés individuelles, de culte, de travail et de commerce. Elle limite expressément les pouvoirs du roi à l'exécutif et (inspiré du modèle anglais) instaure un conseil des ministres nommé par le roi. Le décorum de l'Ancien Régime est rétabli. Symbole important, le drapeau tricolore est remplacé par le drapeau blanc. La Restauration n'implique donc pas totalement une rupture avec l'histoire républicaine et impériale de la France. C'est ce qui explique la désunion des royalistes. Les « ultras » sont plus royalistes que le roi. Ils sont placés à l'extrême droite. Ils défendent la doctrine autoritaire et théocratique de Joseph de Maistre et Louis de Bonald, élaborée durant la République. Ils souhaitent le rétablissement intégral de la monarchie absolue. Ils sont en désaccord avec Louis XVIII (« Vive le Roi... quand même" criaient-ils). Ils placent tous leurs espoirs dans le comte d'Artois (futur Charles X) Le parti des ultras est surtout composé de hobereaux ruraux. L'action politique des « ultras » est aussi caractérisée par un ultramontanisme. 13 Les royalistes constitutionnels sont satisfaits de la Charte et du parlementarisme qui en découle. Ils sont au centre de l'Assemblée. Le règne de Charles X (1824-30) accentue le cléricalisme dans les Institutions françaises. Les ultras sont au pouvoir. La révolution de 1830 provoque la chute des Bourbons. 6.La Monarchie de Juillet Louis-Philippe d'Orléans monte sur le trône français. La révolution de 1830 marque le triomphe de la bourgeoisie et du libéralisme. La charte de 1814 est révisée. Elle n'est plus octroyée, mais devient un contrat entre le roi et la nation. 12 ibid 13 Doctrine théologique favorable au Saint-Siège et au renforcement de son rôle sur l'Eglise.
  • 13. 10 Le drapeau tricolore fut adopté. Le catholicisme cesse d'être religion d'État. Désormais, il n'est plus possible, pour le roi, de suspendre une loi ni de dispenser son exécution. Les tribunaux d'exception sont interdits. La liberté de la presse est renforcée. Cette politique est défendue par la Résistance qui devient la droite dynastique. Pour le parti du mouvement, puis pour la gauche dynastique, le pouvoir appartient aux Chambres et aux Ministères. Ils sont partisans du principe: « Le roi règne, mais ne gouverne pas » Le légitimisme apparaît à cette époque. Il regroupe les royalistes fidèles à la branche aînée des Bourbons, représentée par le comte de Chambord, petit-fils de Charles X. Cela va contribuer à la division des royalistes français. Cette divergence dans les allégeances ne doit pas masquer un différend idéologique fondamental. Les légitimistes n'acceptent pas le principe de droit national. Ils souhaitent le rétablissement d'une monarchie paternelle et chrétienne, de droit divin. Les Orléanistes acceptent le principe de la souveraineté du peuple symbolisé dans le drapeau tricolore. Ils sont attachés au parlementarisme. 7.La République et l'Empire En 1848, la Monarchie de Juillet est renversée. Une nouvelle république voit le jour. Louis Napoléon Bonaparte est élu Président lors d'un quasi-plébiscite. Un peu plus tard, l'Assemblée Nationale élue comprend une majorité de monarchistes. Ils se sont retrouvés -avec des catholiques conservateurs- au sein du Comité de la rue de Poitiers. Mais la division entre Orléanistes et Légitimistes persiste toutefois. Le comte de Chambord demande à ses partisans de se retirer de la politique active. Les royalistes ont vécu dans le souvenir de la Restauration, pour les uns, de la Monarchie de Juillet, pour les autres. En novembre 1852, un sénatus-consulte proclame Louis Napoléon empereur des Français sous le nom de Napoléon III. Les dissensions entre royalistes facilitent la restauration de la monarchie impériale. À la chute du Second Empire, les monarchistes gagnent les élections de 1871. La troisième République est proclamée. La querelle dynastique semble être apaisée. Les Orléans ont fait allégeance au comte de Chambord. L'affaire du Drapeau Blanc va empêcher toute Restauration. Derrière la question du Drapeau, se cache une opposition plus fondamentale quant à la nature du Pouvoir et des Institutions. À la mort du comte de Chambord (24 août 1883), les royalistes s'unissent derrière les Orléans. Mais des royalistes s'orientent vers les Bourbons d'Espagne. Entre temps, à l'Assemblée, les Républicains sont majoritaires. En juin 1886, la loi d'exil est adoptée par la Troisième République. Le Chef de la Maison de France doit quitter le territoire français. En 1890, l'Église Catholique à travers le cardinal Lavigerie reconnaît la
  • 14. 11 légitimité de la République. Ainsi, des catholiques vont quitter les rangs monarchistes. Ceux-ci n'étaient attachés à la monarchie que parce qu'elle était catholique et constituait une alternative à la République laïque. 8.Le Nationalisme En 1899, autour de la Revue d'Action française, animée par Maurice Pujo et Henri Vaugeois va se développer un nouveau courant royaliste. Ce mouvement est avant tout nationaliste. L'Action Française, sous l'influence de Charles Maurras 14 , devient royaliste. C'est lui qui sur base de son nationalisme intégral défend une monarchie héréditaire, décentralisée et antiparlementaire. Son nationalisme explique le choix des Orléans comme prétendants au trône de France.15 Il ne défend pas une monarchie de droit divin. Il considère le choix de la monarchie comme rationnel. Il démontre la nécessité de cette institution. Son « positivisme ou scientisme agressif » 16 a pu heurter certains royalistes catholiques. Il profite de « l'anticléricalisme » de la République, de la condamnation de la Démocratie chrétienne par Pie X en 1910 pour les rallier. Ceci implique que la monarchie de Maurras n'est pas liée à la Mystique royale ni au dogme de la divine providence. L'influence de Maurras sur le royalisme sera importante. Étant donné l'existence du récent Mémoire 17 consacré à ce même sujet, nous n'approfondissons pas les relations entre Charles Maurras, l'Action Française et le royalisme français. Ces relations y font d'ailleurs l'objet d'une analyse approfondie. Le royalisme durant et autour du Bicentenaire de la Révolution Française fait l'objet de nos recherches. 14 Il pense que la royauté est la forme la plus parfaite du nationalisme. 15 Maurras préfère les princes de nationalités françaises aux Bourbons d'Espagne. 16 CHEVALIER,J.J., Les grandes oeuvres politiques de Machiavel à nos jours, p 232, Armand Collin-Collection U, 1970, Paris 17 HERMAN, P, op.-cit.
  • 15. 12 B) LLeess rrooyyaalliisstteess àà llaa lluummiièèrree dduu BBiicceenntteennaaiirree ddee llaa RRéévvoolluuttiioonn FFrraannççaaiissee 1. Introduction La célébration du Bicentenaire provoqua plusieurs débats. Que commémore-t-on? se sont demandé plusieurs intellectuels. 1789, est-ce, pour reprendre le titre du dossier du Nouvel Observateur, 18 la liberté ou la terreur ? La richesse des différences a apporté différentes réponses. Nous en avons retenu trois. Pierre Chaunu pense qu'on commémore un « ratage de notre histoire ». À l'opposé, Régis Debray, commémore « Notre acte de naissance républicain ». Dans la même acception de l'événement, mais avec des nuances qu'elle eut l'occasion de développer, Mona Ozouf pense que la Révolution Française de 1789 est avant tout « une revendication illimitée d'égalité »19 .ainsi, Mona Ozouf fait partie de ceux qui refusent de célébrer la Révolution Française comme un « Bloc »20 Aujourd'hui comme hier, il n'y pas une célébration de la Révolution Française. De la même manière, il n'y a pas une condamnation de la Révolution Française. En 1989, on peut dire qu'il existe d'une part les contre-révolutionnaires et d'autre part les royalistes. Les premiers se retrouvent autour de l'Anti-89. Il s'agit des disciples de la Fraternité Saint-Pie X de Mgr Lefèvre21 , du Centre Henri et André Charlier, du mouvement Chrétien Solidarité de Bernard Anthony (député européen du Front National) qui veut rapprocher les lefèvristes de l'ultradroite de l'Église romaine catholique. Le mouvement Chouan qui défend l'identité de la chouannerie se retrouve dans ce mouvement. Il y a aussi d'autres groupuscules dont: la Contre-Réforme Catholique de l'abbé Georges de Nantes hostile à Jean Paul II et à Mgr Lefèvre. Il défend un maurassisme de stricte obédience teinté de théocratie. Il ne ménage pas Jean-Marie Le Pen et a appelé à voter Jacques Chirac. Au nom de leur foi catholique, les contre-révolutionnaires se retrouvent dans un rejet total de la Révolution Française. Les 18 "La révolution devant ses juges", Le Nouvel Observateur, 4-10 mai 1989 19 Ces citations furent reprises du dossier mentionné ci- dessus. Nous sommes conscients que cette question a donné lieu à des Débats, des Colloques importants. Ceux-ci ainsi que l'oeuvre des auteurs cités ne se résument pas dans ces trois réponses. Mais elles permettent de sentir les différences d'appréciation. Celles-ci impliquent des perceptions différentes de ce que représente 1789. C'est pourquoi nous les avons mentionnées. 20 La Révolution est un bloc avait dit Clémenceau en 1891. 21 Mgr Marcel Lefèvre est décédé le 25 mars 1991. C'est l'abbé allemand Franz Schmidberger qui lui a succédé. Pour une meilleure compréhension, nous mentionnerons le nom de Mgr Lefèvre lorsque nous évoquerons son mouvement.
