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Parti Socialiste. Conseil National - Commission d’enquête sur le fonctionnement de la
fédération socialiste du Pas de Calais – 26/06/2012



                                 Rapport au Bureau National


                 I. Circonstances et motifs de la création de la commission



Une succession d’évènements locaux a conduit le Bureau National du Parti Socialiste, par
délégation du Conseil National, à engager une enquête sur le fonctionnement de la fédération
du Pas de Calais.

Une situation préjudiciable s’est instaurée d’abord du fait de la dégradation de la vie
municipale d’Hénin-Beaumont (26000 habitants), où des conflits successifs au sein de la
municipalité à direction socialiste à partir de 2001 ont conduit, d’une part, au constat d’une
grave désorganisation et d’une crise financière de la ville et à l’engagement de poursuites
pénales contre l’ancien maire Dalongeville pour détournement de fonds publics, et, d’autre
part, à un renouvellement chaotique en 2008 suivi en mai-juin 2009 de nouvelles élections
lors desquelles des socialistes se sont confrontés sur trois listes distinctes et une municipalité
composite a été finalement élue, avec aujourd’hui à sa tête un élu centriste.

Cette situation a conduit à partir des élections municipales de 2008 à une montée très nette du
vote des citoyens d’Hénin-Beaumont pour le Front National, qui a décidé Mme Le Pen,
auparavant candidate en Ile-de-France, à venir s’y présenter et à exploiter ces résultats dans sa
propagande nationale. Dalongeville, maintenu en détention pendant plusieurs mois au cours
de l’instruction puis mis en liberté alors qu’il présentait à la justice des indications mettant en
cause d’autres protagonistes, a publié à l’automne 2011 un livre intitulé « Rose Mafia »
énonçant diverses accusations contre plusieurs élus et responsables socialistes départementaux
tout en minimisant les infractions dont il serait personnellement responsable.

Des échos de presse de plus en plus précis ont mis en cause, à partir de rapports rendus par la
Chambre régionale des Comptes, le fonctionnement de la SOGINORPA, société commerciale
constituée sous forme de société par actions simplifiées (SAS) dont le seul actionnaire est
l’EPINORPA, établissement public industriel et commercial placé sous l’autorité de la Région
Nord Pas de Calais. Cette société chargée de gérer et rénover le parc de 62000 logements de
mineurs transmis par les Houillères lors de leur dissolution. Les critiques portaient
principalement sur l’insuffisante réalisation des programmes d’activités de cette société
publique, sur ses coûts non maîtrisés, sur les conditions insuffisamment concurrentielles de
conclusion de ses achats et commandes, sur les méthodes de recrutement et de gestion du
personnel.

Ces mises en cause présentaient un discrédit potentiel pour le Parti Socialiste du fait que la
Région Nord-Pas-de-Calais est l’unique responsable politique de cette institution et que sa
présidence comme celle de l’EPINORPA ont été exercées depuis 2005 par le député Jean-
Pierre Kucheida, un des principaux leaders socialistes du département (qui en a démissionné


1
dans les jours précédant la remise du présent rapport). Une autre information progressivement
précisée a fait apparaître une utilisation excessive par le même élu de sa carte de crédit de
l’entreprise. Des observations négatives de même sens ont été émises sur la gestion de la
société publique d’aménagement ADEVIA, dans laquelle JP. Kucheida a détenu durablement
une responsabilité exécutive.

Une lettre adressée le 21 novembre 2011 par Arnaud Montebourg à Martine Aubry, première
secrétaire du Parti, s’est appuyée sur ces données déjà publiques pour alerter, sans fournir
d’autres précisions, sur l’existence « d’un système de corruption touchant des élus socialistes
du Pas-de-Calais dont on mesurera bientôt l’étendue ». Ce courrier non destiné à la
publication s’est trouvé repris dans divers organes de presse, en premier lieu dans un long
article des « Inrockuptibles » publié le 7 décembre 2011 et décrivant un ensemble de faits plus
ou moins précis de nature, selon les auteurs, à étayer les mêmes accusations.

Suivant un mécanisme éprouvé d’emballement autour d’une accusation spectaculaire, la
presse a émis un ensemble de questions à l’encontre de la direction du PS, en particulier sur la
connaissance que le PS national aurait pu avoir d’agissements irréguliers, soit d’élus
socialistes, soit de son organisation départementale elle-même. Les questionnements
politiques à ce sujet présentaient d’autant plus d’importance que dans la même période
s’engageait, à l’issue des primaires, la campagne présidentielle de François Hollande et que le
PS procédait à la désignation de ses candidats aux élections législatives. La première
secrétaire de la fédération du Pas-de-Calais, Catherine Génisson, a demandé à la direction
nationale d’engager une enquête pour que toute la clarté soit faite sur le fonctionnement de la
fédération.

C’est dans ces conditions que, dans sa séance du 13 décembre 2011, le bureau national du PS
unanime a décidé sur proposition de la Première secrétaire la création d’une commission
d’enquête régie par l’article 11.1 des statuts. L’enquête devait porter sur le fonctionnement et
le financement de la fédération. Il a été convenu que le rapport de la commission serait
présenté au Bureau National au terme de six mois.

Simultanément, le Bureau, également par délégation du Conseil National, décidait de geler
l’investiture du Parti dans la 12° circonscription du Pas-de-Calais, dont le député sortant était
Jean-Pierre Kucheida ; et dans la 11° circonscription, où se trouve Hénin-Beaumont et où
Mme Le Pen avait annoncé sa candidature, le Bureau décidait après un premier tour de vote
des adhérents non conclusif entre trois candidats, de donner l’investiture à Philippe Kemel,
maire de Carvin.



                    II. Objectif et méthode de la commission d’enquête


Le bureau national a choisi Alain Richard comme président de la commission et Dominique
Lefebvre et Philippe-Xavier Bonnefoy comme vice-présidents. Les autres membres ont été
proposés par les diverses sensibilités représentées, en application du principe énoncé à
l’article 1.5.1 des statuts. Ont ainsi été choisis Pascale Boistard, Frédéric Léveillé, Marianne
Louis, Roberto Romero, Jean-Jacques Thomas. La commission a été soutenue dans son travail
par les collaborateurs du secteur Fédérations du Parti. Appelée à préciser son objectif
d’enquête, elle a estimé que sa mission consistait à :


2
1 Informer le Bureau National des conditions de fonctionnement pratique de la fédération et
de ses finances, en émettant si nécessaire des propositions de réforme ;

2 Evaluer le fonctionnement politique et les rapports de vie démocratique dans cette
fédération et formuler le cas échéant des recommandations pour les faire évoluer ;

3 Porter une appréciation politique sur l’important réseau d’élus locaux socialistes du
département et sur son impact dans la vie politique de la fédération du PS.

La commission a procédé à une quarantaine d’auditions au cours de ses travaux. Ses membres
et les collaborateurs à sa disposition ont analysé des centaines de documents, notamment des
pièces de comptabilité et des comptes rendus d’instances statutaires. Elle doit remercier tous
ceux qui l’ont aidée et donner acte de leur volonté de coopération aux dirigeants et
collaborateurs de la fédération du Pas-de-Calais.



