Expo science physique : ondes sonores et ondes électromagnétiques.docx
http://www.slideshare.net/tiduayeye/qed?related=1
1. Pascale Cohen
Travail Personnel: Philosophie des sciences
Les conséquences métaphysique
d'une vision réductionniste ontologique
adoptée en mécanique quantique
Introduction
Lors de tout raisonnement scientifique, la question de
l'échelle considérée est de la plus grande importance. En effet,
que nous parlions d'éléments aux proportions immenses (les
planètes et autres astres) ou de choses incommensurablement
petites (atomes, particules, gènes, micro-organismes, cordes…),
on ne peut faire autrement que se réduire à l'échelle
appropriée.
Le domaine de la physique quantique en est l'illustration
parfaite. malgré le fait que la mécanique classique fonctionne
pour les objets et phénomènes "habituels" (projection d'un
pierre, l'orbite de la lune, la vitesse d'une voiture), lorsque
l'on se penche sur les interactions des éléments fondamentaux
qui constituent notre environnement, toute les lois de la
physique semble perdre leur sens. Domaine encore en pleine
évolution, la mécanique quantique nous as permis d'élaborer la
plupart des objets que nous utilisons quotidiennement – de la
création du tramway jusqu'au fonctionnement de l'ordinateur sur
lequel je rédige ces mêmes lignes. Malgré le fait que plusieurs
aspects de cette branche de la physique demeure un mystère - tel
l'intrication quantique - il est clair que ce domaine pose un
ensemble de questions à propos de notre existence et du futur de
la science.
Toute matière peu être réduite à une poignée d'éléments
interagissant entre elles sous l'influences de quatre forces: la
force gravitationnelle, la force électromagnétique, la force
nucléaire forte et la force nucléaire faible.
Les particules élémentaires se divisent en trois familles
distinctes:
Premièr
e famille
Seconde
famille
Troisiè
me famille
Particu
le
Masse* Particu
le
Masse Particu
le
Masse
Electro
n
0,00054 Muon 0,11 Tau 1,9
Neutrin
o
électro
nique
<10-8** Neutron
Mu
<0,0003
**
Neutrin
o
Tau
<0,033*
*
2. Quark u 0,0047 Quark c 1,6 Quark t 189
Quark d 0,0074 Quark s 0,16 Quark b 5,2
*La masse est indiquée en tant que que multiple de la masse du
proton (1,672 623×10-27 kg).
**La valeur des masses des neutrinos échappe toujours aux
déterminations expérimentales.
Chaque famille contient deux quarks, un électron et leur
neutron associé. Chaque famille présente les mêmes
caractéristiques hormis la masse qui est de plus en plus élevée.
Ce qui est incroyable est la fait que toute la matière
(naturelle ou synthétique) qui est analysée par les physiciens
expérimentaux peuvent être, et ne sont donc que, réduite aux
éléments de ces trois familles.
Mais le plus intéressant à comprendre est leur interaction les
unes avec les autres. Les trois familles de particules
élémentaires montrées ci-dessus sont régies par quatre forces
(gravitationnelle, électromagnétique, nucléaire faible et
nucléaire forte). Ce qui différencie la physique moderne de la
mécanique classique du XIXe est l'utilisation de forces autre
que celle de la gravitation.
La gravitation est la plus familière à nos yeux, c'est elle
qui maintient la Terre en orbite autours du Soleil, la masse
d'un objet mesure la force gravitationnelle qu'elle exerce et
qu'elle peut subir. La force électromagnétique nous est aussi
connue puisqu'elle nous entoure au quotidien dans nos appareil
de commodité (électricité, télévision, téléphone, ordinateur...)
mais aussi dans la nature (les orages), la charge d'un électron
est pour la force électromagnétique ce que la masse est pour la
force gravitationnelle. Les forces nucléaire faibles et fortes
nous sont moins connues puisqu'elles disparaissent très
rapidement et s'étendent sur des distances sub-atomiques. La
force faible permet aux quarks de rester collés à l’intérieur
des nucléons alors que la force forte permet la désintégration
de certains éléments tels le Cobalt (Co27)ou l'Uranium (U92).
Les valeurs affichées dans le tableau semblent à priori
aléatoires et arbitraires, les chercheurs ne peuvent que se
questionner sur les raisons mathématiques derrière cette
distribution hasardeuse de valeurs.
Pourquoi tant de variabilité entre les données? Quelle
arithmétique se cache derrière cette classification étrange?
Est-ce un simple hasard, un résultat d'une probabilité si faible
qu'elle en demeure inconcevable,une volonté proto-divine ou une
mathématique encore inconnue? Si la matière se réduit à une
poignée de particules, que reste-t-il? Quelle différence sépare
l'homme du premier objet venu? Que constitue notre intellect,
nos émotions hormis une réaction chimique, une interactions de
particules? Le «vide» contre lequel Aristote s'est tant débattu
existerait-il? L'homme serait-il une partie du vide absolu? Le
monde qui nous entoure ne serait-il qu'une danse insensée de
particules dans un océan de vide? L'univers se réduirait-il au
3. passage d'infimes éléments dans l'immensité du néant?
Pour revenir au modèle quantique. L'idée de vide est très
difficile à concevoir en tant que tel. La définition du vide
quantique vient ajouter une nouvelle perspective à l'essence et
au rôle que l'on attribue au vide. En effet, la mécanique
quantique vient renverser notre notion de vide en le rendant
plein, en physique le “vide” est inexistant. Ce que nous
appelons «vide» dans notre langage courant serait en réalité un
réservoir d’énergie potentielle. La physique expérimentale ont
confirmé qu'il était possible de créer des électrons à partir du
vide apparent, d'où l'élaboration de la théorie du Big Bang
(comme quoi notre univers serait né d'un océan infini
d'énergie.)