  • 16. 13 contre-révolutionnaires sont avant tout religieux. Mais, s'ils partagent tous la foi catholique, ils ne se retrouvent pas tous au sein de la même Église. Ils véhiculent la nostalgie de l'Ancien Régime. Sur base de ce tronc commun, les divergences sont de règle. Il n'est pas obligatoire que cette nostalgie s'exprime politiquement par la défense de la royauté. Ils se retrouvent très bien dans les régimes autoritaires qu'a connus le continent européen: Vichy, Salazar au Portugal, Franco en Espagne, la Grèce des Colonels. L'engagement politique est secondaire. Les royalistes sont aussi divisés en plusieurs chapelles. Mais leur engagement est avant tout politique. Il est marqué par leur fidélité à une famille royale. Il est évident qu'une grande partie des royalistes est contre-révolutionnaire. Mais cet aspect de leur engagement est, en théorie, secondaire. La position schismatique de feu Mgr Lefèvre rajoute un élément de division au sein des royalistes. Ceci est aussi vrai pour les contre-révolutionnaires. Dans ce climat, nous pensons qu'à long terme, l'Opus Deï pourrait trouver au sein des royalistes et contre-révolutionnaires français une « clientèle » en quête de certitude religieuse. En 1989, le royalisme s'exprime suivant le schéma élaboré plus haut: le prétendant, « le praticien » ou homme politique, « le théoricien » ou intellectuel. Cependant, un élément doit être modifié. Il n'y a plus, excepté des élus locaux ainsi que Bertrand Renouvin (membre du Comité économique et Social) qui se disent royalistes, de praticiens ou hommes politiques d'envergure nationale qui défendent le royalisme. Signalons cependant, l'attitude du Député R.P.R Philippe de Villiers qui défend l'héritage vendéen. Ceci n'implique aucunement un engagement royaliste. L'intellectuel royaliste existe toujours. Il est religieux ou laïc. Mais il faut tenir compte d'individualités militantes. L'année du Bicentenaire fut l'occasion pour les contre- révolutionnaires et royalistes de se manifester. Après s'être déjà fait connaître dans les actions contre le film « La dernière tentation du Christ » de Scorcese, des royalistes ont débuté l'année « sacrilège » en faisant parler d'eux bruyamment. Le 7 janvier, ils envahissaient une salle de spectacle où se déroulait un récital de la chanteuse Hélène Delavaut intitulé « La Républicaine ». Le commando d'une vingtaine de jeunes au crâne rasé a arrosé la scène de gaz lacrymogène et malmené la chanteuse la jetant à terre. Cet événement résume-t-il le royalisme français ? Nous ne le pensons pas.
  • 17. 14 En 1987, dix-sept pour cent des Français se prononcent pour le rétablissement de la monarchie. 22 De manière plus précise, dix- sept pour cent d'hommes et dix-huit pour cent de femmes pensent ainsi. Les moins de trente-cinq ans sont plus nombreux à se prononcer pour la monarchie. Ils sont plus nombreux à droite à approuver pareille restauration (vingt-deux pour cent). Ils sont tout de même treize pour cent à gauche à accepter pareille hypothèse. Voyons quels sont les principaux mouvements royalistes à l'époque du Bicentenaire. Nous examinerons quelles ont été leurs prises de position. Ensuite, nous analyserons les positions des deux prétendants français et nous nous attarderons sur la position du comte de Paris. Il existe au niveau national deux mouvements royalistes: La Restauration Nationale et la Nouvelle Action Royaliste. Les légitimistes et le mouvement France et Royauté animent le royalisme français. 2. La Nouvelle Action Royaliste La N.A.R. est issue de l'Action Française de Charles Maurras. Ce mouvement a rompu tous les liens qui pouvaient le rattacher à l'extrême droite. Pour préparer l'année du Bicentenaire, il a organisé un colloque qui s'est tenu à Paris le 19 novembre 1988. Il avait pour thème « Célébrer 1789 ». Pour Bertrand Renouvin, le président de la N.A.R., sérénité et humilité seront les règles de l'attitude de son mouvement à l'égard de ces festivités. Pour lui, « la Révolution est ici pleinement assumée, dans son génie (le mot est du comte de Paris) comme dans ses tragédies. Cela signifie que la Révolution Française est faite, que nul ne peut en effacer l'héritage, et qu'elle est pour nous terminée puisque nous refusons de rejouer ou de prolonger les terribles affrontements de l'époque. Précisons encore que le Bicentenaire n'est pour les royalistes conséquents ni une gêne ni une menace - et cela d'autant moins que l'événement révolutionnaire de 1789 s'inscrit dans le cadre d'une institution monarchique qui n'est pas récusée ». 23 Durant l'été des célébrations, son bimensuel avait consacré un numéro spécial intitulé «Des Bastilles restent à prendre». Il insiste sur les aspects positifs de la Révolution. Il s'agit de la Déclaration des droits de l'homme, l'Assemblée nationale, la fête de la Fédération. Il rappelle que la Révolution française s'accomplit avec la monarchie, non contre elle. 22 Sondage IPSOS-Le Point, 21/01/1987 23 RENOUVIN, B, "Les enjeux du Bicentenaire", Royaliste, n52, p 12
  • 18. 15 « C'est donc sans aucun paradoxe que notre famille politique peut participer à la célébration de ces événements, sans que soient oubliées pour autant les tragédies ultérieures..(mais il prévient) Nous ne saurions cependant nous contenter d'une approbation benoîte des cérémonies du Bicentenaire . La contradiction est en effet trop violente entre le projet révolutionnaire actuellement glorifié et l'état de notre société. Puissance de l'argent, privilèges en tous genres, inégalités scandaleuses, division et exclusion sociale, citoyenneté déficiente devraient susciter un projet de transformation économique et sociale digne de nos principes de justice et de liberté....Plutôt que de commémorer la Révolution en s'abritant derrière une fausse humilité gestionnaire, c'est sans plus attendre qu'il faut reprendre le mouvement de 1789 ».24 Le message et l'attitude politique de ce mouvement tranchent avec les autres mouvements monarchistes. On les situe souvent comme des Royalistes de Gauche. Eux se disent ni de Droite, ni de Gauche, mais «ailleurs». Précisons que Bertrand Renouvin fut candidat à l'élection présidentielle de 1974. Il avait recueilli 43.722 voix soit 0,14% de l'électorat. Depuis août 1984, il est membre du Conseil Economique et Social. Certains y verront un remerciement au soutien apporté par son mouvement, en 1981, à l'élection du Président Mitterrand. Ils ont appelé à voter pour François Mitterrand. « On les a vus manifester contre la réforme du code de la nationalité, aux côtés des militants de S.O.S. Racisme...(Ils) se tiennent pour la plupart à l'écart des grandes manifestations monarchistes traditionnelles. Mais ils ne dédaignent pas marquer leur fidélité en assistant aux messes à la mémoire de Louis XVI et ne manquent jamais d'entourer le comte de Paris (dont nous parlerons plus loin) lors de ses manifestations publiques. Pour le reste, plutôt que de rester entre eux, ils préfèrent dialoguer avec des personnalités non royalistes du monde intellectuel et politique » 25 Ils s'opposent à ce qu'on appelle la «Nouvelle Droite» organisée autour de différents clubs comme le G.R.E.C.E.26 Certains de leurs militants sont actifs dans les milieux syndicaux ou participent à la vie municipale sur des listes PS, divers gauche ou du Centre. Ils sont quinze à être considérés comme élus de la N.A.R. En mars 1986, dans le Maine-et-Loire, une Liste N.A.R. recueille 2230 voix soit O,67% de l'électorat. En 1988, Bertrand Renouvin fut invité à représenter la N.A.R. au sein du Comité national de soutien à François Mitterrand Son engagement politique au sein des institutions républicaines va encore se préciser. Le 13 novembre 1990, le Conseil National de la N.A.R. envisage favorablement la proposition faite par Mr Soisson, Ministre du Travail dans le 24 RENOUVIN, B, "Editorial", Royaliste, n519, p 3 25 FLEUTOT, F.M., LOUIS,P, Les royalistes. Enquête sur les amis du Roi aujourd'hui, pp.51-63, Albain Michel, Paris, Janvier 1989 26 Groupement de Recherche et d'Etudes pour la Civilisation Européenne fut fondé en 1969.