                III. Le contexte politique de la fédération du Pas-de-Calais


La vie politique du Pas-de-Calais est marquée par la réalité sociale d’un département
industriel et minier, touché par de profondes mutations et comptant dans sa population active
une proportion élevée de travailleurs modestes, et par une prédominance prononcée du Parti
Socialiste dans sa représentation politique. Cette prédominance construite autour de Guy
Mollet par les équipes issues de la Résistance s’est renouvelée et accentuée au cours des
années 1980 et 1990, alors même que le département subissait une reconversion économique
difficile et une stagnation démographique. Aujourd’hui la grande majorité de la représentation
parlementaire, le conseil général, la plupart des villes moyennes et petites sont confiés à des
élus socialistes. Dans le bassin minier en particulier, qui représente plus du tiers de la
population départementale, cette situation majoritaire s’est étendue au détriment du parti
communiste, qui y détenait une position beaucoup plus large il y a 2 ou 3 décennies.

Il convient de relever l’originalité de la carté administrative du département, qui pour
1 461 000 habitants compte 895 communes et groupe l’essentiel de sa population dans des
petites et moyennes villes de 2 000 à 25 000 habitants. Ce département, le 4° de France par sa
population, ne compte qu’une commune de plus de 50 000 habitants, Calais, et deux autres
au-dessus de 40 000, Arras et Boulogne, celle-ci seule à municipalité socialiste. Le PS dans
son implantation électorale s’est adapté à cette structure spécifique et concentre la très grande
majorité de ses positions de force dans ce tissu de petites et moyennes communes. Cela lui
confère en particulier une supériorité massive au sein du Conseil général et dans le réseau des
communautés de communes et communautés urbaines ou d’agglomération.

Cette situation dominante a en outre une triple répercussion au sein de la fédération. D’abord,
comme dans beaucoup de fédérations socialistes, une influence certaine des élus locaux
s’exerce sur la vie des instances fédérales même si les élus ne constituent eux-mêmes qu’une
proportion limitée de ces instances. Ensuite les élus locaux sont, dans les sections de base, une
composante très substantielle. Dans une commune de 5 à 10000 habitants, la majorité
municipale compte de 22 à 25 élus. Lorsque cette majorité est composée essentiellement
d’élus socialistes, cette vingtaine de conseillers municipaux souvent accompagnés de


3
membres de leur famille constituent déjà une proportion significative des membres de la
section ; et ceci se reproduit à des dizaines d’exemplaires parmi les quelque 160 sections
actives que compte la fédération. Enfin, dans des sections fréquemment concentrées sur une
seule commune, l’activité de la section se place en accompagnement de la vie municipale tant
par les sujets de discussion interne que par les méthodes de recrutement des adhérents.

                         IV. Les usages et traditions de la fédération

Forte d’un recrutement centré sur la classe ouvrière et les fonctionnaires, en particulier
enseignants, la fédération du Pas-de-Calais est parvenue à un niveau d’implantation enviable,
grâce à une volonté persévérante de rendre l’adhésion très accessible et à une tradition de
convivialité et de solidarité qui encourage une grande fidélité des adhérents.

Cette politique favorable aux adhésions nombreuses et durables a permis au PS du Pas-de-
Calais de tenir de longue date le premier rang des fédérations socialistes, avec dans les
décomptes récents un effectif de 10 000 à 11 000 adhérents, représentant un ratio d’adhérents
d’environ 75 par 10 000 habitants, trois fois plus élevé que la moyenne nationale. Comme
dans les deux autres grandes fédérations, le Nord et les Bouches-du-Rhône, les dirigeants
fédéraux ont eu tendance dans la longue durée à rechercher des votes politiques largement
majoritaires pour en tirer une capacité à influer sur l’équilibre politique national du Parti et à
s’assurer un rôle appréciable dans ses instances dirigeantes.

La direction de la fédération a été conquise dans les années 70 par un groupe de jeunes cadres
politiques décidés à faire prévaloir la ligne instaurée par François Mitterrand après le Congrès
d’Epinay, qui ont en quelques années pris le dessus sur la direction fédérale qui soutenait Guy
Mollet, porteur d’une autre orientation. Cette nouvelle direction, animée pendant 24 ans par
Daniel Percheron, devenu sénateur puis président de la Région, a mené un travail de
structuration et de développement qui forme encore la base des sections et de la fédération
d’aujourd’hui. Elle a graduellement renouvelé les municipalités socialistes anciennes, et mené
la conquête de nombreuses positions électives locales, en concurrence avec la droite dans les
villes de l’Artois et du littoral et avec le Parti communiste dans le bassin minier. Une grande
partie des élus qui donnent au PS sa forte implantation sont issus de cette période de conquête
et ont développé des sections locales fortement liées à leur municipalité pour en assurer la
pérennité.

Ces éléments de l’histoire collective induisent des réalités politiques spécifiques dans la vie
fédérale actuelle. La fédération a longtemps cherché à préserver une relative autonomie vis-à-
vis de l’appareil national du Parti. Cela s’est traduit en particulier par la conservation d’un
système distinct de recueil des adhésions. Ce n’est que tardivement que le Pas-de-Calais a
intégré le fichier national, dit ROSAM, des adhérents du PS. La remontée des cotisations
d’adhérents dues à l’échelon national a aussi connu des épisodes problématiques. Il en a été
de même du recueil des résultats de votes de congrès jusqu’à une époque récente. On doit
toutefois considérer qu’aujourd’hui, après des décisions prises lors de la préparation du
dernier Congrès national, ces questions de transparence entre la fédération et le Parti national
sont réglées.

Une autre particularité de la vie fédérale est le grand nombre de sections, 184 au moment de
la période d’enquête, dont la majorité correspondent à une seule commune, petite ou moyenne
ville. L’identification de ces sections avec la municipalité locale est souvent assez prononcée
et leurs centres d’intérêt sont liés à la vie communale. Les adhérents manifestent un soutien


4
personnel fort à leur maire et à leur municipalité. Ce « localisme » a un autre symptôme : cette
grande fédération ouvrière et industrielle ne compte aucune section d’entreprise.

L’état des effectifs fait apparaître un grand nombre de sections comptant de 30 à 100
adhérents. Une vingtaine d’entre elles s’échelonne entre 100 et 400 adhérents, la quasi-totalité
correspondant à une municipalité socialiste – à l’exception notable d’Arras, ville perdue par la
gauche en 1995 et dont la section demeure forte de 300 adhérents environ. Une section
domine nettement les autres, celle de Liévin avec 1200 adhérents en moyenne dans les
dernières années pour une ville de 32000 habitants (ratio d’implantation record qui, transposé
au niveau national, donnerait un PS de 2,5 millions d’adhérents !). Cette section dispose d’une
influence appréciable dans la vie de la fédération.

La tendance à grouper les votes sur une seule motion politique lors des congrès, habituelle
dans le Pas-de-Calais comme dans les deux autres grandes fédérations traditionnelles, a fait
place peu à peu à une répartition des sections sur les positions préconisées par leur leader
local, qui entraîne une certaine diversification dans les scrutins internes nationaux. Le « vote
au canon » n’a pas pour autant disparu : il s’applique bastion par bastion. On a pu constater à
plus d’une reprise des phénomènes de pressions à l’approche des votes, et de « représailles »
en cas de « rébellion », qui ne concourent pas à une ambiance de pluralisme apaisé lors des
échéances politiques internes.

