Mairies communes du Pays de Fouesnant --phpba qzou
Faits divers du Pays de Fouesnant - pnh0b
1. Le meunier de " Bénaudet "
N’apprécie pas le badinage
Le 31 juillet 1745, Me. Alain De Quernaflen De Quergos, Procureur du Roy de
L'Amirauté de Quimper; Me. René Rannou, Conseiller du Roy et Lieutenant particulier de la
dite Amirauté;
C. Lemensin, greffier, et Me. Vincent l'Haridon.. "ïnterprette juré de la langue bretonne en
françoise" descendaient au havre de Bénaudet aux fins d'audition des témoins d'une tragique
affaire: le meurtre du jeune Yves Mauguen, dit Le Bras, natif "du Pont labé", matelot à bord
de l'Alexandrine. Ce navire (ex-Malberouck, bateau de prise anglais) était au port en cours de
chargement.
Nous rapportons ci-après quelques-uns des témoignages les plus significatifs, en
respectant l'orthographe de l'époque mais non la ponctuation, à l'égard de laquelle les greffiers
semblent éprouver une singulière aversion.
Témoignage de Jacques DENIS, 35 ans, du Havre de Grâce, marinier de profession,
Maître d'équipage sur le navire "La Lexandrine", en l'absence de son capitaine:
” Interrogé sur les circonstances de la mort du
dit deffunt Yves Mauguen communément surnommé Le
Bras, répond en français…. Que hier matin le dit Le
Bras, après avoir travaillé et déjeuné, se plaignit
d’un mal de tête si violent qu’il dit qu’il en
mourrait. Ce qui arriva effectivement à l’instant,
car le témoin le trouva mort en retournant de la
frégatte de Lorient où il avait été prier le
chirurgien major de venir luy donner du secours. Ce
qu’il fit inutilement, l’ayant trouvé mort quand ils
arrivèrent ”…
Jacques DENIS ajoute qu’il a appris que ” Lundi dernier,
Le Bras avait été battu et mlaltraitté à terre par un
homme à luy inconnu, ce qui lui avait même aller à
terre dès ce lundi le solliciter de venir à bord,
lequel refusa et ne rerourna que le mardi après midi,
ayant la chemise, qui nous a été représentée, gattée
de sang en plusieurs endroits, surtout autour du col.
”
Claude Le : MINOR, 18 ans, de Sainte-Marine, paroisse de Combrit, gardien sur
l'Alexandrine: ”a ouï dire que le dit deffunt avait esté battu
lundy dernier par un nommé Yves, meunier du moulin à vent de
Bénaudet, ne sachant autrement le nom du dit Yves.”
Jacques RIOUAL, 16 ans marinier, originaire de la ville du Pont Labé: Son
témoignage n'apporte rien de plus que les précédents.
Le sieur Thomas FORTIN, 28 ans, chirurgien-major des Vaisseaux de la Compagnie
royale des Indes à Lorient, où il est domicilié, embarqué sur la frégate La Comtesse : Comme
nous l'avons vu, il n'a pu que constater le décès.
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2. Yves MAUGUEN, âge de 50 ans, de la ville de Pont labé, père de la victime :
”Interrogé sur la mort de son fils, répond par
l’interprette eu avis de cette mort il s’est rendu au
dit bâtiment où il a eu le chagrin de la voir réelle,
ayant peerdu dans ce fils le grand secours qu’il lui
procurait depuis plus de dix ans, quoiqu’il n’en eût
que dix neuf. Il n’a pu depuis avoir la force de
quitter le cadavre ni de rien demander à personne à
son sujet…”
Marie GOY AT, 38 ans, Soeur du Tiers-Ordre de Saint-François, dépose également
en breton. Les enquêteurs doivent d’ailleurs se rendre à son chevet, car elle est souffrante et
alitée. Jamais sa ruelle n’aura connu telle affluence! Le meunier et sa femme, ”dont
elle ne sait pas autrement les noms, estans
nouvellement venus”, étaient chez elle au moment des faits, pour y négocier
rachat de quelques meubles; le meunier avait même apporté du vin sans doute pour faciliter
la transaction. Son témoignage manque de précision, bien qu’elle ait été aux premières loges.
