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1
AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS JUIN / JUILLET / AOUT N° 5
AFRO FUTUR
—ISM
2
Couverture:
From the “C-stunner’s”, 2011
Cyrus Kabiru
Crédit photo: Shiramwangi
Merci à tous ceux qui ont contribué à ce numero:
Jay One Ramier, Julie Crenn, Anna Djigo, Cecilia Tripp,
Cyrus Kabiru, Anne Gregory, Kapwani Kiwanga,Julie
Crenn, Emily Goedde, Edem Allado, Yinka Shonibare,
Jean-Ulrick Désert, Mohamed Bourouissa, Jean Pierre
Bekolo Obama, Chassol, Janluk Stanislas, Mamadou
Cissé, Holly Bass, Kool Koor, Ntone Edjabe, Paul D.
Miller (DJ Spooky), Landry Mbassi, Paul Sika, Mukwae
Wabei Siyolwe, Marion Louisgrand Sylla
Direction de publication
Carole Diop
Pascale Obolo
Rédactrice en Chef
Pascale Obolo
Direction de projet
Louisa Babari
Direction Artistique
antistatiq™
Graphisme
antistatiq™
Comité de rédaction
Frieda Ekotto
Kemi Bassene
Olivia Anani
Camille Moulonguet
Michèle Magema
Patrick de Lassagne
Djenaba Kane
Sonia Recasens
Photographe Afrikadaa
Jean-Michel Quionquion
(makrovision.carbonmade.com)
Tous droits de reproduction réservés.
Contact: info@afrikadaa.com
Juin 2013
www.afrikadaa.com
www.facebook.com/Afrikadaapage
www.twitter.com/afrikadaa
3
EDITO :
Le mouvement AFRO-FUTURISM est-il un mirage artistique adressé aux communautés noires pour fuir un espace corrompu
qui les a enchaînés physiquement et mentalement sous forme d’Alien-nation vis-à-vis de la société occidentale ? Chercher
d’autres planètes comme le musicien et artiste Sun Ra, fils de Saturne, qui voulait se désaliéner de son passé tout en y
inscrivant son immortalité.
Ce numéro restitue un éventail de médiums et d’artistes qui ont une vision novatrice des expériences afro diasporiques
révolutionnaires et avant-gardistes d’un futur réel et imaginaire. Les articles témoignent de l’ère numérique, de fragments
d’histoire, essais fictifs et mythes, sous une perception immersive en 6.0 des arts contemporains.
L’Afro-Futurisme serait - il un mythe ou une métaphore avec laquelle nous irions à la rencontre de la légende de Sun Ra
avec Frieda Ekotto, Anne Gregory et Kemi Bassene en passant par le Next narrative de Jean-Pierre Bekolo Obama et la
plateforme Pananafricanspacestation de Ntoné Edjabe fondateur de la revue Chimurenga à Johannesburg.Nous tenterons
ainsi d’explorer l’élargissement des( im)possibles  grâce aux travaux d’ artistes rencontrés dans ce numéro.
Essayons de penser l’Im-possible en interrogeant la notion d’Afro-futurisme ? Nous avons voulu à travers le temps
et l’espace révéler une épopée surprenante où les éléments visuels et les récits liés à la science-fiction, aux voyages
interstellaires, interplanétaires et à l’identité noire comme étant un « alien » traversant le mouvement des droits civiques,
des luttes décisives contre l’esclavage et le colonialisme sur des milliers d’années pour nous conduire vers de nouveaux
espaces spatiaux temporaires.
Cherchant dans les différentes disciplines artistiques, l’histoire et les mythologies, nous voilà à la re- découverte d’un
monde fantastique et futuriste dans lequel l’artiste fusionne avec la machine pour recréer un imaginaire singulier, en
rupture avec tout effet de réalité. L’espace se substitue au ghetto, le voyage interstellaire au récit des origines. Le futur
comme allégorie politique pour revisiter l’histoire de la diaspora africaine et redéfinir par la même occasion le devenir de
l’espèce humaine.
Dans ce numéro, interrogeons la notion de l’Im-possible, qui pour Sun Ra conduit  à la déréalité  de son être et à la
mythification de la réalité pour rationaliser un futur fictif.  «l’impossible m’attire car toutes les choses possibles ont été faites
et le monde n’a pas changé.»
Ces bouillonnements hétéroclites du passé à l’aune du futur ne peuvent manquer de trouver un écho dans la production
artistique contemporaine.
La thématique Afro-futuriste est une occasion de fouiller le passé, d’explorer le présent, et d’imaginer le futur grâce à la
sélection d’artistes que nous avons choisis dans ce numéro spatialement cosmique..
Dans l’univers globalisé, AFRIKADAA réinvente son imaginaire et propose une relecture futuriste de l’art contemporain.
Sun Ra, Alice Coltrane, Lee Scrach Perry, Rammelzee, Afrika Bambataa sont les artistes qui m’ont porté dans l’écriture de ce
cet édito.
The AFRO-FUTURISM movement is an artistic mirage addressed to black communities as an escape from a polluted world that physically and
mentally enchains them in an alien-nation vis-à-vis western society. In his search for other planets, musician Sun Ra, son of Saturn, wanted to
alienate himself from his past even as he wrote his own immortality.
This edition displays a spectrum of genres and artists, all of which demonstrate innovative visions of African-diasporic experiences, a
revolutionary vanguard of real and imaginary futures. We discover their work through articles in the digital age, fragments of history, which
test fictional myths in an immersive 6.0 perception of contemporary art.
Afro-Futurism is a myth or a metaphor wherein we discover the legend of Sun Ra with Frieda Ekotto, Anne Gregory, Kemi Bassene, via the next
narrative with Jean-Pierre Bekolo Obama and the pananafricanspace station platform with Ntoné Edjabe, the founder of the South African
magazine Chimurenga. Through the work of the artists interviewed in this issue, we propose to explore the expansion of the (Im)possible. Can
we contemplate the impossible by questioning the very concept of Afro-futurism?
By moving across time and space, our intent is to reveal an unexpected epic of visual elements and stories linked together by their affinity to
science fiction, to interstellar and interplanetary journeys, and to black identity as “alien.” We travel through diverse and pivotal human and
civil rights movements, as well as struggles against slavery and colonialism; we travel for thousands of years and traverses countless miles,
ultimately leading us to new spaces and temporalities.
Searching within different artistic disciplines, histories and mythologies, we have re-discovered a world of fantasia, of the future. Here artists
merge with machines creating singular imaginaries without a trace of reality. Space replaces the ghetto; interstellar travel takes the place of
stories of origins. The future becomes a political allegory through which to revisit the history of the African diaspora and redefine the future of
the human species.
In this issue, we interrogate for ourselves the concept of impossibility just as Sun Ra rejected the fantasy of his being as that of an American
myth, which had been imagined by the oppressor-other: “The Impossible attracts me because everything possible has been done, and the
world did not change.”
All the disparate bubblings of the past in the future cannot fail to find an echo in contemporary artistic production.
With the works of the artists we have chosen to travel with in this spatially cosmic issue, the theme of Afro-futurism can be an opportunity for
us to dig into the past, to explore the present and imagine the future together.
AFRIKADAA must reinvent its conceptualization of globalization in order to propose a new futuristic re-reading of contemporary art.
Sun Ra, Alice Coltrane, Lee Perry Scrach, Rammelzee, Afrika Bambataa are the artists who inspired me to concoct this editorial.
Pascale OBOLO
4
AFRIKADAA AFROFUTUR—ISM
ART TALK
06 AFROFUTURISM : UNE DÉCONSTRUCTION MÉTAPHYSIQUE, UNE ÉQUATION ORIGINELLE - PAR KEMI BASSENE
08 WHO RA ? - BY ANNE GREGORY
10 THE MYTH OF SUN RA : SPACE IS THE PLACE CRIES AFROTURISM - BY FRIEDA EKOTTO
14 THE NEXT NARRATIVE - BY JEAN PIERRE BEKOLO OBAMA
18 WHAT ACHEBE CONTINUES TO TEACH US - BY EMILY GOEDDE
20 PEUT-ON PARLER D’UNE PRATIQUE FUTURISTE DE L’ART CONTEMPORAIN AU CAMEROUN? - PAR LANDRY MBASSI
22 YINKA SHONIBARE : A(RT)LIEN - PAR JULIE CRENN
28 DESTINS NOIRS – DYNASTIES BLANCHES - PAR PATRICK DE LASSAGNE
32 CHASSOL, DANS CETTE VIE ANTÉRIEURE - PAR CAMILLE MOULONGUET
34 UTOPIE... ANONYME - PAR LOUISA BABARI
40 REMIX AFRICANA: COMPUTATIONAL CODE IN THE GENERATION OF “ART” - BY MUKWAE WABEI SIYOLWE
42 LOWTECH SOLUTIONS FOR HIGH TECH CHALENGES - BY OLIVIA ANANI
44 LA PHOTOGRAPHIE AFRICAINE - PAR CAMILLE MOULONGUET
48 LES PARTICULES PICTURALES D’ EDEM ALLADO - PAR PASCALE OBOLO
52 THEMANWHODISCOVEREDTHEWORLD-BYLOUISABABARI
58 KOOLKOORLOOKINGFORTHEPERFECTBEAT-BYJAYONERAMIER
62 TRAFIKD’INFO :FROMTHESLAVESHIPTOTHESPACESHIP-BYCECILIATRIPP
PLACES
66 PANAFRICANSPACESTATION, DEMATERIALIZEDART SPACE-BYPASCALEOBOLO
CONCEPT
68 TRIBUTETOASHOOTINGSTAR -BY HOLLYBASS
72 DUPLICITY :« VISIONSCOSMIQUES » -PARMICHÈLEMAGEMA
PORTFOLIO
74 MARC JOHNSON :L’ALCHIMISTE - PARCAROLEDIOP
5
78 PAULSIKA :LEPHOTOMAKER2.0 -PARANNADJIGO
FOCUS
82 KAPWANIKIWANGA :UNEARTISTESTELLAIRE-PARCAROLE DIOP
ARCHITECTURE
86 MAMADOUCISSÉ :CITIESUPGRADER- PARCAROLEDIOP
DESIGN
90 YRUSKABIRU: FROMDREAMERTOVISIONARY
EXHIBITION REVIEW
94 THUSSPOKEWANGECHI-BYANNEGREGORY
98 ROMBIRTHTOI-DENTITY -PARSONIARECASENS
100 SAMTABENYAHIA TRANSCENDE « LEDRAP »-PARSONIARECASENS
102 POLITIQUEMENTINCORRECT ?-PARSONIARECASENS
CARNET DE BORD
106 DJSPOOKYTHATSUBLIMINALKID-PARCECILIATRIPP
AFRIKADAA’S LIBRARY
108
AGENDA
110
AFRIKADAA PLAYLIST 
119
6
Aucune définition n’est finalement valide
pour sonder les contours d’un mouvement
qui pratique la distanciation comme en
philosophie ou encore refuse les codes
industriels artistiques pré dictés par le
marché.
Le penseur afro futuriste est par définition un
traumatisé culturel en construction qui très
souvent se renomme comme pour mieux
choisir sa naissance. Il regarde le monde
tel un postulat mathématique et choisit la
formule logique adéquate pour trouver ses
“vérités esthétiques”.
Les cosmogonies africaines, notamment
antique égyptienne et yoruba sont
empruntées pour résoudre les “équations”
posées par les conditions d’existence. Cette
distance par rapport aux valeurs préétablies
telles la philosophie occidentale ou son
esthétique écarte les religions et laisse à la
place, dédiée à la foi, un empirisme rationnel.
L’approche métaphysique se retrouve ainsi
dans l’imaginaire et les créations qui en
découlent.
Afrofuturism: une esthétique de
résilience ?
Il n’est cependant pas vérifié d’attribuer ce
concept sociologique uniquement à une
partie des communautés noires. En quoi
les troubles émotionnels subis par Abel
Meroopol, enseignant juif à New York,
AFROFUTURISM
!"#$%&'(")*+!'*,("$-&*./01),2!#3
!"#$&2!.*,("$(+,4,"#55#6 Texte et photo de Kemi Bassene
ART TALK
7
lorsqu’il vit des photos de lynchage de noirs
et répondit par le poème Strange Fruit,
différent des troubles qui ont conduit Sun
Ra à repenser son immortalité et à quitter sa
condition d’homme ? De même, la musique
de John Cage avec qui il partage l’approche
abstraite et métaphysique pourrait alors être
renommée euro futuriste et résiliente.
De la même façon que les musiciens
de la renaissance se sont émancipés de
l’église, Sun Ra a bousculé les compositions
classiques orchestrales en doublant certains
instruments ou en rajoutant des sonorités
électriques et parfois «chaotiques»: un
double madrigal futuriste.
“Celuiquicontrôlele
passécontrôlelefutur ;
celuiquicontrôlele
présentcontrôlelepassé.”
GeorgesOrwell
Sun Ra, l’ange venu de Saturne
Du bateau qui accoste à la navette spatiale
qui s’apprête à décoller, la théorie chez
Sun Ra investit une destination future pour
mieux visiter le passé. L’exode par la pensée
et par l’esthétique est le remède pour sortir
du mythe et de l’aliénation mentale. L’espace
remplace la terre et son infinité est à l’image
de la créativité.
«I came from somewhere else.» Sun Ra
Le mouvement Afrofuturism est-il une
dérision adressée aux communautés noires
elles-mêmes pour questionner leur peu
d’intérêt pour les sciences fictions ? Un
domaine exploité quasi exclusivement par
des auteurs blancs et qui, comme le décrit
le critique d’art Samuel R. Delaney dans
Racisme et Sciences Fiction écarte toute
possibilité de changer leurs conditions aux
communautés noires. Si tel est le cas le
conservatisme serait le ver qui ronge le fruit
de la pensée ? Les troubles émotionnels issus
de la Seconde Guerre Mondiale combinés
aux sévices subis en Alabama ont été
déclencheurs d’une conscience nouvelle:
une vision et une volonté de se défaire
des chaines invisibles qui contiennent la
créativité et entretiennent le mythe. Comme
Jean-Michel Basquiat ou Fanon, Sun Ra
déconstruit les codes de la pensée pour
trouver les remèdes de l’esthétique et de la
sociologie de demain. Le silence devient une
musique. Le chaos trouve son harmonie et
l’espace est une terre promise.
Une troisième composante s’invite au côté
des éternelles corruptrices de la pensée
que sont la vie et la mort pour Sun Ra :
l’immortalité.
Le concept Afro futuriste incarne t-il la
branche abstraite, fictive du Black Art
Movement ?
Le modèle assimilationniste américain a
trouvé avec les artistes qui ont inspiré le
Black Art Movement des résistants contre la
pensée unique et l’esthétique imposée.
«Une fiction spéculative qui traite des
thèmes africains américains et qui implique
les intérêts des africains américains dans la
technoculture du vingtième siècle », Mark
Dery.
Au Ghana, la foi en la continuité de l’activité
après la mort conduit à préparer le défunt de
sorte qu’il ait ses outils pour poursuivre son
existence. Il n’existe nulle dernière demeure,
la vie étant éternelle. Le personnage
mythique de Njeddo Dewal dans les contes
initiatiques Peuls de Amadou Hampaté
Ba témoigne de la richesse africaine en
cosmogonies et en sciences fictions. Cette
philosophie de prolonger l’existence
humaine dans le futur ne peut s’assimiler
avec l’héritage colonial et offre tout comme
la réincarnation bouddhiste ou la renaissance
afro futuriste une nouvelle palette de
créativité et de rupture, quant aux formes
d’asservissements esthétiques inhérentes
aux peuples minoritairement représentés, de
par leurs cultures.
Le deejaying, un acte de
déconstructivisme au service des
musiques urbaines ?
Le futurisme artistique moderne bien
que gangréné par l’industrie transporte le
passé à travers le futur par le remix musical.
La technologie moderne est la clé de
l’évasion esthétique. Cependant les festivals
de créations afro futuristes sont de nos
jours sponsorisés par de grands groupes
industriels, pour parfaire son image auprès
du large public qu’ils déplacent. En littérature
ou en cinéma, les mythes du passé offrent
des situations de chaos modernes libérées
de toute forme de restriction. Un samouraï
devient ainsi afro, un Thor devient noir.
L’antinomie de la théorie afro futuriste réside
dans la projection vers le futur de peuples
en en recherche de leur passé occulté.
Comment penser le futur tout en ignorant
le passé est encore l’axiome de départ de
l’application Afrofutiriste ?
8
Long before Jean Michel Basquiat
wowed the art world with his
trademark bad boy, Afro centric,
sly, self effacing, emancipating
paintings; before George Clinton
could say “Parliament” and
“Funkadelics”; before Rammellzee
suited up to battle the Word;
before Renee Cox flipped the
script with her disturbingly
beautiful photographs that de/
reconstruct the socio cultural
myths stifling black females; even
before Octavia Butler wrote her
first sci fi story (at age 12) and
all the books that eventually
followed (which earned her a
Macarthur genius grant); and way
before house music, hip hop, and
rap; there was Sun Ra.
Who was Sun Ra? For starters,
he was a brilliant jazz keyboardist,
composer, pioneer of electronic
music, and bandleader
extraordinaire, categorically
off the chain. Like a court jester,
he vacillated between zany
and profound usually in the
same sentence. A freethinking
intellectual, Ra rejected textbook
history and created an Astro
Black Mythology connecting
ART TALK
WHO
RA?
.$"#7$*.8#$("$."$(5%$)*.+
Par Anne Gregory
“Sun, the pope of Afrofuturism” Design © Peter Dennett. Art Yard Ltd 2013
9
ancient Egypt with outer space. He
concocted a fate of the universe based on
the Bible, the Quran, and Flash Gordon
comics and concluded “the only way this
world can be saved from being completely
destroyed is through music.” 1
So he
proceeded to make music that was out of
this world for 60 years.
“Theonlywaythisworldcanbe
savedfrombeingcompletely
destroyedisthroughmusic.”
1 Cotter, Holland. (2009, April 30).
Beamed From Tomorrow, New York Times.
A quote attributed to Sun Ra. attribute
Born Herman Poole Blount, in Birmingham,
Alabama, in 1914, he discarded his past
like some ill-fitting suit, got rid of his slave
name, too. He claimed to be from Saturn
and he was here with a message from
higher beings. “Space is the Place” was
his mantra. He touched down in Chicago,
New York, and Philadelphia and spread
that message through his music. Known
for his wacky Afro/techno attire, sparkly
robes and bedazzled crowns with whirly
gigs were worn as a uniform. Behind this
amusing façade (Ra had a wry sense of
humor and said he was the biggest joke
ever played on the world) there was a
sincere man on a serious moral mission.
The Sun Ra phenomenon can be
viewed as a metaphor for liberating
the African Diaspora from its
history of oppression into a future
of cosmic possibilities and infinite
freedom. Indeed, Sun Ra felt the
burden of saving all humanity. He
said he hated people because he
loved them so much. That if they
weren’t in such a mess he could
have skipped his earth gig and
been a free spirit floating around
the universe. But he shared the
love through his music and his
musings. The 1959 letterhead for
his Le Saturn Records label read:
“Beta Music For Beta People for a
Beta World”.
Once in a while you come across
an artist who blows your mind and
touches your spirit -- someone
who reaches for the highest human
potential instead of aiming for
commercial success. That’s Sun Ra.
His example inspires me to make
paintings that send out strong positive
energy – like his music. In my painting
“Of the Sun” a radial pattern suggests an
offbeat version of a mandala – an ancient
motif that represents the universe and
gives a symbolic offering.
Like Ra, artists across all media tell and
retell events as a way of revising the past
and holding the present accountable in
order to fix the future. After all, the survival
of the planet may depend on it!
Anne Gregory is
an artist living
in Durham NC,
USA.  Currently she
is working on a
series of paintings
called Uprising which
explores conflict
and resolution in
the context of world
events focusing
on Africa, the Arab
Spring, and Wom-
en’s Issues.  “Of the Sun”, acrylic on canvas.  Sending it out to Sun Ra.   © 2013 Anne Gregory
10
“If we continuously allow
white people to define our
space as artists - we don’t
deserve to occupy that
space as artists.”
Mtume The Cricket
This reflection by Mtume illuminates a
fragment of Afrofuturist philosophy that is
embodied in Space Is the Place, an 82-minute
film produced by Jim Newman in 1974.1 The
product of a course, which Sun Ra taught in
1971 at the University of California, Berkeley
entitled: “The Black Man in the Cosmos,” the
film stresses the importance Sun Ra placed
on the transmission of knowledge to young
people. Two scenes crystalize this: Sun Ra’s
discussions with teenagers on the concept
of reality and his final selection of the people
who will travel with him in space in order to
learn about the cosmos and the future.
The first scene goes like this: A middle-
1 This film was directed by John Convey
and written by Sun Ra and Joshua Smith. It featured
the musician Sun Ra with his group, the Arkestra.
aged black
man, dressed
extravagantly in
flowing robes and
a gilded crown
and flanked by
two attendants in
Egyptian masks,
appearssuddenly,
materializing
out of nowhere, in the middle of a teenage
youth center in Oakland, California. One of
the teenagers, out of the many who regard
the man with a mixture of disbelief and
I’ve-seen-everything indifference, steps up
and asks the only question that makes sense:
“Are you for real?” He gets more than he
bargained for, however, with this yes-or-no
question. After all, he is asking Sun Ra, who,
even if we describe him as musician, poet,
philosopher and activist, we don’t begin to
say it all. This is what he replies:
I’m not real; I’m just like you. You don’t
exist in this society. If you did, your people
wouldn’t be seeking equal rights. You’re not
real. If you were, you’d have some status
among the nations of the world. So we’re
both myths. I do not come to you as a reality,
I come to you as a myth, because that’s
what black people are, myths. I come to you
from a dream that the black man dreamed
long ago. Sun Ra’s answer presents some of
the central issues that his work considers.
The first being, “What is reality?” This might
sound trite, but Sun Ra was extremely
serious in his approach to the real. For him
“real” is a creation of racist and classist
ideologies. And it need only be reality if you
accept it as such—he does not. In this deep
skepticism, we find resonances with another
post-war artist
and thinker from
the francophone
sphere, namely
Jean Genet. Both he
and Sun Ra worked
intensely towards
a total revision of
our assessment of
reality and other abstractions that are taken
as givens but which are actually creations of
racist ideologies. As I’ve written elsewhere,
“Genet profoundly intervenes into the
question of race by introducing it within the
THE MYTH OF SUN RA)9:;<$=>$?@<$/A:;<$;B=<>$.CBDCE?EB=>F
By Frieda Ekotto Professor of Afroamerican and African Studies - French and Comparative Literature - The University of Michigan, Ann Arbor
11
framework of the philosophical skepticism
of postwar European thought” (9). In
Genet’s work Les Nègres we find “a critique
of rational thinking that took the form of
a critique of the tyranny of abstractions”
(12).2 Sun Ra essentially does the same. In
his music, political work, as well as in the
history he created for himself, Ra dismantles
Enlightenment-driven practices of reason
and truth, instead insisting upon opening
up reality. The fact that he claimed not to
be earthly at all, but a member of the Angel
Race from Saturn, only seems crazy until we
stop and think about the way black men are
constructed in dominant discourses. But Sun
Ra was doing more than deconstructing,
he was creating a new history as part of his
cosmology, both of which were Afro-centrist
at their cores. “I come to you from a dream
that the black man dreamed long ago”
reminds us that history, just like reality, is
constructed, and Sun Ra is going to have to
create a new history too, one that he draws
2 Ekotto, Frieda. RaceandSexAcross
theFrenchAtlantic:TheColorofBlackinLiterary,
PhilosophicalandTheaterDiscourse. Lanham,
Maryland: Lexington Books, 2011.
from a powerful African past. In this way, Ra,
like many other black activists since the 50s,
demonstrates how black history and culture
have been erased from official histories.