  • 19. 16 gouvernement Rocard, quant à la participation de la Nouvelle Action Royaliste à la France Unie. Rappelons une fois de plus que la N.A.R. est le seul mouvement royaliste aussi intégré dans le cadre républicain. À cette occasion, B. Renouvin déclare: « Un souhait vieux de dix ans en ce qui nous concerne, est en train de devenir réalité: celui du rassemblement et de l'organisation, à côté du Parti Socialiste, de tous ceux, personnalités et mouvements qui soutiennent le président de la République...(Il tient à rappeler) Nous sommes des royalistes, dont la visée à long terme n'exclut pas l'engagement présent, dès lors qu'un projet politique rencontre le nôtre sur des points que nous jugeons essentiels, dès lors que le chef de l'État inscrit son projet dans la continuité nationale. Tel est le cas en ce qui concerne François Mitterrand. » 27 Cette adhésion à France Unie suscita l'opposition d'une composante de ce rassemblement, le Mouvement des Radicaux de Gauche. Son Président, M. Zuccarelli, a exprimé son refus formel d'accepter la Nouvelle Action Royaliste. Le 13 avril 1991, le mouvement France Unie de J.P. Soisson et la N.A.R. annonçaient leur accord au terme duquel, la Nouvelle Action Royaliste participera à l'élaboration du projet et de la stratégie de France Unie, et à la mise en place de l'organisation nationale et locale de la majorité présidentielle. Le 18 avril, le M.R.G. réagissait en réaffirmant que les radicaux de gauche ne voulaient pas d'alliance avec les royalistes. Il n'est pas certain que la Famille de France voie d'un très bon œil l'orientation politique directe de la N.A.R. Le comte de Clermont (fils aîné du comte de Paris) n'apprécie pas l'attitude des amis de Bertrand Renouvin. Il est vrai que la N.A.R. avait soutenu le Président Mitterrand (comme d'ailleurs le comte de Paris lui-même), mais en dehors de toute structure politique partisane. Bien que nous comprenons l'attrait de la personnalité et de la politique du Président Mitterrand, on peut se demander si, en devenant une composante de France Unie, la N.A.R. est encore royaliste? Cependant, ce mouvement fait sortir le royalisme du carcan étroit de l'extrême droite passéiste. La N.A.R. s'inscrit dans le courant de pensée qui défend l'institution présidentielle comme étant l'expression républicaine de l'idéal monarchique. 27 RENOUVIN, B., "Vers la «France unie»", Royaliste, p 12, 3-12/12/90
  • 20. 17 3. La Restauration Nationale La R.N. se veut l'héritière directe de l'Action Française. EIle reprend les idées de Charles Maurras: «Nationalisme intégral», Monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée. Elle dispose d'un hebdomadaire « Aspect de la France ». Ce mouvement s'est structuré dans le milieu étudiant. Deux publications leur sont destinées: « Feu Follet » (bimestriel étudiant) et « Insurrection » (mensuel lycéen). Selon la Restauration Nationale, « le régime républicain met la France en danger de mort et, par ses doctrines de base, le libéralisme et la démocratie, elle sape le pouvoir de l'État...Il faut abattre la République et restaurer la Monarchie, incarnée par Monseigneur le comte de Paris, héritier des quarante Rois qui, en mille ans, ont fait la France ».28 Il faut savoir que le comte de Paris s'est fortement éloigné de l'Action Française. Il ne manque d'ailleurs aucune occasion pour désavouer les actions violentes de la R.N. Ce mouvement est animé par Pierre Pujo et Guy Steinbach. Ils commémorent chaque année la fête nationale de Jeanne d'Arc. Pendant une période, ils manifestèrent avec les membres du Front National. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Ses militants se veulent les héritiers des « Camelots du Roi ».C'est ce qui explique que ce soient certains d'entre eux qui aient participé à l'action contre la chanteuse Delavaut. À la différence de la N.A.R., ils ne participent pas à la vie politique active. Ils n'ont pas d'élus. 4. Les Légitimistes Ces derniers contestent la légitimité dynastique du comte de Paris 29 et se tournent vers un prince espagnol. Il s'agit d'Alfonso de Bourbon-Dampierre, duc de Cadix, aîné des Bourbons. Ils ont refusé de se rallier aux Orléans à la mort du comte de Chambord en 1883 et ont fait acte d'allégeance aux Bourbons d'Espagne. Ceux-ci sont les descendants directs de Louis XIV. À la différence des Orléanistes, les liens entre le duc de Cadix et ses partisans sont beaucoup plus forts. On peut dire que ces mouvements sont d'une certaine manière dirigés par le prétendant. L'Union des Cercles Légitimistes de France édite une publication « La Gazette Royale ». Celle-ci fut fondée en 1957. L' U.C.L.F. se dit « catholique et monarchiste » et défend la « Monarchie catholique française traditionnelle ». « Nous refusons et refuserons toujours toutes concessions à la république et aux erreurs de la révolution. Ni Marseillaise, ni drapeau tricolore, incarnation de cette révolution satanique. » Ainsi elle se démarque des royalistes de la N.A.R., qui «jouent le jeu» des institutions républicaines. Elle n'a qu'un 28 "Le combat royaliste. Principes fondamentaux", Aspects de la France, nhors série, été 1987, p 38 29 Dans le chapitre consacré aux prétendants, nous résumerons l'opposition Orléans-Bourbons d'Espagne.
  • 21. 18 but: « la restauration de la Monarchie française, traditionnelle, catholique, hiérarchique, corporative, antidémocratique, antiparlementaire, anticentralisatrice, garante des libertés des Provinces, des professions, des communes, des familles... ayant à sa tête au sommet de la hiérarchie, le Roi, Lieutenant du Christ Vrai Roi de France. » 30 On retrouve -avec des nuances- les termes utilisés par Charles Maurras pour définir la Monarchie. Les légitimistes se différencient -du courant maurrassien- par la Famille Royale à laquelle ils se rattachent, mais aussi par l'absence de violence potentielle pour rétablir l'ordre politique qu'ils défendent. D'autre part, en matière religieuse, ils soutiennent Mgr Lefèvre et s'en prennent violemment à la Franc-maçonnerie. Les légitimistes n'assimilent pas à la royauté française le concept de nationalité. À propos du Bicentenaire, leur attitude est tranchée « Parce qu'au nom des néfastes utopies et des mortels sophismes du Siècle «des lumières» dont on va nous rabattre les oreilles à l'occasion du Bicentenaire de 89, parce qu'au nom des sacro- saints «droits de l'homme» si chers à l'intelligentsia gauchiste, aux évêques et aux curés rouges ou roses, à toutes ces organisations apatrides (cela rejoint la tradition de l'extrême droite) qui sont devenues la conscience de la Cinquième République, on a détruit ces liens qui, à travers des générations, unissaient nos peuples dans une même tradition, dans une même foi et dans une même vocation, pour promouvoir l'anarchie, la chienlit, les «égalités» illusoires et contre nature, et les «libertés» nuisibles » 31 5. France et Royauté Parmi les Légitimistes, certains se sont distingués en créant en novembre 1987 le mouvement « France et Royauté ». Celui-ci édita une publication utilisant la quadrichromie sur papier glacé, intitulée, « La France monarchiste et légitimiste ». Cette qualité d'impression était le signe d'une certaine aisance financière, ce qui est loin d'être la règle dans les milieux royalistes français. Ils firent allégeance au prince Alphonse de Bourbon, duc de Cadix. Ce mouvement est animé par Marcel Chéreil de la Rivière, un aristocrate très proche de Jean-Marie Le Pen. Il fut candidat F.N lors d'élections cantonales et soutint le tribun de l'extrême droite, lors des élections présidentielles. Mais les propos tenus par le prince Alphonse de Bourbon au magazine « Newmen » ne seront pas acceptés par le président de « France et Royauté ». Le prince déclarait qu'il fallait respecter les droits de l'immigrant et souhaitait que les immigrés puissent s'intégrer à la société française. Le fait que 30 SACLIER de la BATIE, G, "Notre combat", La Gazette Royale, Janvier- Février 1989, n30 31 LAURENT,P.M., "A l'aube du Bicentenaire de la révolution. Le recours", La Gazette royale, Novembre- Décembre,1988, n29
  • 22. 19 l'aîné des Bourbons ne condamne pas l'immigration et qu'il fasse des déclarations à un magazine érotique lui faisait perdre toute légitimité. C'est en tout cas le raisonnement que tient M. Chéreil de la Rivière. « Une nouvelle loi fondamentale (de dévolution de la couronne) est née: «pour être légitime, le roi doit penser comme il faut». Exception faite des providentialistes purs, qui attendent le choix de Dieu, et des survivantistes, qui cherchent une éventuelle descendance de Louis XVII; tous les royalistes, qu'ils fussent partisans d'un Orléans ou d'un Bourbon d'Espagne, semblaient d'accord sur le contenu des règles de dévolution de la Couronne. La querelle ne portait que sur l'existence ou la non-existence d'un «vice de pérégrénité», c'est-à-dire sur l'éventuelle influence de la nationalité du prince sur sa capacité théorique à régner. Aucun royaliste n'avait encore affirmé que les idées du prince décidaient de sa légitimité. Cela paraissait être une caractéristique essentielle de la monarchie héréditaire, échappant à toute discussion. » 32 Le directeur de la France Monarchiste propose comme prétendant légitime, le prince Sixte Henri de Bourbon Parme qui est un descendant de Louis XIV (mais il est le cadet d'une branche cadette) et a la nationalité française. En ce sens, ils se coupent du légitimisme qui accordait plus d'importance à la descendance qu'à la nationalité du prince-prétendant. De plus, Sixte Henri de Bourbon Parme « pense bien » puisqu'il fut membre du comité de soutien de J.M. Le Pen. 33 Tout en restant dans cette même filière politique, on retrouve Jean Louis Damville, correspondant national du Mouvement France et Royauté, qui vient du Front national de la Jeunesse. Ce dernier rappelle les enseignements de Mgr Escriva Balaguer (fondateur de l'Opus Deï) 34 dans la problématique concernant Mgr Lefèvre. Ceci est-il suffisant pour pouvoir affirmer qu'en matière religieuse, « France et Royauté » ait pris le parti de l'Opus Deï contre les traditionalistes ? On peut le supposer. Mais nous ne disposons pas d'assez d'éléments pour pouvoir l'affirmer. 32 FLEUTOT,F.M., LOUIS,P, op.- cit., pp 97-98 33 ibid 34 DAMVILLE, J.L., "Déclaration de Foi", La France monarchiste et légitimiste, août 1988
