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r,fI!?æ
Bangkokby
Nuit, clubs, sexe et
argient: dans la copitale
thailcndaise, les pros-
titués mcsculins, cussi
appelés (money boys>,
subissent une réalité
aussi dure que leur
jeunesse est éphémère.
Reportage.
Prl l' Fra i'icJe S i*:ri:i,. i
Bangkok, surnommée la cité des
anges/ reste Ia ville la plus gay
d'Asie. Son principal quartier chaud
nocturne, baptisé Silom, s'orga-
nise autour de deux longues rues
adjacentes, toujours bruyantes et
bondées dans cette mégapole au
trafic automobile saturé. Les tou-
ristes déambulent, dans la chaleur
tropicale, Ie long de ces rues où se
trouve une ribambelle de petites
étales extérieures vendant des pro-
duits locaux et des articles textiles
bon marché. lls font face à pléthore
de salons de massage et de bars
qui côtoient des tailleurs abordant
les passants dans la rue pour leur
proposer des costumes en cash-
mere sur mesure, prêts en quelques
heures. Le long de cette rue se trou-
vent des impasses, appelées <soiu,
ou sont situés les bars et établisse-
ments spécialisés. Concernant le
6 Noven'rbre 09 - 360"
night
milieu homo, il y en a 3 principales.
L'une d'entre elles est remplie de
bars gays, assez classiques, ou noc-
tambules et touristes se retrouvent
avant d'aller s'encanailler dans la
n u it de Ban gkok. L'autre < soi > ho mo
est composé de clubs. L'entrée de
la rue est équipée d'un portique ou
des gardes contrôlent l'identité des
asiatiques pour en interdire l'accès
au mineur. Le plus branché de ces
clubs s'appelle DJ Station. Particu-
lièrement bondé le week-end, du
fait que la sécurité ne limite pas le
nombre de clients, il
est presque impos-
sible d'y bouger. llest
par ailleurs conseillé
de vérifier les sorties
de secours en y en-
trant. On peut trou-
ver également au-
tour de ces endroits
des salons devant
l'entrée desquels at-
tendent de jeunes
hommes qui propo-
sent des massages à l'huile pour 5oo
baths (rS CHF), avec 5oo baths sup-
plémentaires pour Ies finitions spé'
ciales....
5hows en tous genres
Néanmoins, le <soi> le plus célèbre
de la vie gay de Bangkok s'appelle
Dangthawee, concentrant les gogo
bars qui on fait la réputation sul-
fureuse de la ville, véritable super-
marché du sexe. Une vingtaine de
gogo bars - des bordels - qui fonc-
tionnent tous de la même manière,
se suivent le long de cette rue. Des
rabatteurs, jamais agressifs, pro-
posent d'entrer pour jeter un coup
d'æil aux garçons qui s'y exhibent.
Ensuite, une fois les clients instal-
lés dans des canapés autour d'une
scène centrale, le show démarre
toujours par le défi1é d'une cinquan-
taines de jeunes thaï, à peine ma-
jeurs, qui paradent en maillot de
bain sur lequel est
inscrit un numéro.
Ces garcons ne sont
pas payés par l'éta-
blissement, ils at-
tendent simplement
qu'un client les ap-
pelle pour leur offrir
un verre. Le jeune
garçon espère que
le client finira la nuit
avec iui et, ainsi, faire
son business.
Ensuite démarre le véritable show
ou s'enchainent des numéros
sexuels effectués par des thaï par-
ticulièrement bien montés et des
transsexuels qui chantent ou exé-
cutent des sketches comiques. Les
modèles passent, en même temps,
de table en table, avec leur sexe
en érection en avant, exhibé tel un
trophée, pour le faire toucher aux
clients dans l'espoir de pouvoir ré-
cupérer un pourboire de roo bath (3
CHF). Le show se finit toujours par
une scène de sodomie réalisée dans
des positions improbables et par-
ticulièrement sportives. Le couple
tourne ensuite dans la salle, tout
en continuant à copuler, pour re-
cueillir des pourboires. En dehors de
quelques couples, souvent hétéros
et asiatiques, l'essentiel de la clien-
tèle est composé d'occidentaux be-
donnants d'âge mûr, venus seuls ou
en groupe toucher quelques jeunes
éphèbes asiatiques.