There is no such a thing as a black culture or
history unless they create it.
“ I do not come to you as a
reality, I come to you as a
myth, because that’s what
black people are, myths.”
It is in his creative work that Sun Ra’s
philosophical approach is made manifest.
Taking what white dominant culture
offered, and completely rejecting its power
over his reality, he transforms its historical
and creative apparatuses by intentionally
misusing them, bending and melding them
into his own creative vision. We find this is his
music, of which he wrote, “The only way this
world can be saved from being completely
destroyed is through music.”3 And we find
3 Cotter, Holland. “Beamed From Time.”
NewYorkTimes. April 30, 2009.
this in Space is the Place (1974) itself, which
challenges the notion of genre by mixing
different genres such as documentary,
science fiction, Blaxploitation, musicals and
biblical dramas. Therein lies the power of Sun
Ra’s work: the ability to simultaneously reject
and to create, to expose and destroy the
constructed power at the heart of dominant
discourses. He combines music, writing
and film and takes the disempowerment of
slavery and turns it into a creative situation
in which the absolute identity of African
Americans is unknown to anyone but
African-American themselves. As Brent
Edwards writes, music helps black people to
redefine themselves all the time: “the true
voices of Black Liberation have been the
Black musicians...the history of Black Music is
a history of a people’s attempt to define the
world in their own terms.”4
4 Edwards, Brent Hayes. “The Race For
Space: Sun Ra’s Poetry.” TheImmeasurableEquation:
TheCollectedPoetryandProseofSunRa. Eds. James
L. Wolf and Hartmut Geerken. Norderstedt:
Waitawhile, 2005:29-57
12
Sun Ra’s approach to reality, to history, to
cosmology and to creativity has come to
be called afro-futurist (the term was coined
retroactively in 1994 by the critic Mark
Dery). 1 Ra’s use of mixture as a source of
power was surely prescient if not completely
revolutionary. In Space is the Place, we find,
for example, that his future, in addition to
being created by his music, which plays
with multiple genres, is also multi-cultural.
This is exemplified by his final selection
of people for the future, which includes,
in addition to African Americans, a young
Latina woman. This selection is powerful:
he’s demonstrating what reality actually is,
multitudinous, and what the future could
be if we are brave enough, creative enough,
and maybe even crazy enough to entirely
reconsider our present and our historical
realities.
“Sun Ra was doing more
than deconstructing, he
was creating a new history
as part of his cosmology,
both of which were Afro-
centrist at their cores.”
Further Reading
Corbett, John. “Brothers From Another
Planet: The Space Madness of Lee “Scratch”
Perry, Sun Ra, and George Clinton.” Extended
Play: Sounding Off From John Cage To Dr.
Funkenstein. Durham: Duke University Press,
1994: 7-24.
Lock, Graham. Blutopia: Visions of the Future
1 We find this beautifully illustrated in John
Akomfrah’s 1996 film TheLastAngelofHistory.
and Revisions of the Past in the Work of
Sun Ra, Duke Ellington, and Anthony
Braxton. Durham: Duke University Press,
1999.
Szwed, John. F. Space is the Place: The Lives
and Times of Sun Ra. New York: Pantheon,
1997.
Szwed, John. F. “Sun Ra, 1914-1993.”
Crossovers: Essays on Race, Music, and
American Culture. Philadelphia: University of
Pennsylvania Press, 2005: 209-210.
Zuberi, Nabeel. “The Transmolecularization
of [Black] Folk: Space is the Place, Sun Ra
and Afrofuturism.” Off the Planet: Music,
Sound and Science Fiction Cinema. VII
(2004): 77-95.
Exhibition Catalogue: Pathways to Unknown
Worlds: Sun Ra, El Saturn and Chicago’s
Afro-Futurist Underground, 1954-68, ed.
Anthony Elms (2007). This book documents
an exhibition presented at the Hyde Park
Art Center in Chicago from October 1, 2006
through January 14, 2007.
Sun Ra syllabus (according to this person
who claims Jim Johnson gave him this
information):https://sites.google.com/site/
intergalacticresearch/coursesyllabus 
Blog post about Sun Ra’s syllabus: http://
worldwithwords.blogspot.com/2009/03/sun-
ras-syllabus.html
Websites about Sun Ra: http://weblog.
liberatormagazine.com/2011/01/space-is-
place-val-wilmer-photographs.html, http://
sensitiveskinmagazine.com/professor-
sun-ra/
Recommended film: The last Angel of History
by John Akomfrah (1996)
For the Sun Ra fans ‘Look out for the
forthcoming Sun Ra release In The
Orbit of Ra presented by Marshall Allen
Director of The Sun Ra Arkestra and the
extended release of Sun Ra’s cult Philly Jazz
album Lanquidity cut from the original
master tapes’ plus some amazing previously
unknown and unreleased recordings
from Sun Ra’s first tour of Europe in 1971,
Intergalactic-ly Art Yard.
13
14
We are narrative-beings. Our past, present
and future lives are narratives. In the same
way that we are oppressed by narratives,
so are we liberated by them. What if living
were just producing a narrative? This is not
an easy task, as we can be led astray in the
process by parasite narratives that distract us
from connecting with our real identity—if
there is such a thing. Is it a quest, or just
the transmission of a narrative written by
others for you? The world is full of wrong-
narratives. I am not sure that there is another
place that has been the victim of wrong-
narratives as much as Africa. Imagine all the
narratives produced to make slave trade and
colonialism possible. Imagine all the clichés
and stereotypes. How can we continue to
live with them? How do we make our way
through them?
“Our past, present and
future lives are narratives.”
In the same way that there are individual
narratives and destinies, so are there
collective narratives. Some are passive;
THE NEXT NARRATIVEBy Jean Pierre Bekolo obama Pictures courtesy of : Eyidi Nicolas & JPBekolo
ART TALK
15
others call for action. France, for example,
has been clear about its “civilizing mission,”
its role in bringing culture to other parts
of the world. A. Renan says: “Perhaps one
day France, having completed its role and
having now becoming an obstacle to human
progress, will have to disappear.” We are
now aware of dysfunctional-narratives,
but we must become narrative savvy and
rewrite the narratives in which we live
when they doesn’t produce the results we
expect. We see this in many African countries
today where, for example, the State—the
independent state, which people fought for
and liberated from the colonizer, oppressor
etc.—didn’t produce the narrative of well
being Africans expected once the “white
man” had been kicked out! There must
be something wrong with the narratives
of these African states that is not being
addressed and that is crippling the dreams
of Africans running their own countries. It is
the same kind of wrong-narrative we might
find between brothers or sisters who were
separated by force and who cannot find a
way to connect now that the constraints are
gone.
There is also the narrative of black people
who leave aside their causes because the
president is black, but who would return if a
white president again took office.
Because novelty and innovation come from
the unexpected, we must leave behind old
narratives and begin to generate ones that
will help us produce a great future.
“There must be something
wrong with the narratives
of these African states that
is not being addressed and
that is crippling the dreams
of Africans running their
own countries.”
African Cinema of the Future
In my book Africa For the Future1
I talk about
the fact that Africa is its own narrative.
Do you remember Stanley going to Africa
looking for Livingstone and sending all those
articles to the equivalent of the New York
Times? Stanley’s articles created the Africa
that still exists in Europeans’ minds today. 
How different is Stanley’s Africa from the
1 IwriteinFrench,althoughIhavechosenan
Englishtitle.
Africa being portrayed in the media today?
Since his time, Africa has been a place to be
interpreted, a story to be translated for (and
by) Europeans and Americans. So when we
make films on Africa in Africa, we still work in
translation, interpreting what is happening.
As with most narratives today, Stanley
speaks “for” an audience while Ntone Edjabe
(editor of Chimurenga) tells “from” a place
and “from” the people living there.
The African cinema of the future shouldn’t
be about translating, interpreting or
explicating. Nor should it be about speaking
to “ourselves,” as this doesn’t produce
what Ntone is looking for; it is just another
manipulation of language.
African cinema of the future will be about
places with people living in them. Telling
“from” somebody and not telling “for”
somebody.
African cinema of the future will be a cinema
of the unknown, the unfamiliar and the
unexpected. It won’t be about bridging to
the new with the familiar as an escort to the
unknown. 
Films now do not bring us tastes of the
unknown; they rely so heavily upon
explanations, translations and interpretations
that there is no quest for meaning. They train
16
17
us to only accept content whose meaning
we know in advance. This comes from our
tendency to bend everything to the reality
we know by using metaphors and similes,
like when we say: “It tastes like chicken.”
Why can’t we accept the idea of different
tastes? We must learn that there are many
places from which we can experience the
world. Cinema as we practice it leads to the
distrust of any adventure of understanding
that could involve the slightest risk of
difficulty and failure. Each filmmaker should
be asking his audience this question: “Will
you understand me?” Nothing is assured
from the outset, nothing is initially given.
Everything is to be taken, or at least
understood. We must make efforts to learn
about characters and predict their behavior.
What initially was unknown and perhaps
disturbing becomes a place of recognition.
Predictability is the problem of cinema today
because it is used for seduction. This kind
of cinema diminishes human boldness, the
courage and the desire to follow meaning
constructed by someone else. It has
insidiously installed cultural expectations
that act as a kind of insurance against all
risks of ambiguity, misunderstanding or
disagreement. All of this prevents cinema
from becoming a human adventure.
“African cinema of the
future will be about places
with people living in them.
Telling “from” somebody
and not telling “for”
somebody.”
Biography:
Jean-Pierre Bekolo Obama: writer, producer,
director, editor, lecturer
Bekolo Obama has won a number of
international awards for his directing and
editing. His debut film Quartier Mozart
received the Prix Afrique en Creation at the
1992 Cannes Film Festival. His second film
Aristotle’s Plot was commissioned by the
British Film Institute to celebrate the 100th
anniversary of cinema. Other works for this
event were created by Martin Scorsese,
Jean-Luc Godard, Bertolucci and George
Miller, among others. His new book Africa
for the Future was published by Editions
Dagan, Paris in 2009. He recently released
the film Les Saignantes, which premiered
at the Toronto film festival, and which won
the Silver Stallion and the Best Actress
Awards at Fespaco 2007 in Ouagadougou.
His video installation An African Woman in
Space was exhibited at the Musée du Quai
Branly in Paris in 2008. He has studied film
semiotics in Paris with Christian Metz and has
taught at the University of North Carolina,
Chapel Hill and Duke University. While at
The Clinton School of Public Service, he
developed a media teaching method called
“Auteur Learning,” which has been used at
the Philander Smith College in Arkansas. He’s
also the Secretary General of the Guild of
African Filmmakers and founding member of
the World Cinema Alliance.
Links
http://www.jeanpierrebekolo.com
https://www.facebook.com/pages/
Le-President/417533488266249
18
ThispastFebruary—Oscarseason—apiece
intheNewYorkTimesbyfilmmakerandcritic
NelsonGeorgecaughtmyeye.Itremindedme
ofChinuaAchebe’sclassicessay“AnImageof
Africa:RacisminConrad’sHeartofDarkness,”1
althoughGeorge’spiece,“StillTooGood,Too
BadorInvisible,”wasfocuseduponafewofthe
filmsthathadbeennominatedforthisyear’s
Oscars.“Forthefirsttimeinrecentmemory
raceiscentraltoseveralOscarconversations”,
Georgewrites,butbecausetheblackcharac-
tersareonlyimaginedaseitherverygoodor
verybad,“Theirhumanityishitormiss.These
filmsraisetheage-oldquestionofwhetheror
notwhitefilmmakersarereadytograntblack
charactersagencyintheirownscreenlives.”
This“age-oldquestion,”was,ofcourse,one
thatAchebefirstbroughttoourattentionin
hisbitingcritiqueofConrad’srenderingof
1-Publishedin1977as“AnImageofAfrica”inTheMas-
sachusettsReviewitwasfirstdeliveredasalectureatthe
UniversityofMassachusetts,Amherst,in1974.
Africans:Eithersilentorfrenzied,theywere
inarticulateandthereforeinhuman.This,
Achebewrites,isracismdisguisedasliterature,
andreadingthenovelwithoutfullyappreciat-
ingthisistocontinuetoignoretheharmthis
causestothepresent(344).Achebedrawsour
attentiontotheracistinaccuracyofthegaze
andimplieshowitobscuresatleasttwoimpor-
tantkindsofknowledge.First,ofcourse,the
dichotomybetweensilenceandfrenzyisfalse.
WasitnotAchebe’sprojectinhisownnovels
tomakesurethatweseethisfact?Second,in
seeingAfricanpeopleassilentandfrenziedwe
misstheactualcomplexitiesofrealpeople—in
otherwords,theirhumanity.Conrad’sMarlow
missesthembecauseheistoobusythinking
abouthimself,butalsobecauseitneveroccurs
tothinkofthemotherwise.
Buttherealtroubleisthattheignoranceis
notlimitedtoMarloworeventoConrad.As
Achebemakesclearbyopeninghisessaywith
twoexamplesinaction,racismcontinuestobe
createdandperpetuatedbyassumptionsthat
cloudouruseoflanguageandourpracticesof
reading.Inthefirst,afriendly,elderlygentle-
manremarksthathe’dneverthoughtofAfrica
ashavingeitherliteratureorhistory—that
“kindofstuff”(336).Whatitdoeshave,we
implicitlyunderstand,isarticulatedbythesec-
ondexample,whereinanearnesthighschool
studentthanksAchebeforwritinginThings
FallApartabout“thecustomsandsuperstitions
ofanAfricantribe”(337),acommentwhich,
Achebepointsput,onlysuggeststheyoung
man’signorance“ofhisowntribesmeninYon-
kers.”Thisisimportant,becausenotonlydoes
theyoungmanreadAchebe’snovelinsucha
waythatitcanfitintohisownnarrowworld
view—therebymissingthepointofthework
entirely—healsofailsdrawfromit,aswecan
fromallgreatliterature,somethingnewabout
theworldthatimmediatelysurroundsus.
Thispairofmen,despitetheirgoodwill—
Achebemakesclearthesearen’tstereotyped
What Achebe continues
to teach us By Emily Goedde
ART TALK
19
racists,justtheordinary,unreflectivekind—
remainscaughtwithMarlowinawebof
ignorance,onethatisperhaps,butnotneces-
sarily,willfullycreated.AndAchebeisdeeply
awarethatitsstickypowerwillnotloseitsgrip
anytimesoon:
InmyoriginalconceptionofthisessayIhad
thoughttoconcludeitnicelyonanappropri-
atepositivenoteinwhichIwouldsuggest…
someadvantagestheWestmightderivefrom
Africaonceitriditsmindofoldprejudicesand
begantolookatAfrica…simplyasaconti-
nentofpeople.ButasIthoughtmoreabout
thestereotypeimage…Irealizedthatno
easyoptimismwaspossible.Andtherewas,in
anycase,somethingtotallywronginoffering
bribestotheWestinreturnforitsgoodopin-
ionofAfrica.Ultimatelytheabandonmentof
unwholesomethoughtsmustbeitsownand
onlyreward.(348)
IftheWestwereabletofaceitsownhistory
andtherecurrentfantasythatAfricansare
somehownothumanmuchcouldbegained.
BecausewithoutAfricaanditsformsand
modesofknowledge,thereisnocomplete
senseoftheworldasitis.AsAchebeputsit,
“Travellerswithclosedmindscantelluslittle
exceptaboutthemselves”(347).Whichmakes
mewonderwhatAchebe’soldmanandhigh
schoolreadercouldlearnfromtheOscarfilms
thisseason.I’mafraidnotmuch.Itseemswe
continuetotravelheedlesslythroughboththe
presentandourcollectivehistory.
Note:ChinuaAchebewasaNigeriannovelist,
poet,professor,andcritic.Hewasbestknown
forhisfirstnovelandmagnumopus,Things
FallApart,whichisthemostwidelyreadbook
inmodernAfricanliterature.
*PhDCandidate,DepartmentofComparative
Literature,UniversityofMichigan,AnnArbor
WorksCited:
Achebe,Chinua.“AnImageofAfrica:Racismin
Conrad’sHeartofDarkness.HeartofDarkness.
Ed.PaulB.Armstrong.NewYork:W.W.Norton
&CompanyLtd.,2006.336-349.Print.
George,Nelson.“StillTooGood,TooBador
Invisible.”TheNewYorkTimes.13February
2013.Web.3April2013.
“Blackcharactersareonlyimaginedas
eitherverygoodorverybadtheirhumanity
ishitormiss”
“Wecontinuetotravelheedlesslythrough
boththepresentandourcollectivehistory”
20
La question de la divergence du flux de la
création dans l’art contemporain gagne de plus
en plus du terrain. Soutenue par des avis de
plus en plus contraires, parfois complètement
réfractaires aux techniques dites traditionnelles
(au profit des arts dits moteurs). Tant au niveau
des établissements tels que les galeries qui en
influencent très souvent la tendance – quand
elles n’en créent pas la « référence » le temps
d’un règne, selon qu’elles aient pignon sur rue
ou non - qu’au sein même des foyers artistiques
(collectifs, squats, espaces-laboratoires
d’expérimentations…etc.) et autres lieux de
production-diffusion culturels, la physionomie
que donnent à voir les divers partis pris
esthétiques - somme toute complexes - actuels
de production de « pièces » ou d’œuvres
d’art connaît en effet une considérable
explosion. Comment appréhender ce total
branle-bas quand on est un artiste vivant sur
le territoire africain ; sous l’emprise de forces
socio-économiques incommodes et donc
bien en marge de toutes ces réflexions qui
nourrissent les débats (intellectualistes) sur
le contenu de l’art contemporain aujourd’hui
mais encore, détourné des réalités profondes
et souvent ignorées du marché (mondial) ?
Pourrait-on, par exemple parler d’une certaine
notion de futurisme dans l’art contemporain
camerounais. Quel le place faut-il finalement
accorder au « jeu du marché » qui suppose
assez souvent de suivre la tendance ?
Il est assez escarpé de dire, en prenant
l’exemple du Cameroun - un environnement
en général, pourtant assez bien imprégné
de l’avancée technologique ambiante et de
tout ce qu’elle permet - que les artistes sont
en harmonie, de part leur pratiques et les
questionnements qu’ils soulèvent, avec la
notion de futurisme telle qu’elle est appliquée
aujourd’hui à travers le globe. Il convient
déjà de souligner que l’art contemporain au
Cameroun, quoique jouissant d’une côte de
célébrité non négligeable à l’international
grâce aux artistes de la diaspora, peine encore
à s’exprimer via les canaux « usuels » qu’offre
le vaste univers de la créativité. Faute d’une
certaine implication tant revendiquée des
pouvoirs publics, l’art contemporain souffre
d’un vide pressant en matière de contenus
esthétiques et techniques et d’absence de
véritables formations. Le milieu est caractérisé
par une carence criarde de plateformes de
discussions où artistes et critiques – quand
il y en a - pourraient échanger leurs points
de vue et amender leurs positions. Il est
ainsi assez exceptionnel de trouver, lors des
rares occasions d’expositions, des créations
artistiques traduisant une plus ou moins
assimilation des arts dits moteurs.
Néanmoins, certains artistes, incités par les
rencontres, les voyages et une désormais plus
nette ouverture au monde, se démarquent
par les choix et les propositions esthétiques
qu’ils soumettent à des regards, pas toujours
convaincus par ces prouesses technico-
cérébrales, mais somme toute charmés par tant
d’ingéniosité. Au rang de ceux-ci, se trouvent
aux premières loges, Em’kal Eyongakpa et
Joël Mpah Dooh, deux artistes – et deux
générations distinctes - dont les démarches,
antithétiques mais saisissantes, font
l’unanimité, autant pour ce qu’elles dégagent
comme émotions que pour leur capacité à
rentrer dans le moule du marché.
Mais pour tenter de saisir et de mieux cerner
PEUT-ON PARLER D’UNE
PRATIQUE FUTURISTE DE L’ART
CONTEMPORAIN AU CAMEROUN?
Par Landry Mbassi
A suivre! (2012 - 2013), video installation © Em’kal Eyongakpa
Sans titre ©Joel Mpah Dooh
ART TALK
21
cette situation, il ne faut pas simplement
s’en tenir à cette présentation sommaire des
faits, la réalité ayant des souches encore plus
complexes et profondes que cela. En effet, au
Cameroun, comme dans certains pays dits du
Sud, les arts en général sont essentiellement
longtemps restés et le demeurent, perçus
comme un instrument de dénonciation des
maux qui minent la société dans laquelle
évoluent les artistes. Les artistes plasticiens,
pour parler de ceux-ci, sont très souvent
associés à cette notion de « justiciers » qui,
de part les thèmes (paix, égalité sociale,
pauvreté et bien-être…) récurrents dans leurs
travaux, se voient souvent attribuer le rôle
de détracteurs, de « haut-parleurs » de ces
malheurs qui n’ont point de bouche. Rendant
par conséquent presque inconcevable aux
yeux du public, le fait que l’art puisse aussi
être le moyen d’exprimer des thèmes, des
sujets ou des faits moins graves, mais avec
autant de sérieux et beaucoup de poésie. Par
le moyen de canaux inhabituels tels que la
vidéo, la performance ou l’installation. C’est
ce que nous pourrons qualifier de pratiques
reacto-situationnelles à l’opposé de ce que
l’on a la possibilité d’observer dans le monde
occidental où règne plutôt aujourd’hui
le média, l’information – consommée et
consumée à la vitesse du 4.G - qui prime sur la
situation, même si en substance, l’une – l’info -
a l’aptitude de modifier/contenir l’autre.
L’art contemporain au Cameroun est donc aussi
et surtout teinté de cette identité là, bâtie sur
une longue tradition de « manières-de-faire »
et de « manières-de-voir » qui ont consolidé les
pratiques de plus d’un et légitimé des acquis
aujourd’hui difficilement critiquables – selon
le contexte - mais pas forcément compatibles
justement et on le dénote bien, avec la
perception de l’art actuel tel qu’il se consomme
aujourd’hui à travers le monde. C’est ainsi qu’à
une exposition, on observera qu’une attention
sera plus largement accordée à une œuvre
dont le contenu et la forme rappelle tout de
suite quelque chose de communément (dans
le sens de vulgaire) partagé, une réalité qui
prend racine dans la mémoire collective. Un
fait divers, le portrait (bien réussi, donc à la
limite, hyperréaliste) d’une personnalité, un
paysage pittoresque soigneusement exécuté
sur une magnifique toile et etc. Les artistes, la
plupart du temps, conscients de cet enjeu, ne
s’essaient pas ou plutôt, ne se donnent pas la
peine de franchir ses frontières esthétiques,
de peur de ne plus être appréciés (à leur
« juste valeur ») et d’êtres ainsi, bannis de la
« communauté artistique officielle ».
“Au Cameroun, les arts
moteurssontparfoisperçus
comme une déloyauté vis-
à-vis de l’art traditionnel.”
Dès lors, au Cameroun, les arts moteurs ou
les pratiques artistiques qui s’y rapprochent,
sont parfois perçus, et c’est Paul Virilio1
qui
s’en réjouirait, comme une déloyauté vis-à-vis
de l’art traditionnel. Il en résulte une situation
de catalogage (au sens souvent péjoratif) des
artistes au sein même de la communauté.
Mais, objectivement, cet état de choses ne
saurait pour autant discréditer la pertinence
des dynamiques collectives et des démarches
plurielles déployées sur le terrain par ces
1 PaulVirilio,écrivainphilosopheeturbaniste,
co-auteurde« Discourssurl’horreurdel’art ».
artistes, pour juguler avec le contexte, somme
toute exécrable.
Landry Mbassi est un artiste plasticien dont
la pratique est essentiellement orientée
aujourd’hui vers la photographie, la vidéo,
l’installation et les nouveaux médias.
Créateur multifacettes, manipulateur
infatigable du concept, il développe au sein
du collectif ATAC (autres territoires de l’art
contemporain) depuis 3 ans, une action
militante pour le développement de nouveaux
lieux d’expression, de création et de diffusion
de l’art contemporain.