  • 23. 20 Le mouvement France et Royauté s'est opposé aux célébrations du Bicentenaire. Arguant du caractère «viscéralement anticatholique» de la Révolution, ils qualifient leurs adversaires de «fils de persécuteurs et de régicides (qui) s'apprêtent à pavoiser pour leur bicentenaire d'enfer» Ils considèrent aussi que « l'essor économique entamé sous Louis XVI fut brutalement stoppé en 1789 et donna naissance quelques années après, à l'éconocratie et au libéralisme sauvage. (Ils défendent l'ordre corporatif) que l'on a supprimé pour mieux asservir la classe ouvrière » 35 Ce mouvement se démarque de la violence dont voulaient faire preuve certains royalistes à l'égard du Bicentenaire et invite ses amis « à ne point répondre aux éventuelles provocations antiroyalistes... Nous ne supporterions pas que des royalistes se comportent en personnes discourtoises et agressives. 1989 n'est pas une année de vengeance, mais plutôt d'espoir...nous pourrons enfin dévoiler certaines vérités sur la Révolution française et le jeu de la démocratie républicaine » 36 En fait, nous pensons que les vérités dévoilées concernent surtout les liens existant entre ces organisations royalistes -à l'exception de la Nouvelle Action Royaliste- et l'extrême droite. 6. D'autres mouvements royalistes Il existe d'autres mouvements qui n'ont pas une grande audience politique. L’Association des Amis de la Maison de France fut créée par Stéphane Bern en 1984. Cette association a pour but de faire connaître la famille de France et ses activités auprès des Français et promouvoir la pensée et l'action du comte de Paris. Les adhérents ne souscrivent pas à un programme politique, à la différence de la N.A.R. mais défendent la légitimité du comte de Paris. L'Association édite un bimestriel; l'Alliance Royale. Il existe des « royalistes mystiques » ou « providentialistes » qui croient au « Règne du Grand Monarque ». Sur base de prophéties, ils pensent que la monarchie de droit divin sera restaurée par la seule volonté de Dieu et par des moyens qui échappent à toute prévision humaine. Les « survivantistes » croient en la descendance du fils de Louis XVI. La France debout, bulletin royaliste et catholique de Bretagne est un mouvement qui s'est converti au survivantisme. 35 G.F., "Economie", La France Monarchiste et légitimiste, n 13, février 1989 36 "Vie du mouvement «France et Royauté»", La France Monarchiste et légitimiste, n13, février 1989
  • 24. 21 Pour des mouvements plus locaux, la question de choix de prétendants n'est pas primordiale. L'amitié les rapproche dans la défense de la monarchie. Le Cercle d'Aguesseau rassemble à Limoges des royalistes qui veulent dépasser les habituelles divisions. Les mêmes responsables éditent une revue: Légiste, qui, elle, est orléaniste. À Tours, fut créée l'Union royaliste de Touraine qui édite l'Action Royaliste du Centre-Ouest. Ce mouvement n'a aucune attache avec des mouvements nationaux. C'est ce qu'on appelle une « Communauté militante ». À Grenoble, les royalistes se retrouvent autour de la Chronique dauphinoise. Ils défendent une tradition royaliste ouverte sur le monde moderne. Parmi ceux-ci, on retrouve un gynécologue qui pratique l' I.V.G., mais il avoue lui- même ne pas être accepté par les autres royalistes. Il existe aussi l'Union des sections royalistes de Lorraine qui a son siège à Nancy. Cette union a rallié la Restauration Nationale. L'association Vendée Militaire fut créée en 1976 et est animée par Lambert de la Douasnerie qui veut sauver de l'oubli et de l'indifférence le souvenir des guerres de Vendée et la Chouannerie. Il édite la revue Savoir qui est patronnée par Sixte Henry de Bourbon-Parme. C. PPoorrttrraaiitt ssoocciiooppoolliittiiqquuee ddeess RRooyyaalliisstteess 37 La confusion Royaliste-Noble semble n'être qu'une idée reçue, seuls dix pour cent des répondants sont nobles. L'éparpillement régional est total. Il n'y a pas de réponses significatives quant à savoir s'ils sont plus nombreux à la campagne ou dans les villes. Concernant l'échelle d'âges, il n'y a pas surreprésentation d'une génération. Les royalistes semblent faire partie des classes sociales élevées; vingt-huit pour cent exercent une profession libérale ou sont cadres supérieurs. Dix-sept pour cent appartiennent à - ce qu'ils appellent- « la classe intellectuelle » c'est-à-dire: les enseignants, chercheurs, écrivains, artistes. À cela s'ajoutent treize pour cent d'étudiants. De manière plus globale, cinquante-huit pour cent des royalistes font ou ont fait des études supérieures. Ils lisent (nonante pour cent d'entre eux) plus de dix livres par an et de préférence des livres historiques. Septante pour cent achètent régulièrement un quotidien et soixante-huit pour cent lisent des magazines. L'enquête ne dit rien des titres des quotidiens et magazines lus par ces derniers. En matière religieuse, quatre-vingt-cinq pour cent se déclarent catholiques, trente-neuf pour cent précisant catho- 37 Les informations qui vont suivre sont extraites de: FLEUTOT,F.M., LOUIS,P., op.-cit., pp 239-243. Cette enquête est basée sur 1542 réponses d'un questionnaire. Celui-ci contenait 115 questions et a été diffusé à plus de 7000 exemplaires par différentes organisations royalistes. Ce portrait s'attache aux individus et non aux différents mouvements politiques.
  • 25. 22 liques-traditionalistes. Ces réponses ont été formulées avant le schisme de Mgr Lefèvre. Seulement sept pour cent des royalistes interrogés s'affirment agnostiques ou athées. L'enquête révèle que quatre pour cent de royalistes sont protestants. Ce qui fait dire aux auteurs qu'ils sont « les héritiers d'une tradition souvent méconnue ». Comment vivent-ils leur royalisme ? Ils appliquent en quelque sorte un des principes de la monarchie à savoir, la continuité, puisque trente-sept pour cent reconnaissent qu'il y avait déjà des royalistes dans leur famille. Quelques signes extérieurs les distinguent. Trente-huit pour cent possèdent un portrait de leur prétendant à domicile, vingt-huit pour cent portent une fleur de lys à la boutonnière, une cravate ou un noeud fleurdelysé. Seulement dix-huit pour cent adhèrent aux partis politiques. Six pour cent choisissent le Front National et cinq pour cent les partis de la Droite parlementaire (RPR ou UDF). Signalons que quatre pour cent choisissent le PS ou le MRG et deux pour cent ont rejoint la mouvance écologique.38 Pour cette dernière possibilité, on peut la mettre en rapport avec la volonté de retour aux traditions. Certes, l'écologisme ne se résume pas à cette dimension. Les royalistes sont dix-sept pour cent à se syndiquer. En 1988, en France le taux de syndicalisation était de quatorze pour cent. La syndicalisation des royalistes se répartit de la façon suivante: la C.G.C (Confédération Générale des Cadres) 39 l'emporte devant la CFTC (Confédération Française des Travailleurs Chrétiens), la CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail) et FO (Force Ouvrière). En matière de questions de société ou plus généralement les questions morales, il n'y a que quarante-neuf pour cent des royalistes favorables à l'usage de contraceptifs et seulement treize pour cent à accepter la liberté de l'avortement. Signalons que les réponses féminines à ces questions font augmenter les pourcentages cités ci-dessus. Nous comparons ces chiffres avec deux autres types de réponses. Premièrement, cinquante pour cent de catholiques (mais vingt- cinq pour cent de catholiques pratiquants acceptent l'avortement. 40 Il semble que les royalistes aient, pour ces questions, une conception plus restrictive des problèmes. L'influence de l'intégrisme religieux, de la droite ultra de l'Église catholique sur les royalistes permet sans doute d'expliquer leurs conceptions. 38 Rappelons que ces chiffres concernent les adhésions aux partis politiques. Ils ne disent rien sur la manière de voter des royalistes dans leur ensemble. 39 Ceci confirme les chiffres cités ci-dessus qui indiquaient la présence des royalistes dans les classes sociales élevées. Ce chiffre ne fait qu'affiner le profil des royalistes. 40 Chiffres issus d'un Sondage Sofres-Le Monde de septembre 1986 sur base d'un échantillon de 1500 personnes de 18 ans et plus.
