2. 31-192-D-10 Atteintes osseuses dans le myélome Radiodiagnostic
Une compression médullaire ou des radiculalgies peuvent se voir.
Elles sont en rapport avec des tassements vertébraux ou des
compressions tumorales. On peut aussi rencontrer des tuméfactions
localisées. Une fracture pathologique peut être révélatrice.
Une altération de l’état général avec asthénie, anorexie,
amaigrissement, pâleur, et état subfébrile complète le tableau.
SIGNES BIOLOGIQUES
Au niveau sanguin, on note une hyperprotidémie avec un pic
monoclonal le plus souvent de type immunoglobuline G (IgG), mais
aussi IgA ou IgD. Dans les formes à chaînes légères, il s’agit du type
kappa ou plus rarement lambda. Enfin, certains myélomes sont non
sécrétants (le diagnostic est fait sur le myélogramme et le pronostic
est meilleur).
Au niveau urinaire, on retrouve une protéinurie de Bence-Jones dans
40 à 60 % des cas.
D’autres signes non spécifiques sont aussi retrouvés : une anémie,
une accélération de la vitesse de sédimentation (VS), une
hypercalcémie, parfois une hyperuricémie et une insuffisance rénale.
Le diagnostic revient au myélogramme qui retrouve une
plasmocytose généralement comprise entre 5 et 100 %.
Une biopsie médullaire n’est nécessaire qu’en cas de myélogramme
négatif.
IMAGERIE
L’imagerie repose essentiellement sur les radiographies standards.
La tomodensitométrie permet d’explorer les zones d’accès difficile,
telles que le bassin, le rachis et les os plats.
L’IRM prend une part de plus en plus importante dans le bilan du
myélome.
¦ Radiographies standards [2]
L’imagerie standard reste la principale méthode d’exploration du
myélome. Elle a un triple intérêt : diagnostique, pronostique
(permettant de classer le patient en trois stades) et évolutif (en
association aux données biologiques).
Les radiographies standards sont pathologiques dans 75 à 85 % des
cas. Il s’agit le plus souvent de lésions ostéolytiques, beaucoup plus
rarement condensantes (3 % des cas). Les lésions prédominent sur le
squelette axial, c’est pourquoi le bilan habituel d’un myélome
comporte l’exploration du crâne, du rachis dans son ensemble, du
bassin, des côtes, des humérus et des fémurs.
On distingue cinq aspects radiologiques : multilacunaires (13 %),
ostéopéniques diffus (6 %), avec lésions focales ostéolytiques
éventuellement associées à des fractures (22 %), association des trois
premières formes (57 %) ou aspect normal (21 %).
Formes multilacunaires
Il s’agit de lésions ostéolytiques multiples arrondies ou ovalaires, à
limites nettes, habituellement sans sclérose périphérique, dites à
l’emporte-pièce (fig 1) (cf fig 3A).
Leur taille varie de quelques millimètres à quelques centimètres. De
très petite taille et en grand nombre, elles peuvent donner à l’os un
aspect mité, vermoulu ou moucheté (fig 2). Il n’y a ni condensation,
ni réaction périostée.
Au niveau des os longs, on peut observer une érosion du bord
endostal de la corticale donnant à celle-ci des contours ondulés
(fig 3).
Formes ostéopéniques diffuses
Il s’agit d’une déminéralisation qui touche le squelette axial mais
prédomine sur les corps vertébraux, donnant un aspect de « vertèbre
de verre ». Des tassements vertébraux d’aspect biconcave ou
cunéiforme avec respect des disques peuvent survenir. Cette
déminéralisation peut ressembler à une ostéoporose banale mais elle
est plus évocatrice si elle prend un aspect microgéodique hétérogène
(fig 4). Lorsqu’elle est isolée, cette ostéopénie réalise la myélomatose
décalcifiante diffuse de Weissenbach et Lièvre (fig 5).
Lésions focales ostéolytiques
Sur les os longs, on peut noter les encoches de la surface endostéale
des corticales. Il peut aussi s’agir de masse tumorale expansive
soufflant la corticale, à contours polylobés, éventuellement associée
à une extension des parties molles (fig 6).
Parfois, il s’agit d’ostéolyse à contours flous et gommés.
Les fractures pathologiques peuvent être révélatrices de la maladie,
qu’il s’agisse de fracture d’un os long ou de tassements vertébraux,
parfois accompagnés de compression médullaire (fig 7).