Une forme de proxéné-
tisme
Ary travaille dans l'un de ces bars
où il défile simplement en maillot
de bain, espérant trouver un client
pour la soirée. Comme l'ensemble
des prostitués qui travaillent dans
les gogo bars de Bangkok, Ary est
indépendant et peut fixer ses tarifs
comme il le souhaite. ll n'a pas a re-
verser d'argent à un souteneur. Cela
étant, les patrons de ces bordels
exercent une autTe forme de proxé-
nétisme. D'abord, parce que tous les
garçons y travaillent et s'y exhibent
gratuitement, exceptés ceux qui
y exécutent des numéros sexuels
sur scène. Le deal passé entre le
bar et les money boys qui restent
torse nu toute la soirée consiste à
faire consommer ' 't'lrt'::r .b 3.1
Novembre 09 - 360" 7
,:.è.-,F
Ies clients qui les choisissent en
se faisant offrir des verres, dont le
prix est fixé à z5o baths (z,so CHF),
quelque soit le bar ou la boisson.
Sur ce montant, le bar reverse 50
baths (r,50 CHF) par consommation
au garçon sur Ies verres qu'il se fait
off rir et sur les consommations sup-
plémentaires qu'il réussit à faire
prendre au client.
Enfance misérable
Dans les autres boys bars, oùr il n'y
a pas de show, et où les consom-
mation sont moins chères, les mo-
ney boys doivent souvent reverseT
3oo baths (10 CHt) au patron du bar
quand ils partent avec un homme,
quelque soit le tarif qu'ils deman-
dent ensuite à leur client.
Dans les saiôns de massage, il y gé-
néralement un montant fixe pour
le massage en lui même que le pa-
tron conserve, auquel s'ajoute un
pourboire minimum, généralement
de l'ordre de 5oo baths (15 CHF) qui
revient au jeune masseur en rému-
nération des ses services sexuels.
Les prostitués sont libres de chan-
ger ou de quitter l'établissement
dans lequel ils travaillent quand ils
le souhaitent. Ce n'est pas un pro-
blème pour les patrons des bars
et salons de massage: du fait de la
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ment et rapidement remplacer les
garçons qui partent, les candidats
étant légion.
L'histoire d'Ary, bien que particu-
lière comme toutes les vies, est re-
présentative et symptomatique de
celle des money boys thailandais.
I Novembre 09 - 360"
,u.$'s e 3.r $É's -{i*ê'è"€SYnê
ffiî$:$*-s:*: .."s.::T
::-,: *i- "
rendTe au poste de
police et demander
qu'on le place dans
un orphelinat. ll est accepté dans
un établissement géré par une
fondation américaine, à Bangkok,
qui vient en aide aux enfants de la
rue. ll a alors pu retouTner a l'école,
ll a zo ans et vient de la province
pauvre de Nakon Panom, situé au
nord est du pays. ll n'a jamais réelle-
ment connu sa mère, qui l'a donné
a une autre famille quand il avait
2 ans, parce qu'elle ne pouvait pas
le nourrir. Cette famille d'accueil,
qu'il considère comme sa vraie fa-
mille, l'a élevé jusqu'à ce qu'il ait 9
ans. Son père est ensuite revenu le
chercher. ll a ainsi vécu quelques
années dans Ia rue avec son géni-
teur. Alors qu'il avait LL ans, son
père l'a vendu à un homme qui s'est
proposé de s'occuper de lui en le
nourrissant et le logeant. Après
quelques jours, cet homme a abusé
de lui. Ary s'est alors sauvé pour se
LE QUART|ER DES BARS À BANGKoK
comprenant que c'était la seule so-
lution qu'il avait pour se sortir de
cette vie misérable.