Les inégalités d'Heisenberg (plus connues sous le nom de
principe d'incertitude) indique qu'il est possible d'emprunter de
l'énergie au vide pendant un temps très court. C'est ce mécanisme
qui est à l'origine des fluctuations du vide. L'équation la plus
célèbre de la physique (E=ⅯⅭ2) illustre l'équivalence entre
masse et énergie. Alors en empruntant de l'énergie au vide il
est possible de créer des particules massives. En mécanique
quantique le vide est rempli de corpuscules virtuelles
apparaissant pendant un temps très bref avant de disparaître.
Ces particules virtuelles apparaissent en théorie quantique des
champs.
C’est la science qui a donné à l’homme le pouvoir de polluer
et de ravager la nature sur une échelle sans précédent et même
d’annihiler sa propre espèce. Mais elle a joint à ce pouvoir
potentiellement destructeur un cadeau compensateur qui, pour
être subtil et encore à peine compris par l’esprit humain,
pourrait ultimement se révéler le plus extraordinaire apport de
la science à la civilisation de l’homme et même la clé de sa
survie.
On accepte généralement que la science est une partie de sa
quête sans fin pour la connaissance de l’univers et de la place
qu’il y occupe. Cette soif de savoir ne procède pas uniquement
d’une futile curiosité.
Lorsque nous essayons d’établir les valeurs directrices de nos
actions, nous en venons tous à nous poser des questions sur
l’univers et sur la place que l’homme y occupe. Le lien qui
existe entre la question pratique des valeurs sur lesquelles
fonder nos actions et la question abstraite de la place de
l’homme dans l’univers n’est pas le produit d’une philosophie
éthérée. Les exemples concrets des fortes influences sur nos
actions de nos croyances et de nos conceptions de l’univers et
de la place de l’homme sont légion.
Lorsque les croisés allaient vers Jerusalem, ils étaient prêts
à sacrifier leur vie au nom de leurs croyances relatives à la
nature de l’univers, à leur créateur et à la place qu’ils
occupaient dans le monde. Lorsque les chrétiens se laissaient
jeter aux lions, plutôt que de prononcer quelques simples
4. phrases, ils sacrifiaient en réalité leur vie au nom des
croyances qu’ils avaient quant à l’univers et à la place qu’ils
y occupaient. Les kamikazes et Bruno au bûcher sont tous de
vivants témoignages qu’aucune force, même pas l’instinct de
survie, n’exerce autant d’influence sur les actions de l’homme
que les valeurs engendrées par sa conception fortement ancrée de
la nature de l’univers et la place que l’homme y occupe.
On entend parfois que la science n’a rien à dire sur les
valeurs. Le savoir scientifique influence les valeurs.
L’exemple le plus frappant est probablement le rôle que le
savoir scientifique a joué dans le système des valeurs promulgué
par l’Église au cours du Moyen Âge. Le système se fondait sur
une croyance sur la nature et le créateur de l’univers, et les
rapports que l’homme avait avec ce créateur. En sapant le
fondement de ce credo, la science a provoqué la chute de ce
système de valeurs. Aussi, personne ne peut-il porter la
responsabilité de ce qui en ressort, de ce qui a été pré-ordonné.
Selon cette conception de l’homme, le viol de l’environnement
devient tout à fait rationnel. Aucune valeur ne trouve de
fondement rationnel dans cette conception, si ce n’est l’intérêt
personnel ; se comporter de façon à promouvoir le bien-être des
autres, y compris les générations futures, n’est rationnel que
dans la mesure où de cette façon on sert ses propres intérêts.
La science devient ainsi doublement coupable : elle donne à
l’homme le pouvoir de détruire son écosystème, et lui refuse le
fondement d’un système de valeurs rationnelles qui pourrait le
motiver à user modérément de ce pouvoir.
L’image mécaniste de l’homme décrite ci-dessus est l’image de la
physique « classique » des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Mais
notre siècle a jugé que cette image comportait de sérieuses
failles. Même les prémisses fondamentales de cette notion
classique ont été jugées strictement incompatibles avec divers
phénomènes associés à la constitution atomique de la matière. Le
monde est ainsi nécessairement différent et, en réalité,
nécessairement très différent de l’image présentée par la
physique classique.
Le cul-de-sac des concepts classiques a mené les physiciens à
élaborer une nouvelle approche de la connaissance de la nature.
Cette nouvelle approche se fonde sur des concepts radicalement
différents qui mènent à une conception radicalement différente
et de l’univers et de la place que l’homme y occupe. La section
suivante décrit à grands traits la conception quantique de la
nature, et celle qui la suit, la conception de l’homme qui en
découle. Dans la section finale, nous discuterons des
conséquences de cette révision profonde de la conception de
l’homme sur les valeurs humaines.
Le domaine de la physique quantique n'a pas seulement des
répercussions dans le domaine physique ou technologique. Les
considérations philosophiques qui surviennent sont nombreuses.
Comment penser le monde lorsque tout phénomène n'est ni possible
ni impossible mais seulement probable?
5. Quelle place l'homme a-t-il lorsque sa composition sub-
atomique est la même que l'eau, l'air, le métal ou le plastique?
Quel rôle reste-t-il à la métaphysique lorsqu'elle est
confronté à une perspective réductionniste de la matière qui
constitue notre univers? Quelles difficultés philosophiques nous
restent-ils à entrevoir face aux possibilités offertes à nous
par la mécanique quantique? Quels sont les enjeux de l'adoption
d'une vision réductionniste ontologique de la physique et
quelles en sont les limites?
Plan:
Introduction
I) I. Le réductionnisme
II)
III)i) Définition des multiples aspects du réductionnisme
IV)ii) L'importance du point de vue réductionniste
ontologique
V) iii) les limites d'un modèle ontologique du
réductionnisme en physique
I) II. Sur la notion de métaphysique
II)
III)i) Le XXe siècle fut-il le début de la chute de la
métaphysique?
IV)ii) Quel sens attribuons-nous à la métaphysique de nos
jours?
V) iii) Le tournant ontologique et renversement de
l'argument anti-métaphysique
VI)
I) III. L'intrication quantique: questions et considérations
futures
II)
III)i) Qu'est-ce que l'intrication quantique?
IV)ii) De la science fiction au réel: jusqu'où va
l'individu?