Association des trois premières formes
Le plus souvent, on met en évidence au cours du bilan d’un
myélome l’association d’une déminéralisation osseuse diffuse à des
lésions ostéolytiques focales et microlacunaires.
Aspect normal
Le premier bilan radiologique devant la découverte d’un myélome
peut être normal. C’est dans ces formes que l’IRM prend toute son
importance.
Formes ostéocondensantes [8]
Elles sont rares (3 %) et posent alors de gros problèmes de diagnostic
différentiel (fig 8) avec en particulier les métastases condensantes et
les lymphomes.
Ces lésions condensantes peuvent être uniques ou multiples, parfois
associées à des images lacunaires.
Certaines d’entre elles entrent dans le cadre d’un syndrome POEMS.
Il s’agit de l’association d’une plasmocytose avec condensation
osseuse multifocale ou diffuse, d’une polyradiculonéphrite
progressive (P), une organomégalie (O) portant sur le foie et la rate,
des troubles endocriniens (E), une immunoglobuline monoclonale le
plus souvent de type IgM (M) et des lésions cutanées à type de
pigmentation, d’épaississement cutané, d’hirsutisme, de trouble de
la perméabilité capillaire (S pour skin) : il s’agit d’un syndrome plus
fréquemment retrouvé chez l’homme jeune.
Tableau I. – Classification de Salmon et Durie.
Stade I
Myélome de faible masse tumorale (< 0,6 ´ 1012 cellules/m2)
Tous les critères sont présents :
1. Hb > 10 g/dL
2. Calcémie < 120 mg/L (3 mmol/L)
3. Absence de lésion osseuse ou lésion unique sur les radiographies standards
4. Taux d’immunoglobuline monoclonale faible :
IgG < 50 g/L
IgA < 30 g/L
5. Protéinurie de Bence-Jones < 4 g/24 h
Stade II
Myélome de masse tumorale intermédiaire (entre 0,6 et 1,2 ´ 1012 cellules/m2)
Absence de l’un des critères du stade I, mais aucun critère du stade III
Stade III
Myélome de forte masse tumorale (> 1,2 ´ 1012 cellules/m2)
Présence d’au moins un des critères suivants :
1. Hb < 8,5 g/dL
2. Calcémie > 120 mg/L (3 mmol/L)
3. Lésions osseuses multiples sur les radiographiques standards
4. Taux élevé d’immunoglobuline monoclonale :
IgG > 70 g/L
IgA > 50 g/L
5. Protéinurie de Bence-Jones > 12 g/24 h
Sous-classification
Stade A : fonction rénale normale (créatininémie < 20 mg/L, soit 160 μmol/L)
Stade B : insuffisance rénale (créatininémie > 20 mg/L, soit > 160 μmol/L)
2
3. Radiodiagnostic Atteintes osseuses dans le myélome 31-192-D-10
*A *B *C
Enfin, des lésions ostéocondensantes peuvent être retrouvées dans
les suites d’un traitement par radio- ou chimiothérapie ou dans le
cadre de la consolidation d’une fracture.
Au total, la radiographie standard est un élément fondamental du
bilan de myélome puisque l’atteinte osseuse radiologique fait partie
des éléments du diagnostic et du pronostic selon la classification de
Salmon et Durie. Rappelons qu’elle intervient aussi dans la
surveillance sous traitement.
¦ Scintigraphie [1, 27]
Elle est très peu utilisée dans le diagnostic et le suivi des myélomes
en raison d’une très faible sensibilité. En effet, il existe de nombreux
faux négatifs liés à la petite taille des lésions ostéolytiques. En
revanche, la scintigraphie au technétium 99m-MIBI semble plus
sensible pour détecter les lésions du myélome mais aussi pour le
suivi sous traitement : en effet, on observe une normalisation en
phase de rémission.
¦ Ostéodensitométrie [29]
Certaines équipes l’utilisent dans le suivi évolutif. Sous l’effet du
traitement, notamment le clodronate associé à la chimiothérapie, on
peut observer une augmentation de la densité osseuse qui apparaît
corrélée à la diminution de la masse tumorale.
¦ Tomodensitométrie [2, 3]
La tomodensitométrie ne doit pas être systématiquement réalisée au
cours d’un myélome. Son intérêt réside dans l’exploration de régions
1 Aspect microlacunaire très typique au niveau du crâne
(A). Au niveau des humérus et du bassin les lésions sont
moins nombreuses mais apparaissent à l’emporte-pièce (B,
C, D).