La forte composante locale de la vie des sections, le contexte économique et démographique
et l’histoire politique de la fédération ont contribué à une grande stabilité du personnel
politique. Les enjeux de renouvellement humain sont donc sérieux dans cette grande
fédération.

Une mention particulière doit être faite de la situation de l’ancien bassin minier qui constitue
une entité humaine originale au sein du département et dont la réalité territoriale se perpétue
bien après la fin d’activité des Houillères. L’adhésion très profonde de la population aux idées
de la gauche, la force des réflexes de solidarité et la culture issue du travail de la mine, le
poids des prestations sociales dans les revenus des habitants, la structure urbaine et
résidentielle en font un espace politique particulier, largement dominé par le PS et donc très
présent au sein de la vie fédérale dans laquelle subsistent des clivages géographiques
marqués.

L’hégémonie politique du PS dans ce secteur-clé du département, qui aboutit à une
concentration de pouvoirs très prononcée et à la confrontation d’intérêts ou de stratégies
locales presque exclusivement entre élus socialistes, peut donner lieu à des pertes de maîtrise
comme l’illustre la dégradation extrême de la situation d’Hénin-Beaumont avec des
conséquences politiques graves. C’est dans ce territoire que la progression du FN dans les
dernières années a été la plus marquée.


                   V. Les problèmes de fonctionnement de la fédération


Deux difficultés essentielles apparaissent dans la vie de la fédération socialiste du Pas-de-
Calais : l’insuffisante coordination entre les sections et la fédération, une cohérence dégradée
de la stratégie électorale.



5
A. La fédération et les sections. La réalité communale très ancrée des sections se traduit,
avec le temps, par un niveau d’autonomie qui nuit à l’efficacité de la vie fédérale. Les
créations et suppressions de sections apparaissent peu contrôlées. A la récapitulation des
cartes d’adhérents attribuées pour 2011, 36 sections locales sur les 184, soit 1 sur 5, sont
portées comme ayant, soit 0 adhérent, soit un nombre inférieur à 5, contrairement à la règle
fixée par l’article 3.1 des statuts. Sur ce nombre, plus de la moitié présentaient déjà un nombre
d’adhérents inférieur au seuil statutaire en 2010, plusieurs étaient même dans ce cas depuis 3
ou 4 ans. La fédération est donc nettement en défaut sur le maintien à jour de la liste et du
ressort territorial des sections.

A plusieurs reprises dans les dernières années, ont coexisté en raison d’oppositions locales des
sections ayant la même base géographique. Sous des dénominations diverses (la plus originale
étant la section « radicale socialiste » qui accueillait l’un des groupes rivaux d’Hénin-
Beaumont) ces sections représentaient des situations de scission de fait sur lesquelles la
fédération n’a pas exercé en temps utile sa mission de régulation. On en retrouve l’effet dans
une rubrique « divers » de l’effectif fédéral, représentant les adhérents hors sections, qui a
compté en 2007 jusqu’à 308 adhérents.

De même des mouvements d’effectifs massifs ont affecté plusieurs sections importantes :
entre 2008, année du dernier congrès national et 2011, la section de Boulogne-sur-Mer passe
de 820 adhérents à 342, celle de Bruay-La Buissière de 805 à 317, celle de Calais de 501 à
214, celle de Lens de 1161 à 450 . Les variations au cours du même cycle politique dans les
sections de taille moyenne étaient beaucoup plus faibles, indiquant que la compétition pour le
pouvoir départemental s’est concentrée sur quelques sections majeures. D’autres fortes
variations d’effectifs de certaines sections retracées par les états de votes statutaires au cours
des dernières années sont également révélatrices d’un manque de pilotage de situations
locales troublées.

 Le partage territorial entre zones d’influence d’élus locaux ou nationaux fait obstacle à la
remise en cohérence de situations politiques dégradées comme celles qu’ont marquées la perte
de Béthune en 2008 ou celle d’Hénin-Beaumont. Témoigne aussi de ce déficit de leadership
fédéral le maintien depuis de nombreuses années de la section de Liévin au-dessus du seuil
d’effectifs de 1000 adhérents qui impose statutairement (art. 3.2) à la fédération de procéder à
la scission d’une section.

L’analyse des documents internes et des budgets montre que la fonction d’impulsion politique
et de mise en synergie des sections est des plus limitées. Les actions de communication
émanant du Parti à l’échelle départementale sont espacées et de faible ampleur. L’essentiel de
la représentation du Parti vers le public est renvoyé aux sections, avec pour effet une inégalité
marquée de présence politique selon les zones géographiques.

B. Les difficultés de stratégie électorale. Les évènements électoraux des derniers mois
témoignent également d’un repli sur soi et d’une capacité trop réduite à piloter l’application
de la stratégie du Parti dans son ensemble. Les sénatoriales de la série 2011, dont relève le
Pas-de-Calais, et les législatives de 2012 ont été conçues par la direction nationale unanime
comme une phase-clé de renouvellement, de progrès de la parité et de rassemblement avec
nos partenaires politiques pour assurer la victoire aux présidentielles. Du fait de ses difficultés
à arbitrer entre ses composantes locales, la fédération a échoué de façon marquante à
appliquer ces objectifs.



6
Lors des sénatoriales, cette fédération a été la seule de celles pouvant faire élire au moins trois
sénateurs à la proportionnelle qui n’ait pas contribué à assurer la représentation de l’un de nos
partenaires. Dûment associée à la conclusion d’un accord national qui réservait une place
éligible dans le département à une candidate du PRG, la fédération n’en a pas moins déposé
une liste, dirigée par Daniel Percheron, qui ne respectait pas l’accord sur lequel le Parti s’était
engagé. Par ailleurs la suppression de deux circonscriptions législatives ne justifie que
partiellement le choix d’une liste sénatoriale qui comportait 3 députés sur 4 candidats
éligibles.

Appelée à plusieurs reprises à apporter sa part à la parité dans les circonscriptions législatives
offrant les meilleures chances d’élection, la fédération n’a présenté au secrétariat national, très
tardivement, qu’une proposition comportant 2 circonscriptions réservées à la parité sur les 10
les plus gagnables. Dans l’Arrageois qui comportait toujours deux circonscriptions après le
redécoupage, la fédération n’a pu trouver de solution assurant de garder deux candidates alors
que c’était la situation issue des élections de 2007. Dans la 6° circonscription où était investie
la seule candidate nouvelle, la fédération n’a pu éviter une candidature dissidente mettant en
danger l’élection ; elle n’a pas non plus pris les mesures propres à dissuader de nombreux
responsables et élus locaux de se mobiliser pour la candidature dissidente. Il en a été de même
dans la 9° circonscription, la seule qui ait été concédée à un partenaire.