V) iii) Information quantique et être: choisir entre
réductionnisme et métaphysique
Conclusion
I)
II)
III)
6. IV)
V)
VI)
VII)
VIII)
IX)
X)
XI)I. Le réductionnisme
XII)
XIII)i) Définition des multiples aspects du réductionnisme
Le réductionnisme, c’est le fait de réduire l’explication des
choses, du monde au plus simple, au plus élémentaire : on
pourrait ainsi expliquer le monde et les différents évènements
grâce au niveau d’organisation le plus élémentaire. Dans ce
cadre, la pensée, par exemple, peut être expliquée suffisamment
par son organe, le cerveau, et, au coeur de celui-ci, par les
échanges électriques au niveau des éléments physiques.
En d'autres termes, la physique serait la science suprême, la
seule qui pourrait prononcer un discours cohérent et sensé sur
le monde et tout ce qu’il contient. Toute chose peut se réduire
à de la matière et de là à une explication physico-chimique. Et
cette explication physico-chimique permet de rendre compte de
tout phénomène de manière suffisante. Tout mystère n'est donc
qu'une insuffisance provisoire de connaissances sur sa
composition physique, c’est donc juste une question de temps.
Pierre Jacob s'approprie cette pensée en disant que: cela
revient à penser que «tous les phénomènes chimiques,
biologiques, psychologiques, linguistiques, culturels et
sociologiques sont des phénomènes physiques qui obéissent aux
lois fondamentales de la physique». Cette position est celle
plus connu sous le terme de physicalisme.Mais il y a plusieurs
formes de réductionnismes envisageables
Le réductionnisme méthodologique: réduire les phénomènes à de
simples réactions physico-chimiques, examiner le monde en le
décomposant en briques élémentaires est la méthode classique des
sciences dures. C’est grâce à cette méthode que leur objet s’est
précisé et que leurs conséquences pratiques peuvent influencer
notre vie quotidienne. Il s’agit de «remonter» à des principes
simples pour mieux expliquer le monde.
Le réductionnisme consiste à essayer de simplifier le monde et
son apparence pour en élaborer une connaissance scientifique qui
permet d’agir sur lui pour «s’en rendre comme maître et
possesseur» (Descartes, Discours de la méthode).
Nous obtenons donc ici la définition suivante du
réductionnisme : c’est une méthode, la méthode scientifique par
excellence, qui consiste à réduire les phénomènes à des
réactions physico-chimiques par lesquelles nous pouvons
expliquer les effets visibles grâce à un nombre réduit de
principes et de lois à portée générale.
Il permet de générer de nouvelles connaissances, d’en
augmenter la portée… etc. On ne peut pa, ici, critiquer ce
7. réductionnisme puisqu’il s’agit de l’essence même des sciences
dures: critiquer le réductionnisme méthodologique reviendrait à
s’opposer à elles.
Le réductionnisme méthodologique est, comme son nom l’indique,
une méthode pour développer des connaissances sur la nature.
Pour le réductionniste ontologique, le monde est véritablement
constitué de briques élémentaires et de relations physico-
chimiques que l’on a «découvert» au travers des sciences dures.
Pour lui les sciences physiques et chimiques nous décrivent le
monde de manière objective.
Elles nous donnent à voir le monde tel qu’il est
fondamentalement. Au fond, le monde est simplement physique.
Mais pour le réductionniste ontologique, il n’est QUE physique.
Nous nous trompons en pensant que le monde est plus complexe
qu'il ne l'est vraiment, mais la science nous fait voir le coeur
même du monde : la solitude des atomes et l'impartialité des
différentes lois physiques.
Le réductionnisme ontologique défend déjà une perspective
ironiquement métaphysique de l'univers. Une métaphysique
particulière certes mais présente tout de même:
« Par métaphysique, je n’entends pas ces
considérations abstraites de quelques propriétés
imaginaires dont le principal usage est de fournir
à ceux qui veulent disputer de quoi disputer sans
fin ; j’entends par cette science les vérités
générales qui peuvent servir de principes aux
sciences particulières. »
Malebranche, Entretiens sur la métaphysique et la
religion
A première vue, un réductionniste ontologique aurait tendance
à défendre une conception plutôt déterministe du monde. Puisque
tout est physique, puisque le réel est régi par des lois
universelles, alors tout est, prévisible. Un événement peut
toujours s’expliquer par un événement antérieur dont il découle
selon une relation de causalité déterminée et connaissable. Un
événement physique mais aussi un événement concernant la vie de
l’esprit aura toujours une cause physique antérieure. Selon ce
réductionniste, il sera à terme possible d’expliquer par la
physique le fonctionnement du cerveau, organe de la pensée
humaine. Pour un tel réductionniste, une pensée n’est
explicable, par exemple, qu’en tant qu’état physico-chimique du
cerveau. Intimement, le monde de la pensée n’est que physico-
chimique. Et si, finalement, tout comportement, toute idée
pouvaient être expliqués par la seule physique ? Doux mais
inquiétant rêve d’un total déterminisme du monde des
représentations.
i) ii) L'importance du point de vue réductionniste
ii)
Steven Weinberg, titulaire du Prix Nobel de Physique de 1979
tente de rétablir le réductionnisme comme partie nécessaire du
8. raisonnement physique lors de son discours:
De l'autre côté du spectre se trouvent les opposants au
réductionnisme. Ce qu'ils interprètent comme la rigueur aride
des sciences modernes leur fait horreur. Que leur univers ou
eux-mêmes puissent être réduits, dans quelque mesure que ce
soit, à une histoire de particules, de champs et de leur
interactions, et ils se sentent diminués (…) Je ne tenterai pas
de répondre à de telles critiques par un exposé passionné sur
les beautés de la science contemporaine. Certes, le point de vue
réductionniste fait froid dans le dos. Mais nous l'avons accepté
tel qu'il est, non parce qu'il nous plait, mais parce que c'est
ainsi que fonctionne le monde.