En 2011, il participe à la création du collectif
Kamera (un regroupement de jeunes
photographes camerounais) avec pour objectif
de promouvoir cette discipline peu en vue
dans les réseaux de diffusion au Cameroun.
Actif dans le milieu des arts visuels et du
secteur culturel camerounais de manière
générale, il co-crée en 2010 l’association
Cultures Tous Azimuts dont il est le directeur
artistique, dans le but de mener des activités
de démocratisation de la Culture et d’intéresser
les populations locales souvent écartées des
problématiques de développement par l’art à
la chose culturelle.
Landry Mbassi est commissaire associé des
RAVY (rencontres d’Arts Visuels de Yaoundé)
et l’initiateur des Journées Photographiques
de Yaoundé (Ya-photo). Il anime également la
plateforme Art’frica-curate (sur facebook), un
espace virtuel qui se veut un lieu de rencontres
et de partage d’informations sur des projets de
jeunes artistes-curateurs d’origine africaine.
Performance à la fondation Blachère ©Joel Mpah Dooh
22
Depuis les années 1990, Yinka Shonibare produit des sculptures, des installations et des vidéos mettant
en scène une période historique : le XVIIIème
siècle en Europe. Pour cela, il s’attache à la reconstitution des
costumes, du mobilier et des objets extraits d’une époque symbole non seulement d’un âge d’or économique,
mais aussi d’une expansion coloniale. Au socle historique s’ajoute une lecture de son expérience personnelle.
Né au Royaume-Uni en 1962, il grandit au Nigeria et revient faire ses études à Londres au début des années
1980. Depuis les années 1990, il développe une pratique artistique s’appuyant sur une utilisation des
stéréotypes liés au continent africain pour produire un discours critique, politique et poétique.
Yinka Shonibare
.GB?HA=<I
Par Julie Crenn, docteure en histoire de l’art et critique d’art
ART TALK
23
Lorsqu’il revient au Royaume-Uni, Shonibare
éprouve un véritable choc de civilisation.
Il subit de plein fouet la séparation,
découvre les notions d’altérité et de
discrimination. Aux yeux des « autres » il
incarne la différence. Il est l’étranger. Il est
alors confronté à des problèmes liés à la
couleur de sa peau, à ses origines et à une
certaine idée de « l’authenticité africaine ».
C’est d’ailleurs cette dernière notion, que le
jeune artiste va extrapoler. Sa réflexion sur
la question de l’identité débute alors qu’il
est étudiant à la Byam Shaw School en 1984
où il suit une formation en peinture. Ses
professeurs lui suggèrent de mettre en avant
ses racines africaines pour ainsi « africaniser »
son style. Ils attendent de lui un art qui soit
« authentiquement » africain. Voyaient-ils
en lui un représentant de « l’authenticité
africaine » ? La couleur de sa peau, sa double
nationalité font-elles de lui un « pur produit
africain » ? Pourquoi devait-il se conformer
aux attentes de l’expression d’un exotisme ?
Une posture à laquelle il se refuse, pour ne
pas être piégé dans une catégorie prédéfinie
et pour conserver son indépendance
critique. L’artiste renverse et déconstruit avec
pertinence et non sans humour le concept
d’altérité. Il pose la question : Qui est cet
« autre » ?
Shonibare se tourne alors vers le Dutch
Wax, un tissu résistant imprimé de motifs
variés et colorés. Un tissu qui a une histoire
singulière. S’il est, dans l’imaginaire
collectif, immédiatement associé au
continent africain, il est au départ une
invention hollandaise. Initialement fabriqué
pour inonder le marché indonésien, les
marchands hollandais ont dû se rabattre
sur le marché ouest africain. L’appropriation
a été immédiate et fulgurante. Les tissus,
dessinés et fabriqués en Europe, sont
devenus un symbole africain. Ce qui devait
être une marchandise imposée par les colons
s’est adaptée et s’est transformée en un
bien continental, national, en un symbole
culturel et identitaire fort. Shonibare croise
ainsi une iconographie victorienne avec un
tissu généré par une politique marchande et
coloniale. Il ne l’achète pas en Afrique, bien
au contraire il se fournit à Brixton, un quartier
multiculturel de Londres. Un quartier
comme un miroir à la fois de son identité
multiculturelle et de ses aspirations sociales :
un vivre ensemble sans stigmatisation
et une décomplexification par rapport à
l’histoire coloniale. « Dessinés et produits
par des gens en Hollande et dans des usines
anglaises, vous réalisez que c’est cela détruit
complètement la méthodologie de ce
séduisant objet africain. Cependant, c’est
important, je ne vais pas en Afrique pour les
acheter, de cette manière toute implication
exotique devient fausse. Et, en fait, j’aime
cette fausseté. »1
En les introduisant pour
la première fois dans son travail au début
des années 1990, Shonibare s’approprie
les valeurs esthétiques, symboliques et
historiques, de tissus considérés comme
« authentiquement » africains.
“Yinka explore le passé, les
utopies et le futur pour en
extraire les contradictions,
lesaberrationsetlesfailles.”
Aliénations
À travers une réflexion sur l’histoire coloniale
européenne et ses conséquences actuelles,
il développe un questionnement autour
de la figure de « l’autre ». Si « l’autre » est
un étranger pour soi, il est alors considéré
comme un inconnu, un être provoquant
toutes sortes de peurs, de réticences. Cet
« autre » va se matérialiser de manière à la
fois ironique et radicale sous les traits d’êtres
extra-terrestres. Depuis la fin des années
1 GULDEMOND, Jaap ; MACKERT, Gabriele.
YinkaShonibare:DoubleDutch. Rotterdam : NAI
Publishers : Wien : Kunsthalle, 2004, p.41.
‘Alien man on flying machine’ 2011, Steel, aluminum, brass, batik and rubber, 250 x 450 x 450cm
24
1990, des aliens ou bien des spationautes
peuplent son univers foisonnant. Il explore
ainsi un vocabulaire futuriste, où l’espace,
l’inconnu, est entré dans notre quotidien.
Les humains se déplacent entre la terre et
l’espace, les extraterrestres s’humanisent, les
différences s’estompent.
En 1998, il réalise deux installations, Alien
Obsessives, Mum, Dad and the Kids et
Dysfonctional Family (1999). Huit individus
sont mis en scène, deux d’entre eux sont
placés au centre et en retrait, ils sont
remarquables du fait de leur plus grande
taille. Il s’agit de la mère et du père d’une
famille nombreuse puisqu’autour d’eux
gravitent six individus de plus petite taille.
Nous notons immédiatement qu’il s’agit
d’êtres extra-terrestres, tels qu’ils sont
pensés de manière collective. Une figure
devenue universelle qui s’est développée
à partir des années 1950 dans la bande-
dessinée, le cinéma, le dessin animé ou
encore la publicité : une tête proéminente,
un regard vide, des antennes, des membres
longs et maigres. L’extraterrestre est l’être
exotique par excellence, il est inidentifiable
et il se situe en dehors de la Terre et en
dehors du genre humain. Il est l’étranger
absolu. Les membres de cette famille venue
d’ailleurs, sont chacun recouverts de Dutch
wax constituant leurs peaux multicolores,
imprimées de motifs
géométriques
et végétaux. Les
personnages
extraterrestres de
Shonibare nous
ramènent à des
questions liées
non seulement à
l’altérité mais aussi
à la recherche
d’une place dans la
société. La figure
extraterrestre est
une métaphore de
la menace que peut
représenter l’étranger
dans les sociétés
occidentales. Si
nous nous référons aux discours politiques
actuels et les scores grimpants des partis
nationalistes (en France comme partout
en Europe et dans le reste du monde),
les familles immigrées ne sont pas les
bienvenues. L’étranger serait la cause
de tous les maux de nos sociétés. Des
politiques et mentalités effrayées par une
soudaine invasion d’une horde de personnes
immigrées qui viendrait mettre en péril la
sécurité, l’économie, l’emploi ou le logement.
Dysfonctional Family met l’accent sur
l’absurdité et l’hypocrisie liées à cette peur
de la différence. Gilane Tawadros et John Gill
expliquent que dans l’imaginaire collectif
des années 1950-1960, la peur de l’« autre »
était incarnée par des figures monstrueuses
et fantaisistes, des extraterrestres
hollywoodiens et autres personnages issus
de la science-fiction. Aujourd’hui et plus
particulièrement depuis le 11 septembre
2001, cette peur collective est associée « à la
figure du migrant, le chercheur d’asile », le
terroriste ou encore le kamikaze.2
Dans une
totale aliénation collective, nous avons assisté
à un déplacement de nos propres peurs,
amenant une série de décisions politiques
prônant une exclusion intolérante. Jens
Hoffmann écrit :
“En tant que membre d’un groupe minoritaire
au Royaume-Uni, je me suis souvent identifié
aux extraterrestres dans le cinéma populaire.
[…] Je suis fasciné par l’anthropomorphisme
de l’extraterrestre. Au cinéma et dans les
photographies de mises en scène de rencontres
extraterrestres, les extraterrestres nous
ressemblent et pourtant sont distinctement
différents : longs cous, grosses têtes, gros yeux
etc. L’idée de l’espace est liée à l’instinct humain
pour l’exploration à des fins économiques ainsi
qu’à la curiosité. […] L’étrangeté est aussi la
source de ma créativité, elle est donc un atout
valable : la différence est géniale.”3
Un instinct d’explorateur que Shonibare
développe avec Vacation (2000), une
installation présentant une famille humaine
composée de quatre personnes : deux
adultes et deux enfants, tous vêtus de
combinaisons spatiales fabriquées à partir
de Dutch wax. Ici, ce sont les humains qui
2 TAWADROS, Gilane ; GILL, John. « We Are
The Martians », in AlienNation. London : ICA : inIVA,
2006, p.11.
3 HOFFMANN, Jens. « The Truth is Out
There », in AlienNation. London : ICA : inIVA, 2006,
p.39.
‘Dysfunctional Family’ 1999. Wax printed cotton textile. Four figures (w x h x d)
Father: 52 x 148 x 37cm, Mother: 40 x 150 x 36cm, Boy: 54 x 89 x 46cm, Girl: 36 x 69 x 30cm
25
partent en vacances dans l’espace. L’artiste
fait aussi référence à une nouvelle forme
de colonisation. Il explique : « L’exploration
de l’espace est l’expression d’une nouvelle
forme de colonialisme tant qu’elle fournit
une profusion de nouvelles possibilités, de
la même manière que l’ivoire de l’Afrique
au XIXème
siècle a fourni de nouvelles
possibilités de richesse. Les gens sont
gourmands et veulent des territoires
à explorer pour trouver de nouvelles
ressources qu’ils peuvent changer en argent
et en capitalisme. »4
Il est intéressant de
retourner le discours et de penser que
lorsque Christophe Colomb a accosté sur les
rives du Nouveau Monde avec son équipage,
ou bien lorsque les premiers missionnaires
européens se sont installés en Afrique, ils
ont été perçus comme des extraterrestres
par les populations autochtones. Nous
sommes tous les étrangers de ceux que nous
considérons comme les étrangers. Avec
humour et subtilité, l’artiste inverse les points
de vue en déplaçant le regard du prétendu
« dominant » et ouvrant le champ de la
perception afin qu’il ne soit plus envisagé
d’une manière unilatérale.
En 2002, il réalise Space Walk, une
installation composée de deux spationautes
dont les combinaisons sont conçues à partir
de Dutch wax, ainsi que d’une capsule
spatiale sur laquelle est inscrit le nom de
Martin Luther King. Les deux personnages
sont reliés par deux cordons en Dutch
wax à la capsule. Ils portent des casques
totalement noirs et opaques, empêchant le
4 BRUSCHI, Valentina. « Interview with
Yinka Shonibare », in YinkaShonibare:Be-Muse.
Roma : Galleria Nazionale d’Arte Moderna e
Contemporanea : Museo Hendrick Chrtistian
Andersens, 2001, p.101.
regardeur d’identifier leurs visages et leurs
expressions. L’œuvre est présentée accrochée
au plafond, surplombant le public qui se doit
de lever la tête pour observer l’étrange scène
flottante. L’installation aérienne interroge le
besoin insatiable des hommes de conquête
et d’une fascination pour l’ailleurs. Pourtant,
le fait que les combinaisons et accessoires
matériels soient fabriqués à partir de Dutch
Wax, nous laisse penser que ces futures
conquêtes ne seront pas irrémédiablement
blanches/occidentales. Les personnages
portent des casques spatiaux dont les
visières noires et opaques, ne nous
permettent pas de les identifier (âge, race,
sexe, traits de personnalité). Des indices
auxquels il nous faut ajouter la capsule qui
porte le nom du célèbre pasteur Africain-
Américain, ce dernier implique la disparition
des barrières raciales entre les hommes.
À travers une iconographie futuriste et un
héritage (historique, culturel et théorique),
Yinka Shonibare réclame un avenir
multiculturel, ouvert et libre. Être visible et
ne pas être considéré comme un étranger
tel est son souhait le plus cher. Pour cela, il
explore le passé, les utopies et le futur pour
en extraire les contradictions, les aberrations
et les failles.
Julie Crenn est docteure en histoire
de l’art et critique d’art. Elle collabore
régulièrement avec les revues Artpress,
Africultures, Laura, Ligeia, Inferno, N.
Paradoxa, Slicker ou encore Inter-Art-
Actuel.
Various installation images from the ‘Invasion, Escape; Aliens Do It Right!’ exhibition at Anna Schwartz Gallery, Sydney.
26
‘Space Walk’ 2002. Screen printed cotton fabric, fibreglass, plywood, vinyl, plastic, steel
Astronauts each: 212 x 63 x 56cm. Spaceship ca. 370 length x 153cm diameter
27
28
(Toutes ressemblances avec des faits ou
évènements s’étant produits seraient
purement fortuites…)
Je fus le premier Prince Nègre régnant
d’Occident. Je règne sur une principauté
sise sur un rocher. Il n’y a aucun précédent
d’un Prince Nègre dans l’Histoire. Bien
sûr il y eut des rois nègres, mais ils ne
furent pas affiliés aux grandes familles
royales d’Europe. La constitution de ma
principauté fut modifiée à mon avantage
en 2033 (j’avais 33 ans… 33 ans, cela ne
vous rappelle rien ?), lorsque mon père, âgé
de 75 ans et sans descendance masculine
autre que moi-même, dut se résoudre à
me légitimer et me désigner comme son
successeur. Mon père revenait ainsi sur
la décision de son propre père. En effet
celui-ci avait fait modifier la constitution en
faveur d’une éventuelle succession par les
femmes (ses deux filles) en cas d’absence
d’héritier mâle légitime qui serait issu de
mon père.
A l’exception de certaines dynasties
(anglaise notamment) depuis Clovis, la
loi salique a toujours prévalu. C’est-à-
dire la descendance par les mâles et leur
sang. Ainsi que la primogéniture : le droit
d’aînesse pour schématiser.
Je suis né hors mariage, donc bâtard
comme on disait autrefois. Et ma mère est
noire et africaine. Je suis donc mulâtre. Mais
ce terme, disons cette nuance n’a plus cours
depuis Obama. En effet, considéré comme
noir aux Etats Unis, Obama était assimilé
à un mulâtre en Europe. En accédant aux
plus hautes fonctions en 2007, il a brisé un
tabou concernant la condition noire. Que
peut bien faire la couleur de la peau dans
toutes ces matières ? Comme le dit alors
un journaliste, certains virent en Obama
un noir sublimé, quand d’autres voyaient
un blanc bronzé. Et puis regardez tous ces
visages d’enfants si divers et variés dans les
cours de récréation de maternelle de nos
années 2050, vous me comprendrez j’en
suis sûr.
A ce titre vous pourriez me reprocher de
me dire prince nègre alors que je suis métis.
Mais vous remarquerez que je dis nègre
et non noir. Et bien je m’explique : il fut
un roi, l’un des plus grands peut-être, dit
Guillaume le Conquérant, fils de Robert de
Normandie et d’Arlette sa maîtresse. Né en
1027, Guillaume perdit son père lors de sa
huitième année lorsque celui-ci partit en
pèlerinage à Jérusalem pour se recueillir
sur le tombeau du Christ. Avant son départ
pour le Saint Sépulcre, le duc Robert de
Normandie avait fait jurer aux barons
sur leur honneur que Guillaume serait
l’héritier du Duché de Normandie. Ce fils lui
succéderait donc s’il venait à mourir. Mais
après la mort de Robert de Normandie, les
barons trahirent. Ils tentèrent d’assassiner
Guillaume, ce petit Duc de huit ans. Ils le
jugeaient illégitime, car bâtard, puisque
né hors mariage d’Arlette, la maîtresse de
Robert.
Guillaume, vous vous en doutez fut choqué
par cette tentative de meurtre orchestrée
par les barons félons, et à laquelle il
réchappa miraculeusement. D’autant
que son père Robert de Normandie, avait
aussi pris la précaution de mettre son
fils Guillaume sous la protection d’Henri
1er
le Roi de France. La vengeance de
Guillaume contre les barons fut implacable.
Maintenant rendez vous compte que ce
bâtard, allié au puissant Comte de Flandres
par son mariage avec Mathilde de Flandres,
fut couronné trente et un ans plus tard Roi
d’Angleterre à l’abbaye de Westminster lors
du Noël 1066 ! Il devint ainsi le fondateur
de l’empire anglo-normand.
J’en viens donc au fait : Guillaume fut
surnommé : « Guillaume le bâtard ». Et il
l’assuma. Car ce mot bâtard, qu’on lui avait
jeté à la face avec mépris et pour l’humilier,
il le ramassa dans le ruisseau pour en tirer
la plus grande gloire. Et ce mot, nègre, dont
Césaire disait qu’on le lui avait jeté à la face
comme un crachat, et bien à mon tour,
moi bâtard, mais aussi nègre, à l’image de
DESTINS NOIRS/
DYNASTIES BLANCHESPar Patrick de Lassagne
ART TALK
29
Guillaume et de Césaire, je les revendique
pour ma plus grande fierté. Mais je veux
surtout conférer ses lettres de noblesse au
mot nègre. Car Guillaume pour qui le mot
bâtard fut le problème de l’Histoire (autant
que l’histoire du problème) s’est plus
que bien occupé de ce mot. Il lui a légué
sa noblesse et son propre prestige. Puis,
avouons-le, ce mot n’a plus vraiment cours
de nos jours. J’ai donc contribué à mon tour
et à ma manière à dorer le blason du mot
nègre. D’où  Prince… Nègre ! N’est-ce pas
deux beaux mots accolés l’un à l’autre ?
“Ainsi avec cette
terminologie, Prince Nègre,
j’aidais donc le noir, grâce
aux forces du blanc qui
sont en moi”
Cependant que l’on me comprenne bien :
personne n’est vierge de l’autre. Pas plus
vous que moi. Donc je ne suis pas sans
ignorer le blanc qui est en moi, et qui n’est
autre que mon père…
Et voyez-vous, du noir et du blanc, j’aide
tantôt l’un, tantôt l’autre. En tout les cas
celui qui est le plus opprimé des deux.
Ainsi avec cette terminologie, Prince Nègre,
j’aidais donc le noir, grâce aux forces du
blanc qui sont en moi. Et par conséquent
le nègre, qui est donc mon descendant par
ma mère.
Ne peut-il s’aider lui-même me direz-vous ?
N’a-t-il pas assez de puissance et de forces
pour cela ? Et bien moi je vous répondrai
simplement que l’union fait la force.
Donc l’inverse est tout aussi vrai : lorsqu’on
opprime le blanc, et bien avec les forces du
noir qui sont en moi, je l’aide.
Mais cela peut-être tout aussi bien l’indien
ou le russe qui sont en mon fils ou en ma
fille! Puisque ma femme, la Princesse,
est née d’une mère de l’ethnie Lakota
d’Amérique du Nord et d’un père russe.
Bref, il fallut donc à cette si petite, et
pourtant si célèbre principauté de bord
de mer vieille de sept siècles, admettre
l’inadmissible : un prince nègre.
Mais tout cela est déjà du passé…
(Toutes ressemblances avec des faits ou
évènements s’étant produits ne sont pas
fortuites…)
Pouchkine est en quelque sorte le
prototype du personnage précédent. Il fut
aussi un prodigieux visionnaire…
Né en 1799, Alexandre Pouchkine, russe
et noble par son père, descendait par sa
mère d’un camerounais, Abraham Hanibal.
Ses riches contrastes firent de lui une
extraordinaire synthèse : organique, sociale,
intellectuelle, entre Afrique et Europe,
Orient et Occident.
Pouchkine est sans conteste le plus grand
poète russe. Devant ce soleil noir de la
littérature, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski,
Tourgueniev, Gorki, Tchéckov s’inclinèrent.
Sa poésie révolutionnaire et sa prose
unique créeront littéralement la langue et
la littérature russe moderne.
Sa vie fût une tumultueuse odyssée :
noceur, joueur, séducteur, débauché,
buveur, solitaire, mondain, bretteur,
révolté… Rien n’arrêta Pouchkine. Pas
même de défier le pouvoir en la personne
du terrible tsar de Russie Alexandre 1er
.
Condamné à l’exil, puis gracié par Nicolas
1er
, il en reviendra auréolé de gloire. Mythe
vivant, Pouchkine achèvera d’écrire sa
légende au pistolet, durant ce fatal duel
contre un officier français où il perdra la
vie à 37 ans pour sauver l’honneur de sa
femme. La mort de Pouchkine affligera la
Russie.
Comme le dira l’un de ses proches : « Le
soleil est percé d’une balle ».
Pouchkine, par son métissage racial, social,
culturel était un trait d’union, un passeur
entre les extrêmes. Entre sa vaste culture
française (celle des Lumières, nec plus ultra
pour l’aristocratie et l’intelligentsia russes
de l’époque), base de son instruction, et sa
connaissance du petit peuple russe auprès
duquel il vécût en exil, deux extrêmes se
rejoignirent, s’affrontèrent et s’unirent en lui
pour forger sa création littéraire.
Comme il l’affirme :
« Je veux que chacun me comprenne,
du plus humble jusqu’au plus grand. »
“ Pouchkine est
en quelque sorte le
prototype du personnage
précédent. Il fut aussi un
prodigieux visionnaire…”
Tout en intégrant ces oppositions de
classe, Pouchkine eût au plus haut point
une conscience de race. Par ses recherches
sur sa filiation africaine (Hanibal, son aïeul
camerounais était le favori du tsar Pierre le
Grand) son écriture s’enrichit de ses racines
30
nègres et de sa communauté d’esprit et
de sensibilité avec le peuple noir luttant
pour son affranchissement. Exprimant son
appartenance à l’Afrique, Pouchkine parle
de « ses frères nègres » dont il souhaite « la
délivrance d’un esclavage intolérable ».
Dans la Russie autocratique et blanche
d’alors, Pouchkine sait aussi se jouer des
pièges tendus. Extrait :
- A propos Mr Pouchkine, vous et votre
sœur vous avez donc du sang nègre dans
vos veines ?
- Certainement, répondit le poète.
- Est-ce votre aïeul qui était nègre ?
- Non il ne l’était plus.
- Alors c’était votre bisaïeul ?
- Oui, c’était mon bisaïeul.
- Ainsi il était nègre. Oui, c’est cela… Mais
alors, qui était donc son père à lui ?
- Un singe, Madame, trancha pour finir
Pouchkine.
La définition de Victor Hugo : « Un poète
est un monde enfermé dans un homme »
s’applique tout particulièrement au
poête russe. Elle est l’exact reflet de son
cosmopolitisme inné, de sa faculté à unir
le divers, de sa propension à élaborer une
vision universelle. Pouchkine contient le
monde parce qu’il le « comprend». Il le
perçoit comme un tout dont il faut unir
les parties. Accomplir sa mission de poète,
consistait à saisir le singulier et l’universel,
à tendre vers la totalité, à rêver une
authentique communauté humaine.