Après que la direction nationale eut décidé de désigner Nicolas Baÿs dans la 12°
circonscription et d’exclure Jean-Pierre Kucheida qui maintenait sa candidature hors Parti, la
direction fédérale n’a pris aucune mesure pour appliquer cette décision politique et a maintenu
sans réagir le dispositif de campagne organisé autour du candidat exclu. Dans la 11°
circonscription où les résultats antérieurs, comme ceux de la présidentielle récente,
démontraient un risque grave de victoire de Mme Le Pen, le dispositif local de campagne n’a
pas été renforcé comme il était nécessaire. Ceci doit être mis en relation avec un résultat
inquiétant du premier tour, à 23,7 % pour le PS dans un total gauche de 48,0 %, plus faible
que lors des défaites nationales de 2002 et 2007 ; et avec un résultat de 50,1% au second tour
face au FN dans une circonscription ayant donné plus de 60 % à François Hollande le 6 mai.

Plus anciennement, la difficulté de gérer les situations de concurrence électorale au sein des
secteurs dominés par le PS a débouché sur un nombre très préoccupant de dissidences aux
dernières élections municipales, notamment dans le bassin minier. Dans ce secteur, en 2008
au moins un tiers des villes de plus de 3500 habitants ont vu se confronter des candidats
venant du PS sur des listes concurrentes. Si la situation d’Hénin-Beaumont a illustré ce
phénomène avec des conséquences d’une particulière gravité, l’absence de maîtrise des
procédures de désignation et des situations de conflit qu’elles révélaient a été beaucoup plus
répandue. Cela a constitué un signal d’alarme dont les conséquences n’ont pas été tirées.


       VI. L’application défectueuse de la législation sur le financement politique.


A. Les finances de la fédération. Le déclenchement de la présente enquête a été largement
déterminé par l’allégation d’un financement gravement irrégulier de la fédération socialiste,
véhiculée par divers médias sur la base d’une alerte émise par un secrétaire national.
L’invocation d’un « système de corruption » dont « l’étendue » allait se révéler a conduit la
commission à porter une attention particulière sur le budget fédéral, son alimentation et sa
gestion.


7
L’analyse financière de la fédération n’apporte aucune confirmation de cette allégation. La
présentation du budget fédéral est conforme au modèle imposé par la comptabilité générale du
Parti. Les recettes sont celles que prévoit la législation en vigueur : cotisations des adhérents,
contributions statutaires des élus, et attribution de la part du financement public du Parti après
péréquation. Le niveau global des recettes est comparativement faible au regard de l’effectif
militant du département : cela tient essentiellement au choix, ou plutôt à l’habitude, de
maintenir la cotisation due à la fédération à un niveau très bas. On verra ensuite que cela
recouvre un partage de ressources favorable aux sections.

Les comptes de la fédération assortis de leurs justificatifs, au titre de 2011 comme des années
antérieures, ont été dûment approuvés par le commissaire aux comptes lors de leur
consolidation avec les comptes nationaux. Les vérifications de cohérence auxquelles a
procédé la commission d’enquête ne révèlent aucune anomalie pouvant évoquer une
dissimulation de recettes ou de dépenses.

Il est donc avéré, aux yeux des membres de la commission, que l’accusation énoncée à
l’encontre d’un « système de corruption » pouvant bénéficier au PS dans le Pas-de-
Calais est dénuée de fondement. Ce nouveau constat de la frivolité avec laquelle sont mises
en circulation sans vérification sérieuse des accusations graves, au risque de tromper les
citoyens avant une élection décisive, appelle certes des réflexions sur le fonctionnement de
notre démocratie médiatique mais ceci n’est pas du ressort de la commission.

Celle-ci a cependant noté que le périodique « les Inrockuptibles », qui s’était fait le diffuseur
le plus catégorique de cette accusation en affirmant que les détournements qu’il décrivait
« bénéficiaient à la cagnotte politique […] du Parti Socialiste », a été condamné en
diffamation le 7 mai dernier à la demande de la fédération. Ce jugement énonce notamment
que les auteurs de cette enquête n’ont recueilli que des éléments « insuffisants pour [les]
autoriser à écrire un article dont la lecture ne laisse aucun doute sur la véracité des graves
accusations de financement illégal ». Beaucoup de ceux qui ont donné une large publicité à
ces allégations auraient pu encourir les mêmes reproches mais avaient eu l’habileté de retenir
des formulations de même sens assorties de circonlocutions faisant usage de coupe-circuit
juridique.

Si l’accusation-« choc » initiale est écartée, en revanche une anomalie subsiste dans le
dispositif financier fédéral. Le montant de la cotisation versée par chaque adhérent à l’échelon
fédéral est de 18 € par an pour la majorité des membres (ce qui ne laisse pratiquement rien à
la fédération après le versement de sa quote-part au Parti national) et de 40 € pour une fraction
des adhérents que chaque trésorier de section définit à sa guise, sans référence à un barème
commun de ressources. De ce fait les cotisations à 18 € sont la grande majorité, d’où la
faiblesse du budget fédéral déjà évoquée. Par ailleurs la contribution des élus est fixée à 10 %
seulement du montant net des indemnités. Cela présente un double inconvénient : d’une part
un sous-financement de l’échelon fédéral, qui a la responsabilité politique la plus étendue – et
qui seul peut apporter une contribution au financement des campagnes ; et d’autre part une
inégalité peu justifiable entre adhérents du Parti selon la section à laquelle ils participent. Ceci
corrobore l’appréciation d’un défaut de coordination et d’encadrement des pratiques des
sections auquel il convient de remédier.

B. Les comptes des sections. La suspicion soulevée par les accusations mentionnées
précédemment imposait évidemment à la commission d’enquête de procéder à des contrôles


8
approfondis sur les comptes des sections, qui auraient pu être bénéficiaires de versements
irréguliers évoqués en lieu et place de la fédération elle-même. Elle a donc recueilli
l’ensemble des données permettant de retracer les comptes de 12 sections parmi les plus
importantes de la fédération pour étayer son appréciation d’ensemble.

L’observation majeure est que beaucoup de sections ont conservé des habitudes de gestion
financière issues de la période antérieure aux lois sur le financement politique de 1988,
1990 et 1995 et que la fédération n’a pas fait le nécessaire, ni pour les rendre plus conscientes
de ce changement complet de cadre légal, ni pour s’assurer des opérations auxquelles se
livraient les sections. Le trésorier fédéral a déclaré à la commission, comme constituant une
évidence, que « la fédération ne contrôle pas les comptes des sections ».

La grande majorité des sections gèrent un ou plusieurs comptes bancaires distincts de ceux de
la fédération. La plupart d’entre elles n’y font entrer que le reversement par la trésorerie
fédérale de la part des cotisations de militants et des contributions d’élus qui leur reviennent.
Les ressources en question sont donc entrées en compte par le biais de l’association
départementale de financement du Parti et ne se heurtent à aucune objection du point de vue
de la transparence du financement.

L’ensemble des interrogations adressées par la commission aux responsables des sections
concernées, et l’analyse des documents qu’ils ont communiqués, conduisent la commission
d’enquête à conclure que ces sections n’ont pas bénéficié de financements provenant d’autres
sources que les cotisations d’adhérents, les contributions d’élus et le produit des évènements
festifs qu’elles organisent. Aucun indice de ressources anormales ou inexpliquées n’a été
décelé. Donc, à l’échelon des sections également, l’accusation de « système de
corruption » se révèle infondée.