1. Cette extrait illustre l'importance de la neutralité d'une
telle perspective en science. Les considérations
métaphysiques classiques, qui prennent en charge une
volonté autre que les explications à portée
universelle de la physique, ont tendance à fermer
l'homme au plus simple. Le réductionnisme rend l'homme
plus humble par rapport aux mécanismes du monde qui
l'entoure et lui permet de se focaliser sur les
travaux à entreprendre pour le comprendre. Il est vrai
que tenter de concevoir nous-mêmes comme de pures
réactions physico-chimiques, de penser qu'au niveau
sub-atomique, rien ne nous distingue d'une lampe ou
d'un arbre.
2. Mais être en contradiction avec cette simple vérité
physique serait une preuve de l'égo humain et de notre
croyance en une 'chose autre' qui nous permettrait de
nous séparer des objets de notre quotidien. Même s'il
est vrai que cette croyance est confortable, elle
n'est rien d'autre que le piédestal de la notion
métaphysique d’âme que le physicien ne peut plus se
permettre de révérer.
3. La notion de réductionnisme remet en perspective la pensée,
le rôle de l'homme dans ses recherches, en effet,
comme dit plus haut, on ne peut comprendre le monde
étrange de la physique des particules sans se mettre à
leur échelle; et ce critère requière donc un abandon
d'une quelconque vague substance métaphysique afin de
pouvoir ensuite regarder le monde physique en toute sa
splendeur.
4.
5. iii) Les limites du réductionnisme ontologique selon Konrad
Lorentz
6.
Au début de son ouvrage sur les fondements du comportement
animal, Konrad Lorentz expose son point de vue sur le
réductionnisme. Pour lui, s’il ne nie pas l’intérêt ou même
l’obligation d’une telle vision des sciences, il faut se garder
selon lui de tomber dans le piège d’un réductionnisme
9. «ontologique» qui ignorerait les connaissances nouvelles. En
effet, il affirme que «[l']on ne connaît pas suffisamment les
structures à l’intérieur desquelles les lois générales de la
physique se manifestent».
L’inconvénient de la méthode analytique utilisée sans mesure,
c’est qu’elle ne permet pas de comprendre les ensembles
organisés. Par cette méthode, le complexe est démembré et les
phénomènes qui viennent des entités composites sont négligés.
Les connaissances qui prétendraient rendre compte de ces entités
et de leurs propriétés sont rejetées, car elles ne se conforment
pas à la bonne manière de procéder. Elles ne sont acceptables
qu'à titre provisoire.
Le réductionnisme, s'il est conséquent aboutit au
physicalisme. Actuellement les réductionnistes se réfèrent
plutôt au physicalisme qu'au matérialisme Sur le plan
ontologique le physicalisme prétend qu'il n'y a dans le monde
qu'un seul type d'existant (ou d’occurrence) de mode physique et
sur le plan épistémologique qu'une seule théorie intéressante et
valide, la théorie physique. Selon la thèse physicaliste le
monde est uniquement constitué par ce que décrit la physique qui
est la science ultime et dernière.
Le principe d’une réduction ontologique aboutissant au
physicalisme est un a priori indémontrable et nous soutenons que
l'avancée des sciences demande au contraire d'admettre une
pluralité ontologique, afin de respecter les différents niveaux
de complexité existant dans le monde. Au réductionnisme s'oppose
l'émergentisme.
Pour situer précisément le problème, notons bien que le
réductionnisme ontologique n'est pas la doctrine prétendant que
les niveaux chimique, biologique, représentative, se créent à
partir du niveau physique, ou encore que ce qui existe dans le
monde a un répondant au niveau physique. Le réductionnisme
pousse cette assertion à son maximum.
Le réductionnisme est la doctrine prétendant que le seul
niveau existant est constitué par la substance matérielle ou les
occurrences physiques. Les autres niveaux n'ont pas d'existence
ontologique, mais seulement factuelle et sont ontologiquement
réductibles au niveau physique-matériel.
Le réductionnisme pousse le rapport de subordination jusqu'à
l'élimination ontologique ( les niveaux non physiques n'ont pas
d'existence vraie, ce sont des épiphénomènes, tout au plus
acceptables comme niveau de description). Ce qui aboutit à une
unicité, une homogénéité du monde. Dans cette attitude radicale,
on sent un refus de la pluralité, des différences. Le monde est
un, la science est une et la seule méthode est analytique
jusqu'au bout. Une telle tendance est excessive et n'a pas de
justification rationnelle.
10. Le réductionnisme ne se caractérise pas par l'utilisation
habile et efficace de la méthode analytique, mais plutôt par son
utilisation exclusive et intensive (elle doit être poussée
jusqu'au bout).
L’inconvénient de la méthode analytique utilisée sans mesure,
c’est qu’elle ne permet pas de comprendre les ensembles
organisés. Par cette méthode, le complexe est démembré et les
phénomènes qui viennent des entités composites sont négligés.
Les connaissances qui prétendraient rendre compte de ces
entités et de leurs propriétés sont rejetées, car elles ne se
conforment pas à la bonne manière de procéder. Dans les
connaissances comme la biologie et les sciences de l’homme,
l’analyse doit se limiter afin de trouver la bonne entité à
considérer, qui peut être un ensemble complexe.
Là encore c'est un excès. Il n'y a pas de motif rationnel pour
pousser l'analyse à l'infini, sans l'arrêter à un moment donné,
jugé propice et intéressant. La substance est une notion
métaphysique qui présente des défauts importants. Supposer une
substance matérielle, éternelle, omniprésente, infinie, cause de
toute chose et existant par elle-même est une hypothèse complexe
et indémontrable.
La matière est une extension métaphysique de l’empirisme
spontané qui constate l’existence de matériaux pouvant prendre
diverses formes (opposition classique forme et matière).
Transformer la consistance en constance, c'est à dire en garant
de la permanence du monde est douteux. Pourquoi cette volonté
d'unicité ?