Prostitué dès r4 ans
ll nous raconte comment il a com-
mencé à vendre son corps. <rJ'avais
14 ans et je faisait mes devoirs avec
un autre collégien dans un bar. Un
homme est venu me voir et m'a de-
mandé de l'accompagner aux toi-
lettes. Il a sorti son sexe et m'a de-
mandé de le sucer. J'étais excité
Fàrce que je n'avais jamais eu d'ex-
Êérience sexuelle avant. Après être
cassé à l'acte il m'a donné 5oo baths
t:5 CHF). Ca m'a fait comprendre que
je pouvais gagner de l'argent assez
facilement> En Thaïlande, il est as-
sez f réquent que les hommes mariés
aient des relations homos avec de
jeunes garçons, sans pour autant se
considérer comme gay. La pauvreté
et le nombre élevé de prostitués fa-
cilitent cette démarche.
Ary a découvert son homosexualité
à la pré-adolescence, mais sans pou-
voir mettre un nom dessus. Dans la
campagne d'où il vient, être gay n'a
pas de sens, la sexualité se résume
a être hétérosexuel ou <lady boy>.
ll s'agit de transsexuels, très nom-
breux, à tel point que la Thaïlande
est devenue le principal pays au
monde à proposer des opérations de
changement de sexe.
Ary nous explique: < Je n'avais pas
conscience d'être gay, je pensais
pl u s q ue je devais recou ri r à u ne opé-
ration pour devenir un lady boy, cela
me paraissait être le seule solution.
A l'école, les autres élèves se mo-
quaient de mes manières féminines.
Ce n'est qu'en arrivant à Bangkok,
quand j'ai découvert le milieu gay et
les autres money boys, que j'ai com-
pris que j'étais homo.>
Depuis ses 14 ans, Ary n'a jamais
cessé de se prostituer. Ces princi-
paux clients, comme les autres mo-
ney boys, sont des occidentaux gé-
néralement âgés de plus de 5o ans
qui viennent chercher en Thaïlande
du sexe à bon marché avec de jeunes
asiatiques. Ary préfère d'allleurs tra- ,+:l"5.è,è
i
"!

MA-w
_
r-*_ -s
vailler avec des étrangers qu'avec
des thaïlandais. (Les clients occi-
dentaux sont généralement plus
gentils parce que, si on refuse de
faire quelque chose, ils n'insis-
tent pas. Contrairement aux thai,
qui, lorsqu'ils paient, sont plus exi-
geants)). ll a ses propres règles. (Je
n'embrasse jamais un client, refuse
les rapports non protégés et toutes
les pratiques extrêmes comme le
SM. Egalement, et je ne suis que pas-
sif. > Ses tarif s, com me Ia plu part d es
prostitués, varient généralement
entre 1 ooo (30 CHF) et z ooo baths
(60 CHF) mais cela peut aller jusqu'à
5 ooo Bath (150 CHF) pour un touriste
étranger qui débarque et ne connait
pas les prix. Dans les bons mois, il
rencontre une vingtaine de client
en moyenne. Mais comme tous ses
congénères, Ary subit la crise de-
puis 3 ans et le déclin du tourisme
qu'elle a entraîné. <Avant la crise
politique, on pouvait se faire jusqu'a
50 ooo baths (1500 CHF) par mois
avec les étrangers. Maintenant si on
arrive à r5 ooo baths (+50 CHF), c'est
déjà bienr
ll va à l'université pour y suivre
des cours de management hôte-
lier et compte arrêter de vendre
ses charmes lorsqu'il aura fini ses
10 Novembre 09 - 360'
études. <C'est vral que j'en
ai marre de cette activité,
mais pour l'instant, je n'ai
pas d'autre choix pour sur
vivre et payer les cours).