L’oralité africaine, les régionalismes
russes, les langues slave et latine, les
dialectes locaux, l’histoire antique, les
contes africains, la culture de l’aristocratie
pétersbourgeoise, la connaissance des serfs
des provinces reculées, leurs folklores, ses
origines mêlées, les luttes de classes, de
races, blanche, noire et jaune etc. furent
autant d’influences contradictoires qui
nourrirent, enrichirent et bâtirent la savante
dialectique de cet extra-ordinaire métissage
oriental et occidental.
Ce melting-pot forgera une fulgurante
transmutation littéraire. Dostoïevski dira :
« Pouchkine, a toujours été, pour ainsi dire,
un organisme intégral et achevé, portant en
lui intrinsèquement tous ses principes, sans
avoir à les recevoir du dehors. L’extérieur n’a
fait qu’éveiller en lui ce qui était déjà latent
au plus profond de son âme». Cette vision
se doublait de l’acuité de sa conscience de
classe et de race. L’alchimie pouchkinienne,
synthèse singulière, unique et originale
était une vision organique et aigüe du
monde.
Mais si Pouchkine eut la conscience de son
temps, il eut aussi celle des temps à venir.
En effet, comment ne pas songer, déjà, ne
serait-ce qu’à l’Europe, lorsqu’on lit sous la
plume de Dostoïevski : « Pouchkine seul,
parmi tous les grands poètes universels,
possède la capacité de se réincarner
totalement dans une autre nationalité. Il
devenait bourguignon dans Le Chevalier
avare, espagnol dans Le convive de pierre,
anglais dans Le banquet pendant la
peste, italien dans Angelo, arabe dans les
imitations du Coran, allemand dans la scène
du Faust. Il n’est pas d’autres poètes qui ait
eu la capacité de résonnance universelle
de Pouchkine, la faculté de réincarnation
de son génie dans le génie des autres
peuples ».
Eloge et exemple à méditer…
Nombres de personnages emblématiques
des poèmes, nouvelles et pièces de
théâtre, romans en vers ou en proses
de Pouchkine deviendront les icônes du
patrimoine littéraire et populaire russes.
Ils seront repris par les plus grands auteurs
qui immortaliseront et prolongeront la
postérité du plus grand des hommes de
lettres russe.
Au panthéon de la littérature mondiale,
le mulâtre Pouchkine, ce héros national
russe, se tient aux côtés de Goethe, Dante,
Cervantès, Shakespeare ou Rousseau…
Laissons à Pouchkine le mot de la fin :
Comme la lampe qui pâlit
Devant l’aurore éblouissante
Ainsi le faux savoir palpite et se consume
Devant le soleil de l’esprit.
Que vive le soleil ! Et que meure la nuit.
Patrick de Lassagne est écrivain et
scénariste. « Périph’ » son dernier roman
paraîtra fin Septembre aux Editions de La
manufacture de livres. « Sang bleu, sang
noir » son prochain roman est en cours
d’achèvement.
31
32
Le compositeur Chassol joue
entre l’image et le son, et
crée une oeuvre pénétrante et
puissante dont les inspirations
de notre époque ouvrent
un monde inclassable, non-
fantasmé mais dont les
obsessions rejoignent tous les
mondes possibles.
AFRIKADAA :Danstesfilmsmusicauxtoutse
passecommesituutilisaisl’imagecomme
uninstrumentdemusiqueetlamusique
commeuninstrumentd’image.Comment
vois-tucetterelationentrel’imageetla
musique?
Chassol : J’utilise l’image comme un matériau
musical, bien plus que l’inverse. Lorsque j’ai
commencé mes ultrascores, mon souci était
tellement musical que je ne me souciais
parfois absolument pas de la qualité du
montage ou des accidents de l’image.
D’un mauvais zoom en fin de loop pouvait
justement naître l’intérêt d’une séquence.
J’ai su que je voulais être compositeur
de musiques de films vers l’adolescence.
Les westerns de Sergio Leone, les séries
télévisées
américaines
et leurs scores
avant-gardistes,
mélanges
savants de
musique
contemporaine,
électronique,
jazz, disco ou funk, les Walt Disney et
autres mangas, West Side Story et sa
synchronisation parfaite image-danse-chant-
orchestre symphonique m’y ont largement
poussé. Je suis né en 76 et j’imagine que
j’ai très rarement vu une image sans son.
D’ailleurs, cela existe t-il ? Lorsqu’en 1952
Cage nous dit que le silence n’existe pas,
cela nous dit aussi qu’aucune image (même
muette) n’est regardée dans le silence :
les bruits environnants sont toujours là.
La relation image / musique ou si l’on
préfère vision/audition existe toujours, je
la vois comme une permanence. Michel
Chion décrit l’audio-vision comme un
illusionnisme dont le cinéma, l’art vidéo et
le clip ont su exploiter les 1000 ressources.
J’essaie de créer de nouveaux rapports, de
nouveaux liens, de nouveaux « trucs » dans
ce rapport permanent, multidimensionnel et
transversal.
A:LaNouvelleOrléans,puisl’Inde,
territoiresdiversmaisdontlesmusiques
sontdansunepuissantecontinuité,t’
inspirent. Estcedelapop?Delamusique
contemporaine?Commentlesdéfinir?
C: Interessant, c’est que les sujets finissent
souvent par nous trouver...Et non l’inverse.
Pour « Nola Chérie » et la Nouvelle Orléans,
c’est le musée d’art contemporain de New
Orleans qui est venu me trouver. J’ai réalisé
des mois plus tard le lien que je pouvais
entretenir avec la créolité, le fait que mon
père dirigeait deux fanfares aux Antilles et
même l’idée que la ville soit un berceau du
jazz. Pour l’Inde, même si j’aime la musique
indienne depuis mon adolescence (via
Shakti et John mac Laughlin), j’ai réalisé
après le tournage que ma mère m’avait dit
avoir ¼ de sang indien et à quel point elle
ressemblait à une indienne…Comme une
Par Camille Moulonguet
images courtesy of Chassol
Chassol, dans cette vie
antérieure
ART TALK
33
couli. Il y a toujours beaucoup plus de nous
dans notre travail que l’on ne le pense et le
lien ou le liant entre ces deux films est pour
moi une chose assez simple : mes obsessions
harmoniques. J’ai depuis l’adolescence,
voire l’enfance les mêmes envies d’entendre,
les mêmes addictions harmoniques et
elles sont très semblables de Nola Chérie
à Indiamore. Je veux dire que j’aurais pu
filmer n’importe où, les suites harmoniques,
les grilles d’accords auraient sans doute
été les mêmes…. Ces deux mondes
m’ont apporté de connaître un peu mieux
encore mes obsessions et de les enrichir de
nouvelles propositions apportées par les
différents protagonistes (sitaristes, brass
bands, chanteurs, poètes, danseurs etc…).
Cette musque que j’essaie de développer
est j’imagine un mélange de tout ce que
j’aime... Du jazz (Miles Davis, Chick Corea) à la
musique classique française (Ravel/Debussy)
américaine (Bernstein, Copland), minimaliste
(Reich, Riley) à la pop (The Cure, Beach
Boys...) au Hip-hop (Busta Rhymes, Jay-Dilla),
à la soul (Minnie Ripperton, Marvin Gaye,
D’Angelo…) etc…
A:LepsychédélismedeSunRat’inspires-t-il
?Etceluid’Andre3000?
C: Lorsque j’entends ce terme, je pense
évidemment à Sun Ra que j’écoutais pas
mal adolescent et surtout à George Clinton
dont j’ai eu la chance de faire l’ouverture
il y a 10 ans au festival de Montreux dans
le Hall Strawinsky (j’étais alors clavier du
groupe Phoenix). À l’époque
du lycée (j’ai grandi dans une
banlieue blanche ) tout le monde
écoutait Parliament-Funkadelic
et mes amis montaient des
groupes comme Frisco ou Jam
et 203 inspirés de nos aînés
de Sèvres la Mano Négra, la Malka Family
ou 13 NRV… Je me souviens avoir été un
peu en retrait de ces groupes, n’ayant à
cause des tenues extravagantes de Bootsy
Collins ou Clinton jamais pris cette musique
au sérieux…un élitisme qui m’a poussé
vers d’autres négritudes musicales comme
Herbie Hancock et les headhunters, Miles
Davis électrique, Tony Williams Lifetime par
exemple. J’avais à l’époque l’impression
qu’on ne pouvait être déguisé sur scène
et être pris au sérieux (j’écoutais pourtant
Zappa, les Béruriers noirs etc..).
J’ai depuis revu mon jugement,
heureusement. Sun Ra me semblait bien
différent à l’époque et même si je n’ai jamais
réellement plongé dans sa musique, je le
respectais car il dégageait quelque chose
de profond qui fédérait et son souci du beat
n’était le même que dans le P-funk. Pour ce
qui est de Paul Miller (Spooky)…J’avoue ne
pas trop comprendre sa démarche, même si
j’aime bien la personne. J’ai l’impression qu’il
n’y a pas grand chose de futuriste dans ses
collages de beats et de quatuors à cordes sur
des images de Martin Luther King. Son travail
m’apparaît plutôt comme une célébration
du passé, une sorte d’Afro-Passéisme. Par
ailleurs, et pour dire vrai, le psychédélisme
ne m’inspire pas vraiment…À part peut
être pour trouver de nouveaux rapports
d’Audio-vision en ayant ouvert les portes
de la perception. Quant à André 3000…Je
le trouve beau et classe…Mais ne connais
pas vraiment son œuvre à part Hey Ya et
quelques morceaux d’Idlewild.
A:Quelleseraittavisionsciencefictiondu
peuplenoirdanslefutur?
C: Je n’ai jamais pensé qu’il y avait un
« peuple noir ». C’est la vérité.
A:As-tudéjàunautreprojetentête?
C: Oui. L’adaptation au Brésil de « Narcisse et
Goldmund » d’Herman Hesse en ultrascore
d’animation (avec orchestre) et les idiomes
de la musique symphoniques américaines
que l’on trouve dans « Rodéo » ou « Billy the
Kid » d’Aaron Copland.
Chassolseraprochainementenconcert :
Le 20 juin 2013
à New York (USA)- River to River - Pear 15
Les 28,29,30 juin 2013
à Montréal (CA)- Montréal Jazz - Musée
d’Art Contemporain de Montréal -
Berverly-Rolph- Webster
Le 21 septembre 2013
à Lyon (FR) - Festival Les Subsistances
Le 07 novembre 2013
à Bordeaux (FR) - Rocher de Palmer
Le 11 novembre 2013
à Bruxelles (FR) - Bozar
Le 28 novembre 2013
à Paris (FR) - Les Bouffes du Nord
Le 12 décembre 2013
à Colombes (FR) - L’avant Seine
34
Choisissant d’inscrire son travail dans une relation à l’oeuvre du photographe allemand du XIX e
siècle, August Sander, Mohamed Bourouissa crée un protocole artistique qui consiste à réaliser des
statuettes en résine de personnes en recherche d’emploi et affiliées aux Pôles emploi des villes et de
leur banlieues.
Un fab-lab mobile, permet à Mohamed Bourouissa de numériser la silhouette de ces anonymes à l’aide
d’un scanner et d’une imprimante 3D et de produire une nouvelle représentation de cette population
catégorisée. La production de cette statuaire questionne autant le statut des demandeurs d’emploi que
le rapport que la société entretient avec la communauté des anonymes. Une partie de la production
sera vendue par l’artiste sur les marchés des quartiers. Né à Blida en Algérie, Mohamed Bourouissa
vit et travaille à Paris. Il est représenté par la galerie kamel mennour.
Par louisaBabari
photos:tousdroitsréservésàMohamedBourouissaetlagaleriekamelmennour
PortraitdeMohamedBourouissaParJean-MichelQuionquion
L’Utopie (De l’anglais utopia, mot inventé, en 1516, par Thomas More
dans son livre Utopia construit avec le préfixe grec ο - ou- de sens privatif
et noté à la latine au moyen de la seule lettre u, et τόπος, tόpos (« lieu »),
signifiant donc « (qui n’est) en aucun lieu »). Anonyme (XVIe siècle) Du
latin anonymus (« sans nom ») issu du grec ancien νώνυμος, anônymos
(« sans nom »).
ART TALK
35
AFRIKADAA: “ L’utopie d’August Sander”
donne l’impression d’entrer dans une
dimension futuriste de la représentation
de l’Homme notamment dans un rapport
ambigu à l’individualité et à la production
de masse.
Mohamed Bourouissa: Je ne sais pas dans
quelle mesure elle aborde une thématique
futuriste, mais il y a une réflexion autour
des procédés techniques qui sont des
procédés qui coûtent assez cher comme la
stéréophotographie, procédé qui, dans les
années 80, était hors de prix et qui servait
à réaliser des sculptures. Aujourd’hui, la
technique part sur l’impression 3D à très
bas coût, disponible pour tous et accessible
à chacun. Cela touche dans un sens une
dimension contemporaine ou future de
cette technologie liée au plus grand nombre.
Cette technique va beaucoup se développer.
Le projet en soi parle aussi de cet aspect,
de ce “non-travail”, avec de plus en plus de
gens qui ne travailleront pas. Il y a donc deux
lignes phares dans ce travail.
AFRIKADAA : Vous avez travaillé le
médium photo pendant des années
et l’on entend souvent dire que cette
nouvelle génération d’imprimantes, cette
technique de reproduction représente une
mutation de la photographie.
Mohamed Bourouissa: C’est une mutation de
l’image. Je viens du monde la photographie,
puisque j’ai commencé mes travaux en
tant que photographe. Mes expositions ont
été liées à ce médium et j’ai été reconnu
avec lui. Quand j’ai pu accéder à cette
technique, notamment avec les scans et les
imprimantes 3D, il y a eu un rapport direct
à la photographie qui m’a tout de suite
parlé. Une sorte de genèse comme pouvait
l’être une genèse de la photographie, il y
a un siècle et demi. J’ai été évidemment
séduit et intéressé par ce médium, dans la
mesure où je pouvais toucher au portrait
et aux personnes par le volume. Il peut
effectivement y avoir une sorte de mutation,
mais je ne pense finalement pas que cela en
soit une. Nous sommes sur cette même idée
de la naissance de la photographie puis du
cinéma, comme une mutation de l’image
fixe à l’image en mouvement.
C’est juste un médium de plus qui s’intègre
aux possibilités de création. La photographie
a des spécificités que la représentation en
volume n’a pas. C’est un amoncellement de
plusieurs médiums, comme pourrait l’être le
moulage, la photographie et tout d’un coup
36
il y a cette énième possibilité.
Afrikadaa: Votre travail sur cette statuaire
3D rend hommage à des individus
anonymes qui sont affiliés à une agence
de recherche pour l’emploi. Ce travail ne
crée t-il- finalement pas un profil type
d’individus, deux fois catégorisés, puis
dans une vision d’anticipation, clonés à
l’envi, comme les fameux “répliquants” de
“ Blade Runner “ le film de Ridley Scott ?
Cet hommage ne produit-il pas à son insu
un homme - type déshumanisé ?
Mohamed Bourouissa: Ce travail est très
lié à l’expérience. C’est vrai que j’ai pensé
au début à mettre en place une certaine
typologie liée à cette représentation. Mais
ce qui m’intéressait c’était de rendre lisible la
violence de la catégorisation des personnes.
Rendre lisible la mécanique produite par
le Pôle Emploi. Parce que tout d’un coup, il
faut archiver, rentrer des types d’individus,
des types de représentation. En numérisant
les gens et en travaillant directement avec
eux, on se rend très vite compte que chaque
sculpture, chaque pièce représentée dans
le projet a sa propre spécificité. Chaque
pièce est unique et ne ressemble à aucune
autre. Quand elles étaient revendues au
marché, elles étaient vendues comme
pièces uniques. Evidemment, c’est un
projet très contradictoire. Très négatif par
la catégorisation des personnes que je
numérise mais qui a rendu hommage à
chaque personne stéréophotographiée
comme étant un individu à part entière. En
aucun cas la machine, ou le système que j’ai
produit rendra la complexité d’un individu.
Il rend compte d’un instant « t » dans un
lieu particulier qui est le Pôle Emploi. Des
éléments qui sont inscrits dans un même
projet, peuvent aussi rentrer en contradiction
ou dialoguer entre eux.
AFIKADAA : Il y a dans le mouvement
afrofuturiste, une relecture du passé à
l’aune du futur. Pourquoi avoir intitulé
le travail sur la statuaire 3D « L’utopie
d’August Sander », August Sander étant
l’un des pionniers de la photographie au
XIX ème ? Quel est donc dans votre travail,
ce lien entre passé et futur ?
Mohamed Bourouissa : Il y a déjà une
dimension affective et personnelle vis-à-
vis de ce photographe. Je trouvais dans sa
pratique, les mêmes prémisses liées à une
technologie naissante. Ce qui s’est passé
pour la photographie est en train de se
rejouer pour ce type de technologie. C’est
une technique qui va se développer et qui va
prendre de la place un peu partout. Quant
à la question de l’anonymat, plus le coût
de fabrication est élevé plus ce qui va être
représenté va avoir de l’importance. Si les
coûts sont moindres et la technique plus
facile à aborder, des sujets plus anonymes
vont être pris en compte. Quand August
Sander photographie des anonymes, ce qui
fait œuvre c’est la photographie et non plus
simplement le modèle. Ce qui n’était pas le
cas, trente ou quarante ans avant ses débuts,
quand on photographie essentiellement les
sujets de la bourgeoisie. Dans mon travail,
c’est la sculpture qui fait œuvre et non ce qui
se place autour d’elle. Il y a donc un aspect
similaire entre ce qui se faisait à l’époque et
ce qui se produit aujourd’hui et ce qui va se
retrouver plus tard. Des ponts, un parallèle se
construisaient entre August Sander et mon
travail. S’il faut parler d’Afrofuturisme en ce
sens, il y a effectivement une construction
qui se joue là.
AFRIKADAA : August Sander voulait
créer une cartographie de « L’homme
allemand ». A-t-il été dans cette mesure
un précurseur, un pionnier avec le début
d’une photographie conceptuelle au
sens où l’idéologie du concept était plus
importante que la production artistique
elle-même ?
Mohamed Bourouissa: Oui, il y a le début
d’une conceptualisation et surtout le début
de toute une histoire de la photographie
allemande. D’une école de la photographie
allemande très forte. Il a été le premier à dire
que la photographie servait davantage un
propos qu’une esthétique. Ça n’enlève rien à
la beauté et à la force de ses photos.
AFRIKADAA : Dans ce projet utopique,
ce qui vous intéresse en tant qu’artiste,
est-ce l’antichambre du projet, sa
conceptualisation ou la production de
l’œuvre en elle-même ?
Mohamed Bourouissa: Ce qui m’intéressait
le plus c’était ce qui était « en devenir ».
Concept et production sont de même
nature. Les éléments que je présente enfin
sont des comptes-rendus. Je les appelle
des hamburgers parce que ce sont des
empilements d’idées, de choses posées qui
n’ont pas une finalité de l’ordre du discours.
Ce sont des éléments qui sont ouverts dans
le projet. Ni temps, ni futur, ni passé. Un
élément constamment «  en cours de ».
AFRIKADAA : J’ai regardé l’ensemble de
votre œuvre et notamment le travail
photographique que vous avez intitulé
« Temps mort ».
37
Il y a certains éléments de ce travail
qui m’ont fait penser à des passages de
« Solaris », le livre que Stanislas Lem a écrit
en 1962. Dans cette oeuvre, vous utilisez
fréquemment la notion d’espace-temps.
C’est aussi une notion bidimensionnelle
qu’aborde Lem avec la description de cette
planète, qui est une base de recherche
située entre deux soleils et qui reste une
énigme pour les scientifiques. Il décrit
la présence d’une entité intelligente
(l’océan Intelligent) qui conditionne
l’espace-temps et le cerveau des hommes.
Le dispositif mis en place dans ces
photographies produit à mon sens un effet
semblabledeconditionnementtrèsfortdu
temps, des lieux et des sujets. Une matière
intelligente et autonome qui échapperait
à toute représentation et qui transpose
les contenus vers un ailleurs, un espace-
temps totalement dématérialisé.
Mohamed Bourouissa : Cette notion de
matière intelligente, je la conçois en terme
de « grille » et je crois que le choix dans ce
projet est un choix de surface même de
l’image. C’est cette grille qui donne cette
lecture de l’image. Je me suis retrouvé face à
deux choix. Sur un projet réalisé en prison, il
y a un type de grille officielle, lié à la qualité
de l’image, avec laquelle je pourrai avoir une
image très photographique ou le filtre, la
grille de lecture sera liée à la censure d’une
autorité. J’avais choisi pour ce projet un autre
type de grille, qui était pour moi davantage
émancipateur, celle de la technologie du
téléphone portable. Cette matière que
tu définis comme intelligente est liée à
l’outil même de réalisation du projet et à
deux temps différents. Le temps extérieur,
qui s’aborde différemment du temps de
la prison. La technologie du téléphone
portable donne cette transversalité aux
deux temporalités, le temps intérieur d’un
espace d’enfermement et le temps extérieur.
Ces images sont la jonction entre ces deux
dimensions .
Sans titre (Temps mort), 2008-2009. Photographie couleur, 98,5 x 80 cm, © Mohamed Bourouissa
38
Pages 35, 38 et 39 : “L’utopie d’August Sander”, © Mohamed Bourouissa
39
40
There is no debate when it comes to the
influence of Africa on modernity. In the art
world, this is most evident in the Cubist
movement of the School of Paris – especially
in the works of Picasso and Matisse. Africa
inspired early modernism. The first “Modern
Art” was previously something of African
origins that had ritual, spiritual, or decorative
significance. Paris manipulated the originals,
stripped and re-configured them. Remixed.
In his essay, The Work of Art in the Age of
Mechanical Reproduction (1936), Walter
Benjamin makes me ask what is African
futurism when what is considered modern
and new was already there in a previous
manifestation in Africa? Have we completed
a full circle several times over? What does
computer generated art re-present and
replace? Is hyper-reality the grandest of
magical illusions. Or is it the ghosts and
shadows of the ever-present past? The
ultimate remix could be the encounters
with Ogotemmêli, a blind, hunter Griot from
Mali, who told the French anthropologist
Griaule (1965), that there were rings on
Saturn, moons orbiting Jupiter, and that
Sirius, the brightest star in the sky, had at
least one companion star. He knew these
things without ever having seen or heard
of a Hubble telescope! This remix has spun
countless UFO conspiracy theories and pieces
of art.
According to Marxist political theorist
Jameson [1991], we have completed Post-
Modernisms “spatial turn”. The final frontier,
the colonization of space is predicted by
the sci-fi genre Star Wars and Star Trek.
Avatar, with its virtual blue people with
braids, who have languages, customs and
landscapes with limitless boundaries, are to
my de-colonized mind, simply appropriated
constructed images that hold no fascination.
These narratives tell us we have indeed
crossed over, but from where ? Africa
perhaps? The implication suspiciously smacks
of a remixed colonial project. We can take
the development of interface back to the
phantasmagoric force of alchemy, Al-Chemi
of Kemet or ancient Persian visionaries like
Alghebra. We can look at how the internal
drama of allowing a number, a beat, to
replace a letter has unfolded over time into
programming and computational code. The
future western messianic trope tells us that
there is no going back since an apocalypse
Remix Africana
byMukwaeWabeiSiyolwe
Allimages© Mukwae Wabei Siyolwe
'DF9E?:?=DI:A$'DJ<$=I$
?@<$4<I<B:?=DI$DC$K .B? L
Makishi Unmasked by Mukwae Wabei Siyolwe
ART TALK
41
is coming -- take cover and be very afraid.