*D
difficiles d’accès aux radiographies standards, comme le bassin
(fig 9) ou les os plats (fig 10), ou en cas de doute diagnostique
(fig 11) (cependant, dans ce dernier cas, l’IRM tend à remplacer la
tomodensitométrie).
Par ailleurs, la tomodensitométrie permet un bilan de l’extension
éventuelle dans les parties molles au contact d’une lésion osseuse
ou extraosseuse primitive (fig 12). Elle a aussi un intérêt dans
l’évaluation du risque fracturaire en cas de lésion ostéolytique en
visualisant particulièrement bien les corticales osseuses et les
déplacements éventuels. La tomodensitométrie peut permettre aussi
un repérage avant une biopsie à visée diagnostique. Associé au bilan
IRM, le prélèvement peut permettre de rechercher des anomalies
cytogénétiques de façon plus précise que par un prélèvement en
crête iliaque.
Elle voit cependant son intérêt diminuer depuis l’avènement de
l’IRM.
¦ IRM [4, 6, 11, 12, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 30, 31]
Sa grande sensibilité en fait l’examen de choix pour l’étude de la
moelle osseuse. Elle a sa place dans le diagnostic, le pronostic et le
suivi évolutif du myélome.
L’examen peut comporter l’étude systématique du rachis dorso-lombo-
sacré et du bassin et/ou être centré sur un site douloureux.
L’étude de l’axe pelvirachidien permet la détection de lésions
cliniquement muettes susceptibles de menacer l’axe médullaire, mais
aussi des anomalies de signal pour certaines assez caractéristiques.
3
4. 31-192-D-10 Atteintes osseuses dans le myélome Radiodiagnostic
2 Aspect vermoulu de la trame osseuse
de la partie moyenne de l’humérus.
Séquences [11, 23]
La séquence en spin-écho T1 est la séquence de base pour
l’exploration de la moelle osseuse de l’adulte puisque celle-ci est de
type graisseux. Dans certains cas, cependant, la moelle osseuse est
hétérogène ce qui peut rendre le diagnostic d’infiltration focale
difficile.
Les séquences en pondération T2 écho de gradient ou fast turbo spin-écho,
ainsi que celles en saturation de graisse augmentent le
contraste entre moelle osseuse normale et moelle osseuse
pathologique. Elles augmentent la sensibilité diagnostique des
nodules.
4 Tassements vertébraux étagés d’allure biconcave ou cunéiforme (A, B). Aspect mi-crogéodique
hétérogène de l’ensemble de la trame osseuse.
3 Lacunes beaucoup plus volumineuses au
niveau du crâne (A). Au niveau de l’humérus
on note une érosion du bord endostal de la cor-ticale
(B).
*A
*B
*A
*B
4
5. Radiodiagnostic Atteintes osseuses dans le myélome 31-192-D-10
*A *B
5 Myélomatose décalcifiante deWeissenbach et Lièvre avec déminéralisation osseuse diffuse (A, B, C).
Les séquences en inversion récupération (STIR) qui permettent
d’annuler sélectivement le signal de la graisse sont de très
bonnes séquences de dépistage, mais ne présentent aucune
spécificité.
Les séquences en spin-écho T1 après injection ne permettent pas
d’augmenter de façon notable la sensibilité de l’examen mais elles
semblent avoir un intérêt pour le suivi sous traitement.
D’autres séquences utilisant le déplacement chimique (Dixon,
Chopper...) accentuent le contraste moelle normale/moelle
pathologique. L’injection de gadolinium majore encore ce contraste.
Au total, le bilan minimal doit comporter des séquences T1 et T2
dans le plan sagittal au niveau rachidien ainsi qu’au niveau du
bassin et de l’extrémité supérieure des deux fémurs dans le plan
frontal.
*C
5
6. 31-192-D-10 Atteintes osseuses dans le myélome Radiodiagnostic
Résultats [6, 17, 18, 20, 23, 24, 30]
La sémiologie IRM des lésions du myélome comporte plusieurs
aspects, certains d’entre eux étant tout à fait non spécifiques,
d’autres pouvant être retrouvés dans d’autres pathologies
hématologiques comme les leucémies ou les lymphomes.
On distingue les lésions focales et les envahissements diffus.
– Les lésions focales : il s’agit d’images en hyposignal T1,
hypersignal T2 et se rehaussant après injection. Elles sont arrondies,
de taille et nombre variables. Elles peuvent être nodulaires et ne pas
entraîner de déformation des contours vertébraux (fig 13) ; à
l’inverse il peut s’agir de masse soufflante volumineuse (fig 14).