Son rêve serait de pouvoir
aller travailler à l'étranger et
d'y recommencer une nou-
velle vie. Très symptoma-
tique de l'esprit religieux omnipré-
sent et très prégnant en Thaïlande,
Iorsqu'on interroge Ary sur la pire
expérience de sa vie, maigré Ies
difficiles épreuves qu'il a traver-
sées, il répond: <La pire chose que
j'ai vécue, c'est d'avoir dû voler de
la nourriture donnée en offrande
au Bouddha lorsque je vivais avec
mon père. Après cel4 rien ne peut
être plus grave> (Les thaïlandais ont
I'habitude de déposer de la nourri-
ture sur des autels bouddhistes ex-
térieurs présents un peu partout à
travers laville.)
Ary cohabite avec trois autres
prostitués dans un petit appar
tement spartiate et dépouillé de
20 m2, Ioué 1 ooo baths (3o CHF),
par mois, situé dans les faubourgs
de la ville. Maew, colocataire d'Ary,
travaille dans un salon de mas-
sage. Egalement originaire d'une
province pauvre du Nord du pays
où il ne mangeait pas à sa faim,
Maew est arrivé dans la capitale
à l'âge de 15 ans, sur les conseils
d'un amid'enfance, également mo-
ney boy.
Quand ils souhaitent sortir et avoir
des relations sexuelles amoureuses
et non tarifées, les quatre amis se
rendent dans le quartier gay de
Ramkhanhaeng. Loin des rues fré-
quentées par les étrangers et tou-
ristes, les boites gays y ont une
clientèle à 990/o locale, composée en
partie d'étudiants et de jeunes tra-
vailleurs. ll serait insultant et mal-
-_F -..àS jSgF# e;"&u.Xe
,"çtrsi-s'3
gu+"-g€is,
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s€fcspe d*sss$s
sS flts-&*- -*"f.* *_f,, " c"d."c{.sd {È€*1
S*esS.s"Fs* *
venu de proposer de l'argent à l'un
des clients de ces établissements.
Cette scène gay leur permet de re-
devenir, le temps d'une soirée, de
jeunes homos normaux.
Moins de solidarité
Maew, qui exerce depuls 7 ans, in-
siste également sur les dégâts qu'a
fait la crise du tourisme sur les rela-
tions quasi fraternelles qu'entrete-
naient entre eux les travailleurs du
sexe. ll explique: <Avant, il y avait
une vraie solidarité entre nous. Si
un client n'était pas intéressé, on
l'envoyaitvers un de nos amis. Main-
tenant c'est fini. lly avait également
une sorte de code de l'honneur. Par
exemple, le prix minimum demandé
ne devait jamais être inf érieur à 5oo
baths (r5 CHF), c'était une règle.
Mais les affaires sont devenues si
difficiles que certains ne respectent
plus cet engagement.>
lL; aussi n'a qu'un souhait, celui de
p,ruvoir retrouver une activité nor-
-ale. ll économise pour pouvoir re-
tourner dans sa province natale et y
;uvrir un petit commerce. Mais il a
:onscience que ce sera long et diffi-
cile et q u e l'âge I i m ite est vite attei nt
dans la prostitution. Maew, âgé de
22 ans, sait qu'il ne lui reste avec de
la chance que 5 années pour conti-
nuer ce business. La plupart des mo-
ney boys doivent abandonner cette
activité quand ils atteignent 25,
voire 3o ans. Les touristes préfèrent
souvent les jeunes garçons âgés d'a
peine plus de 18 ans.
ll préfère ne pas penser à ce qui se
passera plus tard, car sans diplôme,
il aura du mal a trouver un job inté-
ressant. ll y a une alternative à la-
quelle il pense parfois, comme beau-
coup des travailleurs du sexe, celle
de trouver un étranger qui l'aime et
souhaite se mettre en couple avec
lui. Si on luidemande si c'est l'amour
qu'il cherche, il a l'honnêteté de ré-
pondre non. (Trouver un occiden-
tal avec qui vivre serait avant tout
parce qu'il m'apporterait la sécu-
rité financière dont j'ai besoin. Si, en
plus, je l'aime bien, ce sera un plus,
mais pas le plus important>
Malgré le sourire toujours arboré
par ces dizaines de milliers de jeunes
qui vendent leurs charmes et l'am-
biance festive qui règne en continu
à Bangkok, c'est presque toujours le
drame de la pauvreté q.ui amène ces
garçons à se vendre aux occidentaux
en quête de chair fraîche et d'exo-
tisme sexuel.