No going back not even to analog, vhs,
for goodness sake, even cd’s are already
obsolete. But wait...they will come back. Like
the platform heel or the bustle, we cannot
resist taking what was already there and
remixing it even if that manifests as silicone
buttock implants thanks to the Hottentot
Venus. The market insists it will come back
and be remixed.
Even if the science of computer code
has traditionally been associated with
western, modern, post-industrial, time-
based statistical techniques that allow the
extraction and addition of defined flows
of information to be drawn, allowing for
the configuration of coherent systems and
structures. This is what the authorities
say yet we all know it all started with a
drumbeat. Code has always been a flexible,
fluid yet complex structure founded
on ancient philosophical and aesthetic
principles. The resilience of code shows
us it is a far more open reality and offers
participatory action creating opportunities
to build real communities. We go from being
consumers to producers and narrators of or
own worlds and realities through barcodes,
micro chips, instagrams, twitter, facebook,
blogs, websites, pod casts, posts, likes,
shares, hash tags and more. All are evidence
of code as a democraticising tool.
To many, including the author, code is seen
as emerging from its former cognitive
knowledge base in oral mythology from
drum rhythms whose symbolic world stood
in for realities known only to the participants.
Perhaps this code came about out of
ecological necessity to signal the annual
imminent flood for the Barotse during
Kuomboka or as a way of marking time for
them or heralding rites of passage or just for
passing into a trance on a long hot night in
the bush for the !Kung of the Kgalahari. Or
is it something that just sprang from itself,
from the genius of the western mind? I
don’t think so. Who would have thought
that the simple movement of a hand with
a stick could become what we now know
as a digital code and is now the dominant
system of communication that mediates
all exchanges and expresses some sort of
meaning for all participants?
What is happening when an artist like me is
moved to impress her vision on a previous
piece of utilitarian or ritualistic object like a
Makishi mask from Barotseland or maybe
even a nuclear fallout on a kids t-shirt by
the Lyambai (Zambezi River)? Reproduce
it. Such is the logic and imperfection of
generating art in the digital age. Every image
has a reference of something else, nothing is
original. It’s all a remix.
“What is African futurism
when what is considered
modern and new was
already there in a previous
manifestation in Africa?”
Mukwae Wabei Siyolwe is a Princess from
the Kingdom of Barotseland, an artist and a
social scientist who likes to travel, compose
music, meditate, write, create hybrid
experiences, cook, dance and live in the
moment.
Unf#$k the W@rld by Mukwae Wabei Siyolwe
Afrofuturism final
Afrofuturism final
Afrofuturism final
Afrofuturism final
Afrofuturism final
Afrofuturism final
Afrofuturism final
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Afrofuturism final

  • 1. 1 AFRO DESIGN & CONTEMPORARY ARTS JUIN / JUILLET / AOUT N° 5 AFRO FUTUR —ISM
  • 2. 2 Couverture: From the “C-stunner’s”, 2011 Cyrus Kabiru Crédit photo: Shiramwangi Merci à tous ceux qui ont contribué à ce numero: Jay One Ramier, Julie Crenn, Anna Djigo, Cecilia Tripp, Cyrus Kabiru, Anne Gregory, Kapwani Kiwanga,Julie Crenn, Emily Goedde, Edem Allado, Yinka Shonibare, Jean-Ulrick Désert, Mohamed Bourouissa, Jean Pierre Bekolo Obama, Chassol, Janluk Stanislas, Mamadou Cissé, Holly Bass, Kool Koor, Ntone Edjabe, Paul D. Miller (DJ Spooky), Landry Mbassi, Paul Sika, Mukwae Wabei Siyolwe, Marion Louisgrand Sylla Direction de publication Carole Diop Pascale Obolo Rédactrice en Chef Pascale Obolo Direction de projet Louisa Babari Direction Artistique antistatiq™ Graphisme antistatiq™ Comité de rédaction Frieda Ekotto Kemi Bassene Olivia Anani Camille Moulonguet Michèle Magema Patrick de Lassagne Djenaba Kane Sonia Recasens Photographe Afrikadaa Jean-Michel Quionquion (makrovision.carbonmade.com) Tous droits de reproduction réservés. Contact: info@afrikadaa.com Juin 2013 www.afrikadaa.com www.facebook.com/Afrikadaapage www.twitter.com/afrikadaa
  • 3. 3 EDITO : Le mouvement AFRO-FUTURISM est-il un mirage artistique adressé aux communautés noires pour fuir un espace corrompu qui les a enchaînés physiquement et mentalement sous forme d’Alien-nation vis-à-vis de la société occidentale ? Chercher d’autres planètes comme le musicien et artiste Sun Ra, fils de Saturne, qui voulait se désaliéner de son passé tout en y inscrivant son immortalité. Ce numéro restitue un éventail de médiums et d’artistes qui ont une vision novatrice des expériences afro diasporiques révolutionnaires et avant-gardistes d’un futur réel et imaginaire. Les articles témoignent de l’ère numérique, de fragments d’histoire, essais fictifs et mythes, sous une perception immersive en 6.0 des arts contemporains. L’Afro-Futurisme serait - il un mythe ou une métaphore avec laquelle nous irions à la rencontre de la légende de Sun Ra avec Frieda Ekotto, Anne Gregory et Kemi Bassene en passant par le Next narrative de Jean-Pierre Bekolo Obama et la plateforme Pananafricanspacestation de Ntoné Edjabe fondateur de la revue Chimurenga à Johannesburg.Nous tenterons ainsi d’explorer l’élargissement des( im)possibles  grâce aux travaux d’ artistes rencontrés dans ce numéro. Essayons de penser l’Im-possible en interrogeant la notion d’Afro-futurisme ? Nous avons voulu à travers le temps et l’espace révéler une épopée surprenante où les éléments visuels et les récits liés à la science-fiction, aux voyages interstellaires, interplanétaires et à l’identité noire comme étant un « alien » traversant le mouvement des droits civiques, des luttes décisives contre l’esclavage et le colonialisme sur des milliers d’années pour nous conduire vers de nouveaux espaces spatiaux temporaires. Cherchant dans les différentes disciplines artistiques, l’histoire et les mythologies, nous voilà à la re- découverte d’un monde fantastique et futuriste dans lequel l’artiste fusionne avec la machine pour recréer un imaginaire singulier, en rupture avec tout effet de réalité. L’espace se substitue au ghetto, le voyage interstellaire au récit des origines. Le futur comme allégorie politique pour revisiter l’histoire de la diaspora africaine et redéfinir par la même occasion le devenir de l’espèce humaine. Dans ce numéro, interrogeons la notion de l’Im-possible, qui pour Sun Ra conduit  à la déréalité  de son être et à la mythification de la réalité pour rationaliser un futur fictif.  «l’impossible m’attire car toutes les choses possibles ont été faites et le monde n’a pas changé.» Ces bouillonnements hétéroclites du passé à l’aune du futur ne peuvent manquer de trouver un écho dans la production artistique contemporaine. La thématique Afro-futuriste est une occasion de fouiller le passé, d’explorer le présent, et d’imaginer le futur grâce à la sélection d’artistes que nous avons choisis dans ce numéro spatialement cosmique.. Dans l’univers globalisé, AFRIKADAA réinvente son imaginaire et propose une relecture futuriste de l’art contemporain. Sun Ra, Alice Coltrane, Lee Scrach Perry, Rammelzee, Afrika Bambataa sont les artistes qui m’ont porté dans l’écriture de ce cet édito. The AFRO-FUTURISM movement is an artistic mirage addressed to black communities as an escape from a polluted world that physically and mentally enchains them in an alien-nation vis-à-vis western society. In his search for other planets, musician Sun Ra, son of Saturn, wanted to alienate himself from his past even as he wrote his own immortality. This edition displays a spectrum of genres and artists, all of which demonstrate innovative visions of African-diasporic experiences, a revolutionary vanguard of real and imaginary futures. We discover their work through articles in the digital age, fragments of history, which test fictional myths in an immersive 6.0 perception of contemporary art. Afro-Futurism is a myth or a metaphor wherein we discover the legend of Sun Ra with Frieda Ekotto, Anne Gregory, Kemi Bassene, via the next narrative with Jean-Pierre Bekolo Obama and the pananafricanspace station platform with Ntoné Edjabe, the founder of the South African magazine Chimurenga. Through the work of the artists interviewed in this issue, we propose to explore the expansion of the (Im)possible. Can we contemplate the impossible by questioning the very concept of Afro-futurism? By moving across time and space, our intent is to reveal an unexpected epic of visual elements and stories linked together by their affinity to science fiction, to interstellar and interplanetary journeys, and to black identity as “alien.” We travel through diverse and pivotal human and civil rights movements, as well as struggles against slavery and colonialism; we travel for thousands of years and traverses countless miles, ultimately leading us to new spaces and temporalities. Searching within different artistic disciplines, histories and mythologies, we have re-discovered a world of fantasia, of the future. Here artists merge with machines creating singular imaginaries without a trace of reality. Space replaces the ghetto; interstellar travel takes the place of stories of origins. The future becomes a political allegory through which to revisit the history of the African diaspora and redefine the future of the human species. In this issue, we interrogate for ourselves the concept of impossibility just as Sun Ra rejected the fantasy of his being as that of an American myth, which had been imagined by the oppressor-other: “The Impossible attracts me because everything possible has been done, and the world did not change.” All the disparate bubblings of the past in the future cannot fail to find an echo in contemporary artistic production. With the works of the artists we have chosen to travel with in this spatially cosmic issue, the theme of Afro-futurism can be an opportunity for us to dig into the past, to explore the present and imagine the future together. AFRIKADAA must reinvent its conceptualization of globalization in order to propose a new futuristic re-reading of contemporary art. Sun Ra, Alice Coltrane, Lee Perry Scrach, Rammelzee, Afrika Bambataa are the artists who inspired me to concoct this editorial. Pascale OBOLO
  • 4. 4 AFRIKADAA AFROFUTUR—ISM ART TALK 06 AFROFUTURISM : UNE DÉCONSTRUCTION MÉTAPHYSIQUE, UNE ÉQUATION ORIGINELLE - PAR KEMI BASSENE 08 WHO RA ? - BY ANNE GREGORY 10 THE MYTH OF SUN RA : SPACE IS THE PLACE CRIES AFROTURISM - BY FRIEDA EKOTTO 14 THE NEXT NARRATIVE - BY JEAN PIERRE BEKOLO OBAMA 18 WHAT ACHEBE CONTINUES TO TEACH US - BY EMILY GOEDDE 20 PEUT-ON PARLER D’UNE PRATIQUE FUTURISTE DE L’ART CONTEMPORAIN AU CAMEROUN? - PAR LANDRY MBASSI 22 YINKA SHONIBARE : A(RT)LIEN - PAR JULIE CRENN 28 DESTINS NOIRS – DYNASTIES BLANCHES - PAR PATRICK DE LASSAGNE 32 CHASSOL, DANS CETTE VIE ANTÉRIEURE - PAR CAMILLE MOULONGUET 34 UTOPIE... ANONYME - PAR LOUISA BABARI 40 REMIX AFRICANA: COMPUTATIONAL CODE IN THE GENERATION OF “ART” - BY MUKWAE WABEI SIYOLWE 42 LOWTECH SOLUTIONS FOR HIGH TECH CHALENGES - BY OLIVIA ANANI 44 LA PHOTOGRAPHIE AFRICAINE - PAR CAMILLE MOULONGUET 48 LES PARTICULES PICTURALES D’ EDEM ALLADO - PAR PASCALE OBOLO 52 THEMANWHODISCOVEREDTHEWORLD-BYLOUISABABARI 58 KOOLKOORLOOKINGFORTHEPERFECTBEAT-BYJAYONERAMIER 62 TRAFIKD’INFO :FROMTHESLAVESHIPTOTHESPACESHIP-BYCECILIATRIPP PLACES 66 PANAFRICANSPACESTATION, DEMATERIALIZEDART SPACE-BYPASCALEOBOLO CONCEPT 68 TRIBUTETOASHOOTINGSTAR -BY HOLLYBASS 72 DUPLICITY :« VISIONSCOSMIQUES » -PARMICHÈLEMAGEMA PORTFOLIO 74 MARC JOHNSON :L’ALCHIMISTE - PARCAROLEDIOP
  • 5. 5 78 PAULSIKA :LEPHOTOMAKER2.0 -PARANNADJIGO FOCUS 82 KAPWANIKIWANGA :UNEARTISTESTELLAIRE-PARCAROLE DIOP ARCHITECTURE 86 MAMADOUCISSÉ :CITIESUPGRADER- PARCAROLEDIOP DESIGN 90 YRUSKABIRU: FROMDREAMERTOVISIONARY EXHIBITION REVIEW 94 THUSSPOKEWANGECHI-BYANNEGREGORY 98 ROMBIRTHTOI-DENTITY -PARSONIARECASENS 100 SAMTABENYAHIA TRANSCENDE « LEDRAP »-PARSONIARECASENS 102 POLITIQUEMENTINCORRECT ?-PARSONIARECASENS CARNET DE BORD 106 DJSPOOKYTHATSUBLIMINALKID-PARCECILIATRIPP AFRIKADAA’S LIBRARY 108 AGENDA 110 AFRIKADAA PLAYLIST  119
  • 6. 6 Aucune définition n’est finalement valide pour sonder les contours d’un mouvement qui pratique la distanciation comme en philosophie ou encore refuse les codes industriels artistiques pré dictés par le marché. Le penseur afro futuriste est par définition un traumatisé culturel en construction qui très souvent se renomme comme pour mieux choisir sa naissance. Il regarde le monde tel un postulat mathématique et choisit la formule logique adéquate pour trouver ses “vérités esthétiques”. Les cosmogonies africaines, notamment antique égyptienne et yoruba sont empruntées pour résoudre les “équations” posées par les conditions d’existence. Cette distance par rapport aux valeurs préétablies telles la philosophie occidentale ou son esthétique écarte les religions et laisse à la place, dédiée à la foi, un empirisme rationnel. L’approche métaphysique se retrouve ainsi dans l’imaginaire et les créations qui en découlent. Afrofuturism: une esthétique de résilience ? Il n’est cependant pas vérifié d’attribuer ce concept sociologique uniquement à une partie des communautés noires. En quoi les troubles émotionnels subis par Abel Meroopol, enseignant juif à New York, AFROFUTURISM !"#$%&'(")*+!'*,("$-&*./01),2!#3 !"#$&2!.*,("$(+,4,"#55#6 Texte et photo de Kemi Bassene ART TALK
  • 7. 7 lorsqu’il vit des photos de lynchage de noirs et répondit par le poème Strange Fruit, différent des troubles qui ont conduit Sun Ra à repenser son immortalité et à quitter sa condition d’homme ? De même, la musique de John Cage avec qui il partage l’approche abstraite et métaphysique pourrait alors être renommée euro futuriste et résiliente. De la même façon que les musiciens de la renaissance se sont émancipés de l’église, Sun Ra a bousculé les compositions classiques orchestrales en doublant certains instruments ou en rajoutant des sonorités électriques et parfois «chaotiques»: un double madrigal futuriste. “Celuiquicontrôlele passécontrôlelefutur ; celuiquicontrôlele présentcontrôlelepassé.” GeorgesOrwell Sun Ra, l’ange venu de Saturne Du bateau qui accoste à la navette spatiale qui s’apprête à décoller, la théorie chez Sun Ra investit une destination future pour mieux visiter le passé. L’exode par la pensée et par l’esthétique est le remède pour sortir du mythe et de l’aliénation mentale. L’espace remplace la terre et son infinité est à l’image de la créativité. «I came from somewhere else.» Sun Ra Le mouvement Afrofuturism est-il une dérision adressée aux communautés noires elles-mêmes pour questionner leur peu d’intérêt pour les sciences fictions ? Un domaine exploité quasi exclusivement par des auteurs blancs et qui, comme le décrit le critique d’art Samuel R. Delaney dans Racisme et Sciences Fiction écarte toute possibilité de changer leurs conditions aux communautés noires. Si tel est le cas le conservatisme serait le ver qui ronge le fruit de la pensée ? Les troubles émotionnels issus de la Seconde Guerre Mondiale combinés aux sévices subis en Alabama ont été déclencheurs d’une conscience nouvelle: une vision et une volonté de se défaire des chaines invisibles qui contiennent la créativité et entretiennent le mythe. Comme Jean-Michel Basquiat ou Fanon, Sun Ra déconstruit les codes de la pensée pour trouver les remèdes de l’esthétique et de la sociologie de demain. Le silence devient une musique. Le chaos trouve son harmonie et l’espace est une terre promise. Une troisième composante s’invite au côté des éternelles corruptrices de la pensée que sont la vie et la mort pour Sun Ra : l’immortalité. Le concept Afro futuriste incarne t-il la branche abstraite, fictive du Black Art Movement ? Le modèle assimilationniste américain a trouvé avec les artistes qui ont inspiré le Black Art Movement des résistants contre la pensée unique et l’esthétique imposée. «Une fiction spéculative qui traite des thèmes africains américains et qui implique les intérêts des africains américains dans la technoculture du vingtième siècle », Mark Dery. Au Ghana, la foi en la continuité de l’activité après la mort conduit à préparer le défunt de sorte qu’il ait ses outils pour poursuivre son existence. Il n’existe nulle dernière demeure, la vie étant éternelle. Le personnage mythique de Njeddo Dewal dans les contes initiatiques Peuls de Amadou Hampaté Ba témoigne de la richesse africaine en cosmogonies et en sciences fictions. Cette philosophie de prolonger l’existence humaine dans le futur ne peut s’assimiler avec l’héritage colonial et offre tout comme la réincarnation bouddhiste ou la renaissance afro futuriste une nouvelle palette de créativité et de rupture, quant aux formes d’asservissements esthétiques inhérentes aux peuples minoritairement représentés, de par leurs cultures. Le deejaying, un acte de déconstructivisme au service des musiques urbaines ? Le futurisme artistique moderne bien que gangréné par l’industrie transporte le passé à travers le futur par le remix musical. La technologie moderne est la clé de l’évasion esthétique. Cependant les festivals de créations afro futuristes sont de nos jours sponsorisés par de grands groupes industriels, pour parfaire son image auprès du large public qu’ils déplacent. En littérature ou en cinéma, les mythes du passé offrent des situations de chaos modernes libérées de toute forme de restriction. Un samouraï devient ainsi afro, un Thor devient noir. L’antinomie de la théorie afro futuriste réside dans la projection vers le futur de peuples en en recherche de leur passé occulté. Comment penser le futur tout en ignorant le passé est encore l’axiome de départ de l’application Afrofutiriste ?