  • 26. 23 Concernant la peine de mort, trente-six pour cent des royalistes interrogés sont « résolument opposés ».41 En comparaison, soixante pour cent de Français pensent que la peine de mort serait une mesure efficace pour faire diminuer l'insécurité. 42 Soixante-sept pour cent des royalistes sont favorables à une France multiconfessionnelle et soixante-cinq pour cent acceptent une France multiraciale. Cela tranche avec les discours sectaires et d'exclusion prononcée par certains. Les auteurs ont voulu savoir quel type de monarchie, les royalistes souhaitaient. Soixante-cinq pour cent des royalistes sont pour une «démocratie sous l'autorité du roi». De manière plus précise, soixante-quatre pour cent sont favorables à l'existence des partis politiques. C. LLeess mmaanniiffeessttaattiioonnss rrooyyaalliisstteess Ces dernières ne furent pas nombreuses. Si l'on excepte l'intrusion violente dans une salle de spectacle, les apparitions des royalistes n'ont pas mis en danger le bon déroulement des cérémonies ni les fondements de la République. Signalons qu'elles rassemblèrent aussi beaucoup de contre- révolutionnaires et de sympathisants de l'extrême droite. Le 21 janvier 1989, ils célébrèrent le 196e anniversaire de la mort de Louis XVI, mais, ils étaient divisés et dispersés. Certains se sont retrouvés à la salle de la Mutualité à l'appel du Comité Anti-89. Il s'agit d'un regroupement d'asso- ciations contre-révolutionnaires où se retrouve une partie des royalistes. « Dans le ciel de la Contre-Révolution, la religion donne la main au nationalisme.. Rassemblés pour dénoncer «l'imposture» de 1789, ils accusent en bloc «le manque de vertu» du monde moderne et «l'invasion immigrée» qui menace d'asphyxier la terre de France. Le sentiment d'appartenir à une même famille persécutée par la «trilatérale franc-maçonne» et les «lobbies sionistes» gomme bien les différences. Des prélats intégristes aux longues soutanes noires déambulent à travers la foule, rappelant par leur présence que le combat contre la célébration du Bicente- naire est avant tout une lutte en faveur de la religion tradi- tionnelle. La Révolution offre aux intégristes des martyrs dont l'interminable inventaire ponctue les discours à la façon d'une litanie. La Déclaration des Droits de l'homme, qualifiée de 41 Les chiffres avancés par les auteurs ne sont pas clairs. Y a-t-il 70 % de royalistes qui soient résolument contre la peine de mort? 42 D'après un sondage de la Sofrès réalisé en novembre 1984. Signalons que les questions ne portaient pas directement sur le rétablissement de la peine de mort. Ces chiffres sont aussi à replacer dans le climat d'attentats qu'a connu la France pendant le début des années quatre-vingt. Ces chiffres sont néanmoins des indications.
  • 27. 24 «fausse», figure en bonne place sur le cahier des doléances de cette journée. Cette soumission aux volontés du Christ n'est cependant pas la seule préoccupation des participants. S'ils acceptent volontiers leurs devoirs religieux, ceux-ci n'enten- dent pas se priver de leur droit à la contestation, voire à l'anathème. On annonce publiquement la prochaine commémoration du 6 février 1934 (tentative de putsch organisée par les ligues fascistes). On se réjouit de la disparition des deux premiers Présidents de la Mission Nationale du Bicentenaire. On parle à la tribune, de la «démocratie sans âme et sans souffle» (qui) est condamnée pendant le grand banquet au cours duquel certains portent des toasts à la mémoire du maréchal Pétain, tandis que d'autres boivent à la santé du roi » .43 Les militants du Parti nationaliste français et européen (PNFE), groupe néo-nazi, côtoyaient les disciples de la Frater- nité Saint-Pie X de Mgr Lefèvre.Les militants de « L'oeuvre Française », animée par Pierre Sidos, participaient à cette manifestation comme ceux du Mouvement Chouan où rock n'roll et royalisme vont de pair. Le 20 janvier, les légitimistes se sont retrouvés à Saint- Denis. À l'issue d'une messe en latin, le duc de Cadix est allé se recueillir un instant sur la tombe de Louis XVI. Le 22 janvier, tous ces fervents se sont retrouvés aux alentours de la Chapelle expiatoire, square Louis XVI.Celle-ci fut bâtie sur l'emplacement du cimetière où le roi fut inhumé initialement. Les partisans de Sixte Henri de Bourbon Parme étaient regroupés autour de « France et Royauté ». Ces derniers avaient aussi participé aux réunions de l'Anti-89. Venant de la chapelle expiatoire -où ils n'ont pu entrer- ils défilèrent vers la Concorde où ils déposèrent une gerbe de lys. La famille d'Orléans fut beaucoup plus discrète, seul le comte de Clermont accompagné de son épouse et de quelques amis prièrent en l'abbaye du Temple, en région parisienne. Le comte de Paris n'assiste jamais aux messes du 21 janvier. La disparition quelques jours plus tard du duc de Cadix fit perdre au courant légitimiste beaucoup d'énergie. D'autant que son fils, encore jeune, n'a pas encore manifesté d'intérêt pour cet hypothétique trône. Les royalistes d'obédience légitimiste ou parmiste ont continué à organiser dans plusieurs villes des messes pour «réparer la Révolution». Ils se sont manifestés au mois d'août 1989 lors de l'Assomption. Cette fête religieuse devait être la «grande journée de réparation des crimes de la Révolution». Ce devait être le point d'orgue des «croisés contre- révolutionnaires». Ils n'étaient pas un million, comme les organisateurs de l'Anti 89 l'avaient espéré lors de la présenta- tion de leur projet en 1987. Ils n'étaient pas 500.000, chiffre avançé quelques semaines avant la cérémonie. Ils étaient plusieurs dizaines de milliers à s'être donné 43 REROLLE, Raphaëlle, "Les différentes familles de l'extrême droite ont participé à la «grande journée anti- 89»", Le Monde, 24/01/1989
  • 28. 25 rendez-vous à la place du Louvre à Paris. Cette célébration était orchestrée par les disciples de Mgr Lefèvre. La position schismatique de ce dernier, peut expliquer, en partie, le peu de succès rencontré par les organisateurs. Il s'agissait principalement de catholiques intégristes français, mais aussi espagnols et belges. Certains royalistes étaient présents. Les orléanistes ne participaient pas à ces cérémonies. Le seul représentant de la famille Capétienne était le Prince Sixte Henri de Bourbon Parme (dont nous parlerons plus loin). Avec la disparition du duc de Cadix, il pourrait bien devenir le prétendant des légitimistes qui sont loin d'être unis. Certes, ils étaient plus nombreux qu'en janvier, mais nombreux aussi, étaient ces « touristes japono-italo-allemands ravis d'assister à une manifestation de chants folkloriques sans avoir eu à réserver les places » 44 D. LLeess pprréétteennddaannttss Nous avons délibérément choisi de nous en tenir aux deux principaux descendants d'Hugues Capet. Nous sommes conscients qu'il s'agit d'un choix subjectif. Nous pensons que ces deux personnalités ont un intérêt politique et parfois historique plus important que « d'autres prétendants ». 45 Cependant, deux autres figures, le comte de Clermont, Sixte-Henri de Bourbon- Parme pourraient aussi marquer le devenir politique du royalisme français. Ils feront l'objet d'une plus courte analyse. Un court rappel historique nous paraît nécessaire. 46 Le comte de Paris (Henry d'Orléans) est le descendant de Louis- Philippe 1er qui fut le dernier roi des Français. Ce dernier descend de Philippe 1er qui fut le frère de Louis XIV. Le duc de Cadix (Don Alfonso de Bourbon-Dampierre) est le descendant en ligne directe de Louis XIV par son petit-fils, le roi Philippe V d'Espagne. Il est l'aîné des Bourbons. Un conflit existe entre les deux familles. Depuis le Traité d'Utrecht où Philippe V abandonne ses prétentions au trône de France les Bourbons-Orléans revendiquent l' héritage de la monarchie française. Cette analyse n'est pas partagée par le duc de Cadix et ses partisans légitimistes. Il se veut le successeur légitime de Saint-Louis et arbore les « armes pleines de la Maison de France » à savoir : « trois fleurs de lys d'or, sur champ d'azur ». Ses partisans affirment que la couronne se transmet par ordre d'aînesse, de mâle en mâle appartenant à une même branche. Par conséquent, ils pensent que Louis Philippe fut un usurpateur. Ils répondent à l'argument du Traité d'Utrecht 44 REYNAERT, F., "Intégristes ASSOMPTION: LE FLOP DES ANTI 89", Libération, 16 août 1990 45 Pour plus de détails à propos des "autres prétendants" cf. "Descendants des anciens souverains français", QUID 1991, pp 614-618, 1991, Robert Laffont,Paris ainsi que de WARREN, R., Les prétendants au trône de France, Col. Mémorables L'Herne, Paris, 1990 46 Voir le schéma dynastique en annexe.