8 Mise en évidence d’une lésion condensante de l’aile iliaque droite à contours irré-guliers.
– Les envahissements diffus : ils sont de deux types :
– on peut observer un hyposignal diffus homogène en
pondération T1 (fig 15) (on retient comme hyposignal de la moelle
osseuse un signal inférieur à celui des disques intervertébraux).
En pondération T2 et après injection, le signal se rehausse
généralement. Cet aspect intéresse la totalité des vertèbres
explorées ;
6 Présence d’une lésion
soufflante de la branche
ischiopubienne droite qui
s’est fracturée. L’ostéosyn-thèse
du fémur droit a été
réalisée en raison d’une
autre lésion soufflante de la
partie supérieure de la
diaphyse.
7 A. Tassement du corps vertébral de L2. L’ensemble des
vertèbres explorées apparaît déminéralisé.
B. Tassements vertébraux de la région dorsolombaire
étagée révélant la maladie myélomateuse.
*A *B
6
7. Radiodiagnostic Atteintes osseuses dans le myélome 31-192-D-10
– on peut aussi observer un envahissement diffus hétérogène
composé de multiples lésions de petite taille, c’est l’aspect dit
« poivre et sel » dû à la juxtaposition de multiples petits nodules
10 Lésion ostéolytique au niveau de la première côte gauche. On note par ailleurs un
aspect microgéodique de la vertèbre située en regard.
11 Chez ce patient dont les radiographies standards montraient une importante
déminéralisation, la tomodensitométrie met en évidence l’aspect microlacunaire carac-téristique
du myélome.
en hyposignal correspondant au tissu tumoral et en hypersignal
correspondant au signal graisseux normal (fig 16). En T1 comme
en T2, l’aspect apparaît très hétérogène et peut être difficile à
différencier de l’hétérogénéité normale de la moelle osseuse
fréquente chez les sujets âgés. Ce type d’image peut être associé à
des lésions focales (fig 17).
Enfin, l’IRM peut être normale dans 14 à 48 % des cas selon les
auteurs.
Aucun de ces signes n’est spécifique même si l’IRM est l’examen le
plus sensible pour la détection des lésions osseuses intramédullaires.
L’IRM prend tout son intérêt dans un myélome associé à des
compressions médullaires ou radiculaires. Elle remplace
avantageusement le scanner et le myéloscanner. Elle permet de
localiser des lésions tumorales vertébrales sur lesquelles une
radiothérapie ou un traitement chirurgical peut être envisagé
(fig 18).
Dans l’estimation de la masse tumorale [16, 20], certains auteurs ont
mis au point un index de masse tumorale basé sur le nombre et la
9 Lésion ostéolytique de l’aile iliaque droite (A). L’exploration en fenêtre parenchy-mateuse
(B) met en évidence l’extension aux parties molles (flèches) en avant et en ar-rière
de la structure osseuse.
*A
*B
12 Lésions ostéolytiques de l’hémicorps vertébral gauche de
T11 (A) s’étendant au pédicule homolatéral ainsi qu’aux par-ties
molles antérolatérales (B). On ne retrouve pas d’extension
intracanalaire.
*A *B
7
8. 31-192-D-10 Atteintes osseuses dans le myélome Radiodiagnostic
taille des lésions focales ou la présence d’une infiltration diffuse. Cet
index est corrélé au stade de la maladie, à la calcémie, au taux de
b2-microglobuline et à la survie ; un index bas correspondant à une
survie prolongée. Cependant, ce type d’index, complexe à calculer
et non standardisé, est actuellement peu utilisé. D’autres auteurs ont
analysé en IRM la microcirculation de la moelle osseuse pour
évaluer les myélomes et les suivre sous traitement.
Place de l’IRM dans l’évaluation de la réponse au traitement [14, 17, 21,
24, 26]
Actuellement, l’efficacité du traitement est appréciée sur des critères
clinicobiologiques tels que le taux d’immunoglobuline monoclonale
sérique et urinaire ainsi que sur la plasmocytose médullaire.
Certains auteurs ont cependant montré une corrélation entre la
réponse biologique au traitement et les modifications IRM. Les
lésions nodulaires actives ne répondant pas au traitement gardent
un hypersignal T2 et un rehaussement après injection peu modifié
par rapport à ce qu’il était avant traitement. En revanche, les lésions
nodulaires répondant bien au traitement se présentent sans prise de
contraste ou avec un aspect en anneau témoignant d’une prise de
contraste périphérique.