  • 8. 8 Long before Jean Michel Basquiat wowed the art world with his trademark bad boy, Afro centric, sly, self effacing, emancipating paintings; before George Clinton could say “Parliament” and “Funkadelics”; before Rammellzee suited up to battle the Word; before Renee Cox flipped the script with her disturbingly beautiful photographs that de/ reconstruct the socio cultural myths stifling black females; even before Octavia Butler wrote her first sci fi story (at age 12) and all the books that eventually followed (which earned her a Macarthur genius grant); and way before house music, hip hop, and rap; there was Sun Ra. Who was Sun Ra? For starters, he was a brilliant jazz keyboardist, composer, pioneer of electronic music, and bandleader extraordinaire, categorically off the chain. Like a court jester, he vacillated between zany and profound usually in the same sentence. A freethinking intellectual, Ra rejected textbook history and created an Astro Black Mythology connecting ART TALK WHO RA? .$"#7$*.8#$("$."$(5%$)*.+ Par Anne Gregory “Sun, the pope of Afrofuturism” Design © Peter Dennett. Art Yard Ltd 2013
  • 9. 9 ancient Egypt with outer space. He concocted a fate of the universe based on the Bible, the Quran, and Flash Gordon comics and concluded “the only way this world can be saved from being completely destroyed is through music.” 1 So he proceeded to make music that was out of this world for 60 years. “Theonlywaythisworldcanbe savedfrombeingcompletely destroyedisthroughmusic.” 1 Cotter, Holland. (2009, April 30). Beamed From Tomorrow, New York Times. A quote attributed to Sun Ra. attribute Born Herman Poole Blount, in Birmingham, Alabama, in 1914, he discarded his past like some ill-fitting suit, got rid of his slave name, too. He claimed to be from Saturn and he was here with a message from higher beings. “Space is the Place” was his mantra. He touched down in Chicago, New York, and Philadelphia and spread that message through his music. Known for his wacky Afro/techno attire, sparkly robes and bedazzled crowns with whirly gigs were worn as a uniform. Behind this amusing façade (Ra had a wry sense of humor and said he was the biggest joke ever played on the world) there was a sincere man on a serious moral mission. The Sun Ra phenomenon can be viewed as a metaphor for liberating the African Diaspora from its history of oppression into a future of cosmic possibilities and infinite freedom. Indeed, Sun Ra felt the burden of saving all humanity. He said he hated people because he loved them so much. That if they weren’t in such a mess he could have skipped his earth gig and been a free spirit floating around the universe. But he shared the love through his music and his musings. The 1959 letterhead for his Le Saturn Records label read: “Beta Music For Beta People for a Beta World”. Once in a while you come across an artist who blows your mind and touches your spirit -- someone who reaches for the highest human potential instead of aiming for commercial success. That’s Sun Ra. His example inspires me to make paintings that send out strong positive energy – like his music. In my painting “Of the Sun” a radial pattern suggests an offbeat version of a mandala – an ancient motif that represents the universe and gives a symbolic offering. Like Ra, artists across all media tell and retell events as a way of revising the past and holding the present accountable in order to fix the future. After all, the survival of the planet may depend on it! Anne Gregory is an artist living in Durham NC, USA.  Currently she is working on a series of paintings called Uprising which explores conflict and resolution in the context of world events focusing on Africa, the Arab Spring, and Wom- en’s Issues.  “Of the Sun”, acrylic on canvas.  Sending it out to Sun Ra.   © 2013 Anne Gregory
  • 10. 10 “If we continuously allow white people to define our space as artists - we don’t deserve to occupy that space as artists.” Mtume The Cricket This reflection by Mtume illuminates a fragment of Afrofuturist philosophy that is embodied in Space Is the Place, an 82-minute film produced by Jim Newman in 1974.1 The product of a course, which Sun Ra taught in 1971 at the University of California, Berkeley entitled: “The Black Man in the Cosmos,” the film stresses the importance Sun Ra placed on the transmission of knowledge to young people. Two scenes crystalize this: Sun Ra’s discussions with teenagers on the concept of reality and his final selection of the people who will travel with him in space in order to learn about the cosmos and the future. The first scene goes like this: A middle- 1 This film was directed by John Convey and written by Sun Ra and Joshua Smith. It featured the musician Sun Ra with his group, the Arkestra. aged black man, dressed extravagantly in flowing robes and a gilded crown and flanked by two attendants in Egyptian masks, appearssuddenly, materializing out of nowhere, in the middle of a teenage youth center in Oakland, California. One of the teenagers, out of the many who regard the man with a mixture of disbelief and I’ve-seen-everything indifference, steps up and asks the only question that makes sense: “Are you for real?” He gets more than he bargained for, however, with this yes-or-no question. After all, he is asking Sun Ra, who, even if we describe him as musician, poet, philosopher and activist, we don’t begin to say it all. This is what he replies: I’m not real; I’m just like you. You don’t exist in this society. If you did, your people wouldn’t be seeking equal rights. You’re not real. If you were, you’d have some status among the nations of the world. So we’re both myths. I do not come to you as a reality, I come to you as a myth, because that’s what black people are, myths. I come to you from a dream that the black man dreamed long ago. Sun Ra’s answer presents some of the central issues that his work considers. The first being, “What is reality?” This might sound trite, but Sun Ra was extremely serious in his approach to the real. For him “real” is a creation of racist and classist ideologies. And it need only be reality if you accept it as such—he does not. In this deep skepticism, we find resonances with another post-war artist and thinker from the francophone sphere, namely Jean Genet. Both he and Sun Ra worked intensely towards a total revision of our assessment of reality and other abstractions that are taken as givens but which are actually creations of racist ideologies. As I’ve written elsewhere, “Genet profoundly intervenes into the question of race by introducing it within the THE MYTH OF SUN RA)9:;<$=>$?@<$/A:;<$;B=<>$.CBDCE?EB=>F By Frieda Ekotto Professor of Afroamerican and African Studies - French and Comparative Literature - The University of Michigan, Ann Arbor
  • 11. 11 framework of the philosophical skepticism of postwar European thought” (9). In Genet’s work Les Nègres we find “a critique of rational thinking that took the form of a critique of the tyranny of abstractions” (12).2 Sun Ra essentially does the same. In his music, political work, as well as in the history he created for himself, Ra dismantles Enlightenment-driven practices of reason and truth, instead insisting upon opening up reality. The fact that he claimed not to be earthly at all, but a member of the Angel Race from Saturn, only seems crazy until we stop and think about the way black men are constructed in dominant discourses. But Sun Ra was doing more than deconstructing, he was creating a new history as part of his cosmology, both of which were Afro-centrist at their cores. “I come to you from a dream that the black man dreamed long ago” reminds us that history, just like reality, is constructed, and Sun Ra is going to have to create a new history too, one that he draws 2 Ekotto, Frieda. RaceandSexAcross theFrenchAtlantic:TheColorofBlackinLiterary, PhilosophicalandTheaterDiscourse. Lanham, Maryland: Lexington Books, 2011. from a powerful African past. In this way, Ra, like many other black activists since the 50s, demonstrates how black history and culture have been erased from official histories. There is no such a thing as a black culture or history unless they create it. “ I do not come to you as a reality, I come to you as a myth, because that’s what black people are, myths.” It is in his creative work that Sun Ra’s philosophical approach is made manifest. Taking what white dominant culture offered, and completely rejecting its power over his reality, he transforms its historical and creative apparatuses by intentionally misusing them, bending and melding them into his own creative vision. We find this is his music, of which he wrote, “The only way this world can be saved from being completely destroyed is through music.”3 And we find 3 Cotter, Holland. “Beamed From Time.” NewYorkTimes. April 30, 2009. this in Space is the Place (1974) itself, which challenges the notion of genre by mixing different genres such as documentary, science fiction, Blaxploitation, musicals and biblical dramas. Therein lies the power of Sun Ra’s work: the ability to simultaneously reject and to create, to expose and destroy the constructed power at the heart of dominant discourses. He combines music, writing and film and takes the disempowerment of slavery and turns it into a creative situation in which the absolute identity of African Americans is unknown to anyone but African-American themselves. As Brent Edwards writes, music helps black people to redefine themselves all the time: “the true voices of Black Liberation have been the Black musicians...the history of Black Music is a history of a people’s attempt to define the world in their own terms.”4 4 Edwards, Brent Hayes. “The Race For Space: Sun Ra’s Poetry.” TheImmeasurableEquation: TheCollectedPoetryandProseofSunRa. Eds. James L. Wolf and Hartmut Geerken. Norderstedt: Waitawhile, 2005:29-57
  • 12. 12 Sun Ra’s approach to reality, to history, to cosmology and to creativity has come to be called afro-futurist (the term was coined retroactively in 1994 by the critic Mark Dery). 1 Ra’s use of mixture as a source of power was surely prescient if not completely revolutionary. In Space is the Place, we find, for example, that his future, in addition to being created by his music, which plays with multiple genres, is also multi-cultural. This is exemplified by his final selection of people for the future, which includes, in addition to African Americans, a young Latina woman. This selection is powerful: he’s demonstrating what reality actually is, multitudinous, and what the future could be if we are brave enough, creative enough, and maybe even crazy enough to entirely reconsider our present and our historical realities. “Sun Ra was doing more than deconstructing, he was creating a new history as part of his cosmology, both of which were Afro- centrist at their cores.” Further Reading Corbett, John. “Brothers From Another Planet: The Space Madness of Lee “Scratch” Perry, Sun Ra, and George Clinton.” Extended Play: Sounding Off From John Cage To Dr. Funkenstein. Durham: Duke University Press, 1994: 7-24. Lock, Graham. Blutopia: Visions of the Future 1 We find this beautifully illustrated in John Akomfrah’s 1996 film TheLastAngelofHistory. and Revisions of the Past in the Work of Sun Ra, Duke Ellington, and Anthony Braxton. Durham: Duke University Press, 1999. Szwed, John. F. Space is the Place: The Lives and Times of Sun Ra. New York: Pantheon, 1997. Szwed, John. F. “Sun Ra, 1914-1993.” Crossovers: Essays on Race, Music, and American Culture. Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2005: 209-210. Zuberi, Nabeel. “The Transmolecularization of [Black] Folk: Space is the Place, Sun Ra and Afrofuturism.” Off the Planet: Music, Sound and Science Fiction Cinema. VII (2004): 77-95. Exhibition Catalogue: Pathways to Unknown Worlds: Sun Ra, El Saturn and Chicago’s Afro-Futurist Underground, 1954-68, ed. Anthony Elms (2007). This book documents an exhibition presented at the Hyde Park Art Center in Chicago from October 1, 2006 through January 14, 2007. Sun Ra syllabus (according to this person who claims Jim Johnson gave him this information):https://sites.google.com/site/ intergalacticresearch/coursesyllabus  Blog post about Sun Ra’s syllabus: http:// worldwithwords.blogspot.com/2009/03/sun- ras-syllabus.html Websites about Sun Ra: http://weblog. liberatormagazine.com/2011/01/space-is- place-val-wilmer-photographs.html, http:// sensitiveskinmagazine.com/professor- sun-ra/ Recommended film: The last Angel of History by John Akomfrah (1996) For the Sun Ra fans ‘Look out for the forthcoming Sun Ra release In The Orbit of Ra presented by Marshall Allen Director of The Sun Ra Arkestra and the extended release of Sun Ra’s cult Philly Jazz album Lanquidity cut from the original master tapes’ plus some amazing previously unknown and unreleased recordings from Sun Ra’s first tour of Europe in 1971, Intergalactic-ly Art Yard.
  • 13. 13
  • 14. 14 We are narrative-beings. Our past, present and future lives are narratives. In the same way that we are oppressed by narratives, so are we liberated by them. What if living were just producing a narrative? This is not an easy task, as we can be led astray in the process by parasite narratives that distract us from connecting with our real identity—if there is such a thing. Is it a quest, or just the transmission of a narrative written by others for you? The world is full of wrong- narratives. I am not sure that there is another place that has been the victim of wrong- narratives as much as Africa. Imagine all the narratives produced to make slave trade and colonialism possible. Imagine all the clichés and stereotypes. How can we continue to live with them? How do we make our way through them? “Our past, present and future lives are narratives.” In the same way that there are individual narratives and destinies, so are there collective narratives. Some are passive; THE NEXT NARRATIVEBy Jean Pierre Bekolo obama Pictures courtesy of : Eyidi Nicolas & JPBekolo ART TALK
  • 15. 15 others call for action. France, for example, has been clear about its “civilizing mission,” its role in bringing culture to other parts of the world. A. Renan says: “Perhaps one day France, having completed its role and having now becoming an obstacle to human progress, will have to disappear.” We are now aware of dysfunctional-narratives, but we must become narrative savvy and rewrite the narratives in which we live when they doesn’t produce the results we expect. We see this in many African countries today where, for example, the State—the independent state, which people fought for and liberated from the colonizer, oppressor etc.—didn’t produce the narrative of well being Africans expected once the “white man” had been kicked out! There must be something wrong with the narratives of these African states that is not being addressed and that is crippling the dreams of Africans running their own countries. It is the same kind of wrong-narrative we might find between brothers or sisters who were separated by force and who cannot find a way to connect now that the constraints are gone. There is also the narrative of black people who leave aside their causes because the president is black, but who would return if a white president again took office. Because novelty and innovation come from the unexpected, we must leave behind old narratives and begin to generate ones that will help us produce a great future. “There must be something wrong with the narratives of these African states that is not being addressed and that is crippling the dreams of Africans running their own countries.” African Cinema of the Future In my book Africa For the Future1 I talk about the fact that Africa is its own narrative. Do you remember Stanley going to Africa looking for Livingstone and sending all those articles to the equivalent of the New York Times? Stanley’s articles created the Africa that still exists in Europeans’ minds today.  How different is Stanley’s Africa from the 1 IwriteinFrench,althoughIhavechosenan Englishtitle. Africa being portrayed in the media today? Since his time, Africa has been a place to be interpreted, a story to be translated for (and by) Europeans and Americans. So when we make films on Africa in Africa, we still work in translation, interpreting what is happening. As with most narratives today, Stanley speaks “for” an audience while Ntone Edjabe (editor of Chimurenga) tells “from” a place and “from” the people living there. The African cinema of the future shouldn’t be about translating, interpreting or explicating. Nor should it be about speaking to “ourselves,” as this doesn’t produce what Ntone is looking for; it is just another manipulation of language. African cinema of the future will be about places with people living in them. Telling “from” somebody and not telling “for” somebody. African cinema of the future will be a cinema of the unknown, the unfamiliar and the unexpected. It won’t be about bridging to the new with the familiar as an escort to the unknown.  Films now do not bring us tastes of the unknown; they rely so heavily upon explanations, translations and interpretations that there is no quest for meaning. They train
  • 16. 16
  • 17. 17 us to only accept content whose meaning we know in advance. This comes from our tendency to bend everything to the reality we know by using metaphors and similes, like when we say: “It tastes like chicken.” Why can’t we accept the idea of different tastes? We must learn that there are many places from which we can experience the world. Cinema as we practice it leads to the distrust of any adventure of understanding that could involve the slightest risk of difficulty and failure. Each filmmaker should be asking his audience this question: “Will you understand me?” Nothing is assured from the outset, nothing is initially given. Everything is to be taken, or at least understood. We must make efforts to learn about characters and predict their behavior. What initially was unknown and perhaps disturbing becomes a place of recognition. Predictability is the problem of cinema today because it is used for seduction. This kind of cinema diminishes human boldness, the courage and the desire to follow meaning constructed by someone else. It has insidiously installed cultural expectations that act as a kind of insurance against all risks of ambiguity, misunderstanding or disagreement. All of this prevents cinema from becoming a human adventure. “African cinema of the future will be about places with people living in them. Telling “from” somebody and not telling “for” somebody.” Biography: Jean-Pierre Bekolo Obama: writer, producer, director, editor, lecturer Bekolo Obama has won a number of international awards for his directing and editing. His debut film Quartier Mozart received the Prix Afrique en Creation at the 1992 Cannes Film Festival. His second film Aristotle’s Plot was commissioned by the British Film Institute to celebrate the 100th anniversary of cinema. Other works for this event were created by Martin Scorsese, Jean-Luc Godard, Bertolucci and George Miller, among others. His new book Africa for the Future was published by Editions Dagan, Paris in 2009. He recently released the film Les Saignantes, which premiered at the Toronto film festival, and which won the Silver Stallion and the Best Actress Awards at Fespaco 2007 in Ouagadougou. His video installation An African Woman in Space was exhibited at the Musée du Quai Branly in Paris in 2008. He has studied film semiotics in Paris with Christian Metz and has taught at the University of North Carolina, Chapel Hill and Duke University. While at The Clinton School of Public Service, he developed a media teaching method called “Auteur Learning,” which has been used at the Philander Smith College in Arkansas. He’s also the Secretary General of the Guild of African Filmmakers and founding member of the World Cinema Alliance. Links http://www.jeanpierrebekolo.com https://www.facebook.com/pages/ Le-President/417533488266249
  • 18. 18 ThispastFebruary—Oscarseason—apiece intheNewYorkTimesbyfilmmakerandcritic NelsonGeorgecaughtmyeye.Itremindedme ofChinuaAchebe’sclassicessay“AnImageof Africa:RacisminConrad’sHeartofDarkness,”1 althoughGeorge’spiece,“StillTooGood,Too BadorInvisible,”wasfocuseduponafewofthe filmsthathadbeennominatedforthisyear’s Oscars.“Forthefirsttimeinrecentmemory raceiscentraltoseveralOscarconversations”, Georgewrites,butbecausetheblackcharac- tersareonlyimaginedaseitherverygoodor verybad,“Theirhumanityishitormiss.These filmsraisetheage-oldquestionofwhetheror notwhitefilmmakersarereadytograntblack charactersagencyintheirownscreenlives.” This“age-oldquestion,”was,ofcourse,one thatAchebefirstbroughttoourattentionin hisbitingcritiqueofConrad’srenderingof 1-Publishedin1977as“AnImageofAfrica”inTheMas- sachusettsReviewitwasfirstdeliveredasalectureatthe UniversityofMassachusetts,Amherst,in1974. Africans:Eithersilentorfrenzied,theywere inarticulateandthereforeinhuman.This, Achebewrites,isracismdisguisedasliterature, andreadingthenovelwithoutfullyappreciat- ingthisistocontinuetoignoretheharmthis causestothepresent(344).Achebedrawsour attentiontotheracistinaccuracyofthegaze andimplieshowitobscuresatleasttwoimpor- tantkindsofknowledge.First,ofcourse,the dichotomybetweensilenceandfrenzyisfalse. WasitnotAchebe’sprojectinhisownnovels tomakesurethatweseethisfact?Second,in seeingAfricanpeopleassilentandfrenziedwe misstheactualcomplexitiesofrealpeople—in otherwords,theirhumanity.Conrad’sMarlow missesthembecauseheistoobusythinking abouthimself,butalsobecauseitneveroccurs tothinkofthemotherwise. Buttherealtroubleisthattheignoranceis notlimitedtoMarloworeventoConrad.As Achebemakesclearbyopeninghisessaywith twoexamplesinaction,racismcontinuestobe createdandperpetuatedbyassumptionsthat cloudouruseoflanguageandourpracticesof reading.Inthefirst,afriendly,elderlygentle- manremarksthathe’dneverthoughtofAfrica ashavingeitherliteratureorhistory—that “kindofstuff”(336).Whatitdoeshave,we implicitlyunderstand,isarticulatedbythesec- ondexample,whereinanearnesthighschool studentthanksAchebeforwritinginThings FallApartabout“thecustomsandsuperstitions ofanAfricantribe”(337),acommentwhich, Achebepointsput,onlysuggeststheyoung man’signorance“ofhisowntribesmeninYon- kers.”Thisisimportant,becausenotonlydoes theyoungmanreadAchebe’snovelinsucha waythatitcanfitintohisownnarrowworld view—therebymissingthepointofthework entirely—healsofailsdrawfromit,aswecan fromallgreatliterature,somethingnewabout theworldthatimmediatelysurroundsus. Thispairofmen,despitetheirgoodwill— Achebemakesclearthesearen’tstereotyped What Achebe continues to teach us By Emily Goedde ART TALK
  • 19. 19 racists,justtheordinary,unreflectivekind— remainscaughtwithMarlowinawebof ignorance,onethatisperhaps,butnotneces- sarily,willfullycreated.AndAchebeisdeeply awarethatitsstickypowerwillnotloseitsgrip anytimesoon: InmyoriginalconceptionofthisessayIhad thoughttoconcludeitnicelyonanappropri- atepositivenoteinwhichIwouldsuggest… someadvantagestheWestmightderivefrom Africaonceitriditsmindofoldprejudicesand begantolookatAfrica…simplyasaconti- nentofpeople.ButasIthoughtmoreabout thestereotypeimage…Irealizedthatno easyoptimismwaspossible.Andtherewas,in anycase,somethingtotallywronginoffering bribestotheWestinreturnforitsgoodopin- ionofAfrica.Ultimatelytheabandonmentof unwholesomethoughtsmustbeitsownand onlyreward.(348) IftheWestwereabletofaceitsownhistory andtherecurrentfantasythatAfricansare somehownothumanmuchcouldbegained. BecausewithoutAfricaanditsformsand modesofknowledge,thereisnocomplete senseoftheworldasitis.AsAchebeputsit, “Travellerswithclosedmindscantelluslittle exceptaboutthemselves”(347).Whichmakes mewonderwhatAchebe’soldmanandhigh schoolreadercouldlearnfromtheOscarfilms thisseason.I’mafraidnotmuch.Itseemswe continuetotravelheedlesslythroughboththe presentandourcollectivehistory. Note:ChinuaAchebewasaNigeriannovelist, poet,professor,andcritic.Hewasbestknown forhisfirstnovelandmagnumopus,Things FallApart,whichisthemostwidelyreadbook inmodernAfricanliterature. *PhDCandidate,DepartmentofComparative Literature,UniversityofMichigan,AnnArbor WorksCited: Achebe,Chinua.“AnImageofAfrica:Racismin Conrad’sHeartofDarkness.HeartofDarkness. Ed.PaulB.Armstrong.NewYork:W.W.Norton &CompanyLtd.,2006.336-349.Print. George,Nelson.“StillTooGood,TooBador Invisible.”TheNewYorkTimes.13February 2013.Web.3April2013. “Blackcharactersareonlyimaginedas eitherverygoodorverybadtheirhumanity ishitormiss” “Wecontinuetotravelheedlesslythrough boththepresentandourcollectivehistory”
  • 20. 20 La question de la divergence du flux de la création dans l’art contemporain gagne de plus en plus du terrain. Soutenue par des avis de plus en plus contraires, parfois complètement réfractaires aux techniques dites traditionnelles (au profit des arts dits moteurs). Tant au niveau des établissements tels que les galeries qui en influencent très souvent la tendance – quand elles n’en créent pas la « référence » le temps d’un règne, selon qu’elles aient pignon sur rue ou non - qu’au sein même des foyers artistiques (collectifs, squats, espaces-laboratoires d’expérimentations…etc.) et autres lieux de production-diffusion culturels, la physionomie que donnent à voir les divers partis pris esthétiques - somme toute complexes - actuels de production de « pièces » ou d’œuvres d’art connaît en effet une considérable explosion. Comment appréhender ce total branle-bas quand on est un artiste vivant sur le territoire africain ; sous l’emprise de forces socio-économiques incommodes et donc bien en marge de toutes ces réflexions qui nourrissent les débats (intellectualistes) sur le contenu de l’art contemporain aujourd’hui mais encore, détourné des réalités profondes et souvent ignorées du marché (mondial) ? Pourrait-on, par exemple parler d’une certaine notion de futurisme dans l’art contemporain camerounais. Quel le place faut-il finalement accorder au « jeu du marché » qui suppose assez souvent de suivre la tendance ? Il est assez escarpé de dire, en prenant l’exemple du Cameroun - un environnement en général, pourtant assez bien imprégné de l’avancée technologique ambiante et de tout ce qu’elle permet - que les artistes sont en harmonie, de part leur pratiques et les questionnements qu’ils soulèvent, avec la notion de futurisme telle qu’elle est appliquée aujourd’hui à travers le globe. Il convient déjà de souligner que l’art contemporain au Cameroun, quoique jouissant d’une côte de célébrité non négligeable à l’international grâce aux artistes de la diaspora, peine encore à s’exprimer via les canaux « usuels » qu’offre le vaste univers de la créativité. Faute d’une certaine implication tant revendiquée des pouvoirs publics, l’art contemporain souffre d’un vide pressant en matière de contenus esthétiques et techniques et d’absence de véritables formations. Le milieu est caractérisé par une carence criarde de plateformes de discussions où artistes et critiques – quand il y en a - pourraient échanger leurs points de vue et amender leurs positions. Il est ainsi assez exceptionnel de trouver, lors des rares occasions d’expositions, des créations artistiques traduisant une plus ou moins assimilation des arts dits moteurs. Néanmoins, certains artistes, incités par les rencontres, les voyages et une désormais plus nette ouverture au monde, se démarquent par les choix et les propositions esthétiques qu’ils soumettent à des regards, pas toujours convaincus par ces prouesses technico- cérébrales, mais somme toute charmés par tant d’ingéniosité. Au rang de ceux-ci, se trouvent aux premières loges, Em’kal Eyongakpa et Joël Mpah Dooh, deux artistes – et deux générations distinctes - dont les démarches, antithétiques mais saisissantes, font l’unanimité, autant pour ce qu’elles dégagent comme émotions que pour leur capacité à rentrer dans le moule du marché. Mais pour tenter de saisir et de mieux cerner PEUT-ON PARLER D’UNE PRATIQUE FUTURISTE DE L’ART CONTEMPORAIN AU CAMEROUN? Par Landry Mbassi A suivre! (2012 - 2013), video installation © Em’kal Eyongakpa Sans titre ©Joel Mpah Dooh ART TALK