Remplacer la substance par des "occurrences physiques" est
moins critiquable, mais affirmer qu'elles sont le constituant
fondamental et unique du monde est une option métaphysique
indémontrable. La science actuelle n’a pas montré un tel
constituant fondateur, mais seulement que le niveau physique est
le plus simple et le plus basique. Que l'on puisse y retrouver
certaines des caractéristiques des autres niveaux est certain,
mais cela n'interdit pas aux autres d'exister.
Il est impossible de démontrer l'identité entre les
occurrences physiques et celles d'un autre niveau. La première
raison est pratique, ce serait trop compliqué, le calcul serait
trop complexe pour être effectué. Une occurrence biologique
correspond des milliards d'occurrences microphysiques. Comment
passer de l'un à l'autre ? Actuellement selon Étienne Klein
(Discours sur l'origine de l'univers, Flammarion, 2010, p. 127)
rien ne permet de dire si des lois biologiques sont autonomes ou
dérivées par apport aux lois physiques. On ne sait quel lien de
nécessité existe entre le monde physique et le monde biologique.
La seconde raison tient à la constitution du monde tel que la
physique nous l'enseigne. Le niveau de la microphysique est
aléatoire. Plusieurs configurations dans une situation sont
possibles compte tenu des incertitudes. Du fait de la non
11. réversibilité et donc de l'histoire du monde, d'un instant à
l'autre d'autres configurations se produisent. Laquelle choisir,
laquelle serait le double physique de la propriété biologique ?
Une telle entreprise confine à l'absurde.
On démontre l'existence d'une détermination à chaque niveau.
Par exemple, à l'évidence, les conditions biologiques influent
sur les déroulements biologiques. Il y a une complétude
partielle par niveau. Un phénomène biologique peut être
complètement expliqué en utilisant uniquement des concepts et
démonstrations de type biologique. Cette détermination par
niveau est certaine et avérée et donne lieu à des lois et
modèles, dont on voit mal comment on pourrait se passer.
L'histoire des sciences montre qu'aucune science spécialisée
ne s'est résorbée dans une autre. De plus, on constate que de
nombreux tenants du réductionnisme ne le sont que pour le degré
de complexité supérieur à celui dont il s'occupent. Ils
n’appliquent le réductionnisme qu’au domaine suivant, pas au
leur (car alors il deviendrait inutile). S’ils étaient
conséquents, ils appliqueraient à tous les domaines, mais alors,
ils élimineraient le propre objet d'étude. Ce qu'ils ne font
pas. On peut soupçonner des motivations sociologiques dans le
réductionnisme qui permet de faire valoir son domaine de
recherche au détriment d'autres, dénoncés comme moins
fondamentaux voire illusoires.
Dans le principe central la première proposition est
probablement vraie (celui d'un soubassement physique) mais la
seconde est fausse. Qu'à toute chose, il corresponde quelque
chose du type physique paraît démontré aujourd'hui, mais qu'il
soit le seul existant et que tout puisse s'y ramener ne l'est
pas. La seconde proposition qui pousse à l'excès la première et
affirme l'absence d'ajout, de néothénie, d'édification, (à
partir des constituants désignés par la physique) est fausse.
L'ajout possible aux constituants de base a d'abord été
formulé dans les termes traditionnels selon lesquels "le tout
est plus que la somme des parties". De manière plus élaborée on
peut dire qu'une organisation acquiert des propriétés que ses
éléments n'ont pas, et dont on ne peut démontrer que, pris
isolément, ils les produisent. Si l'on a un seul cas de ce genre
la proposition deux sera infirmée puisqu'elle se veut
universelle. Or il existe des infirmations constantes.
Prenons un exemple simple et bien connu, à la limite du
physique et du biologique, celui de la formation d'une membrane
à partir de molécules polarisées dont on connait parfaitement la
composition atomique. La membrane se referme spontanément en une
vésicule formant un isolat. Les propriétés de la vésicule sont-
elles dues aux particules composant les atomes des molécules ?
La propriété "former un isolat", c'est à dire différencier un
intérieur qui sera protégé de l'extérieur, ne vient pas des
atomes constituants mais de leur agencement. Un autre agencement
produirait une autre propriété. Les atomes engagés dans la
vésicule participent à de toutes autres compositions, lorsque
12. celle-ci se désagrège. C'est le type d'organisation qui crée des
propriétés et non les composants eux-mêmes. Il y a sans cesse
des ajouts lors de l'organisation en niveaux de complexité
successivement croissante.
La thèse selon laquelle tous les objets du monde se sont
développés à partir d'objets microphysiques est conforme à la
science, mais elle ne l'est plus si on ajoute l'assertion qu'il
le sont uniquement et ajout d'aucune propriété nouvelle. Les
sciences chimiques, biologiques, montrent au contraire des
objets qui sont bien plus que cela. L'organisation ajoute des
qualités qui se traduisent par des propriétés originales.
L'agencement crée des propriétés qui n'existent que par cet
agencement et non par celles des composants utilisés. Il y un
"ajout". Un ensemble de briques mis en tas et le même ensemble
mis en forme de maison n'aura pas les mêmes propriétés, bien que
ce soit physiquement les mêmes briques. Il n'y pas identité
entre les deux. Si le réductionniste était cohérent avec lui-
même, il habiterait les tas de briques.
Ces néo-objets organisés ont autant d'existence que les proto-
objets de la physique. Les processus qui produisent les
propriétés que l'on constate, les déterminations que l'on peut
trouver dans les champs complexes, n'ont pas de moindre valeur
que ceux de la physique. Les phénomènes des niveaux complexes
sont des phénomènes comme les autres ; ce ne sont pas des
"épiphénomènes". Le principe d’une réduction ontologique
aboutissant au physicalisme est un a priori indémontrable et
nous soutenons que l'avancée des sciences demande au contraire
d'admettre une pluralité ontologique, afin de respecter les
différents niveaux de complexité existant dans le monde.
La pertinence du réductionnisme est indémontrable
scientifiquement. Il tient à un pétition de principe, un goût
personnel. Ce goût a des motivations qui sont plutôt louables,
comme maintenir la condition de la science, éviter les dérives
fantaisistes, ou encore maintenir son unité. Le point central
de notre réfutation porte sur le fait qu'on ne peut admettre que
les objets désignés par la physique soit exclusifs de tous
autres, qu'ils soient les seuls existant au monde. Il sont
seulement les plus simples et les plus fondamentaux.