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  • 1. r,fI!?æ Bangkokby Nuit, clubs, sexe et argient: dans la copitale thailcndaise, les pros- titués mcsculins, cussi appelés (money boys>, subissent une réalité aussi dure que leur jeunesse est éphémère. Reportage. Prl l' Fra i'icJe S i*:ri:i,. i Bangkok, surnommée la cité des anges/ reste Ia ville la plus gay d'Asie. Son principal quartier chaud nocturne, baptisé Silom, s'orga- nise autour de deux longues rues adjacentes, toujours bruyantes et bondées dans cette mégapole au trafic automobile saturé. Les tou- ristes déambulent, dans la chaleur tropicale, Ie long de ces rues où se trouve une ribambelle de petites étales extérieures vendant des pro- duits locaux et des articles textiles bon marché. lls font face à pléthore de salons de massage et de bars qui côtoient des tailleurs abordant les passants dans la rue pour leur proposer des costumes en cash- mere sur mesure, prêts en quelques heures. Le long de cette rue se trou- vent des impasses, appelées <soiu, ou sont situés les bars et établisse- ments spécialisés. Concernant le 6 Noven'rbre 09 - 360"
  • 2. night milieu homo, il y en a 3 principales. L'une d'entre elles est remplie de bars gays, assez classiques, ou noc- tambules et touristes se retrouvent avant d'aller s'encanailler dans la n u it de Ban gkok. L'autre < soi > ho mo est composé de clubs. L'entrée de la rue est équipée d'un portique ou des gardes contrôlent l'identité des asiatiques pour en interdire l'accès au mineur. Le plus branché de ces clubs s'appelle DJ Station. Particu- lièrement bondé le week-end, du fait que la sécurité ne limite pas le nombre de clients, il est presque impos- sible d'y bouger. llest par ailleurs conseillé de vérifier les sorties de secours en y en- trant. On peut trou- ver également au- tour de ces endroits des salons devant l'entrée desquels at- tendent de jeunes hommes qui propo- sent des massages à l'huile pour 5oo baths (rS CHF), avec 5oo baths sup- plémentaires pour Ies finitions spé' ciales.... 5hows en tous genres Néanmoins, le <soi> le plus célèbre de la vie gay de Bangkok s'appelle Dangthawee, concentrant les gogo bars qui on fait la réputation sul- fureuse de la ville, véritable super- marché du sexe. Une vingtaine de gogo bars - des bordels - qui fonc- tionnent tous de la même manière, se suivent le long de cette rue. Des rabatteurs, jamais agressifs, pro- posent d'entrer pour jeter un coup d'æil aux garçons qui s'y exhibent. Ensuite, une fois les clients instal- lés dans des canapés autour d'une scène centrale, le show démarre toujours par le défi1é d'une cinquan- taines de jeunes thaï, à peine ma- jeurs, qui paradent en maillot de bain sur lequel est inscrit un numéro. Ces garcons ne sont pas payés par l'éta- blissement, ils at- tendent simplement qu'un client les ap- pelle pour leur offrir un verre. Le jeune garçon espère que le client finira la nuit avec iui et, ainsi, faire son business. Ensuite démarre le véritable show ou s'enchainent des numéros sexuels effectués par des thaï par- ticulièrement bien montés et des transsexuels qui chantent ou exé- cutent des sketches comiques. Les modèles passent, en même temps, de table en table, avec leur sexe en érection en avant, exhibé tel un trophée, pour le faire toucher aux clients dans l'espoir de pouvoir ré- cupérer un pourboire de roo bath (3 CHF). Le show se finit toujours par une scène de sodomie réalisée dans des positions improbables et par- ticulièrement sportives. Le couple