Les Quarantièmes Rugissants, dans les latitudes hautes, ont la même violence que mon histoire. Aujourd’hui ma vie est apaisée. Ce titre est une catharsis.
C’est un pacte de vérité envers moi-même et mon lecteur. J’ai écrit mon moi. Et je l’assume.
Charline Madenaz
1. Les Quarantièmes Rugissants, dans les latitudes hautes, ont la
même violence que mon histoire. Aujourd’hui ma vie est apaisée.
Ce titre est une catharsis.
C’est un pacte de vérité envers moi-même et mon lecteur.
J’ai écrit mon moi.
Et je l’assume.
Charline M.
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Samedi 1er mars
Serais-je arrivée dans la ville en remontant le fleuve pour y accoster comme les
navires autrefois, j'aurais aussi été déçue. Les quais aujourd'hui sont vides, propres
et déserts. Je suis arrivée à Nantes par un TGV si rapide qu'il permet à peine au
voyageur de longuement imaginer la cité qui l'attend.
Suzanne - qui depuis de nombreuses années a quitté Polyèdres pour revenir vivre là
où elle est née - m'avait laissé son appartement. Il est situé en plein centre, près de
la place Royale. Dans un bel immeuble louis-philippard. " L'appart est très class... ",
m'avait-elle assuré. Je ne connaissais pas la ville. J'y suis partie pour trois jours.
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J'aime préparer mes voyages en lisant les livres se rapportant aux lieux que je vais
découvrir. J'ai acheté " La Forme d'une Ville " de Julien Gracq. Je savais qu'il avait
été professeur d'histoire-géo à Claude Bernard, près de la place Stefanik, bien avant
que mes enfants ne fréquentent l'établissement. J'ai soigneusement noté ce qu'il
fallait voir... Le port, la brasserie La Cigale et le passage Pommeraye entre
autres. Allais-je y trouver la trace des surréalistes dont Gracq cite les
noms... Breton, Jacques Vaché? Il méconnaît Claude Cahun que Tim considérait
comme une photographe exceptionnelle dont l'histoire - douloureuse - éveillait en
lui certaines résonnances, parce que Juive elle aussi. J'ai également relu " La Fuite
en Egypte " de Michel Chaillou qui vient de mourir. Il y évoque sa ville et l'histoire
de l'une de ses grands-mères séduite par une espèce de bohémien-prestidigitateur,
à La Cigale justement. La Cigale, n'était-ce pas L'Eldorado de Lola ? J'ai adoré le film
de Jacques Demy. Anouk Aimé en guêpière noire et bas résille. Ses déhanchements
suggestifs, ses clins d'oeil canailles et cette voix un peu voilée qui confie son
identité aux marins en bordée venus l'applaudir.... " Cest moi... c'est moi Lola... ".
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L'appartement de Suzanne lui ressemble bien : bourgeois. J'y ai pris mes aises. Elle
était partie garder sa petite-fille à Los Angeles où son fils aîné s'est expatrié. Sous
mes fenêtres, le flot ininterrompu des passants foulait les dalles de la zone
piétonne. Un accordéoniste venu sans doute de l'Est enchaînait du matin au soir les
airs que ses congénères massacrent à Paris dans le métro. J'ai frisé le crise de nerfs.
Ayrault a réussi dans son entreprise. La ville est propre, restaurée, embellie.
Débarrassée de presque tous les bistrots qui la colonisaient parait-il autrefois. Ne
restent, là où flânent les touristes, que des bars branchés se qualifiant
prétentieusement de " lounges ". Les hôtels particuliers arrogants à frontons et
pilastres des armateurs ou négriers la font ressembler par endroits à un musée. Son
coeur n'est qu'un immense emporium colonisé par la mode, les fringues et les
boutiques à smartphones. Tout est ravalé, rénové. C'est très tendance. Le centre
commerçant de cette ville qui plait tant aux CSP+, comme disent les sociologues, est
désolant de conformisme boboïsant. Je dois être objective pourtant. J'y ai croisé
beaucoup de gens aux visages témoignant de leurs origines ultra-marines.
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Des femmes voilées, des abonnés aux minima sociaux. Tous arrivaient de la
périphérie par le tramway ou y retournaient. Sans doute, comme le dit Gracq, pour
retrouver " la désolation morne de la cité un peu morose... la ville hâve et
laborieuse ". qui l'enserre comme une ceinture de béton laid. Le premier soir, alors
que les boutiques fermaient, rendant la rue d'Orléans sous mes fenêtres à la
vacuité des nuits d'hiver, une faune spécifiquement nantaise de routards
accompagnés de leurs chiens a investi les lieux, déambulant entre la cathédrale
Saint Pierre et la place Royale où, sporadiquement, s'élevaient leurs gueulantes
avinées. J'ai éprouvé quelques difficultés à m'endormir.
Dès mon arrivée, après avoir posé mes bagages, j'ai filé vers le port. Il n'y était
plus. Je m'attendais comme l'écrit le petit prof de Claude Bernard, à " la forêt de
poutres métalliques dressées, aux cales retentissantes de la construction
navale... ". Pas de porte-conteneurs et de navires bananiers. Rien. Que le fleuve aux
eaux vertes filant vers l'Atlantique, en aval, sous un ciel invariablement gris. Seul un
navire de guerre désarmé, comme une âme en peine, quai de la Fosse semblait
monter la garde. En face, sur la pointe ouest de l'ïle Beaulieu que l'on appelle la
Prairie au Duc, une grue encore debout ressemblait à une vigie n'attendant plus
rien.