A partir de là, nous soutenons qu'il est légitime d'accorder
une dignité ontologique aux niveaux plus complexes que ceux de
la physique et donc une dignité épistémologique aux
connaissances qui s'y attachent. Au réductionnisme s'oppose la
conception épistémologique et ontologique nommée émergentisme.
13. 1.
2.
3.
4.
5.
6. II. Sur la notion de métaphysique
i) i) Le XXe siècle fut-il le début de la chute de la
métaphysique?
ii)
1. « Par métaphysique, je n’entends pas ces considérations
abstraites de quelques propriétés imaginaires dont le
principal usage est de fournir à ceux qui veulent
disputer de quoi disputer sans fin ; j’entends par
cette science les vérités générales qui peuvent servir
de principes aux sciences particulières.»
2. Malebranche, Entretiens sur la métaphysique et la religion.
Nombreux sont les philosophes à avoir annoncer la mort de la
métaphysique: Wittgenstein, Carnap, Heidegger, Habermas, Rorty,
et à présent Putnam ont tous criés pour le dépassement de la
philosophie première. Toutes rejette la discipline qui
auparavant était considérée comme « la reine des sciences.»
Certains auteurs sont un peu rapide quand à la localisation de
la source de ce soudain désintérêt: le mépris de l’enquête
philosophique ; Franco Volpi écrit que :
« ‘La grande métaphysique est morte !’ est le mot d’ordre qui
vaut pour la plupart des philosophes contemporains, qu’ils
soient continentaux ou de profession analytique. Ils traitent
tous la métaphysique comme un chien mort. »1
La métaphysique n'appartient-elle au passé ? Est-elle
seulement une tentative ancienne, limitée et vaine? Doit-on
seulement regarder sa naissance – à l'aide de Platon et
d'Aristote - et son décès a travers Nietzsche? Ne peut-on pas
faire autre chose que la blâmer a tors et a travers? Telles sont
les considérations auxquelles Frédéric Nef. Les positions qu'il
défend sont si étrangère a la conception français qu'elles
amènerons des surprises, et bien sûr de multiples débats.
Combattre des représentations fausses est en effet d'autant plus
ardu que les préjugés sont bien ancrés et cautionnés par de
grandes autorités. On nous a répété, depuis Kant, que la
14. métaphysique était stérile, inutile, illusoire et donc
dangereuse. On nous a enseigné, depuis Nietzsche, qu'elle
s'effondrait avec la mort de Dieu.
ii) Qu'en est-il de la métaphysique de nos jours?
Nef entreprend de montrer, par la suite, comment la
métaphysique, loin d'être un cadavre est plus vivante que
jamais. Ce renouveau ne concerne évidemment pas ce qui dépasse
notre expérience, ni les réflexions vagues du sens de notre
existence ou les raisons pour lesquelles le monde est tel qu'il
est. La nouvelle ère dans la réflexion est liée au progrès
accompli dans l'analyse logique ultime des constituants de la
réalité. La métaphysique, au XXe siècle, a renoncé à demander ce
qu'est Dieu, ou l'homme. Elle s'intéresse plutôt à des questions
du type : qu'est-ce qu'un objet ? un fait ? un événement ? une
existence particulière ? Frédéric Nef expose en plusieurs
centaines de pages cette renaissance méconnue de la
métaphysique. Les œuvres convoquées sont très diverses, les unes
déjà bien diffusées en France (Russell, Wittgenstein,
Whitehead), les autres encore à découvrir (Bradley, Meinong,
McTraggart).
I.
I.
II.
III.VI. L'intrication quantique: questions et
considérations futures
IV.
I) i) Qu'est-ce que l'intrication quantique?
L'intrication quantique est l'un des aspects les plus étranges
et les plus incroyable de tous les phénomènes observés en
mécanique quantique. En effet, l’intrication quantique se
produit lorsque deux particules se rejoignent est se lient entre
elles de telle manière qu'il est impossible de pouvoir
considérer l'une sans affecter directement l'autre. Les deux
systèmes ne sont pas indépendants et il faut considérer {S1+S2}
comme un système unique.
Niels Bohr, l'un des pères de la mécanique quantique, montrait
que ce qui est le plus étrange est le fait que la particule ou
sa paire n'étaient pas stables tant qu'elle ne sont pas
observées; on ne pouvait donc déterminer dans quel sens elle
tournerait que lorsqu'une d'elle était mesurée. Bohr décrivait
le phénomène de «communication» des deux particules intriquées
comme deux roues pivotantes dont leur flèche tomberait de
manière aléatoire sur une case rouge ou bleue. Il démontra par
la suite que, systématiquement, à chaque fois que l'une des
particules tomberait sur le «rouge», sa paire tomberait sur le
«bleu».
Evidemment, cette notion entraina de nombreux débats lors de
son élaboration. L'un des plus fervents opposants fut Albert
15. Einstein; il ne pouvait accepter le fait que deux particules
puisse être en communication par une «action surnaturelle à
distance.» Il refusait catégoriquement l'explication de Bohr
puisqu'elle mettait à mort le principe même, selon lui, de la
physique: pouvoir prédire avec certitude les phénomènes de cet
univers. Einstein n’était pas, bien évidemment contre le
principe d'intrication, il considérait simplement l'explication
de Bohr comme inutilement complexe. Il en proposa donc une autre
explication. Il décida de comparer la corrélation des deux
particules comme une paire de gants. En effet, si l'on prend une
paire de gants, que l'on mette chaque main dans une boite
différente et que l'on en envoie une en France et l'autre au
Pole Sud, on saura, en ouvrant la boite Française quelle main
serait dans la boite du Pole Sud par simple observation. Donc
selon Einstein, l'intrication des deux particules impliquerait
qu'elle serait comme les deux faces d'une même pièce, qu'elle
sont systématiquement opposée puisqu'elles se complètent.