  • 29. 26 que les règles de l'ordre successoral, lois fondamentales du Royaume, l'emportent sur la nationalité du prince capétien héritier. Selon cette logique, celui qui reçoit la couronne ne peut y renoncer. Sans vouloir trancher entre ces deux thèses, nous devons constater qu'en 1830, il y a eu transmission de la couronne au profit des Bourbons-Orléans. La volonté politique de l'époque en a décidé ainsi. Pour notre part, nous nous sommes intéressés à la vie politique des deux principaux héritiers de Louis Capet. 1. Le duc de Cadix a. Généralités Sa vie politique fut, d'abord, liée à l'histoire espagnole. Jusqu'en 1969, ce licencié en droit travailla dans le monde de la banque et de la finance. Franco trouva que c'était indigne d'un prince royal. Le général le recommanda pour qu'il entre à la Banco Extérior (banque d'État.). Il fut vice-président de la Chambre de commerce italienne en Espagne. Il fut ambassadeur d'Espagne à Stockholm de 1969 à 1972. Il épousa le 8 mars 1972 la petite-fille du Général Franco dont il divorça. Le mariage sera annulé par le Vatican en 1986. En novembre 1972, Franco l'autorise à porter le titre de duc de Cadix. Il était qualifié d'Altesse Royale. Le duc de Cadix logea auprès du chef de l'État franquiste. Il eut l'occasion de le rencontrer et, à plusieurs reprises, de s'entretenir avec lui. Il succéda à son père en 1975 et prit le titre de duc d'Anjou. Nous devons cependant rappeler, que son père, Dom Jaime duc de Ségovie, devenu sourd et muet renonça à ses droits en 1933. Ceci fut confirmé en juillet 1945 et en juin 1949. Mais en décembre 1949, Dom Jaime déclare revenir sur sa renonciation.En 1963, il se proclamera chef de la Toison d'Or. Le duc de Cadix occupa la présidence de l'Institut de la culture hispanique. Ce poste fut spécialement créé pour lui par le Général Franco qui y voyait un intérêt politique évident. Il avait rang de Sous-Secrétaire d'État. Son Institut dépendait directement du Ministère des Affaires étrangères. Un prince d'Espagne, de plus l'aîné des Bourbons au service du franquisme avait un intérêt politique. Il fut en relation avec l'Amérique centrale et particulièrement avec le général Omar Torijos du Panama. En 1978, il fut relevé de ses fonctions. 47 Bien qu'officiellement, il ne fit aucune opposition à l'accession au trône de Juan Carlos, il faut cependant constater que « dans la famille de Franco, le prince d'Espagne (Juan Carlos) est loin d'être aimé, et le mariage du duc de Cadix avec la petite-fille de Franco a animé les espoirs d'une dynastie 47 "Descendance des Capétiens. Le duc d'Anjou. Chef de la Maison Bourbon", p 615 et "Espagne. Famille royale", p 951, QUID 1991, Robert Laffont, 1991
  • 30. 27 nouvelle de Bourbon-Franco »48 . Cette possibilité était aussi partagée par les responsables de la Phalange. Finalement, il n'en fut rien. De 1974 à 84, il fut Président de la Fédération espagnole de ski. En 1984, il sera élu Président du Comité Olympique Espagnol. b. Son attitude à l'égard du Bicentenaire Sa disparition accidentelle, le 30 janvier 1990, ne permet pas de connaître avec précision quelle aurait été son attitude durant le Bicentenaire. Néanmoins, certains écrits et déclarations permettent d'en savoir plus. Cependant, cette disparition a privé le mouvement légitimiste d'un catalyseur important. Il disposait d'un Institut de la Maison Bourbon dont il avait la présidence d'honneur. Celui-ci était présidé par le duc de Bauffremont. Un organisme politique lui était favorable, l'Union des Cercles Légitimistes de France déjà évoqué. D'autre part, il a reçu la présidence d'honneur du Mémorial de France à Saint- Denis. En 1972, lors de son premier voyage en Vendée, haut lieu de la contre-révolution, le ton est donné, « La véritable unité de la Nation française ne se fera que par un retour à la foi de ses ancêtres et à la royauté capétienne... le corps social doit être délivré de toutes ces pollutions mortelles que sont l'étatisme, le laïcisme, le socialisme, les partis, l'immoralité et l'argent tout puissant »49 Lors du Millénaire Capétien, il réalise un véritable Tour de France (Saint-Denis, Narbonne, château de Saumur, Pau, château de Béthune, Béziers, cathédrale de Lyon, Nantes, École militaire de Sorèze, la Vendée et Reims...) Il ne fut pas invité à toutes les manifestations célébrant le Millénaire. Là où il le fut, sa présence suscita l'opposition des Orléanistes. Le Premier Ministre de l'époque, Jacques Chirac, n'accepta pas qu'un « prince étranger » soit associé à une « manifestation nationale française ». Le descendant en ligne directe de Louis XIV préfère célébrer le quadricentenaire de l'avènement d'Henri IV qui a su « réconcilier les Français, catholiques ou protestants, panser les plaies d'une épouvantable guerre civile, réduire les factions, redonner la paix religieuse, restaurer l'État et le pouvoir royal...et redonner à la France...les moyens de son rayonnement international » 50 . Cette célébration, selon son vœu, aurait dû être l'occasion de rassembler tous les Français 48 BERN,S, L'Europe des rois, p 440, Paris, 1988 49 Déclaration du duc de Cadix à l'occasion de son voyage dans les "provinces de l'ouest, au Mont des Alouettes, le 19 novembre 1972 50 Allocution du duc d'Anjou prononcée à l'Institut de la Maison Bourbon à Paris le 22 janvier 1989.
  • 31. 28 évitant toute division. Sa présence suscita l'opposition des Orléanistes. Il considère la célébration du Bicentenaire comme la fête d'une victoire d'une partie de la nation sur l'autre et ne peut s'y joindre. « Mais si la célébration du Bicentenaire a pour résultat de dresser un bilan sans complaisance de la Révolution, de faire litière de tous les mensonges apologétiques accumulés depuis deux siècles, de faire le ménage dans les écuries d'Augias jacobines, alors j'approuverai, car c'est autour de la vérité que les Français pourront réaliser une nouvelle unité, et certes pas autour d'un mensonge, même entretenu. Je constate que dans beaucoup de livres qui paraissent sur la Révolution depuis quelque temps, le bilan de cette période tragique de notre histoire est globalement négatif ». « En abolissant la monarchie millénaire, la Révolution a aussi et d'abord voulu abolir la royauté de Dieu sur la société française...On célèbre aussi les Droits de l'homme, mais que d'efforts ne faut-il pas faire pour qu'ils soient respectés dans notre monde? Les Droits de l'homme sans Dieu se sont révélés comme une catastrophe » 51 Le prince va même plus loin en affirmant que « Lénine Staline, Hitler, Mao, Pol Pot, Castro et autres ne sont que les fils des Danton, Robespierre, Saint Just, Marat, Turreau, Carrier ». 52 Le duc de Cadix est un prétendant militant. Il ne se place pas au- dessus des partis. Il a choisi, le sien, celui des intégristes légitimistes. Tout en affirmant vouloir la vérité historique et ainsi unir, il s'est enfermé dans un traditionalisme intolérant. Celui qui fut l'Ambassadeur de l'Espagne franquiste et considéré comme successeur possible de Franco préfère les commémorations religieuses qu'elles soient fidèles à Rome ou à Mgr Lefèvre. 2 Le comte de Paris a. Généralités En 1932, le comte de Paris prend la direction des activités politiques de la Maison de France. Le secrétariat politique est ouvert à Bruxelles. Il se dotera -plus tard- d'un Centre d'Etude Sociale. D'autre part, un bureau sera ouvert à Paris. Un réseau indépendant de l'Action Française se structure. 51 DEM, M, Le Duc d'Anjou m'a dit, Paris, Perrin, pp 150-151 Ce livre a été publié après la disparition du prince. Ce dernier était au courant de la rédaction de l'ouvrage. Selon l'auteur, le prince y avait apporté certaines modifications. Cependant pour des "raisons politiques, familiales et juridiques" non précisées par l'auteur ("au pays des royalistes", on aime s'entourer de mystères) ces textes ne sont pas publiés sous la signature du Duc d'Anjou. C'est en accord avec la mère du prince et de l'Institut de la Maison Bourbon qu'ils sont publiés sous la signature et sous la responsabilité de M. Dem. Cela permettra à certains de douter de l'authenticité de certains faits relatés. Pour ma part, je pense que l'on peut tirer de ce livre certaines précisions sur la pensée politique du prince. Cela explique les différentes citations auxquelles je me réfère. 52 ibid
  • 32. 29 Il fonde en 1934 la revue d'Information Question du Jour. Celle-ci parut jusqu'en avril 1936 date de sa fusion avec Courrier Royal. Celui-ci porte en manchette: La Monarchie n'est pas un parti. Une campagne d'affichage fut lancée à travers l'hexagone avec comme slogan: Une Famille au service de la France. En 1936, il publie un livre « Essai sur le gouvernement de demain ». L'année suivante, un second ouvrage sort en librairie; « Le Prolétariat ». Il défend une monarchie humaine et soucieuse de justice sociale non liée au nationalisme intégral ni à l'antisémitisme de l'A.F. En octobre 1938, il entre clandestinement en France et dénonce publiquement les accords de Munich. Lorsque la guerre est déclarée, il demande à être incorporé dans l'Armée Française. La République refuse, mais il sera chargé de plusieurs missions auprès de plusieurs Cours d'Europe. En juin 1940, il s'engage dans la Légion étrangère sous le pseudonyme de Robert Orliac. Il fut démobilisé fin juillet. Son père décède le 25 août 1940. Il devient le chef de la Famille de France. Il s'installe près de Rabat au Maroc. En août 1942, il va à Vichy pour connaître les intentions de Pétain dans l'hypothèse d'un débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. « Le comte de Paris tout un temps, va se montrer favorable à une sorte de recueillement autour du Maréchal Pétain. Cela n'ira pas au-delà de l'été 1942 ».53 En novembre 1942, il assiste au débarquement. On imputa l'assassinat de l'amiral Darlan au comte de Paris ou même à De Gaulle bien que rien ne fut prouvé. À la fin de la guerre, le comte de Paris s'établit en Espagne puis au Portugal. À la libération, il crée à Paris un cercle de réflexion et d'information monarchique: le Centre d'Étude et de Documentation. En octobre 1946, sous la directive du comte de Paris, les Comités monarchistes furent fondés. 54 En mai 1947, le prince crée un hebdomadaire: « Ici France » qui va dans le prolongement des activités du Centre d'Étude. Celui-ci sera publié jusqu'en 1948. Entre-temps, en novembre 1947, les Comités monarchistes furent dissous. La constitution d'un mouvement politique important autour du prince échoue. Il annonce la fin de toute propagande royaliste organisée autour de sa famille. Toute cette structure était liée à Pierre Delongraye - Montier qui représentait le comte de Paris en France. 53 VALYNSEELE, J., Les prétendants aux trônes d'Europe, p 201, Paris, 1967 54 "On y retrouve mentionnés: le Mouvement Socialiste Monarchiste, le Mouvement Traditionaliste, le Mouvement National-Royaliste Démocratique, et divers radicaux Royalistes, Chrétiens Royalistes, Paysans Royalistes. En organisant les Comités Monarchistes, le comte de Paris souhaitait sans doute éviter tout risque de cacophonie et réaffirmer son autorité sur l'ensemble des royalistes" PIERRAN, P, "Un moment de l'histoire du royalisme. le Congrès de 1947", Lys Rouge, n39, décembre 1988, p 16. Signalons qu'il s'agit de la revue trimestrielle d'études et de débats de la Nouvelle Action Royaliste (déjà évoqué plus haut) Ce numéro publie une reproduction du Bulletin d'Information de ces Comités Monarchistes voulus par le prince.