  • 21. 21 cette situation, il ne faut pas simplement s’en tenir à cette présentation sommaire des faits, la réalité ayant des souches encore plus complexes et profondes que cela. En effet, au Cameroun, comme dans certains pays dits du Sud, les arts en général sont essentiellement longtemps restés et le demeurent, perçus comme un instrument de dénonciation des maux qui minent la société dans laquelle évoluent les artistes. Les artistes plasticiens, pour parler de ceux-ci, sont très souvent associés à cette notion de « justiciers » qui, de part les thèmes (paix, égalité sociale, pauvreté et bien-être…) récurrents dans leurs travaux, se voient souvent attribuer le rôle de détracteurs, de « haut-parleurs » de ces malheurs qui n’ont point de bouche. Rendant par conséquent presque inconcevable aux yeux du public, le fait que l’art puisse aussi être le moyen d’exprimer des thèmes, des sujets ou des faits moins graves, mais avec autant de sérieux et beaucoup de poésie. Par le moyen de canaux inhabituels tels que la vidéo, la performance ou l’installation. C’est ce que nous pourrons qualifier de pratiques reacto-situationnelles à l’opposé de ce que l’on a la possibilité d’observer dans le monde occidental où règne plutôt aujourd’hui le média, l’information – consommée et consumée à la vitesse du 4.G - qui prime sur la situation, même si en substance, l’une – l’info - a l’aptitude de modifier/contenir l’autre. L’art contemporain au Cameroun est donc aussi et surtout teinté de cette identité là, bâtie sur une longue tradition de « manières-de-faire » et de « manières-de-voir » qui ont consolidé les pratiques de plus d’un et légitimé des acquis aujourd’hui difficilement critiquables – selon le contexte - mais pas forcément compatibles justement et on le dénote bien, avec la perception de l’art actuel tel qu’il se consomme aujourd’hui à travers le monde. C’est ainsi qu’à une exposition, on observera qu’une attention sera plus largement accordée à une œuvre dont le contenu et la forme rappelle tout de suite quelque chose de communément (dans le sens de vulgaire) partagé, une réalité qui prend racine dans la mémoire collective. Un fait divers, le portrait (bien réussi, donc à la limite, hyperréaliste) d’une personnalité, un paysage pittoresque soigneusement exécuté sur une magnifique toile et etc. Les artistes, la plupart du temps, conscients de cet enjeu, ne s’essaient pas ou plutôt, ne se donnent pas la peine de franchir ses frontières esthétiques, de peur de ne plus être appréciés (à leur « juste valeur ») et d’êtres ainsi, bannis de la « communauté artistique officielle ». “Au Cameroun, les arts moteurssontparfoisperçus comme une déloyauté vis- à-vis de l’art traditionnel.” Dès lors, au Cameroun, les arts moteurs ou les pratiques artistiques qui s’y rapprochent, sont parfois perçus, et c’est Paul Virilio1 qui s’en réjouirait, comme une déloyauté vis-à-vis de l’art traditionnel. Il en résulte une situation de catalogage (au sens souvent péjoratif) des artistes au sein même de la communauté. Mais, objectivement, cet état de choses ne saurait pour autant discréditer la pertinence des dynamiques collectives et des démarches plurielles déployées sur le terrain par ces 1 PaulVirilio,écrivainphilosopheeturbaniste, co-auteurde« Discourssurl’horreurdel’art ». artistes, pour juguler avec le contexte, somme toute exécrable. Landry Mbassi est un artiste plasticien dont la pratique est essentiellement orientée aujourd’hui vers la photographie, la vidéo, l’installation et les nouveaux médias. Créateur multifacettes, manipulateur infatigable du concept, il développe au sein du collectif ATAC (autres territoires de l’art contemporain) depuis 3 ans, une action militante pour le développement de nouveaux lieux d’expression, de création et de diffusion de l’art contemporain. En 2011, il participe à la création du collectif Kamera (un regroupement de jeunes photographes camerounais) avec pour objectif de promouvoir cette discipline peu en vue dans les réseaux de diffusion au Cameroun. Actif dans le milieu des arts visuels et du secteur culturel camerounais de manière générale, il co-crée en 2010 l’association Cultures Tous Azimuts dont il est le directeur artistique, dans le but de mener des activités de démocratisation de la Culture et d’intéresser les populations locales souvent écartées des problématiques de développement par l’art à la chose culturelle. Landry Mbassi est commissaire associé des RAVY (rencontres d’Arts Visuels de Yaoundé) et l’initiateur des Journées Photographiques de Yaoundé (Ya-photo). Il anime également la plateforme Art’frica-curate (sur facebook), un espace virtuel qui se veut un lieu de rencontres et de partage d’informations sur des projets de jeunes artistes-curateurs d’origine africaine. Performance à la fondation Blachère ©Joel Mpah Dooh
  • 22. 22 Depuis les années 1990, Yinka Shonibare produit des sculptures, des installations et des vidéos mettant en scène une période historique : le XVIIIème siècle en Europe. Pour cela, il s’attache à la reconstitution des costumes, du mobilier et des objets extraits d’une époque symbole non seulement d’un âge d’or économique, mais aussi d’une expansion coloniale. Au socle historique s’ajoute une lecture de son expérience personnelle. Né au Royaume-Uni en 1962, il grandit au Nigeria et revient faire ses études à Londres au début des années 1980. Depuis les années 1990, il développe une pratique artistique s’appuyant sur une utilisation des stéréotypes liés au continent africain pour produire un discours critique, politique et poétique. Yinka Shonibare .GB?HA=<I Par Julie Crenn, docteure en histoire de l’art et critique d’art ART TALK
  • 23. 23 Lorsqu’il revient au Royaume-Uni, Shonibare éprouve un véritable choc de civilisation. Il subit de plein fouet la séparation, découvre les notions d’altérité et de discrimination. Aux yeux des « autres » il incarne la différence. Il est l’étranger. Il est alors confronté à des problèmes liés à la couleur de sa peau, à ses origines et à une certaine idée de « l’authenticité africaine ». C’est d’ailleurs cette dernière notion, que le jeune artiste va extrapoler. Sa réflexion sur la question de l’identité débute alors qu’il est étudiant à la Byam Shaw School en 1984 où il suit une formation en peinture. Ses professeurs lui suggèrent de mettre en avant ses racines africaines pour ainsi « africaniser » son style. Ils attendent de lui un art qui soit « authentiquement » africain. Voyaient-ils en lui un représentant de « l’authenticité africaine » ? La couleur de sa peau, sa double nationalité font-elles de lui un « pur produit africain » ? Pourquoi devait-il se conformer aux attentes de l’expression d’un exotisme ? Une posture à laquelle il se refuse, pour ne pas être piégé dans une catégorie prédéfinie et pour conserver son indépendance critique. L’artiste renverse et déconstruit avec pertinence et non sans humour le concept d’altérité. Il pose la question : Qui est cet « autre » ? Shonibare se tourne alors vers le Dutch Wax, un tissu résistant imprimé de motifs variés et colorés. Un tissu qui a une histoire singulière. S’il est, dans l’imaginaire collectif, immédiatement associé au continent africain, il est au départ une invention hollandaise. Initialement fabriqué pour inonder le marché indonésien, les marchands hollandais ont dû se rabattre sur le marché ouest africain. L’appropriation a été immédiate et fulgurante. Les tissus, dessinés et fabriqués en Europe, sont devenus un symbole africain. Ce qui devait être une marchandise imposée par les colons s’est adaptée et s’est transformée en un bien continental, national, en un symbole culturel et identitaire fort. Shonibare croise ainsi une iconographie victorienne avec un tissu généré par une politique marchande et coloniale. Il ne l’achète pas en Afrique, bien au contraire il se fournit à Brixton, un quartier multiculturel de Londres. Un quartier comme un miroir à la fois de son identité multiculturelle et de ses aspirations sociales : un vivre ensemble sans stigmatisation et une décomplexification par rapport à l’histoire coloniale. « Dessinés et produits par des gens en Hollande et dans des usines anglaises, vous réalisez que c’est cela détruit complètement la méthodologie de ce séduisant objet africain. Cependant, c’est important, je ne vais pas en Afrique pour les acheter, de cette manière toute implication exotique devient fausse. Et, en fait, j’aime cette fausseté. »1 En les introduisant pour la première fois dans son travail au début des années 1990, Shonibare s’approprie les valeurs esthétiques, symboliques et historiques, de tissus considérés comme « authentiquement » africains. “Yinka explore le passé, les utopies et le futur pour en extraire les contradictions, lesaberrationsetlesfailles.” Aliénations À travers une réflexion sur l’histoire coloniale européenne et ses conséquences actuelles, il développe un questionnement autour de la figure de « l’autre ». Si « l’autre » est un étranger pour soi, il est alors considéré comme un inconnu, un être provoquant toutes sortes de peurs, de réticences. Cet « autre » va se matérialiser de manière à la fois ironique et radicale sous les traits d’êtres extra-terrestres. Depuis la fin des années 1 GULDEMOND, Jaap ; MACKERT, Gabriele. YinkaShonibare:DoubleDutch. Rotterdam : NAI Publishers : Wien : Kunsthalle, 2004, p.41. ‘Alien man on flying machine’ 2011, Steel, aluminum, brass, batik and rubber, 250 x 450 x 450cm
  • 24. 24 1990, des aliens ou bien des spationautes peuplent son univers foisonnant. Il explore ainsi un vocabulaire futuriste, où l’espace, l’inconnu, est entré dans notre quotidien. Les humains se déplacent entre la terre et l’espace, les extraterrestres s’humanisent, les différences s’estompent. En 1998, il réalise deux installations, Alien Obsessives, Mum, Dad and the Kids et Dysfonctional Family (1999). Huit individus sont mis en scène, deux d’entre eux sont placés au centre et en retrait, ils sont remarquables du fait de leur plus grande taille. Il s’agit de la mère et du père d’une famille nombreuse puisqu’autour d’eux gravitent six individus de plus petite taille. Nous notons immédiatement qu’il s’agit d’êtres extra-terrestres, tels qu’ils sont pensés de manière collective. Une figure devenue universelle qui s’est développée à partir des années 1950 dans la bande- dessinée, le cinéma, le dessin animé ou encore la publicité : une tête proéminente, un regard vide, des antennes, des membres longs et maigres. L’extraterrestre est l’être exotique par excellence, il est inidentifiable et il se situe en dehors de la Terre et en dehors du genre humain. Il est l’étranger absolu. Les membres de cette famille venue d’ailleurs, sont chacun recouverts de Dutch wax constituant leurs peaux multicolores, imprimées de motifs géométriques et végétaux. Les personnages extraterrestres de Shonibare nous ramènent à des questions liées non seulement à l’altérité mais aussi à la recherche d’une place dans la société. La figure extraterrestre est une métaphore de la menace que peut représenter l’étranger dans les sociétés occidentales. Si nous nous référons aux discours politiques actuels et les scores grimpants des partis nationalistes (en France comme partout en Europe et dans le reste du monde), les familles immigrées ne sont pas les bienvenues. L’étranger serait la cause de tous les maux de nos sociétés. Des politiques et mentalités effrayées par une soudaine invasion d’une horde de personnes immigrées qui viendrait mettre en péril la sécurité, l’économie, l’emploi ou le logement. Dysfonctional Family met l’accent sur l’absurdité et l’hypocrisie liées à cette peur de la différence. Gilane Tawadros et John Gill expliquent que dans l’imaginaire collectif des années 1950-1960, la peur de l’« autre » était incarnée par des figures monstrueuses et fantaisistes, des extraterrestres hollywoodiens et autres personnages issus de la science-fiction. Aujourd’hui et plus particulièrement depuis le 11 septembre 2001, cette peur collective est associée « à la figure du migrant, le chercheur d’asile », le terroriste ou encore le kamikaze.2 Dans une totale aliénation collective, nous avons assisté à un déplacement de nos propres peurs, amenant une série de décisions politiques prônant une exclusion intolérante. Jens Hoffmann écrit : “En tant que membre d’un groupe minoritaire au Royaume-Uni, je me suis souvent identifié aux extraterrestres dans le cinéma populaire. […] Je suis fasciné par l’anthropomorphisme de l’extraterrestre. Au cinéma et dans les photographies de mises en scène de rencontres extraterrestres, les extraterrestres nous ressemblent et pourtant sont distinctement différents : longs cous, grosses têtes, gros yeux etc. L’idée de l’espace est liée à l’instinct humain pour l’exploration à des fins économiques ainsi qu’à la curiosité. […] L’étrangeté est aussi la source de ma créativité, elle est donc un atout valable : la différence est géniale.”3 Un instinct d’explorateur que Shonibare développe avec Vacation (2000), une installation présentant une famille humaine composée de quatre personnes : deux adultes et deux enfants, tous vêtus de combinaisons spatiales fabriquées à partir de Dutch wax. Ici, ce sont les humains qui 2 TAWADROS, Gilane ; GILL, John. « We Are The Martians », in AlienNation. London : ICA : inIVA, 2006, p.11. 3 HOFFMANN, Jens. « The Truth is Out There », in AlienNation. London : ICA : inIVA, 2006, p.39. ‘Dysfunctional Family’ 1999. Wax printed cotton textile. Four figures (w x h x d) Father: 52 x 148 x 37cm, Mother: 40 x 150 x 36cm, Boy: 54 x 89 x 46cm, Girl: 36 x 69 x 30cm
  • 25. 25 partent en vacances dans l’espace. L’artiste fait aussi référence à une nouvelle forme de colonisation. Il explique : « L’exploration de l’espace est l’expression d’une nouvelle forme de colonialisme tant qu’elle fournit une profusion de nouvelles possibilités, de la même manière que l’ivoire de l’Afrique au XIXème siècle a fourni de nouvelles possibilités de richesse. Les gens sont gourmands et veulent des territoires à explorer pour trouver de nouvelles ressources qu’ils peuvent changer en argent et en capitalisme. »4 Il est intéressant de retourner le discours et de penser que lorsque Christophe Colomb a accosté sur les rives du Nouveau Monde avec son équipage, ou bien lorsque les premiers missionnaires européens se sont installés en Afrique, ils ont été perçus comme des extraterrestres par les populations autochtones. Nous sommes tous les étrangers de ceux que nous considérons comme les étrangers. Avec humour et subtilité, l’artiste inverse les points de vue en déplaçant le regard du prétendu « dominant » et ouvrant le champ de la perception afin qu’il ne soit plus envisagé d’une manière unilatérale. En 2002, il réalise Space Walk, une installation composée de deux spationautes dont les combinaisons sont conçues à partir de Dutch wax, ainsi que d’une capsule spatiale sur laquelle est inscrit le nom de Martin Luther King. Les deux personnages sont reliés par deux cordons en Dutch wax à la capsule. Ils portent des casques totalement noirs et opaques, empêchant le 4 BRUSCHI, Valentina. « Interview with Yinka Shonibare », in YinkaShonibare:Be-Muse. Roma : Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporanea : Museo Hendrick Chrtistian Andersens, 2001, p.101. regardeur d’identifier leurs visages et leurs expressions. L’œuvre est présentée accrochée au plafond, surplombant le public qui se doit de lever la tête pour observer l’étrange scène flottante. L’installation aérienne interroge le besoin insatiable des hommes de conquête et d’une fascination pour l’ailleurs. Pourtant, le fait que les combinaisons et accessoires matériels soient fabriqués à partir de Dutch Wax, nous laisse penser que ces futures conquêtes ne seront pas irrémédiablement blanches/occidentales. Les personnages portent des casques spatiaux dont les visières noires et opaques, ne nous permettent pas de les identifier (âge, race, sexe, traits de personnalité). Des indices auxquels il nous faut ajouter la capsule qui porte le nom du célèbre pasteur Africain- Américain, ce dernier implique la disparition des barrières raciales entre les hommes. À travers une iconographie futuriste et un héritage (historique, culturel et théorique), Yinka Shonibare réclame un avenir multiculturel, ouvert et libre. Être visible et ne pas être considéré comme un étranger tel est son souhait le plus cher. Pour cela, il explore le passé, les utopies et le futur pour en extraire les contradictions, les aberrations et les failles. Julie Crenn est docteure en histoire de l’art et critique d’art. Elle collabore régulièrement avec les revues Artpress, Africultures, Laura, Ligeia, Inferno, N. Paradoxa, Slicker ou encore Inter-Art- Actuel. Various installation images from the ‘Invasion, Escape; Aliens Do It Right!’ exhibition at Anna Schwartz Gallery, Sydney.
  • 26. 26 ‘Space Walk’ 2002. Screen printed cotton fabric, fibreglass, plywood, vinyl, plastic, steel Astronauts each: 212 x 63 x 56cm. Spaceship ca. 370 length x 153cm diameter
  • 27. 27
  • 28. 28 (Toutes ressemblances avec des faits ou évènements s’étant produits seraient purement fortuites…) Je fus le premier Prince Nègre régnant d’Occident. Je règne sur une principauté sise sur un rocher. Il n’y a aucun précédent d’un Prince Nègre dans l’Histoire. Bien sûr il y eut des rois nègres, mais ils ne furent pas affiliés aux grandes familles royales d’Europe. La constitution de ma principauté fut modifiée à mon avantage en 2033 (j’avais 33 ans… 33 ans, cela ne vous rappelle rien ?), lorsque mon père, âgé de 75 ans et sans descendance masculine autre que moi-même, dut se résoudre à me légitimer et me désigner comme son successeur. Mon père revenait ainsi sur la décision de son propre père. En effet celui-ci avait fait modifier la constitution en faveur d’une éventuelle succession par les femmes (ses deux filles) en cas d’absence d’héritier mâle légitime qui serait issu de mon père. A l’exception de certaines dynasties (anglaise notamment) depuis Clovis, la loi salique a toujours prévalu. C’est-à- dire la descendance par les mâles et leur sang. Ainsi que la primogéniture : le droit d’aînesse pour schématiser. Je suis né hors mariage, donc bâtard comme on disait autrefois. Et ma mère est noire et africaine. Je suis donc mulâtre. Mais ce terme, disons cette nuance n’a plus cours depuis Obama. En effet, considéré comme noir aux Etats Unis, Obama était assimilé à un mulâtre en Europe. En accédant aux plus hautes fonctions en 2007, il a brisé un tabou concernant la condition noire. Que peut bien faire la couleur de la peau dans toutes ces matières ? Comme le dit alors un journaliste, certains virent en Obama un noir sublimé, quand d’autres voyaient un blanc bronzé. Et puis regardez tous ces visages d’enfants si divers et variés dans les cours de récréation de maternelle de nos années 2050, vous me comprendrez j’en suis sûr. A ce titre vous pourriez me reprocher de me dire prince nègre alors que je suis métis. Mais vous remarquerez que je dis nègre et non noir. Et bien je m’explique : il fut un roi, l’un des plus grands peut-être, dit Guillaume le Conquérant, fils de Robert de Normandie et d’Arlette sa maîtresse. Né en 1027, Guillaume perdit son père lors de sa huitième année lorsque celui-ci partit en pèlerinage à Jérusalem pour se recueillir sur le tombeau du Christ. Avant son départ pour le Saint Sépulcre, le duc Robert de Normandie avait fait jurer aux barons sur leur honneur que Guillaume serait l’héritier du Duché de Normandie. Ce fils lui succéderait donc s’il venait à mourir. Mais après la mort de Robert de Normandie, les barons trahirent. Ils tentèrent d’assassiner Guillaume, ce petit Duc de huit ans. Ils le jugeaient illégitime, car bâtard, puisque né hors mariage d’Arlette, la maîtresse de Robert. Guillaume, vous vous en doutez fut choqué par cette tentative de meurtre orchestrée par les barons félons, et à laquelle il réchappa miraculeusement. D’autant que son père Robert de Normandie, avait aussi pris la précaution de mettre son fils Guillaume sous la protection d’Henri 1er le Roi de France. La vengeance de Guillaume contre les barons fut implacable. Maintenant rendez vous compte que ce bâtard, allié au puissant Comte de Flandres par son mariage avec Mathilde de Flandres, fut couronné trente et un ans plus tard Roi d’Angleterre à l’abbaye de Westminster lors du Noël 1066 ! Il devint ainsi le fondateur de l’empire anglo-normand. J’en viens donc au fait : Guillaume fut surnommé : « Guillaume le bâtard ». Et il l’assuma. Car ce mot bâtard, qu’on lui avait jeté à la face avec mépris et pour l’humilier, il le ramassa dans le ruisseau pour en tirer la plus grande gloire. Et ce mot, nègre, dont Césaire disait qu’on le lui avait jeté à la face comme un crachat, et bien à mon tour, moi bâtard, mais aussi nègre, à l’image de DESTINS NOIRS/ DYNASTIES BLANCHESPar Patrick de Lassagne ART TALK
  • 29. 29 Guillaume et de Césaire, je les revendique pour ma plus grande fierté. Mais je veux surtout conférer ses lettres de noblesse au mot nègre. Car Guillaume pour qui le mot bâtard fut le problème de l’Histoire (autant que l’histoire du problème) s’est plus que bien occupé de ce mot. Il lui a légué sa noblesse et son propre prestige. Puis, avouons-le, ce mot n’a plus vraiment cours de nos jours. J’ai donc contribué à mon tour et à ma manière à dorer le blason du mot nègre. D’où  Prince… Nègre ! N’est-ce pas deux beaux mots accolés l’un à l’autre ? “Ainsi avec cette terminologie, Prince Nègre, j’aidais donc le noir, grâce aux forces du blanc qui sont en moi” Cependant que l’on me comprenne bien : personne n’est vierge de l’autre. Pas plus vous que moi. Donc je ne suis pas sans ignorer le blanc qui est en moi, et qui n’est autre que mon père… Et voyez-vous, du noir et du blanc, j’aide tantôt l’un, tantôt l’autre. En tout les cas celui qui est le plus opprimé des deux. Ainsi avec cette terminologie, Prince Nègre, j’aidais donc le noir, grâce aux forces du blanc qui sont en moi. Et par conséquent le nègre, qui est donc mon descendant par ma mère. Ne peut-il s’aider lui-même me direz-vous ? N’a-t-il pas assez de puissance et de forces pour cela ? Et bien moi je vous répondrai simplement que l’union fait la force. Donc l’inverse est tout aussi vrai : lorsqu’on opprime le blanc, et bien avec les forces du noir qui sont en moi, je l’aide. Mais cela peut-être tout aussi bien l’indien ou le russe qui sont en mon fils ou en ma fille! Puisque ma femme, la Princesse, est née d’une mère de l’ethnie Lakota d’Amérique du Nord et d’un père russe. Bref, il fallut donc à cette si petite, et pourtant si célèbre principauté de bord de mer vieille de sept siècles, admettre l’inadmissible : un prince nègre. Mais tout cela est déjà du passé… (Toutes ressemblances avec des faits ou évènements s’étant produits ne sont pas fortuites…) Pouchkine est en quelque sorte le prototype du personnage précédent. Il fut aussi un prodigieux visionnaire… Né en 1799, Alexandre Pouchkine, russe et noble par son père, descendait par sa mère d’un camerounais, Abraham Hanibal. Ses riches contrastes firent de lui une extraordinaire synthèse : organique, sociale, intellectuelle, entre Afrique et Europe, Orient et Occident. Pouchkine est sans conteste le plus grand poète russe. Devant ce soleil noir de la littérature, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, Tourgueniev, Gorki, Tchéckov s’inclinèrent. Sa poésie révolutionnaire et sa prose unique créeront littéralement la langue et la littérature russe moderne. Sa vie fût une tumultueuse odyssée : noceur, joueur, séducteur, débauché, buveur, solitaire, mondain, bretteur, révolté… Rien n’arrêta Pouchkine. Pas même de défier le pouvoir en la personne du terrible tsar de Russie Alexandre 1er . Condamné à l’exil, puis gracié par Nicolas 1er , il en reviendra auréolé de gloire. Mythe vivant, Pouchkine achèvera d’écrire sa légende au pistolet, durant ce fatal duel contre un officier français où il perdra la vie à 37 ans pour sauver l’honneur de sa femme. La mort de Pouchkine affligera la Russie. Comme le dira l’un de ses proches : « Le soleil est percé d’une balle ». Pouchkine, par son métissage racial, social, culturel était un trait d’union, un passeur entre les extrêmes. Entre sa vaste culture française (celle des Lumières, nec plus ultra pour l’aristocratie et l’intelligentsia russes de l’époque), base de son instruction, et sa connaissance du petit peuple russe auprès duquel il vécût en exil, deux extrêmes se rejoignirent, s’affrontèrent et s’unirent en lui pour forger sa création littéraire. Comme il l’affirme : « Je veux que chacun me comprenne, du plus humble jusqu’au plus grand. » “ Pouchkine est en quelque sorte le prototype du personnage précédent. Il fut aussi un prodigieux visionnaire…” Tout en intégrant ces oppositions de classe, Pouchkine eût au plus haut point une conscience de race. Par ses recherches sur sa filiation africaine (Hanibal, son aïeul camerounais était le favori du tsar Pierre le Grand) son écriture s’enrichit de ses racines
  • 30. 30 nègres et de sa communauté d’esprit et de sensibilité avec le peuple noir luttant pour son affranchissement. Exprimant son appartenance à l’Afrique, Pouchkine parle de « ses frères nègres » dont il souhaite « la délivrance d’un esclavage intolérable ». Dans la Russie autocratique et blanche d’alors, Pouchkine sait aussi se jouer des pièges tendus. Extrait : - A propos Mr Pouchkine, vous et votre sœur vous avez donc du sang nègre dans vos veines ? - Certainement, répondit le poète. - Est-ce votre aïeul qui était nègre ? - Non il ne l’était plus. - Alors c’était votre bisaïeul ? - Oui, c’était mon bisaïeul. - Ainsi il était nègre. Oui, c’est cela… Mais alors, qui était donc son père à lui ? - Un singe, Madame, trancha pour finir Pouchkine. La définition de Victor Hugo : « Un poète est un monde enfermé dans un homme » s’applique tout particulièrement au poête russe. Elle est l’exact reflet de son cosmopolitisme inné, de sa faculté à unir le divers, de sa propension à élaborer une vision universelle. Pouchkine contient le monde parce qu’il le « comprend». Il le perçoit comme un tout dont il faut unir les parties. Accomplir sa mission de poète, consistait à saisir le singulier et l’universel, à tendre vers la totalité, à rêver une authentique communauté humaine. L’oralité africaine, les régionalismes russes, les langues slave et latine, les dialectes locaux, l’histoire antique, les contes africains, la culture de l’aristocratie pétersbourgeoise, la connaissance des serfs des provinces reculées, leurs folklores, ses origines mêlées, les luttes de classes, de races, blanche, noire et jaune etc. furent autant d’influences contradictoires qui nourrirent, enrichirent et bâtirent la savante dialectique de cet extra-ordinaire métissage oriental et occidental. Ce melting-pot forgera une fulgurante transmutation littéraire. Dostoïevski dira : « Pouchkine, a toujours été, pour ainsi dire, un organisme intégral et achevé, portant en lui intrinsèquement tous ses principes, sans avoir à les recevoir du dehors. L’extérieur n’a fait qu’éveiller en lui ce qui était déjà latent au plus profond de son âme». Cette vision se doublait de l’acuité de sa conscience de classe et de race. L’alchimie pouchkinienne, synthèse singulière, unique et originale était une vision organique et aigüe du monde. Mais si Pouchkine eut la conscience de son temps, il eut aussi celle des temps à venir. En effet, comment ne pas songer, déjà, ne serait-ce qu’à l’Europe, lorsqu’on lit sous la plume de Dostoïevski : « Pouchkine seul, parmi tous les grands poètes universels, possède la capacité de se réincarner totalement dans une autre nationalité. Il devenait bourguignon dans Le Chevalier avare, espagnol dans Le convive de pierre, anglais dans Le banquet pendant la peste, italien dans Angelo, arabe dans les imitations du Coran, allemand dans la scène du Faust. Il n’est pas d’autres poètes qui ait eu la capacité de résonnance universelle de Pouchkine, la faculté de réincarnation de son génie dans le génie des autres peuples ». Eloge et exemple à méditer… Nombres de personnages emblématiques des poèmes, nouvelles et pièces de théâtre, romans en vers ou en proses de Pouchkine deviendront les icônes du patrimoine littéraire et populaire russes. Ils seront repris par les plus grands auteurs qui immortaliseront et prolongeront la postérité du plus grand des hommes de lettres russe. Au panthéon de la littérature mondiale, le mulâtre Pouchkine, ce héros national russe, se tient aux côtés de Goethe, Dante, Cervantès, Shakespeare ou Rousseau… Laissons à Pouchkine le mot de la fin : Comme la lampe qui pâlit Devant l’aurore éblouissante Ainsi le faux savoir palpite et se consume Devant le soleil de l’esprit. Que vive le soleil ! Et que meure la nuit. Patrick de Lassagne est écrivain et scénariste. « Périph’ » son dernier roman paraîtra fin Septembre aux Editions de La manufacture de livres. « Sang bleu, sang noir » son prochain roman est en cours d’achèvement.