tourne ensuite dans la salle, tout en continuant à copuler, pour re- cueillir des pourboires. En dehors de quelques couples, souvent hétéros et asiatiques, l'essentiel de la clien- tèle est composé d'occidentaux be- donnants d'âge mûr, venus seuls ou en groupe toucher quelques jeunes éphèbes asiatiques. Une forme de proxéné- tisme Ary travaille dans l'un de ces bars où il défile simplement en maillot de bain, espérant trouver un client pour la soirée. Comme l'ensemble des prostitués qui travaillent dans les gogo bars de Bangkok, Ary est indépendant et peut fixer ses tarifs comme il le souhaite. ll n'a pas a re- verser d'argent à un souteneur. Cela étant, les patrons de ces bordels exercent une autTe forme de proxé- nétisme. D'abord, parce que tous les garçons y travaillent et s'y exhibent gratuitement, exceptés ceux qui y exécutent des numéros sexuels sur scène. Le deal passé entre le bar et les money boys qui restent torse nu toute la soirée consiste à faire consommer ' 't'lrt'::r .b 3.1 Novembre 09 - 360" 7
  • 3. ,:.è.-,F Ies clients qui les choisissent en se faisant offrir des verres, dont le prix est fixé à z5o baths (z,so CHF), quelque soit le bar ou la boisson. Sur ce montant, le bar reverse 50 baths (r,50 CHF) par consommation au garçon sur Ies verres qu'il se fait off rir et sur les consommations sup- plémentaires qu'il réussit à faire prendre au client. Enfance misérable Dans les autres boys bars, oùr il n'y a pas de show, et où les consom- mation sont moins chères, les mo- ney boys doivent souvent reverseT 3oo baths (10 CHt) au patron du bar quand ils partent avec un homme, quelque soit le tarif qu'ils deman- dent ensuite à leur client. Dans les saiôns de massage, il y gé- néralement un montant fixe pour le massage en lui même que le pa- tron conserve, auquel s'ajoute un pourboire minimum, généralement de l'ordre de 5oo baths (15 CHF) qui revient au jeune masseur en rému- nération des ses services sexuels. Les prostitués sont libres de chan- ger ou de quitter l'établissement dans lequel ils travaillent quand ils le souhaitent. Ce n'est pas un pro- blème pour les patrons des bars et salons de massage: du fait de la pauvreté du pays, ils peuvent facile- ment et rapidement remplacer les garçons qui partent, les candidats étant légion. L'histoire d'Ary, bien que particu- lière comme toutes les vies, est re- présentative et symptomatique de celle des money boys thailandais. I Novembre 09 - 360" ,u.$'s e 3.r $É's -{i*ê'è"€SYnê ffiî$:$*-s:*: .."s.::T ::-,: *i- " rendTe au poste de police et demander qu'on le place dans un orphelinat. ll est accepté dans un établissement géré par une fondation américaine, à Bangkok, qui vient en aide aux enfants de la rue. ll a alors pu retouTner a l'école, ll a zo ans et vient de la province pauvre de Nakon Panom, situé au nord est du pays. ll n'a jamais réelle- ment connu sa mère, qui l'a donné a une autre famille quand il avait 2 ans, parce qu'elle ne pouvait pas le nourrir. Cette famille d'accueil, qu'il considère comme sa vraie fa- mille, l'a élevé jusqu'à ce qu'il ait 9 ans. Son père est ensuite revenu le chercher. ll a ainsi vécu quelques années dans Ia rue avec son géni- teur. Alors qu'il avait LL ans, son père l'a vendu à un homme qui s'est proposé de s'occuper de lui en le nourrissant et le logeant. Après quelques jours, cet homme a abusé de lui. Ary s'est alors sauvé pour se LE QUART|ER DES BARS À BANGKoK comprenant que c'était la seule so- lution qu'il avait pour se sortir de cette vie misérable. Prostitué dès r4 ans ll nous raconte comment il a com- mencé à vendre son corps. <rJ'avais 14 ans et je faisait mes devoirs avec un autre collégien dans un bar. Un homme est venu me voir et m'a de- mandé de l'accompagner aux toi- lettes. Il a sorti son sexe et m'a de- mandé de le sucer. J'étais excité