Si la normalisation est rarement obtenue lors de lésions focales, elle
peut s’observer en cas d’infiltration diffuse mais on ne sait
actuellement s’il s’agit là d’un signe de bon pronostic. Les formes
d’infiltration diffuse peuvent aussi évoluer en formes focales ou en
infiltration diffuse hétérogène chez les patients répondant bien au
traitement (fig 19).
Il apparaît que les patients qui présentent une IRM normale ont une
meilleure réponse au traitement que ceux dont l’atteinte est focale
ou diffuse [17]. De même, il apparaît que les patients présentant une
IRM normale ont un taux de survie plus élevé que ceux dont
l’atteinte est diffuse ou focale sans que l’on puisse mettre en
évidence de différence significative entre ces deux derniers types de
lésions.
Des études plus récentes ont étudié la réponse au traitement par
greffe de moelle osseuse. Ces auteurs [14] ont proposé l’appréciation
d’un index basé sur le nombre des lésions, leur taille, la prise de
contraste après injection intraveineuse et l’aspect de la moelle
osseuse adjacente. Cet index est coté entre 0 et 8. Il est mesuré avant
et après greffe de moelle osseuse. Il semble que l’étude de cet index
soit corrélée à la survie des patients. En effet, des anomalies
résiduelles peuvent être mises en évidence après traitement et
celles-ci ne sont pas nécessairement de mauvais pronostic. Cet index
n’est cependant pas standardisé, ni de réalisation très simple et
demande donc à être validé.
Au total, si l’on peut mettre en évidence qu’une IRM normale laisse
présager une meilleure réponse au traitement et une survie plus
longue, à l’opposé des lésions diffuses associées à un bilan
biologique perturbé laissent augurer d’une mauvaise réponse et
d’une survie plus courte. Il apparaît donc que l’IRM dans le suivi
thérapeutique reste actuellement relativement limitée mais peut tout
à fait se concevoir lorsque la clinique et la biologie sont discordantes,
quand se constitue un tassement vertébral en cours de traitement
ou encore dans les myélomes non sécrétants au cours desquels il
n’est pas possible de suivre un pic monoclonal.
Problèmes des tassements vertébraux au cours des myélomes [15, 16]
L’étude des tassements au cours des myélomes a permis de mettre
en évidence que 67 % d’entre eux sont de type ostéoporotique, la
plupart survenant entre T6 et L4 (87 %). À l’opposé, 33 % seulement
sont de type malin et 4 % d’entre eux surviennent sur le rachis
thoracique haut (fig 20).
Il s’avère en effet que les patients porteurs de myélome ont un
certain nombre de raisons de développer une ostéoporose : on
observe lors de cette maladie une augmentation de la résorption
13 IRM en pondération T1 : présence de lésions nodulaires siégeant au niveau T8-
T9-T10 et L1. S’y associe un aspect « poivre et sel » de l’ensemble de la moelle osseuse
explorée.
14 IRM en pondération T1 de la charnière lombosacrée
sagittale (A) et transversale (B). Masse soufflante de S1, en
hyposignal s’étendant à la partie supérieure de S2. Cette lésion
était responsable d’un syndrome de la queue-de-cheval qui a
été révélateur du myélome.
*A *B
8
9. Radiodiagnostic Atteintes osseuses dans le myélome 31-192-D-10
*A *B
ostéoclastique (fig 21). On note, par ailleurs, une diffusion des
cellules plasmocytaires qui synthétisent des facteurs activateurs des
ostéoclastes. Par ailleurs, l’étude histologique des tassements
d’allure bénigne au cours des myélomes révèle la présence d’une
infiltration myélomateuse ainsi que la destruction des travées de l’os
trabéculaire alors que l’aspect était normal en IRM.
15 IRM en pondération T1 : on note un hy-posignal
diffus et homogène de l’ensemble des
vertèbres explorées (A). À noter un tassement
au niveau T10 (B, flèche).
Une autre étude [15] a permis de mettre en évidence que 67 % des
tassements survenaient sur une moelle osseuse à IRM normale et
37 % seulement sur des lésions préexistantes : la taille des lésions
apparaît donc insuffisante pour expliquer les tassements, ce qui
corrobore la présence de facteurs activateurs des ostéoclastes au
cours du myélome.