Le débat entre Niels Bohr et Einstein dura plus de vingt ans,
jusqu'à leur mort.
En 1964, un physicien irlandais travaillant au CERN, John
Bell, démontre que les prédiction de Bohr et d'Einstein amenait
a des résultats différents. Il tenta de les théoriser sous ce
que l'on appelle à présent les inégalités de Bell. Mais ce n'est
qu'avec les travaux d'Alain Aspect à l'institut d'Optique
d'Orsay en 1975 que la question est enfin résolue. En effet il
commence la construction d’une source de paires de photons
intriqués d’une efficacité sans précédent, grâce à l’utilisation
d’une excitation laser à deux photons. Cette source lui
permettra donc de réaliser en 1982 des tests des inégalités de
Bell dans des situations très proches des expériences de pensée
idéales sur lesquelles raisonnent les théoriciens. Les résultats
vont à l'encontre des inégalités de Bell, et viennent confirmer
les prédictions quantiques. Le modèle d’Einstein ne peut donc
être utilisé pour décrire les particules intriquées.
I)
II)
III)
IV)ii) De la science fiction au réel: jusqu'où va
l'individu?
Les résultats que l'ont peu élaboré à partir de la notion
d'intrication sont phénoménaux. En Effet, le plus simple de ces
découvertes envisageables serait l'ordinateur quantique.
L'avantage d'un tel ordinateur est évident, grâce à un
algorithme conçu pour utiliser un circuit quantique,
l'algorithme de Shor, rendrait possible de nombreux calculs
combinatoires hors de portée d'un ordinateur classique en l'état
actuel des connaissances. La possibilité de casser les méthodes
cryptographiques classiques est souvent mise en avant. La
difficulté actuelle majeure, depuis 2008, concerne la
réalisation physique de l'élément de base de l'ordinateur
16. quantique: le qubit. Le phénomène de décohérence (perte des
effets quantiques en passant à l'échelle macroscopique) freine
le développement des calculateurs quantiques.
Selon la loi de Moore, la taille des transistors approchera
celle de l'atome à l'horizon 2020. À cette échelle, les effets
quantiques perturbent le fonctionnement des composants
électroniques. Si de grands calculateurs quantiques (plus de 300
qubits) pouvaient être construits — ce qui n'est pas assuré —
ils seraient capables, d'après David Deutsch, de simuler le
comportement de l’univers lui-même.
Mais la facette la plus fascinante de l'intrication quantique
demeure l'idée de téléportation quantique.
Le 11 décembre 1997, le magazine scientifique Nature
rapportait que des physiciens italiens étaient parvenus à
transmettre l'état quantique d'une particule à une autre, située
à quelque distance. Deux mois plus tard une équipe de chercheurs
autrichiens réussissaient une expérience analogue.
L'équipe du Dr.Anton Zeilinger de l'Université d'Innsbruck
était en effet parvenue à transmettre l'état de polarisation
d'un photon à un autre, une caractéristique - et non pas une
information - intrinsèque du monde quantique obéissant au sacro-
saint principe d'incertitude. Le 17 juin 2002, des physiciens de
l'Université Nationale Australienne (ANU) annoncèrent qu'ils
avaient réussi à séparer un faisceau laser contenant une
information encodée dans un système de communication à fibre
optique et à le reconstruire instantanément à un mètre de
distance en utilisant la technologie de l'intrication quantique
(quantum entanglement).
Quelques journalistes envisageaient déjà d'appliquer ces
découvertes à la téléportation digne de "Star Trek". Mais Il
faudrait pour cela trouver le moyen de stocker puis de
téléporter en quelques secondes toutes les caractéristiques
quantiques de tous les constituants des atomes qui forment un
corps humain, sachant qu'un seul atome se définit par de
nombreux paramètres qui occupent au bas mot 1000 mots-machine (1
kilo-byte). Toutes les données physiques d'un corps humain
représentent donc 1028 KB d'information. Compte tenu de l'espace
disponible pour stocker ces informations, de l'énergie requise
pour l'écrire et la relire et surtout du temps estimé pour
effectuer ce transfert, si nous nous mettions tout de suite à la
tâche cette perspective n'est même pas envisageable; téléportée
en cet instant, la pauvre victime devrait attendre 25 mille
milliards d'années avant d'être totalement définie en termes
quantiques et patienter encore autant de temps pour être
physiquement téléportée d'un endroit à un autre.
La question demeure donc de savoir à quoi se réduit donc notre
concept d'individu. N'est-il donc rien d'autre qu'un amas
d'information quantique ou reste-t-il autre chose pour nous
caractériser. Ici, enfin réside le vrai débat entre
réductionnisme et métaphysique.
17. I) iii) Information quantique et être: choisir entre
réductionnisme et métaphysique
II)
Notre monde est quantique. Si d’un coup d’interrupteur
quelqu'un éteignait les lois de la théorie des quantas qui
régissent les objets autour de nous le monde serait paralysé de
Shanghai à San Francisco. Ordinateurs, cartes de crédit,
smartphones, écrans de télévision ; tous tomberons sous le coup
de grève de la physique quantique. Ce serait le grand shut-down
de la microélectronique et de la photonique; et, d’un coup, nous
serions renvoyé au XIXe siècle.
Nous sommes donc environnés de machines quantiques (entre 5 et
10% du PIB des pays industrialisés) et c'est un intéressant
paradoxe puisque ces machines sont issues d’un corpus
scientifique dont les objets ultimes sont des entités
mathématiques abstraites, les bosons et fermions, triturés dans
des espaces de Fock. Et ces objets ont des propriétés étranges,
comme la non-localité – deux systèmes sont intriqués de telle
sorte qu’une action sur l’un entraine une action sur l’autre
même s’ils sont séparés par des années lumière, c’est-à-dire
l’appartenance à un réel qui n’est pas plus localisable dans le
temps que dans l’espace! Ils montrent des propriétés étonnantes
dont la moins surprenante n’est pas qu’ils reposent sur
l’imprévisibilité de n'importe quelle mesure quantique,
autrement dit sur une vision indéterministe du monde (même si
l’on retrouve un déterminisme statistique au niveau
macroscopique). Cet indéterminisme de fond a-t-il une incidence
sur notre manière d’appréhender le monde aussi bien dans sa
composante spatiale que temporelle?