  • 33. 30 En mai 1947, paraît un nouveau livre: « Entre Français » qui analysent la situation intérieure de la France. Signalons ces quelques mots concernant les communistes: « Pourquoi s'obstiner à ne pas voir dans le marxisme et surtout le communisme moscoutaire...un effort immense pour repenser et reconstruire l'humanité que de mauvais chrétiens conduisaient vers sa perdition ? » 55 À propos de cette époque, il écrit, rétrospectivement,". Mon propos continuait de s'inscrire dans l'esprit de la démocratie chrétienne. J'inclinais en faveur d'un centre étayé par les socialistes et les radicaux » 56 Le 24 janvier 1948, il décida la création du « Bulletin mensuel d'information du bureau politique de Mgr le Comte de Paris » tiré à 70.000 exemplaires. La diffusion de ce Bulletin fut ciblée: les membres des grands corps de l'État, syndicalistes, prêtres, rabbins, pasteurs... Les destinataires étaient choisis par le comte de Paris. Selon les propos du Chef de la Maison de France, ce bulletin servit à préparer et à faciliter son retour. Le Bulletin cessa toute activité le 18 juin 1967. En juin 1950, la loi d'exil est abrogée.57 La famille s'installe à Louveciennes près de Paris. Il va visiter méthodiquement chaque Département français. Il se rendra dans l'Union Française en A.O.F. et en A.E.F. (c'est-à-dire l'empire colonial de la France) Il sera invité à de nombreuses cérémonies officielles. Il recevra, lui-même, plusieurs hauts responsables de la République. Les mercredis furent consacrés aux audiences du public. La presse française « couvrira » l'actualité de la Maison. En décembre 1953, il se déclare prêt à accepter des responsabilités actives dans le cadre du régime républicain. Il accepterait des responsabilités gouvernementales « à condition (qu'il) puisse compter sur la collaboration de toutes les familles spirituelles françaises. » 58 Mais il ne souhaite pas occuper le poste de Président de la République. Le 13 mai 1958, le comte de Paris va prendre fait et cause pour le Général de Gaulle. Il va soutenir son projet de constitution. Le Prince approuve l'élection au suffrage universel du Président de la République. Les deux hommes auront des relations privilégiées. Il soutiendra le Général de Gaulle dès son arrivée au pouvoir. Ses Mémoires d'exil le prouveront, 55 Propos cités par VALYNSELE, J., op.-cit, p 205 56 HENRI COMTE DE PARIS, Mémoire d'exil et de combats, p 231, 1979 57 Elle fut votée en 1886. Elle s'appliqua seulement aux Bourbons Orléans et aux Bonaparte. C'est Paul Hutin-Desgrées, MRP, qui fit la proposition de la supprimer. 314 voix ont accepté le retour (MRP, Radicaux, diverses formations du centre et de droite) Il y eut 179 votes opposés au retour (communistes et apparentés). Les socialistes se sont abstenus. 58 "Henri, comte de Paris intervient", L'Express, 26/12/1953, n32, p12
  • 34. 31 il entame avec de Gaulle une réflexion. Le comte de Paris rencontrera très souvent le Général. Ces rencontres se firent le soir, « lorsque l'Élysée n'est plus que le palais du monarque, hors des oreilles et des yeux indiscrets. Nos entretiens ont toujours eu la couleur du soir »59 Une question se pose. De Gaulle a-t-il pensé au comte de Paris comme son successeur ? Nous devons apporter certaines précisions à ce propos. Tous les témoignages concernant cette éventualité sont issus du comte de Paris ou de royalistes convaincus. À notre connaissance, il existe très peu de travaux scientifiques sur la possible succession royale du Général. Mais certains éléments peuvent laisser croire à l'existence de préparatifs à cette succession. Parmi les témoignages les plus importants, il faut citer celui de Philippe de Saint-Robert. Nous avons repris les éléments principaux de celui-ci. Après le référendum portant sur l'élection du Président de la République au suffrage universel (octobre 1962), le Général De Gaulle déclara au prince qu'il avait trois ans pour se préparer. Certains affirment que dès décembre 1961, cette éventualité avait déjà été examinée. Certaines déclarations du Général furent analysées comme allant dans ce sens. « Quand je ne serai plus là, il faudra un chef de l'État en dehors des partis et qui ne soit pas lié à une majorité parlementaire. Il faudra qu'il puisse donner les grandes options, être un arbitre, mais surtout exprimer les grandes orientations"60 . Était-ce le comte de Paris qui se cachait derrière ce portrait ? Ces déclarations visaient-elles à entretenir le doute sur les réelles intentions du Chef d'État français ? Aucune réponse affirmative, allant dans un sens ou dans l'autre, ne peut, à notre avis, être formulée. L'attribution de la présidence de la Croix-Rouge au comte de Paris fut évoquée. Ceci aurait facilité l'implication plus directe du prince dans la vie politique française. Mais le général ne mit pas beaucoup d'ardeur à réaliser ce projet. Sous l'action du président sortant, André-François Poncet, le projet échoua. À cette époque et selon le comte de Paris, le général « n'envisageait pas de se représenter en 1965. Il s'estimait âgé et fatigué. Son intention était de finir son septennat puis de me laisser jouer. Jamais il ne s'était exprimé sur ce sujet avec une telle netteté » 61 À en croire B.Renouvin,62 un groupe de personnalités ont participé à cette préparation à savoir; Edmond Michelet (alors membre du gouvernement) Michel Herson (secrétaire général adjoint de l'UDR) Philippe de Saint-Robert et Pierre Delongraye- Montier (secrétaire du comte de Paris). Selon Michel Herson, certains gaullistes étaient attachés à un prolongement 59 HENRI COMTE DE PARIS, op.-cit., p 298 60 Propos repris par PASSERON, André, De Gaulle parle, 1962 et cité par de SAINT ROBERT, op. cit., p 53 61 HENRI COMTE DE PARIS, Mémoire d'exil et de combats, p 292, Paris, 1979 62 RENOUVIN, B, La République au roi dormant, p 153
  • 35. 32 monarchique, comme le sénateur Jean-Louis Vigier et le député René Hostache. 63 D'autres auraient exprimé leur sympathie à ce projet. Les noms de Maurice Schumann, Louis Terrenoire et Raymond Jacquet furent cités. Cette possibilité de succession royale attira l'attention de L'Express. Le 23 mai 1963, Jean Ferniot consacra une double page à analyser les liens existant entre le comte de Paris et le Général. Dans cette « longue et méticuleuse analyse historique et institutionnelle (il souligna les) constants propos du général de Gaulle, ses affinités politiques avec le comte de Paris en dépit de la prudence de celui-ci pendant la guerre, la suppression dans la Constitution de 1958 de l'article interdisant aux membres des familles ayant régné sur la France d'être éligibles à la présidence de la République, mais aussi le maintien, par l'article 89, de l'intangibilité de la forme républicaine du gouvernement »64 . Cet article suscita des réactions de l'appareil gaulliste affirmant que le comte de Paris n'était pas le dauphin du général. En 1965, le Général se représenta. Il fut mis en ballottage, mais néanmoins réélu. Sa légitimité perdit en qualité. Pour le prince, « désormais, il cessait d'être l'arbitre pour devenir le chef d'une majorité. À mes yeux, tout était, radicalement changé...Si j'avais, un temps, sérieusement envisagé de tenter ma chance devant les Français, pour succéder au général de Gaulle, il n'en était de toute façon plus question. Je n'aurai jamais la vocation de diriger une majorité » 65 Cette phrase est, à notre avis, révélatrice de l'éventualité de la succession à De Gaulle. Nous pensons que l'héritier des Orléans ne souhaitait pas diriger la France en devant tenir compte d'une majorité parlementaire. Le 20 janvier 1966, le comte rencontre le Général à l'Élysée. Ce dernier évoqua la candidature du prince. Il se demanda si les Français pourraient séparer sa candidature d'un vote contre la République. Ce à quoi, le prince répondit qu'il n'espérait pas une restauration monarchique. Le général évoqua la possibilité pour le prince d'être candidat à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Le prince récusa cette éventualité. Le Chef de l'État lui conseilla de voyager au Canada et en Afrique et de communiquer avec les Français. Henri d'Orléans comprit qu'il n'avait plus rien à attendre du Président. Cependant, en août 1966, il fit parvenir au Chef de l'État, un long Mémoire sur la situation de la France et des institutions. Ils en discutèrent en octobre de la même année. Le prince lui annonça qu'avant les prochaines élections, il préciserait publiquement sa position et rassemblerait ceux qui s'inquiétaient de la situation de la France. Le comte de Paris lui confia qu'il allait organiser des enquêtes et sondages pour déterminer les préoccupations des Français. Le coordinateur de cette étude allait être Maurice Schumann. Le Général marqua son accord sur le nom. 63 cf Le Figaro Magazine, 21avril 1979 et Royaliste, n309 64 de SAINT-ROBERT, op.-cit., pp 88-89 65 HENRI COMTE DE PARIS, op.-cit., p 304