C. Les problèmes de régularité financière des sections. Toutefois les sections détiennent
ces comptes distincts (souvent depuis des périodes très antérieures à l’entrée en vigueur de
la législation actuelle) dans une situation juridiquement incertaine. Ou bien ces comptes
sont ouverts au nom de la section elle-même, alors qu’elle n’a aucune personnalité morale en
droit civil, et la signature attribuée sur ces comptes aux responsables de la section peut être
contestée. Ou bien ces comptes sont au nom d’une association « des amis du parti socialiste
de X », et alors ce sont les opérations menées à partir de ces comptes qui risquent d’être
requalifiées comme constituant un financement d’activité politique hors du cadre fixé par la
loi.

Un cas plus problématique encore est posé par un certain nombre de sections, que la
commission n’a pas toutes identifiées, qui perçoivent directement des contributions d’élus
versées sur leurs comptes locaux sans passer par l’association départementale de
financement. En soi-même cette méthode n’est pas directement contraire à la loi [ce point fait
l’objet d’explications plus détaillées dans la note juridique annexée en fin du rapport]. Hors
du cas de financement d’une campagne électorale, la législation n’interdit pas à une
composante locale d’un parti de financer des activités politiques sans inclure ces charges dans
le budget global du parti, et l’obligation de faire encaisser les dons destinés aux partis par les
mandataires ou associations de financement agréés ne s’applique qu’aux « dons » et non aux
contributions statutaires d’élus.

Mais cette pratique suscite au moins trois risques juridiques :



9
- les contributions d’élus ne résultant pas d’une obligation statutaire formalisée peuvent être
requalifiées en « dons », surtout si elles sont d’un montant élevé, et donc être jugées
irrégulières puisque non enregistrées par l’association de financement ;
- les dépenses ainsi financées, selon leur nature et leur date, peuvent être réintégrées dans des
dépenses de campagne et entraîner une sanction pour contribution illégale d’une personne
morale (car au regard des règles du financement politique la section serait regardée comme
telle) ;
- si les dépenses d’action politique atteignent une régularité et une importance qui les font
apparaître équivalentes ou supérieures à celles de la fédération sur un territoire donné, elles
peuvent être analysées comme finançant en réalité l’activité du Parti dans ce lieu et donc elles
peuvent conduire à mettre en doute la sincérité des comptes du Parti lui-même dans la
fédération concernée.

C’est en considération de ces risques, qui peuvent donner lieu à des interprétations différentes
entre la CNCCFP (laquelle souligne elle-même ces incertitudes), un juge de l’élection et un
juge pénal, qu’il apparaît très souhaitable de ne pas conserver ce système de comptes
distincts des sections et de faire transiter l’ensemble des cotisations et contributions par
l’association de financement, y compris pour la part revenant finalement aux sections.

Un grand nombre de fédérations ont adopté un mécanisme consistant à ouvrir dans leurs
comptes un sous-compte dédié à chaque section où sont créditées les sommes qui lui
reviennent, et dont ses responsables peuvent disposer par une délégation de signature. Ceci,
outre la cohésion de l’action, garantit contre le risque que les dépenses d’activité politique des
sections soient jugées contraires à l’obligation faite au Parti de regrouper l’ensemble de ses
dépenses dans une comptabilité globalisée et vérifiable.

La fédération du Pas-de-Calais aurait le plus grand intérêt à faire de même. Cela
évacuerait les critiques des sections qui remarquent que la fédération met un temps trop long à
leur reverser la part de recettes statutaires qui leur revient. Cela mettrait fin en même temps à
une situation anormale, héritée du passé, dans laquelle l’échelon politique fédéral s’abstient
de vérifier les ressources et les engagements financiers des sections alors qu’elles sont des
composantes placées sous sa responsabilité et non des entités politiques indépendantes.

D. Le cas particulier de la section de Liévin. Les auditions et analyses de documents ont fait
apparaître que la section de Liévin, la plus importante de la fédération en lien avec une des
principales municipalités socialistes du département, avait pour pratique, comme celles qui
viennent d’être citées, de collecter des contributions d’élus indemnisés (maires-adjoints et
conseillers délégués) complémentaires à celles dues à la fédération, mais de demander le
paiement de la moitié de ces contributions en espèces et non en chèque ou virement. En
temps ordinaire le montant recueilli par ce procédé est de l’ordre de 20 000 € annuels : les
maires-adjoints socialistes contribuent, en plus des 10 % de leur indemnité versés à la
fédération, pour 380 € par mois à la caisse de section, un mois sur deux en espèces.

Ce mode de versement de contributions de Parti est évidement inhabituel et entraîne
inévitablement des doutes sur la régularité de l’ensemble des comptes de la section. Il est
indiqué à la commission que cette méthode d’alimentation de la caisse de la section résulte
d’une tradition locale remontant au moins aux années 70. L’utilisation des sommes en espèces
se répartit entre un « forfait » de 44 € reversé aux conseillers municipaux non indemnisés
pour couvrir leurs frais courants de mandat (notamment dans les fêtes et animations locales où
il est attendu qu’ils participent aux dépenses) et le financement par la section de


10
manifestations conviviales et d’évènements politiques.

Ces justifications sont peu convaincantes puisque l’indemnisation des conseillers
municipaux, dans la limite du crédit global défini par la loi, peut être décidée par la commune
elle-même en considération des délégations qu’ils détiennent et que le financement de fêtes ou
de réunions peut se faire par des modes de paiement autres que les espèces. En outre l’examen
des comptes rétrospectifs montre que ces sommes encaissées en espèces sont excédentaires et
qu’en cours d’exercice une partie est reversée sur un des comptes de placement dont dispose
la section par ailleurs.

Après vérification, l’ensemble des élus contributeurs affirment que ces versements en espèces
proviennent bien de leurs ressources personnelles, plusieurs d’entre eux justifiant qu’ils font
un retrait d’espèces spécial lors de ces versements périodiques. Tout en enregistrant ces
déclarations dont la sincérité ne fait pas de doute, la commission ne peut que constater que
cette pratique méconnaît la prudence la plus élémentaire et alimente des suspicions inutiles.
Comprenant les risques qui en découlent, les responsables de la section de Liévin y ont mis
fin depuis le mois d’avril 2102 après les premiers échanges avec la commission sur ce sujet.
La commission a acquis la certitude que d’autres sections du Pas-de-Calais ayant des élus
municipaux indemnisés ont pratiqué un usage analogue, sans doute pour des montants
moindres. Il ne peut que leur être recommandé d’y renoncer sans délai.

Le dialogue avec la section de Liévin a fait apparaître – ses responsables ayant témoigné
d’une authentique volonté de transparence avec la commission – que cette section, sous son
propre titre sans association « adjointe », avait grâce à ces contributions accumulées au long
des années constitué une réserve financière de plus de 120 000 € détenue en compte sur
livret et en parts de SICAV. L’objectif de la constitution de cette importante réserve ne
semble pas avoir été réellement débattu, et cette somme est simplement le résultat d’années
d’apports financiers dont le montant paraît avoir été maintenu par routine sans lien avec les
besoins effectifs. Il n’a pas été indiqué d’autre destination que celle d’une « précaution » en
cas d’évènements défavorables. Aucun débat collectif en section n’a été consacré à ce sujet
depuis des années.