Ainsi, devant des tassements bénins étagés, il apparaît impossible
d’exclure le diagnostic de myélome. Par ailleurs, l’IRM réalisée au
moment du diagnostic ne permet pas de prédire de façon très
précise la survenue de tassement, toutefois, les patients présentant
une moelle osseuse normale ou moins de 10 lésions focales
16 IRM du rachis en pondération T2 (A) : envahisse-ment
diffus de type « poivre et sel » de l’ensemble des ver-tèbres
explorées (B, C). Le même aspect est retrouvé au
*A niveau du bassin en pondération T1.
*B
*C
17 IRM en pondération
T1 du rachis lombosacré :
on note l’association d’une
infiltration diffuse de type
« poivre et sel » avec des
lésions nodulaires focales,
ainsi qu’un tassement ver-tébral
en T9.
9
10. 31-192-D-10 Atteintes osseuses dans le myélome Radiodiagnostic
*A
*B
*C *D
18 Radiographie standard (A) : ostéolyse du pédicule gauche de T8 (flèche) et mau-vaise
visualisation du pédicule droit. On note par ailleurs un tassement modéré du
corps vertébral. En IRM en pondération T1 (B, C) comme en pondération T2 (D), on
note un aspect de type « poivre et sel » de la moelle osseuse des vertèbres explorées ainsi
qu’une lésion nodulaire du pédicule gauche et une atteinte épidurale bien visualisée sur
les deux séquences.
19 IRM en pondération T2 : myélome sous traitement
(chimiothérapie puis autogreffe). On note une évolution
vers un aspect hétérogène de la moelle osseuse qui perd son
aspect « poivre et sel ».
*A *B *C
20 IRM en pondération T1 du rachis dorsolombaire. Mise en évidence d’un
tassement d’aspect malin avec bombement du mur postérieur en T7 et hyposignal de
l’ensemble de la vertèbre (A). En L1 et L2, on note des tassements de type ostéo-porotique
avec bande d’hyposignal au contact du plateau inférieur. On retrouve par
ailleurs des lésions nodulaires disséminées notamment en T11, L1, L2, L3, L4 et S1
(B, C).
21 IRM à j0 (A) : on note au niveau L4 et L5 des tassements d’allure bénigne avec
hyposignal en bande au contact du plateau supérieur (à noter par ailleurs une lésion en
S1). À j+4 mois (B) la moelle osseuse de L4 apparaît normale, alors qu’en L5 l’hyposi-gnal
en bande au contact du plateau supérieur a disparu mais on note l’apparition
d’une lésion du coin antéro-inférieur.
*A
*B
10
11. Radiodiagnostic Atteintes osseuses dans le myélome 31-192-D-10
présentent un risque moindre de faire un tassement que ceux qui
présentent plus de 10 lésions focales ou une infiltration diffuse.
Les tassements peuvent donc s’expliquer de la façon suivante :
l’augmentation de la résorption osseuse liée au myélome, ainsi que
l’activation des facteurs ostéclastiques mènent à l’ostéoporose, et l’on
peut ainsi retenir plus une cause biomécanique dans la survenue
des tassements qu’une cause hématologique liée à une atteinte focale
ou diffuse des vertèbres.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
¦ Gammapathie monoclonale bénigne [4]
Elle est caractérisée par la présence d’une immunoglobuline
monoclonale en excès sans signe clinique ou biologique évocateur
de myélome. Les critères diagnostiques sont rappelés dans le
tableau II. Dans une gammapathie monoclonale il n’y a pas
d’envahissement médullaire macroscopique mais on connaît la
mauvaise sensibilité des radiographies standards pour faire ce
diagnostic. Ainsi, dans des cas douteux avec discordance entre
clinique, biologie et radiographie, une IRM peut être indiquée en
sachant qu’un aspect normal n’élimine pas formellement le
diagnostic de myélome. En effet 11 à 24 % des gammapathies
monoclonales se transforment en myélome sur un court délai (3 à
5 ans), d’où l’intérêt de l’IRM au moindre évènement clinique ou
biologique nouveau faisant redouter le myélome. Par ailleurs,
certains auteurs ont décrit des lésions focales en hyposignal T1 et T2
qui correspondraient à des conglomérats de chaînes légères. Il faut
cependant noter que le même aspect peut se voir dans la maladie de
Waldenström et l’amyloïdose.
¦ Autres hémopathies
Les leucémies et les lymphomes peuvent présenter un aspect
similaire et c’est le contexte clinique, biologique et éventuellement
une biopsie osseuse qui permettront le diagnostic.
¦ Métastases osseuses
La présence de lésions osseuses lytiques chez des patients
relativement âgés fait discuter le diagnostic de métastase osseuse.
Le contexte clinique et les résultats biologiques permettront de
trancher.