  • 31. 31
  • 32. 32 Le compositeur Chassol joue entre l’image et le son, et crée une oeuvre pénétrante et puissante dont les inspirations de notre époque ouvrent un monde inclassable, non- fantasmé mais dont les obsessions rejoignent tous les mondes possibles. AFRIKADAA :Danstesfilmsmusicauxtoutse passecommesituutilisaisl’imagecomme uninstrumentdemusiqueetlamusique commeuninstrumentd’image.Comment vois-tucetterelationentrel’imageetla musique? Chassol : J’utilise l’image comme un matériau musical, bien plus que l’inverse. Lorsque j’ai commencé mes ultrascores, mon souci était tellement musical que je ne me souciais parfois absolument pas de la qualité du montage ou des accidents de l’image. D’un mauvais zoom en fin de loop pouvait justement naître l’intérêt d’une séquence. J’ai su que je voulais être compositeur de musiques de films vers l’adolescence. Les westerns de Sergio Leone, les séries télévisées américaines et leurs scores avant-gardistes, mélanges savants de musique contemporaine, électronique, jazz, disco ou funk, les Walt Disney et autres mangas, West Side Story et sa synchronisation parfaite image-danse-chant- orchestre symphonique m’y ont largement poussé. Je suis né en 76 et j’imagine que j’ai très rarement vu une image sans son. D’ailleurs, cela existe t-il ? Lorsqu’en 1952 Cage nous dit que le silence n’existe pas, cela nous dit aussi qu’aucune image (même muette) n’est regardée dans le silence : les bruits environnants sont toujours là. La relation image / musique ou si l’on préfère vision/audition existe toujours, je la vois comme une permanence. Michel Chion décrit l’audio-vision comme un illusionnisme dont le cinéma, l’art vidéo et le clip ont su exploiter les 1000 ressources. J’essaie de créer de nouveaux rapports, de nouveaux liens, de nouveaux « trucs » dans ce rapport permanent, multidimensionnel et transversal. A:LaNouvelleOrléans,puisl’Inde, territoiresdiversmaisdontlesmusiques sontdansunepuissantecontinuité,t’ inspirent. Estcedelapop?Delamusique contemporaine?Commentlesdéfinir? C: Interessant, c’est que les sujets finissent souvent par nous trouver...Et non l’inverse. Pour « Nola Chérie » et la Nouvelle Orléans, c’est le musée d’art contemporain de New Orleans qui est venu me trouver. J’ai réalisé des mois plus tard le lien que je pouvais entretenir avec la créolité, le fait que mon père dirigeait deux fanfares aux Antilles et même l’idée que la ville soit un berceau du jazz. Pour l’Inde, même si j’aime la musique indienne depuis mon adolescence (via Shakti et John mac Laughlin), j’ai réalisé après le tournage que ma mère m’avait dit avoir ¼ de sang indien et à quel point elle ressemblait à une indienne…Comme une Par Camille Moulonguet images courtesy of Chassol Chassol, dans cette vie antérieure ART TALK
  • 33. 33 couli. Il y a toujours beaucoup plus de nous dans notre travail que l’on ne le pense et le lien ou le liant entre ces deux films est pour moi une chose assez simple : mes obsessions harmoniques. J’ai depuis l’adolescence, voire l’enfance les mêmes envies d’entendre, les mêmes addictions harmoniques et elles sont très semblables de Nola Chérie à Indiamore. Je veux dire que j’aurais pu filmer n’importe où, les suites harmoniques, les grilles d’accords auraient sans doute été les mêmes…. Ces deux mondes m’ont apporté de connaître un peu mieux encore mes obsessions et de les enrichir de nouvelles propositions apportées par les différents protagonistes (sitaristes, brass bands, chanteurs, poètes, danseurs etc…). Cette musque que j’essaie de développer est j’imagine un mélange de tout ce que j’aime... Du jazz (Miles Davis, Chick Corea) à la musique classique française (Ravel/Debussy) américaine (Bernstein, Copland), minimaliste (Reich, Riley) à la pop (The Cure, Beach Boys...) au Hip-hop (Busta Rhymes, Jay-Dilla), à la soul (Minnie Ripperton, Marvin Gaye, D’Angelo…) etc… A:LepsychédélismedeSunRat’inspires-t-il ?Etceluid’Andre3000? C: Lorsque j’entends ce terme, je pense évidemment à Sun Ra que j’écoutais pas mal adolescent et surtout à George Clinton dont j’ai eu la chance de faire l’ouverture il y a 10 ans au festival de Montreux dans le Hall Strawinsky (j’étais alors clavier du groupe Phoenix). À l’époque du lycée (j’ai grandi dans une banlieue blanche ) tout le monde écoutait Parliament-Funkadelic et mes amis montaient des groupes comme Frisco ou Jam et 203 inspirés de nos aînés de Sèvres la Mano Négra, la Malka Family ou 13 NRV… Je me souviens avoir été un peu en retrait de ces groupes, n’ayant à cause des tenues extravagantes de Bootsy Collins ou Clinton jamais pris cette musique au sérieux…un élitisme qui m’a poussé vers d’autres négritudes musicales comme Herbie Hancock et les headhunters, Miles Davis électrique, Tony Williams Lifetime par exemple. J’avais à l’époque l’impression qu’on ne pouvait être déguisé sur scène et être pris au sérieux (j’écoutais pourtant Zappa, les Béruriers noirs etc..). J’ai depuis revu mon jugement, heureusement. Sun Ra me semblait bien différent à l’époque et même si je n’ai jamais réellement plongé dans sa musique, je le respectais car il dégageait quelque chose de profond qui fédérait et son souci du beat n’était le même que dans le P-funk. Pour ce qui est de Paul Miller (Spooky)…J’avoue ne pas trop comprendre sa démarche, même si j’aime bien la personne. J’ai l’impression qu’il n’y a pas grand chose de futuriste dans ses collages de beats et de quatuors à cordes sur des images de Martin Luther King. Son travail m’apparaît plutôt comme une célébration du passé, une sorte d’Afro-Passéisme. Par ailleurs, et pour dire vrai, le psychédélisme ne m’inspire pas vraiment…À part peut être pour trouver de nouveaux rapports d’Audio-vision en ayant ouvert les portes de la perception. Quant à André 3000…Je le trouve beau et classe…Mais ne connais pas vraiment son œuvre à part Hey Ya et quelques morceaux d’Idlewild. A:Quelleseraittavisionsciencefictiondu peuplenoirdanslefutur? C: Je n’ai jamais pensé qu’il y avait un « peuple noir ». C’est la vérité. A:As-tudéjàunautreprojetentête? C: Oui. L’adaptation au Brésil de « Narcisse et Goldmund » d’Herman Hesse en ultrascore d’animation (avec orchestre) et les idiomes de la musique symphoniques américaines que l’on trouve dans « Rodéo » ou « Billy the Kid » d’Aaron Copland. Chassolseraprochainementenconcert : Le 20 juin 2013 à New York (USA)- River to River - Pear 15 Les 28,29,30 juin 2013 à Montréal (CA)- Montréal Jazz - Musée d’Art Contemporain de Montréal - Berverly-Rolph- Webster Le 21 septembre 2013 à Lyon (FR) - Festival Les Subsistances Le 07 novembre 2013 à Bordeaux (FR) - Rocher de Palmer Le 11 novembre 2013 à Bruxelles (FR) - Bozar Le 28 novembre 2013 à Paris (FR) - Les Bouffes du Nord Le 12 décembre 2013 à Colombes (FR) - L’avant Seine
  • 34. 34 Choisissant d’inscrire son travail dans une relation à l’oeuvre du photographe allemand du XIX e siècle, August Sander, Mohamed Bourouissa crée un protocole artistique qui consiste à réaliser des statuettes en résine de personnes en recherche d’emploi et affiliées aux Pôles emploi des villes et de leur banlieues. Un fab-lab mobile, permet à Mohamed Bourouissa de numériser la silhouette de ces anonymes à l’aide d’un scanner et d’une imprimante 3D et de produire une nouvelle représentation de cette population catégorisée. La production de cette statuaire questionne autant le statut des demandeurs d’emploi que le rapport que la société entretient avec la communauté des anonymes. Une partie de la production sera vendue par l’artiste sur les marchés des quartiers. Né à Blida en Algérie, Mohamed Bourouissa vit et travaille à Paris. Il est représenté par la galerie kamel mennour. Par louisaBabari photos:tousdroitsréservésàMohamedBourouissaetlagaleriekamelmennour PortraitdeMohamedBourouissaParJean-MichelQuionquion L’Utopie (De l’anglais utopia, mot inventé, en 1516, par Thomas More dans son livre Utopia construit avec le préfixe grec ο - ou- de sens privatif et noté à la latine au moyen de la seule lettre u, et τόπος, tόpos (« lieu »), signifiant donc « (qui n’est) en aucun lieu »). Anonyme (XVIe siècle) Du latin anonymus (« sans nom ») issu du grec ancien νώνυμος, anônymos (« sans nom »). ART TALK
  • 35. 35 AFRIKADAA: “ L’utopie d’August Sander” donne l’impression d’entrer dans une dimension futuriste de la représentation de l’Homme notamment dans un rapport ambigu à l’individualité et à la production de masse. Mohamed Bourouissa: Je ne sais pas dans quelle mesure elle aborde une thématique futuriste, mais il y a une réflexion autour des procédés techniques qui sont des procédés qui coûtent assez cher comme la stéréophotographie, procédé qui, dans les années 80, était hors de prix et qui servait à réaliser des sculptures. Aujourd’hui, la technique part sur l’impression 3D à très bas coût, disponible pour tous et accessible à chacun. Cela touche dans un sens une dimension contemporaine ou future de cette technologie liée au plus grand nombre. Cette technique va beaucoup se développer. Le projet en soi parle aussi de cet aspect, de ce “non-travail”, avec de plus en plus de gens qui ne travailleront pas. Il y a donc deux lignes phares dans ce travail. AFRIKADAA : Vous avez travaillé le médium photo pendant des années et l’on entend souvent dire que cette nouvelle génération d’imprimantes, cette technique de reproduction représente une mutation de la photographie. Mohamed Bourouissa: C’est une mutation de l’image. Je viens du monde la photographie, puisque j’ai commencé mes travaux en tant que photographe. Mes expositions ont été liées à ce médium et j’ai été reconnu avec lui. Quand j’ai pu accéder à cette technique, notamment avec les scans et les imprimantes 3D, il y a eu un rapport direct à la photographie qui m’a tout de suite parlé. Une sorte de genèse comme pouvait l’être une genèse de la photographie, il y a un siècle et demi. J’ai été évidemment séduit et intéressé par ce médium, dans la mesure où je pouvais toucher au portrait et aux personnes par le volume. Il peut effectivement y avoir une sorte de mutation, mais je ne pense finalement pas que cela en soit une. Nous sommes sur cette même idée de la naissance de la photographie puis du cinéma, comme une mutation de l’image fixe à l’image en mouvement. C’est juste un médium de plus qui s’intègre aux possibilités de création. La photographie a des spécificités que la représentation en volume n’a pas. C’est un amoncellement de plusieurs médiums, comme pourrait l’être le moulage, la photographie et tout d’un coup
  • 36. 36 il y a cette énième possibilité. Afrikadaa: Votre travail sur cette statuaire 3D rend hommage à des individus anonymes qui sont affiliés à une agence de recherche pour l’emploi. Ce travail ne crée t-il- finalement pas un profil type d’individus, deux fois catégorisés, puis dans une vision d’anticipation, clonés à l’envi, comme les fameux “répliquants” de “ Blade Runner “ le film de Ridley Scott ? Cet hommage ne produit-il pas à son insu un homme - type déshumanisé ? Mohamed Bourouissa: Ce travail est très lié à l’expérience. C’est vrai que j’ai pensé au début à mettre en place une certaine typologie liée à cette représentation. Mais ce qui m’intéressait c’était de rendre lisible la violence de la catégorisation des personnes. Rendre lisible la mécanique produite par le Pôle Emploi. Parce que tout d’un coup, il faut archiver, rentrer des types d’individus, des types de représentation. En numérisant les gens et en travaillant directement avec eux, on se rend très vite compte que chaque sculpture, chaque pièce représentée dans le projet a sa propre spécificité. Chaque pièce est unique et ne ressemble à aucune autre. Quand elles étaient revendues au marché, elles étaient vendues comme pièces uniques. Evidemment, c’est un projet très contradictoire. Très négatif par la catégorisation des personnes que je numérise mais qui a rendu hommage à chaque personne stéréophotographiée comme étant un individu à part entière. En aucun cas la machine, ou le système que j’ai produit rendra la complexité d’un individu. Il rend compte d’un instant « t » dans un lieu particulier qui est le Pôle Emploi. Des éléments qui sont inscrits dans un même projet, peuvent aussi rentrer en contradiction ou dialoguer entre eux. AFIKADAA : Il y a dans le mouvement afrofuturiste, une relecture du passé à l’aune du futur. Pourquoi avoir intitulé le travail sur la statuaire 3D « L’utopie d’August Sander », August Sander étant l’un des pionniers de la photographie au XIX ème ? Quel est donc dans votre travail, ce lien entre passé et futur ? Mohamed Bourouissa : Il y a déjà une dimension affective et personnelle vis-à- vis de ce photographe. Je trouvais dans sa pratique, les mêmes prémisses liées à une technologie naissante. Ce qui s’est passé pour la photographie est en train de se rejouer pour ce type de technologie. C’est une technique qui va se développer et qui va prendre de la place un peu partout. Quant à la question de l’anonymat, plus le coût de fabrication est élevé plus ce qui va être représenté va avoir de l’importance. Si les coûts sont moindres et la technique plus facile à aborder, des sujets plus anonymes vont être pris en compte. Quand August Sander photographie des anonymes, ce qui fait œuvre c’est la photographie et non plus simplement le modèle. Ce qui n’était pas le cas, trente ou quarante ans avant ses débuts, quand on photographie essentiellement les sujets de la bourgeoisie. Dans mon travail, c’est la sculpture qui fait œuvre et non ce qui se place autour d’elle. Il y a donc un aspect similaire entre ce qui se faisait à l’époque et ce qui se produit aujourd’hui et ce qui va se retrouver plus tard. Des ponts, un parallèle se construisaient entre August Sander et mon travail. S’il faut parler d’Afrofuturisme en ce sens, il y a effectivement une construction qui se joue là. AFRIKADAA : August Sander voulait créer une cartographie de « L’homme allemand ». A-t-il été dans cette mesure un précurseur, un pionnier avec le début d’une photographie conceptuelle au sens où l’idéologie du concept était plus importante que la production artistique elle-même ? Mohamed Bourouissa: Oui, il y a le début d’une conceptualisation et surtout le début de toute une histoire de la photographie allemande. D’une école de la photographie allemande très forte. Il a été le premier à dire que la photographie servait davantage un propos qu’une esthétique. Ça n’enlève rien à la beauté et à la force de ses photos. AFRIKADAA : Dans ce projet utopique, ce qui vous intéresse en tant qu’artiste, est-ce l’antichambre du projet, sa conceptualisation ou la production de l’œuvre en elle-même ? Mohamed Bourouissa: Ce qui m’intéressait le plus c’était ce qui était « en devenir ». Concept et production sont de même nature. Les éléments que je présente enfin sont des comptes-rendus. Je les appelle des hamburgers parce que ce sont des empilements d’idées, de choses posées qui n’ont pas une finalité de l’ordre du discours. Ce sont des éléments qui sont ouverts dans le projet. Ni temps, ni futur, ni passé. Un élément constamment «  en cours de ». AFRIKADAA : J’ai regardé l’ensemble de votre œuvre et notamment le travail photographique que vous avez intitulé « Temps mort ».
  • 37. 37 Il y a certains éléments de ce travail qui m’ont fait penser à des passages de « Solaris », le livre que Stanislas Lem a écrit en 1962. Dans cette oeuvre, vous utilisez fréquemment la notion d’espace-temps. C’est aussi une notion bidimensionnelle qu’aborde Lem avec la description de cette planète, qui est une base de recherche située entre deux soleils et qui reste une énigme pour les scientifiques. Il décrit la présence d’une entité intelligente (l’océan Intelligent) qui conditionne l’espace-temps et le cerveau des hommes. Le dispositif mis en place dans ces photographies produit à mon sens un effet semblabledeconditionnementtrèsfortdu temps, des lieux et des sujets. Une matière intelligente et autonome qui échapperait à toute représentation et qui transpose les contenus vers un ailleurs, un espace- temps totalement dématérialisé. Mohamed Bourouissa : Cette notion de matière intelligente, je la conçois en terme de « grille » et je crois que le choix dans ce projet est un choix de surface même de l’image. C’est cette grille qui donne cette lecture de l’image. Je me suis retrouvé face à deux choix. Sur un projet réalisé en prison, il y a un type de grille officielle, lié à la qualité de l’image, avec laquelle je pourrai avoir une image très photographique ou le filtre, la grille de lecture sera liée à la censure d’une autorité. J’avais choisi pour ce projet un autre type de grille, qui était pour moi davantage émancipateur, celle de la technologie du téléphone portable. Cette matière que tu définis comme intelligente est liée à l’outil même de réalisation du projet et à deux temps différents. Le temps extérieur, qui s’aborde différemment du temps de la prison. La technologie du téléphone portable donne cette transversalité aux deux temporalités, le temps intérieur d’un espace d’enfermement et le temps extérieur. Ces images sont la jonction entre ces deux dimensions . Sans titre (Temps mort), 2008-2009. Photographie couleur, 98,5 x 80 cm, © Mohamed Bourouissa
  • 38. 38 Pages 35, 38 et 39 : “L’utopie d’August Sander”, © Mohamed Bourouissa
  • 39. 39
  • 40. 40 There is no debate when it comes to the influence of Africa on modernity. In the art world, this is most evident in the Cubist movement of the School of Paris – especially in the works of Picasso and Matisse. Africa inspired early modernism. The first “Modern Art” was previously something of African origins that had ritual, spiritual, or decorative significance. Paris manipulated the originals, stripped and re-configured them. Remixed. In his essay, The Work of Art in the Age of Mechanical Reproduction (1936), Walter Benjamin makes me ask what is African futurism when what is considered modern and new was already there in a previous manifestation in Africa? Have we completed a full circle several times over? What does computer generated art re-present and replace? Is hyper-reality the grandest of magical illusions. Or is it the ghosts and shadows of the ever-present past? The ultimate remix could be the encounters with Ogotemmêli, a blind, hunter Griot from Mali, who told the French anthropologist Griaule (1965), that there were rings on Saturn, moons orbiting Jupiter, and that Sirius, the brightest star in the sky, had at least one companion star. He knew these things without ever having seen or heard of a Hubble telescope! This remix has spun countless UFO conspiracy theories and pieces of art. According to Marxist political theorist Jameson [1991], we have completed Post- Modernisms “spatial turn”. The final frontier, the colonization of space is predicted by the sci-fi genre Star Wars and Star Trek. Avatar, with its virtual blue people with braids, who have languages, customs and landscapes with limitless boundaries, are to my de-colonized mind, simply appropriated constructed images that hold no fascination. These narratives tell us we have indeed crossed over, but from where ? Africa perhaps? The implication suspiciously smacks of a remixed colonial project. We can take the development of interface back to the phantasmagoric force of alchemy, Al-Chemi of Kemet or ancient Persian visionaries like Alghebra. We can look at how the internal drama of allowing a number, a beat, to replace a letter has unfolded over time into programming and computational code. The future western messianic trope tells us that there is no going back since an apocalypse Remix Africana byMukwaeWabeiSiyolwe Allimages© Mukwae Wabei Siyolwe 'DF9E?:?=DI:A$'DJ<$=I$ ?@<$4<I<B:?=DI$DC$K .B? L Makishi Unmasked by Mukwae Wabei Siyolwe ART TALK
  • 41. 41 is coming -- take cover and be very afraid. No going back not even to analog, vhs, for goodness sake, even cd’s are already obsolete. But wait...they will come back. Like the platform heel or the bustle, we cannot resist taking what was already there and remixing it even if that manifests as silicone buttock implants thanks to the Hottentot Venus. The market insists it will come back and be remixed. Even if the science of computer code has traditionally been associated with western, modern, post-industrial, time- based statistical techniques that allow the extraction and addition of defined flows of information to be drawn, allowing for the configuration of coherent systems and structures. This is what the authorities say yet we all know it all started with a drumbeat. Code has always been a flexible, fluid yet complex structure founded on ancient philosophical and aesthetic principles. The resilience of code shows us it is a far more open reality and offers participatory action creating opportunities to build real communities. We go from being consumers to producers and narrators of or own worlds and realities through barcodes, micro chips, instagrams, twitter, facebook, blogs, websites, pod casts, posts, likes, shares, hash tags and more. All are evidence of code as a democraticising tool. To many, including the author, code is seen as emerging from its former cognitive knowledge base in oral mythology from drum rhythms whose symbolic world stood in for realities known only to the participants. Perhaps this code came about out of ecological necessity to signal the annual imminent flood for the Barotse during Kuomboka or as a way of marking time for them or heralding rites of passage or just for passing into a trance on a long hot night in the bush for the !Kung of the Kgalahari. Or is it something that just sprang from itself, from the genius of the western mind? I don’t think so. Who would have thought that the simple movement of a hand with a stick could become what we now know as a digital code and is now the dominant system of communication that mediates all exchanges and expresses some sort of meaning for all participants? What is happening when an artist like me is moved to impress her vision on a previous piece of utilitarian or ritualistic object like a Makishi mask from Barotseland or maybe even a nuclear fallout on a kids t-shirt by the Lyambai (Zambezi River)? Reproduce it. Such is the logic and imperfection of generating art in the digital age. Every image has a reference of something else, nothing is original. It’s all a remix. “What is African futurism when what is considered modern and new was already there in a previous manifestation in Africa?” Mukwae Wabei Siyolwe is a Princess from the Kingdom of Barotseland, an artist and a social scientist who likes to travel, compose music, meditate, write, create hybrid experiences, cook, dance and live in the moment. Unf#$k the W@rld by Mukwae Wabei Siyolwe