Ce raisonnement, né sans doute dans la concertation entre un petit nombre de responsables, ne
tient aucun compte des règles actuelles de financement de l’activité politique. La somme en
cause figure dans des comptes ouverts au nom de la section de Liévin elle-même, qui en est
ainsi seule propriétaire. Elle ne peut, constituant une personne morale au regard de la loi de
1988, apporter une telle somme à une organisation politique sans enfreindre la loi. Elle ne
peut non plus, pour les mêmes raisons, en faire apport aux comptes de campagne de ses
candidats aux élections locales. Elle peut certes financer des activités politiques courantes
avec cette ressource mais les comptes communiqués à la commission montrent que les
dépenses correspondantes nécessiteraient de nombreuses années pour épuiser cette réserve.

Il est donc évident que la section de Liévin doit cesser d’alimenter cette réserve
financière et que, si elle souhaite continuer à accumuler des ressources pour ses actions
futures (mais est-ce cohérent avec son niveau réel d’activité et de dépenses ?) les versements
doivent être destinés à l’association départementale de financement et aller dans un compte
dédié au sein du budget fédéral. Là encore, la commission a des raisons d’estimer que d’autres
sections du département ont aussi constitué des réserves dépassant leurs besoins de dépenses
courantes d’activité politique locale ; et elle ne peut que recommander qu’elles mettent fin
sans retard à cette pratique.


11
Même s’il n’apparaît pas à ce stade d’indices de financement d’origine suspecte, cette
manière d’agir est susceptible, du fait du maniement de sommes importantes en espèces et
de l’apparente inutilité de cette pratique pour le financement de l’activité politique légale, de
déclencher des investigations de la part de l’autorité judiciaire. La commission proposera
donc au trésorier national et aux premiers secrétaires fédéraux de veiller à ce que soit
interrompue, si elle devait se révéler ailleurs, la pratique de constitution de réserves
financières de sections inscrites ailleurs que dans les comptes des fédérations elles-mêmes.

Enfin, en liaison avec ces problèmes de financement des sections, la commission d’enquête a
rencontré de nouveau, comme dans les Bouches-du-Rhône, des situations de locaux destinés
à l’activité d’une section, financés par apport de la section et qui lui sont loués par une
société civile immobilière (SCI) constituée de militants anciens bénéficiant de la confiance
de tous. Les SCI de la sorte n’ont pas toujours été gérées attentivement et leur durée a
fréquemment abouti à ce que de moins en moins de porteurs de parts puissent encore
participer à leur gestion. Il en résulte des situations de blocage qui peuvent entraîner de
sérieux préjudices pour le Parti lui-même. C’est d’autant plus illogique que la loi prévoit
expressément le droit pour les partis de posséder et de gérer les locaux utiles à leur activité
politique. La commission croit donc de son rôle d’adresser au Secrétariat et au Bureau
national une recommandation à ce sujet qui sera explicitée en fin de rapport.


               VII. Le dossier SOGINORPA et ses incidences pour le Parti


Comme il a été évoqué plus haut, l’accumulation d’éléments conflictuels sur la fédération du
Pas-de-Calais a inclus la mise en cause de la gestion de cette société par actions simplifiée
chargée de gérer et de rénover l’ensemble du patrimoine de logements laissé par les
Houillères de Bassin du Nord-Pas-de-Calais à leur dissolution, qui représente aujourd’hui
62000 logements.


Le gouvernement Jospin, procédant à la fermeture de cette entreprise publique comme
l’imposait sa fin d’activité économique déjà ancienne, avait, après une concertation attentive,
fait le choix de remettre la propriété et la gestion de son considérable patrimoine résidentiel à
une nouvelle entité publique dépendant de la Région Nord-Pas-de-Calais. La loi a donc créé
un établissement public, l’EPINORPA, rattaché à la Région – qui associe à sa gestion les deux
départements et les communes minières. Et l’EPINORPA a acquis la totalité du capital de la
SOGINORPA qui était déjà la société support du patrimoine résidentiel des Houillères.


La SOGINORPA est donc missionnée, depuis sa réorganisation effective en 2002, pour
assurer la bonne gestion et surtout le renouvellement progressif de ces ensembles de
logements construits au long des décennies dont les locataires sont encore en grande partie
des mineurs retraités et surtout des veuves de mineurs, ensembles qui fournissent aussi pour
l’avenir des territoires concernés une offre de logement accessible et de qualité si le
programme de rénovation est mené à bien. La gestion de la SOGINORPA est placée sous le
contrôle du président de l’EPINORPA, puisque cet organisme est le seul actionnaire de la
société. Ce président a été jusqu’à une date très récente Jean-Pierre Kucheida, maire de
Liévin, président de la communauté d’agglomération de Lens-Liévin et, jusqu’au 17 juin


12
dernier, député du Pas-de-Calais.


Le rapport sur la gestion de la SOGINORPA adopté par la Chambre régionale des comptes du
Nord-Pas-de-Calais, qui couvre les années 2006 à 2010, est public. Sans préjuger d’éventuels
faits relevant d’une qualification pénale qui auraient pu être transmis au Parquet par la
Chambre et qui, de ce fait, ne pourraient apparaître dans le rapport rendu public, ce rapport
fait apparaître diverses faiblesses, notamment une augmentation non prévue et non maîtrisée
des coûts de maintenance et de rénovation des logements, qui coïncide avec un retard
important dans le programme de mise aux normes de ce patrimoine immobilier ancien. Mais il
met surtout en question la conformité au droit en vigueur des procédures utilisées au sein de la
société pour passer les marchés et commandes de l’entreprise, ainsi que des usages
critiquables en matière de ressources humaines, qu’il s’agisse de recrutements sans véritable
appel à candidatures ou de licenciements amiables assortis d’indemnités trop élevées. Le
rapport conclut en outre que le bilan de la SOGINORPA présente pour l’avenir une fragilité
préoccupante puisque son déficit réel s’élève à 170 millions d’euros.


Le rôle de la commission d’enquête du Parti socialiste n’est pas de porter une appréciation sur
la gestion de cette société. Les suites légales qu’impliquent les appréciations de la Chambre
régionale seront décidées par les autorités compétentes. Si des poursuites judiciaires devaient
notamment en résulter, le respect de l’indépendance de la justice serait un motif
supplémentaire de réserve de la part d’une instance de Parti.


La commission d’enquête est en revanche amenée à soumettre aux instances dirigeantes
du Parti trois critiques de nature politique.


1. Les sérieuses défaillances démontrées par le contrôle financier officiel, s’agissant d’un
organisme dédié à des objectifs particulièrement emblématiques de solidarité sociale et de
redynamisation de territoires traumatisés, attirent un discrédit sur le Parti : sa création est le
choix d’un gouvernement qui nous a fait honneur, sa gouvernance est confiée à l’une des plus
grandes collectivités territoriales dirigées par le Parti et sa direction exécutive incombe à un
élu très représentatif de la gauche dans le bassin minier. S’il y avait une mission où nous
devions collectivement démontrer conviction et compétence, c’était celle-là.


2. La Région Nord-Pas-de-Calais, à laquelle a été confiée la mission de diriger la gestion de la
SOGINORPA à travers un établissement placé sous sa tutelle unique, voit sa responsabilité
politique engagée par ces défaillances caractérisées. Elle est tenue d’établir un dispositif
d’information et de contrôle de gestion qui a manqué pendant toutes les premières années ;
des dispositions ont été prises en ce sens après le rapport de la Chambre régionale. La Région
a aussi la charge de veiller au rétablissement de l’équilibre financier de la SOGINORPA, ce
qui peut impliquer des décisions controversées. Là aussi les intérêts moraux du Parti sont
affectés.