  • 4. Fàrce que je n'avais jamais eu d'ex- Êérience sexuelle avant. Après être cassé à l'acte il m'a donné 5oo baths t:5 CHF). Ca m'a fait comprendre que je pouvais gagner de l'argent assez facilement> En Thaïlande, il est as- sez f réquent que les hommes mariés aient des relations homos avec de jeunes garçons, sans pour autant se considérer comme gay. La pauvreté et le nombre élevé de prostitués fa- cilitent cette démarche. Ary a découvert son homosexualité à la pré-adolescence, mais sans pou- voir mettre un nom dessus. Dans la campagne d'où il vient, être gay n'a pas de sens, la sexualité se résume a être hétérosexuel ou <lady boy>. ll s'agit de transsexuels, très nom- breux, à tel point que la Thaïlande est devenue le principal pays au monde à proposer des opérations de changement de sexe. Ary nous explique: < Je n'avais pas conscience d'être gay, je pensais pl u s q ue je devais recou ri r à u ne opé- ration pour devenir un lady boy, cela me paraissait être le seule solution. A l'école, les autres élèves se mo- quaient de mes manières féminines. Ce n'est qu'en arrivant à Bangkok, quand j'ai découvert le milieu gay et les autres money boys, que j'ai com- pris que j'étais homo.> Depuis ses 14 ans, Ary n'a jamais cessé de se prostituer. Ces princi- paux clients, comme les autres mo- ney boys, sont des occidentaux gé- néralement âgés de plus de 5o ans qui viennent chercher en Thaïlande du sexe à bon marché avec de jeunes asiatiques. Ary préfère d'allleurs tra- ,+:l"5.è,è
  • 5. i "! MA-w _ r-*_ -s vailler avec des étrangers qu'avec des thaïlandais. (Les clients occi- dentaux sont généralement plus gentils parce que, si on refuse de faire quelque chose, ils n'insis- tent pas. Contrairement aux thai, qui, lorsqu'ils paient, sont plus exi- geants)). ll a ses propres règles. (Je n'embrasse jamais un client, refuse les rapports non protégés et toutes les pratiques extrêmes comme le SM. Egalement, et je ne suis que pas- sif. > Ses tarif s, com me Ia plu part d es prostitués, varient généralement entre 1 ooo (30 CHF) et z ooo baths (60 CHF) mais cela peut aller jusqu'à 5 ooo Bath (150 CHF) pour un touriste étranger qui débarque et ne connait pas les prix. Dans les bons mois, il rencontre une vingtaine de client en moyenne. Mais comme tous ses congénères, Ary subit la crise de- puis 3 ans et le déclin du tourisme qu'elle a entraîné. <Avant la crise politique, on pouvait se faire jusqu'a 50 ooo baths (1500 CHF) par mois avec les étrangers. Maintenant si on arrive à r5 ooo baths (+50 CHF), c'est déjà bienr ll va à l'université pour y suivre des cours de management hôte- lier et compte arrêter de vendre ses charmes lorsqu'il aura fini ses 10 Novembre 09 - 360' études. <C'est vral que j'en ai marre de cette activité, mais pour l'instant, je n'ai pas d'autre choix pour sur vivre et payer les cours). Son rêve serait de pouvoir aller travailler à l'étranger et d'y recommencer une nou- velle vie. Très symptoma- tique de l'esprit religieux omnipré- sent et très prégnant en Thaïlande, Iorsqu'on interroge Ary sur la pire expérience de sa vie, maigré Ies difficiles épreuves qu'il a traver- sées, il répond: <La pire chose que j'ai vécue, c'est d'avoir dû voler de