(…) Lucie a tué cette année son premier renne, et possède quatre chiens de traineaux, dont elle s’occupe quotidiennement. En vraie fille de Longyearbyen, elle s’échappe dès qu’elle le peut pour courir la montagne, et grimper sur quelques glaciers.
2. Lucie, la tête sous son bonnet blanc à pompon, parle le français avec l'accent alsacien et glisse parfois
quelques mots d'anglais dans la conversation... Cette Strasbourgeoise d'origine vit à Longyearbyen depuis
4 ans et y a rédigé sa thèse de mécanique glaciaire. La jeune femme étudie et enseigne à l'Unis, le centre
universitaire de l'archipel. Avec le charbon et le tourisme, les sciences sont en effet la troisième richesse
de l'île, et le gouvernement norvégien a construit au bord de l'eau cette petite université ultra-moderne,
qui accueille chaque année 350 étudiants. Lucie va s'installer à la rentrée sur le continent, en Norvège,
mais espère bien revenir un jour sur l'île, comme aimantée par le lieu : « Je crois que tous les étudiants
qui sont venus ici veulent revoir un jour ou l'autre Svalbard... Il y a une sorte de bulle sociale qui n'existe
je crois presque nulle part ailleurs. Tout le monde se connait, tout le monde s'entraide. J'apprécie aussi
cette atmosphère de sérénité. Quand je rentre en France et que je dois récupérer mes bagages à Roissy,
tout ce bruit et ce fourmillement, je ne le supporte plus. »
3. Lucie a tué cette année son premier renne, et possède quatre chiens de traineaux, dont elle s'occupe
quotidiennement. En vraie fille de Longyearbyen, elle s'échappe dès qu'elle le peut pour courir la
montagne, et grimper sur quelque glacier. « Quand on est dans la nature, c'est le silence le plus total,
et on se retrouve dans des paysages à couper le souffle ! On est seul au monde : on regarde autour de
soi, il n'y a personne, pas une trace de vie. Et tous les ans quand je rentre chez moi, je me dis que je
ne pourrai jamais quitter cette île... » Pour nourrir ses chiens, installés dans un chenil associatif en
bordure de la ville, Lucie soulève une lourde bâche. Dessous, trois dépouilles de phoques sèchent: le
butin de chasse d'un des voisins de la jeune française, lui aussi propriétaire de chiens de traineaux.
Lucie prélève quelques tranches de viande rouge, pour nourrir ses bêtes. Les chiens tournoient autour
d'elle, et se plient avec docilité aux exercices de dressage que leur maitresse leur impose.
4. Difficile d'imaginer sa vie d'avant, quand on la voit si à l'aise dans l'univers hostile de
l'Arctique. Lucie aussi se souvient : « J'étais terrifiée par les armes à feu, j'étais même
contre à vrai dire... Et maintenant, j'adore ça ! Il ya peu de gens qui ont la chance de savoir
vraiment manipuler une arme et s'en servir... Le fusil m'a finalement aidé à me concentrer,
à me poser et avoir conscience des autres. Et donc, au bout de quelques temps, je me suis
inscrite à un groupe de tir. » Titulaire d'une licence pour possession d'armes à feu et d'un
permis de chasse, Lucie s'entraîne dans l'une des deux salles de tir du village et part
régulièrement en expédition, sur son traineau, le fusil dans le dos...
5. A l'Unis, le travail de terrain est la pierre angulaire du programme pédagogique et les
étudiants passent donc la majeure partie de leur temps dans la nature pour mesurer la
profondeur de la glace, l'état des fjords, compter les phoques ou encore observer les
aurores boréales. Ce qui n'est pas sans risques, raconte Lucie : « Généralement il fait -30
degrés, avec beaucoup de vent, et les appareils tombent souvent en panne. On apprend à
se débrouiller, pour réparer ce que l'on peut. On apprend aussi à ne pas se geler les
doigts ou le haut des joues, à s'habiller contre le froid, à prendre soin les uns des autres.
Et bien sûr, à se méfier des ours... Une fois, j'ai rencontré une mère et son petit. Nous
sommes partis en vitesse mais à notre retour, l'ourson avait fait valdinguer tous mes
instruments de mesure... Ce sont les risques du terrain ! »