¦ Maladie de Waldenström [7]
Les lésions osseuses sont les mêmes que celles du myélome, mais il
existe là, à l’immunoélectrophorèse, un pic IgM et dans la moelle
osseuse une prolifération lymphocytaire. Par ailleurs, les lésions
osseuses se voient beaucoup plus rarement.
¦ Amylose
Ce diagnostic pose d’autant plus de problèmes que l’amylose peut
être associée au myélome.
Cliniquement, on note des polyarthralgies, des nodules sous-cutanés
périarticulaires avec en radiographie standard des érosions
périarticulaires, des géodes sous-chondrales sans pincement de
l’interligne ni déminéralisation. L’atteinte est souvent bilatérale,
plutôt symétrique. Le diagnostic revient à l’histologie.
¦ Autres diagnostics différentiels
D’autres affections peuvent entraîner des lésions lytiques multiples :
l’histiocytose X, l’hyperparathyroïdie, la dysplasie fibreuse, certaines
infections comme la tuberculose ou les mycoses.
Plasmocytome [10, 12, 13, 28]
Il s’agit d’une tumeur plasmocytaire isolée de siège osseux ou
extraosseux caractérisée par une lésion unique. Elle est rare. L’âge
de survenue est d’environ 50 ans.
Sur le plan clinique, le plasmocytome se manifeste le plus souvent
par des douleurs osseuses, des signes neurologiques à type de
radiculalgie ou paraplégie, parfois il s’agit d’une fracture
pathologique ou d’une tuméfaction.
Les localisations osseuses les plus courantes sont le rachis,
notamment en dorsolombaire, et le bassin, mais on décrit également
des localisations au niveau du crâne, des côtes, du sternum, des
omoplates, des clavicules et des os longs. Les localisations
extraosseuses touchent surtout le nasopharynx. Des localisations
viscérales, abdominales ou thoraciques sont plus rares.
Sur le plan biologique, le plasmocytome peut être sécrétant ou non.
On ne note pas d’envahissement plasmocytaire sur le myélogramme
et souvent seule la biopsie du site touché permet de faire le
diagnostic.
IMAGERIE
¦ Radiographie standard
L’aspect le plus typique et le plus évocateur est celui d’une ostéolyse
à point de départ médullaire ; on note un respect relatif de la
corticale osseuse qui peut être soufflée ou amincie ; des
trabéculations parfois grossières peuvent être associées (fig 22) ; une
rupture de la corticale s’accompagne d’une extension importante
dans les parties molles.
Au niveau du rachis, on peut retrouver un aspect là aussi évocateur
de destruction étendue de l’os spongieux du corps vertébral
réalisant le signe de la « vertèbre évidée » : la prolifération tumorale
responsable de la destruction osseuse est à l’origine de ce signe
(fig 23) ; le même aspect peut être retrouvé au niveau du pédicule et
l’on parle alors de « pédicule évidé » ; là aussi, on peut noter des
extensions paravertébrales ou discales. L’aspect évidé peut
contraster avec la préservation ou l’épaississement de certaines
travées osseuses. Les atteintes vertébrales peuvent entraîner un
tassement.
Des lésions moins typiques peuvent être retrouvées à type de
lacunes à l’emporte-pièce ou de lésions osseuses condensantes.
¦ Tomodensitométrie
Le scanner permet de mieux apprécier l’état des corticales et celui
de l’os spongieux, notamment dans les régions anatomiques
difficiles à explorer par les radiographies standards comme le rachis
ou le pelvis (fig 24, 25). Un aspect assez caractéristique est celui du
contraste entre l’évidement osseux et l’épaississement de certaines
travées intralésionnelles ou de la corticale donnant une allure
multikystique à la lésion. Il permet par ailleurs la mise en évidence
d’éventuelles localisations extramédullaires ou d’autres localisations
osseuses infraradiologiques. De même, la tomodensitométrie peut
permettre de guider une biopsie à visée diagnostique.
¦ IRM
Sur les séquences pondérées en T1, on note un hyposignal très
homogène ; cette homogénéité persiste après injection et en
séquences pondérées en T2 mais ne présente aucune spécificité.
Un aspect quasi pathognomonique du plasmocytome a été décrit en
IRM dans les localisations vertébrales. Comme en tomodensi-
Tableau II. – Critères diagnostiques de la gammapathie monoclonale
bénigne.