3. Enfin, en marge de ces débats sur une gestion publique problématique, il a été révélé que
Jean-Pierre Kucheida avait pendant sa gestion recouru pour des dépenses personnelles à la
carte de crédit qu’il s’était fait attribuer comme mandataire social de la SOGINORPA. Il a
confirmé à la commission d’enquête que les dépenses en cause se sont montées, sur une


13
période de six ans, à 47 000 € et précisé qu’il avait commencé à les rembourser. Quelle que
soit l’importance relative des sommes en cause, il doit être rappelé que les dispositions
organiques régissant les parlementaires (art. L.O. 145 et L.O. 148 du Code électoral) excluent
la possibilité pour un député ou un sénateur de diriger une entreprise publique sauf si cette
fonction lui est confiée au titre d’un mandat local. Le mandat ainsi détenu doit alors être
exercé gratuitement.


Cette erreur de comportement est également de nature à porter sérieusement préjudice
au Parti. La commission n’a pas cru devoir, dans le cours de ses travaux, saisir le Bureau
national pour mise en œuvre éventuelle de l’article 11.5 des statuts permettant une sanction
interne. Son président a toutefois porté ces éléments de fait à la connaissance du Secrétariat
national appelé à décider, par délégation, de l’investiture du Parti dans la circonscription où
Jean-Pierre Kucheida était candidat. Le Secrétariat ayant désigné un autre candidat, et Jean-
Pierre Kucheida ayant été exclu pour s’être présenté sans l’aval du Parti, il n’y a plus lieu de
recourir à une sanction statutaire de ce chef.


                         VIII. Recommandations de la commission.


Il ne revient pas à la commission d’enquête de prendre des décisions à la place du secrétariat
national, du bureau ou du conseil national. Mais en cohérence avec ses observations elle peut
et doit, selon ses membres, présenter aux instances décisionnaires des recommandations qui
seront retenues, écartées ou développées après débat politique. Elle est d’autant plus incitée à
le faire que, comme l’ont montré les précédents de l’Hérault et des Bouches-du-Rhône, une
réflexion collective comme celle-ci peut déclencher une volonté d’avancer chez les cadres et
les militants du département en cause et une partie des mesures de rénovation envisagées
peuvent être acceptées librement par la fédération qui les fera siennes.

Voici les recommandations de la commission d’enquête.

1. La relation entre les sections et la fédération doit évoluer dans le sens d’une plus grande
cohésion et d’une véritable synergie entre tous les socialistes du Pas-de-Calais. Dans ce sens
la commission préconise :

. L’adoption par le conseil fédéral d’une procédure précise et cadrée dans le temps pour la
constitution et la suppression des sections locales, dans le respect des statuts nationaux qui
fixent des règles impératives, mettant fin à la persistance de sections n’atteignant pas l’effectif
requis de cinq adhérents ou à la coexistence non régulée de deux sections locales sur le même
territoire ;

. La scission de la section de Liévin, durablement composée de plus de 1000 adhérents et
donc en contradiction avec l’article 3.2.3 des statuts ;

. La mise au point en conseil fédéral, trois mois au plus tard après le congrès de 2012, d’une
carte des sections recherchant un effectif suffisant d’adhérents et une vie politique partagée
entre communes proches ;

. La définition d’un programme de débats politiques départementaux permettant la mise en
commun d’enjeux locaux ou nationaux entre sections peu habituées à débattre ensemble.

14
2. La préparation des échéances électorales à venir, après le « cycle » 2008-2012, doit
donner lieu à un travail collectif sur le renouvellement, la parité réelle et la fixation d’options
mises en commun sur l’évolution du territoire départemental. Il est souhaitable qu’une
commission représentative du bureau fédéral, de celui de l’UDESR et des sections par secteur
géographique puisse en particulier détecter à l’avance les concurrences prévisibles au sein des
sections pour les échéances locales du printemps 2014 et s’assurer que ces concurrences
seront tranchées démocratiquement de manière incontestable dans les sections et régulées au
niveau fédéral pour contenir les risques de dissidence.

Les relations et les tensions possibles au niveau départemental avec les partenaires de la
majorité de gauche nationale devront donner lieu à des échanges transparents avec le
secrétariat national et la commission électorale nationale.

L’enjeu décisif de la confrontation politique avec le Front National, dont les résultats dans ce
département sont le symptôme d’un décrochage d’une partie des travailleurs avec le Parti
Socialiste, devrait également constituer une priorité d’action politique de la fédération ; et
compte tenu de l’incidence nationale de cette évolution négative, particulièrement sensible
dans le bassin minier, les cadres politiques fédéraux se consacrant à ce travail devraient
assurer des échanges suivis avec la direction nationale.

3. La gestion financière de la fédération et des sections doit évoluer dans le sens de la
lisibilité et de la cohérence.

. Les caisses autonomes de sections doivent être mises en extinction et être remplacées par des
avoirs identifiés sous la forme de comptes ouverts pour chaque section, rattachés aux comptes
de la fédération, sur lesquels les secrétaires et trésoriers de section doivent disposer d’une
délégation de signature. Les usages locaux de contributions additionnelles d’élus peuvent être
poursuivis par le biais de l’association départementale avec imputation sur le compte de la
section bénéficiaire. La fédération de son côté doit assurer une mise à disposition immédiate
des avoirs des sections issus des cotisations d’adhérents et contributions d’élus.

.Les ressources actuelles des caisses de section existantes seront utilisées pour l’action
militante locale dans le respect de la loi sur le financement des partis politiques.

.L’inégalité de ressources entre les sections disposant d’élus indemnisés et celles qui en sont
dépourvues doit donner lieu à une péréquation substantielle favorisant le développement
politique du Parti dans les secteurs moins favorables, y compris ceux où le PS a perdu la
municipalité.

.Un barème fédéral de cotisations clair et réaliste doit être mis au point et approuvé par le
conseil fédéral dans les trois mois suivant le Congrès national 2012. Il doit permettre une
progressivité minimale, avec une tranche à 20 € adaptée aux revenus inférieurs au SMIC et
deux tranches pour les revenus supérieurs à ce seuil. Sans faire nullement obstacle à
l’accessibilité de l’adhésion pour les travailleurs et retraités à faibles ressources, ce barème
établirait une égalité réelle entre les militants du Pas-de-Calais et donnerait à la fédération des
moyens d’actions plus conformes à ses responsabilités.

La conduite de l’ensemble de ces évolutions, au sortir d’une période marquée par des
difficultés politiques sérieuses du Parti dans le Pas-de-Calais (dont le présent rapport n’a


15
évoqué que celles relevant de la vie interne), justifient l’établissement d’une coordination
politique étroite entre la fédération et la direction nationale. La commission s’en remet
aux décisions du Bureau national quant à la forme à donner à cette coordination.


4. Au niveau national le travail conduit par la commission d’enquête la conduit à présenter
trois propositions à étudier par les instances politiques compétentes.