la nourriture donnée en offrande au Bouddha lorsque je vivais avec mon père. Après cel4 rien ne peut être plus grave> (Les thaïlandais ont I'habitude de déposer de la nourri- ture sur des autels bouddhistes ex- térieurs présents un peu partout à travers laville.) Ary cohabite avec trois autres prostitués dans un petit appar tement spartiate et dépouillé de 20 m2, Ioué 1 ooo baths (3o CHF), par mois, situé dans les faubourgs de la ville. Maew, colocataire d'Ary, travaille dans un salon de mas- sage. Egalement originaire d'une province pauvre du Nord du pays où il ne mangeait pas à sa faim, Maew est arrivé dans la capitale à l'âge de 15 ans, sur les conseils d'un amid'enfance, également mo- ney boy. Quand ils souhaitent sortir et avoir des relations sexuelles amoureuses et non tarifées, les quatre amis se rendent dans le quartier gay de Ramkhanhaeng. Loin des rues fré- quentées par les étrangers et tou- ristes, les boites gays y ont une clientèle à 990/o locale, composée en partie d'étudiants et de jeunes tra- vailleurs. ll serait insultant et mal- -_F -..àS jSgF# e;"&u.Xe ,"çtrsi-s'3 gu+"-g€is, {. -S-sf #'#e.*g,,* {de} ir$é$fl #+- Jç FJf,..l.d:F1 s€fcspe d*sss$s sS flts-&*- -*"f.* *_f,, " c"d."c{.sd {È€*1 S*esS.s"Fs* * venu de proposer de l'argent à l'un des clients de ces établissements. Cette scène gay leur permet de re- devenir, le temps d'une soirée, de jeunes homos normaux. Moins de solidarité Maew, qui exerce depuls 7 ans, in- siste également sur les dégâts qu'a fait la crise du tourisme sur les rela- tions quasi fraternelles qu'entrete- naient entre eux les travailleurs du sexe. ll explique: <Avant, il y avait une vraie solidarité entre nous. Si un client n'était pas intéressé, on l'envoyaitvers un de nos amis. Main- tenant c'est fini. lly avait également une sorte de code de l'honneur. Par exemple, le prix minimum demandé ne devait jamais être inf érieur à 5oo baths (r5 CHF), c'était une règle. Mais les affaires sont devenues si difficiles que certains ne respectent plus cet engagement.>
  • 6. lL; aussi n'a qu'un souhait, celui de p,ruvoir retrouver une activité nor- -ale. ll économise pour pouvoir re- tourner dans sa province natale et y ;uvrir un petit commerce. Mais il a :onscience que ce sera long et diffi- cile et q u e l'âge I i m ite est vite attei nt dans la prostitution. Maew, âgé de 22 ans, sait qu'il ne lui reste avec de la chance que 5 années pour conti- nuer ce business. La plupart des mo- ney boys doivent abandonner cette activité quand ils atteignent 25, voire 3o ans. Les touristes préfèrent souvent les jeunes garçons âgés d'a peine plus de 18 ans. ll préfère ne pas penser à ce qui se passera plus tard, car sans diplôme, il aura du mal a trouver un job inté- ressant. ll y a une alternative à la- quelle il pense parfois, comme beau- coup des travailleurs du sexe, celle de trouver un étranger qui l'aime et souhaite se mettre en couple avec lui. Si on luidemande si c'est l'amour qu'il cherche, il a l'honnêteté de ré- pondre non. (Trouver un occiden- tal avec qui vivre serait avant tout parce qu'il m'apporterait la sécu- rité financière dont j'ai besoin. Si, en plus, je l'aime bien, ce sera un plus, mais pas le plus important> Malgré le sourire toujours arboré par ces dizaines de milliers de jeunes qui vendent leurs charmes et l'am- biance festive qui règne en continu à Bangkok, c'est presque toujours le drame de la pauvreté q.ui amène ces garçons à se vendre aux occidentaux en quête de chair fraîche et d'exo- tisme sexuel.