  • 36. 33 La rupture de la communauté d'esprit entre les deux hommes se fit en janvier 1967 lors de la campagne électorale. René Rémond évoque l'affirmation selon laquelle, Charles de Gaulle, aurait restauré une monarchie à qui ne manquerait plus que le nom pour couronner le retour aux institutions traditionnelles. Il ne partage pas cette affirmation qui impliquerait la proximité politique entre le gaullisme et la pensée maurassienne. « On tire aussi argument, dit le professeur de Sciences Politiques, des égards que le Général de Gaulle témoigna à maintes reprises à la personne du comte de Paris, de l'hommage qu'il rendit à travers lui à la maison de France et de la conviction que le prétendant en retira que le président de la Ve République aurait songé au descendant des quarante rois qui firent la France comme successeur possible. Pour séduisantes qu'elles soient ces analogies ne touchent que la surface des choses. La personnalisation du pouvoir est moins significative que son origine: hors sous ce rapport, le Général de Gaulle a toujours professé que le suffrage universel était en notre siècle la seule source de légitimité et le peuple le souverain véritable. Cette seule acception de la démocratie sépare sans retour le chef de la France libre du maurrassisme » 66 Le débat sur les relations De Gaulle - comte de Paris n'est pas clos. Il mériterait peut-être une étude plus approfondie. Aujourd'hui, le comte de Paris préside la Fondation Saint- Louis qui s'occupe du patrimoine immobilier de la Maison de France. Il est aussi à la tête de la Fondation Condé qui possède à Chantilly une Maison de Retraite et de Santé. La brochure présentant la Fondation précise que « sur la démarche du Comte de Paris auprès de Monsieur Mitterrand, Président de la République, les anciens bâtiments datant de Louis Philippe ont été rénovés et transformés en logements sociaux ». L'attitude du comte de Paris à l'égard de la République, et vice-versa, est à mon avis résumée dans cette phrase. b. Son attitude à l'égard du Bicentenaire Le prince s'est voulu discret pendant ces célébrations. Il a souhaité être présent à certains événements de 1989. C'est ainsi qu'il participa à la célébration du Bicentenaire des Droits de l'homme. Il rappelle que ceux-ci ont été voulus par les États Généraux, puis votés par l'assemblée constituante et finalement signés par le Roi lui-même. Il assista à la reconstitution du cortège des États généraux qui s'est déroulée à Versailles, car, selon lui, il s'agissait d'un événement rassembleur, porteur d'espérance. Il assista le 16 septembre 1989 au spectacle retraçant la bataille de Valmy. Celle-ci marquait l'arrêt de l'invasion prussienne, mais elle a aussi une autre symbolique, le lendemain de cette victoire militaire, la Royauté était abolie. Il ne participa à aucune manifestation à la mémoire des 66 REMOND, R., Les droites en France, p 316, Paris, 1982
  • 37. 34 victimes de la Terreur (comme les Vendéens). Il n'a jamais participé à la messe pour Louis XVI, les 21 janvier, à la différence de son fils; le comte de Clermont.67 Par ailleurs, durant l'année du Bicentenaire, le journal Le Monde publia chaque mois dans ses numéros spéciaux intitulés: Le Monde de la Révolution Française une tribune intitulée « Le Roi et moi » et signée par le comte de Paris. Il y évoqua la figure de Louis XVI et rappela qu'avant de se proclamer républicaine, la Révolution s'est faite avec le roi contre le privilège. Voyons comment il analyse le phénomène révolutionnaire. Le comte de Paris se démarque des doctrinaires de la contre- révolution « qui considèrent les événements de 1789-1793 comme une sorte d'acte de décès de la nation réelle, je ne dénie pas au processus révolutionnaire son caractère authentiquement et terriblement français... Comme tout événement majeur, la Révolution française est une source inépuisable de questions, qui découragent les condamnations radicales et les célébrations sans réserve. Il faut se souvenir que Louis XVI avait engagé un vaste mouvement de réformes, que les événements de 1789 vinrent accélérer. Les cahiers de doléances ne sont pas antimonarchiques, mais réclament classiquement une rénovation de la fiscalité et de la justice...Ni la nuit du 4 août, ni la Déclaration des droits de l'homme n'annoncent la chute de la monarchie... Le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération renouvelle en effet le pacte entre le roi et le peuple. Le pouvoir royal conserve alors toute sa force symbolique et affective...Au pacte entre le roi et le peuple, on veut substituer un contrat que le peuple passerait avec lui-même, afin que la société soit fondée en lui et non plus sur une institution extérieure, afin que la société se représente et se gouverne elle-même dans un pouvoir qu'elle se serait enfin approprié. En bonne logique, Louis XVI ne pouvait plus régner ni exister. » 68 Le comte de Paris pense que la monarchie est morte à cause « d'un relâchement entre elle et le pays ». Il condamne l'écran formé par la Cour, l'inexistence de toute représentation nationale, la conception passéiste et figée de l'organisation politique et sociale. Cependant, il reconnaît au pouvoir royal, sa volonté de modernisation administrative et le fait qu'il ait été un facteur de développement. Certains verront dans cette analyse, les conceptions de Tocqueville. En 1856, dans son ouvrage L'ancien Régime et la Révolution, il montre que la Révolution n'a été qu'un aboutissement ultime de la politique monarchique d'abaissement de la noblesse, de centralisation administrative, de morcellement de la propriété. 69 67 Nous verrons plus loin les relations entre le comte de Paris et son fils aîné, le comte de Clermont. 68 COMTE DE PARIS, L'avenir dure longtemps, p 52, Paris, 1987 69 MOURRE, M., "Tocqueville", Dictionnaire d'Histoire Universelle, vol 2, pp 2143-2144, Edit. Universitaire, Paris et LAMBERTI, J.C., "Tocqueville", pp 175-183, Nouvelle Histoire des idées politiques, Hachette, 1987
  • 38. 35 Le comte de Paris ne veut pas refaire le procès de la Révolution. « L'événement a eu lieu, il a transformé pendant plus d'un siècle notre conception du pouvoir et notre représentation de la société. La tragédie de la Révolution, vécue dans la ruine de la justice et du droit, dans la destruction de tant de vies, tient au fait que malgré l'abolition de la monarchie, le socle social ne parvient pas à se constituer autrement : le peuple idéal demeure aussi introuvable que le pouvoir qui devait advenir. Les révolutionnaires évoluent dans un espace vide, qu'ils n'occupent qu'artificiellement. » 70 Le comte de Paris regrette que le processus révolutionnaire ait utilisé la Terreur et la guerre pour imposer son message. Ce faisant, le processus divise la France au lieu de l'unir. À l'occasion du Bicentenaire, il veut unir ce qu'il appelle « les deux France ». Ses présences à certaines cérémonies font partie de cette démarche. Il faut souligner qu'en 1987, la France avait célébré le Millénaire Capétien qualifié de « succès politique » par le prince. Jacques Chirac et la Mairie de Paris consacrèrent à cette célébration une plaquette. « Certes (déclare-t-il) la Royauté qui a donné la France aux Français n'est plus; mais confusément, l'idée du Royaume vit dans la République. Car dans son identité profonde la France est à la fois République et Royauté ». En avril 1987 à Amiens, on remarqua la présence de François Mitterrand aux côtés du comte de Paris lors d'une des cérémonies. Le prince pense le plus grand bien de l'actuel Président de la République: « Son sens de l'État, son respect de la loi démocratique ont fait de lui malgré sa fidélité à la vieille tradition républicaine un Chef d'État soucieux du bien commun »71 Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le comte de Paris qualifie de « cordiales » les relations qu'il a avec F. Mitterrand. » Avec De Gaulle, j'avais été plus loin dans l'analyse. J'avais vraiment infléchi la pensée de De Gaulle pendant les deux ou trois premières années où il était au Pouvoir surtout pendant la période de la guerre d'Algérie. Avec Mitterrand, j'ai infléchi (sa politique ou son attitude) dans certains cas où je lui ai permis de voir clair. (En matière de politique extérieure) il poursuit sûrement, même certainement, les principes de la Monarchie Française. Au moment où Chirac et d'Estaing étaient associés au Pouvoir, ils n'ont eu aucune grande politique étrangère. Mitterrand a eu le mérite d'être logique et cohérent dans sa position (dans un autre domaine) il a fait avancer l'Europe de manière prodigieuse, plus que tous les autres avant lui.72 70 COMTE DE PARIS, op.-cit.,pp 145 et 148-151 71 ibid 72 Extrait de l'entretien que l’auteur a eu avec feu le comte de Paris, le 13 mars 1990 à Chantilly dans son bureau de la Fondation Condé.