La plupart d’entre nous employons nos smartphones sans
comprendre la physique des semiconducteurs et les secrets de
l’équation de Schrödinger. On sait bien qu’une théorie
scientifique ne se réduit pas à une pure mathématique mais
dépend également de métaphysique qu’elle postule, c’est-à-dire
de la façon qui est la sienne de décrire le réel physique et
rendre compte d‘une expérience. Dans le monde de Newton, les
pommes tombent de haut en bas et la Lune chute en permanence
vers la Terre sous l’effet d’une action à distance instantanée,
qui résulte de la force de gravitation. De l’œuvre de Newton, et
de cette force, est apparu la mécanique classique, ses poids et
ses masses, ses attractions et ses répulsions; et avec elle,
l’univers mental où sont venus se fondre équations, expériences
et avancées technologiques qui ont fait la révolution
industrielle. Avec à la clef la vision déterministe d’un monde
dans lequel le progrès des sciences et des techniques
précédaient à peine le progrès moral.
Les étrangetés philosophiques de la mécanique quantique
pourraient-elles rester sans effet sur notre conception du monde
et du futur? Il est vrai que la situation d’aujourd’hui n’est
pas symétrique ou plutôt qu’elle n’est pas la répétition de la
précédente: pour ne prendre que cet exemple, l’essor de
18. l’industrialisation, à partir des années 1780, avait le visage
familier de la machine à vapeur.
Il y a quelques mois on annonçait un nouveau record de
téléportation quantique, 143 kilomètres entre Ténériffe et La
Palma, pour un phénomène qui repose sur le fait que, dans
certains cas, deux particules – ici des photons - peuvent être
liée de façon que leur caractéristiques soient une, même
lorsqu’elles sont séparées de dizaines ou de centaines de
kilomètres, grâce une «action surnaturelle à distance». Et une
paire de particules intriquées peut servir à «téléporter» une
troisième particule: en faisant interagir cette troisième
particule avec une des particules de la paire, on transfère
instantanément sa «structure» à l’autre particule de la paire,
qui apparaît alors comme identique à la troisième particule en
question.
C’est de ce type d’expériences où se mêlent intrication et
téléportation que surgit la notion de «non-localité» de
l’univers, comme si l’information pouvait être transmise d’une
particule à une autre.
Nul ne sait encore à quoi serviront essentiellement ces
phénomènes. On a parlé d’ordinateur quantique, on commence à
parler d’internet non local. Mais l’impact principal,
actuellement, est d’abord métaphysique. Pouvoir court-circuiter
l’espace-temps remet en cause nos conceptions aussi bien
physiques que philosophiques. Ce que cela induira dans notre
culture reste encore à établir mais on ne court guère de risque
à affirmer qu’elle en sera bouleversée.
19. Conclusion
Le réductionnisme ontologique présente alors de nombreux
avantages mais aussi d'inévitables limites. Un réductionniste
ontologique aura tendant à défendre une conception déterministe
du monde. Puisque tout est physique, puisque, par ailleurs, le
réel est régi par des lois universelles que mettent au jour les
sciences dures, alors tout est, en théorie, prévisible. Un
événement peut toujours s’expliquer par un événement antérieur
dont il découle selon une relation de causalité déterminée et
connaissable. Selon ce réductionniste, il sera à terme possible
d’expliquer par la physique le fonctionnement du cerveau, organe
de la pensée humaine. Une pensée serait donc explicable qu’en
tant qu’état physico-chimique du cerveau. Donc le monde de la
pensée ne serait que physico-chimique. On enlèverait donc la
notion de liberté accompagne ce réductionnisme : la liberté ne
serait qu’une illusion, une construction sociale. Le
réductionniste nie donc la valeur de l’art et l’utilité de
disciplines comme la politique. De même, la morale n’aurait
aucun intérêt. Seule la physique expliquerait et justifierait
les comportements humains.Le réductionniste, on le voit, établit
une échelle de valeur dans l’ordre de la connaissance. On
remarquera alors un mépris pour la philosophie, la caractérisant
comme abstraite, sans argument réels. La physique quantique
reste un mystère quand à son fonctionnement véritable. Il est
apparent que lors l'homme se penche sur le fonctionnement de
l'Univers à la plus petite des échelles, toutes les lois
physiques qu'il connaissaient auparavant sont remises en
question. Reste à savoir comment réagir face à cette évidence.
Le principe même du réductionnisme ontologique a engendré de
multiples questions fondamentale par rapport à se que l'on
appellerait la «métaphysique classique.»Si le corps de l'homme
est en effet qu'information quantique alors quel rôle peut bien
tenir l'ontologie dans cette vision du monde? L'intrication
quantique est un très bon exemple pour montrer que les arguments
20. métaphysiques tiennent toujours la route. A force de vouloir
réduire tout au plus petit niveau, il survient, particulièrement
à la lumière de la téléportation quantique de photons, la
réflexion sur l'homme: existerait-il autre chose que de simples
réactions physico-chimiques? Serait-il possible qu'un dernier
facteur échapperait à la vision si objective et si précise du
réductionnisme ontologique. Même si l'on ne peut contredire la
nécessité du réductionnisme ontologique dans le domaine des
sciences dures, irait-elle trop loin, aurait-elle oublié ce
quelque chose qui nous distinguerait d'un vulgaire photon? Si la
réponse à ces questions est négative, elle sonnerait pour de bon
la mort de la métaphysique comme nous la connaissions. Mais le
nombre d'hésitations à répondre de la part des philosophes et
des scientifiques sont preuve que la physique doit tout de même
prendre en considérations les répercussions métaphysiques de
leurs avancées scientifiques et technologiques, particulièrement
en ce qui concerne les éléments qui nous constituent
fondamentalement et qui sont régies par les étranges lois de la
physique quantique.