Marie BRODE, demeurant au faubourg de la ville de Concarneau, domestiqueaubergiste chez le sieur MARCHAND au bourg de Bénaudet, fournit une déposition très
circonstanciée :
”Répond en français qu’elle fut témoin de
quelques différents que les dits Mauguen et Yves,
meunier dont elle ne sait autrement le nom,eurent
ensemble à la fin du mois de juillet dernier sans
qu’elle puisse se rappeler autrement le jour ; que le
dit Mauguen estoit éprie de vin. Lequel différent
survint à l’occasion de ce qui se passa entre la
femme du dit meunier et Yves Mauguen, lesquels ayant
badiné quelques temps ensemble en dehors près de
l’auberge du nommé Blobdin, la femme tenant en main
quelques branches d’ortie dont elle lui donnait des
coups sur les jambes qu’il avait nues ; la femme
ayant appelé à son secours son mary qui estait chez
le nommé Goyat dont la maison est près de l’auberge,
le mary survint et le dit Mauguen et luy se prirent
aux cheveux. On les sépara, et ensuite le meunier se
retira en la maison de la dite Goyat, à la porte de
laquelle le dit Mauguen retourna quelque temps après,
tenant une billette en main, et n’ayant point voulu
retourner à bord du navire l’Alexandrine où il
travaillait et où le pillotte voulut le mener.
Cependant il jetta la billette qu’il avait, en disant
qu’il voulait s’expliquer avec le meunier ; un moment
avant, elle l’avait entendu dire qu’il le tuerai. Le
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3. meunier estant sorty de cette maison ayant une
billette en main dont il lui donna trois coups sur la
teste, du premier desquels il tomba parterre, et que
le dit que dit meunier voyant que que le dit Mauguen
ne se relevait point, il se retira avec sa femme,
laquelle comme luy revenait chez la dite Goyat.
Mauguen fut transporté à l’auberge du dit Blondin, il
y resta le reste du jour et le lendemain jusqu’à
midy. En y arrivant il dit qu’il se mourrait, mais le
lendemain il dit que ce n’était rien, quoyque la
veille il lui eût sorti du sang par l’oreille à
l’opposite du cotté où il avait reçu les coups et où
il ne paraissait aucune blessure. Tout ceci se passa
un jour de lundy, et le vendredy elle entendit dire
qu’il était mort subirtement. (Pendant cette
intervalle le dit
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4. Mauguen a esté coucher une nuit chez Blondin,) et
elle l’a vu deux fois à Bénaudet, et il ne paraissait
point incommodé… Et que l’endroit où le dit Mauguen
reçut les coups de billette d’avec le dit meunier est
couvert d’eau dans les grandes marées qui vont mesme
jusques au seuil de la porte de la dite Goyat.”
N.B. La partie du texte entre crochets est encadrée d'un trait dans le manuscrit.
Guillaume HÉ.NAFF, dit "Blondin", âgé de trente ans, haubergiste à Bénaudet : Sa déposition
recoupe exactement la précédente, et se termine comme elle par cette phrase qui paraît tout à
fuit incongrue, mais qui répond certainement à une préoccupation des enquêteurs:
”Ajoute que les hautes marées couvrent tout le
terrain vis-à-vis de la maison de Marie Goyat chez
laquelle estoit le meunier, et mesme beaucoup plus
loin ”
Peut-être s'agissait-il d'établir, sans contestation possible, que l'algarade s'était
produite sur le domaine maritime, son instruction relevait bien du ressort de l'Amirauté.
L'autopsie du corps, de l'infortuné MAUGUEN fut effectuée ce même jour par les
Maîtres -chirurgiens jurés Louis-François JOUAN, de Quimper, et Hervé MAUBRAS, du
Pont labé, lesquels ”ont
déclaré après
l’examen du dit
cadavre qu’ils
y trouvaient
cause de mort
par les
contusions et
fractures dans
le crâne” ;
Après quoi, le permis
d'inhumer fut délivré.
”à l’intention
du premier
recteur ou
prestre
requis”.
Quant à savoir qui étaient
ce meunier et sa femme, et
ce qu'il est advenu d'eux
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