Concentration sérique de la protéine monoclonale < 2 g/L
Taux normal de l’albumine sérique et des globulines polyclonales
Absence de protéinurie de Bence-Jones
Plasmocytose médullaire < 5 % et/ou de type polyclonal à l’étude immunohistochi-mique
Absence de lésion osseuse
Absence d’anémie
Absence d’évolutivité sur une période d’observation supérieure à 3 ans
11
12. 31-192-D-10 Atteintes osseuses dans le myélome Radiodiagnostic
*A
tométrie, on peut retrouver la présence de structures curvilignes
liées à l’hypertrophie ou la préservation des travées restantes, en
hyposignal sur toutes les séquences et/ou l’irrégularité de la
corticale. Ces aspects sont particulièrement nets en coupes axiales.
Ces images ne sont pas retrouvées dans d’autres pathologies,
notamment au cours des métastases.
Dans certains cas, on retrouve une atteinte multifocale infra-radiologique
qui correspond à une évolution du plasmocytome vers
le myélome. Ces aspects se voient dans un quart à un tiers des cas.
¦ Diagnostic différentiel
Le principal d’entre eux est celui de métastase.
Un hémangiome peut être évoqué mais l’aspect des travées osseuses
ainsi qu’un hypersignal T1 peuvent permettre d’orienter le
diagnostic.
Dans les formes pseudokystiques, on peut évoquer le diagnostic de
kyste anévrismal.
22 Plasmocytome. Radiographie standard : au niveau de l’acromion (A) comme au
niveau de L5 (B), on note une ostéolyse soufflant la corticale associée à des trabécula-tions.
*B
23 Plasmocytome. Radiographie standard (A) : aspect de vertèbre évidée qui semble avoir disparu sur les radiogra-phies
standards. En tomodensitométrie (B, C) on note une masse tissulaire occupant la totalité du corps vertébral ainsi
que les pédicules et responsable d’une lyse de l’ensemble du corps vertébral.
*A
*B *C
12
13. Radiodiagnostic Atteintes osseuses dans le myélome 31-192-D-10
Traitement
Il repose actuellement sur les alkylants (melphalan ou cyclo-phosphamide)
associés à la corticothérapie ; d’autres protocoles
comme la polychimiothérapie, voire la chimiothérapie lourde suivie
d’allogreffe ou d’autogreffe de moelle osseuse (ceci chez le sujet
24 Plasmocytome localisé à l’aile iliaque droite. Les radiographies standards mettent
en évidence une ostéolyse de l’aile iliaque droite d’appréciation difficile en raison de la
superposition de structures gazeuses (A). La tomodensitométrie (B, C) montre l’aspect
soufflé et même rompu de la corticale osseuse ainsi que l’extension aux parties molles
adjacentes.
jeune) peuvent être proposés. L’interféron prescrit dans les
myélomes en phase de plateau allonge la durée de la réponse.
La médiane de survie est de 30 mois et n’a guère progressé depuis
20 ans (date de l’utilisation des alkylants).
Dans les atteintes vertébrales qui présentent un risque médullaire,
la vertébroplastie percutanée par injection de méthylméthacrylate a
un effet antalgique très efficace mais doit toujours être pratiquée en
centre neurochirurgical ou orthopédique car cette technique n’est
pas sans risque de complication. Dans les compressions médullaires,
on peut aussi avoir recours à la radiothérapie, voire à la chirurgie.
Conclusion
Le diagnostic de myélome repose sur un faisceau d’arguments cliniques,
biologiques et radiographiques selon la classification de Salmon et
Durie. L’IRM prend une part de plus en plus importante à ce bilan
pour le diagnostic et le pronostic mais aussi pour le suivi évolutif des
patients atteints de myélome, de plasmocytome solitaire ou de
gammapathie monoclonale dite bénigne. Cependant, l’indication de
l’IRM ne peut être actuellement systématique et dépend notamment des
options thérapeutiques choisies : extension plus précise d’un myélome,
détection de tassements vertébraux et d’éventuelles épidurites qui
pourraient présenter un risque pour la moelle, évaluation de la réponse
au traitement ou encore recherche d’une atteinte disséminée en cas de
plasmocytome ou de gammapathie monoclonale présentant une
discordance entre clinique biologique et imagerie.
*A
*B
*C
25 Plasmocytome de L5 avec trabéculations hypertrophiées. Cet aspect peut être
aussi retrouvé sur les séquences IRM réalisées dans le plan axial et apparaît relative-ment
spécifique du plasmocytome.
13
14. 31-192-D-10 Atteintes osseuses dans le myélome Radiodiagnostic
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