1° Il apparaît préférable d’inscrire dans les statuts, par modification de l’article 2.5, la règle de
l’inclusion des ressources financières des sections dans les budgets fédéraux avec mise à
leur disposition d’un avoir identifié. Ceci impliquerait que l’ensemble des cotisations et
contributions d’élus soient acquittées par le biais des associations départementales de
financement, nécessitant une clarification de l’article 9.10 des mêmes statuts. C’est un gain
assuré de clarté dans les relations entre échelons politiques ; c’est aussi une précaution de
sécurité juridique au regard du principe, inscrit dans la loi, que les activités financières des
partis doivent être retracés dans une comptabilité globale présentée annuellement à la
Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique.

2°) Un groupe de travail doit être créé auprès de la trésorerie nationale, avec l’expertise
juridique nécessaire, pour traiter le problème en cours d’aggravation des nombreux locaux
d’organisations du Parti encore détenus par des sociétés civiles immobilières dont les
parts ont été confiées à des militants anciens et reconnus. La disparition ou la perte
d’autonomie des sociétaires aboutit en maints endroits à des situations inextricables alors que
la législation autorise le Parti lui-même à posséder et gérer les locaux utiles à son activité. Il
convient sans plus tarder de fournir aux sections et fédérations intéressées une méthode
adaptée de transition.

3°) L’expérience accumulée ces dernières années avec les situations spécifiques de l’Hérault,
des Bouches-du-Rhône et du Pas-de-Calais indique qu’il conviendrait d’établir un mécanisme
plus permanent et préventif de vérification de la conformité de l’organisation et de
l’activité des fédérations aux règles et aux objectifs politiques du Parti. En plus des
commissions d’enquête ad hoc déjà prévues par les statuts, la constitution d’une mission du
Conseil national affectée à ces contacts devrait être étudiée.

En revanche, s’agissant des situations de mise en cause individuelle de responsables ou
élus du Parti au regard de la loi pénale, le recours aux sanctions statutaires prévues pour
comportement de nature à porter gravement préjudice au Parti et la demande de mise en
réserve volontaire exprimée par l’instance politique (telle qu’exposée dans le rapport relatif
aux Bouches-du-Rhône) apparaissent la meilleure conciliation possible entre le respect de
l’indépendance de la justice et de la présomption d’innocence, d’une part, et les intérêts
moraux du Parti, d’autre part.


                                                 **




16
NOTE JURIDIQUE SUR LES OBLIGATIONS FINANCIERES DES SECTIONS


Le cadre juridique de l’activité financière des sections résulte des termes de la loi n° 88-227
du 11 mars 1988, complétée et modifiée par les lois du 15 janvier 1990 et du 8 février 1995.


Le parti politique n’a pas de statut juridique à proprement parler. Il peut adopter toute
forme de personnalité morale, y compris celle d’un simple groupement de fait. Ceci
s’explique par une réticence républicaine traditionnelle à instaurer un cadre qui pourrait
aboutir à restreindre la liberté d’action de la formation. L’article 4 de la Constitution,
complété lors de la révision du 27 juillet 2008, énonce en ce sens le principe selon lequel
« Ils se forment et exercent leur activité librement. » L’article 7 de la loi de 1988 se borne à
ajouter qu’ils disposent de la personnalité morale. Les seules obligations juridiques qui
l’encadrent sont donc celles qui dérivent de la législation sur le financement et la
comptabilité des partis.


On a donc quelques difficultés à cerner à quel périmètre correspond un parti à proprement
parler. Il peut avoir des satellites, comme des sociétés immobilières, des associations liées,
voire des entreprises qui travaillent en relation avec lui. L’article 11-7 de la loi de 1988, qui
instaure l’obligation de tenue d’une comptabilité, prend en compte cette possibilité en
obligeant tout parti à compléter ses comptes par ceux d’entités dans lesquelles il détient
un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion. Ceci implique que le législateur entend
prévenir la tentative de maintenir « hors bilan » une part significative de l’activité financière
des partis.


Dans le cas qui nous intéresse il peut être soutenu que le Parti Socialiste de par sa structure
statutaire (voir les art. 3.1 et 4.2 des statuts) inclut, pour l’application des règles relatives au
financement et à la comptabilité, les sections au même titre que les fédérations. Les unes et les
autres sont les éléments constitutifs de l’entité du parti et ne peuvent en être dissociées.


Toutefois l’usage retenu par le PS et d’autres partis, avec l’accord de la Commission nationale
des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), consiste à admettre que
des composantes locales du Parti comme les sections peuvent avoir une vie financière
autonome qui n’entre pas dans la comptabilité globale du Parti. Pour l’application de
l’article 11-7 précité de la loi de 1988, la comptabilité du Parti englobe donc les comptes des
sections qui sont inclus dans ceux des fédérations, mais non ceux des sections qui encaissent
des cotisations ou contributions directement et assument des dépenses d’activité politique
pour un montant correspondant.


A part cette importante obligation de forme de présenter une comptabilité, dont la validité est
contrôlée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements
politiques (CNCCFP), la législation n’introduit que deux règles de fond quant aux finances


17
des partis : l’unicité d’encaissement des « dons » et la faculté encadrée de contribuer aux
campagnes électorales. Tout le reste est libre dans le silence de la loi, en vertu du principe
constitutionnel déjà cité. Quelles conséquences ces deux règles entraînent-elles quant au
fonctionnement financier des sections ?


La première règle est celle de l’exclusivité d’entrée des « dons » par l’association de
financement adjointe au Parti. Cette association est une personne morale distincte du parti
mais lui est légalement liée. L’article 11 de la loi de 1988 dispose que chaque parti crée une
association de financement, qui seule est habilitée à recevoir les dons destinés au parti (avec
l’alternative, peu opérante dans le cas d’une grande formation, du mandataire financier
individuel). Elément-clé de la transparence voulue par le législateur, cette association agit
comme un sas d’entrée obligatoire de ses sources légales de financement et permet à la
CNCCFP d’en vérifier la régularité. En revanche, une fois transférées ces recettes sur son
propre compte, le parti a toute liberté pour en disposer comme il l’entend : l’association de
financement n’a aucun rôle dans l’utilisation des fonds. La logique de la loi est que, avec
l’obligation de présenter une comptabilité d’ensemble de ses activités, le parti est
suffisamment dissuadé d’entreprendre des dépenses irrégulières qui seraient forcément
détectées.


La rédaction de l’article 11 de la loi donne aux partis la possibilité d’organiser leur
financement légal soit uniquement au niveau national soit dans « les organisations territoriales
qu’ils désignent ». Sur cette base légale le PS a choisi dès l’origine d’avoir une association de
financement par fédération, plus une association nationale. Pour faciliter le contrôle,
l’association de financement est légalement tenue de n’avoir qu’un compte où entrent tous les
« dons ».


Mais les cotisations des membres et les contributions des élus doivent-elles, pour
l’application de cette législation, être considérées comme des dons ? Le seul texte en ce
sens est l’article 200 du code général des impôts instituant la réduction d’impôts
correspondante, qui englobe pour bénéficier de cet avantage fiscal les montants des dons et
des cotisations elles-mêmes. Mais la CNCCFP considère que l’expression de « dons » dans
la loi de 1988 ne s’applique qu’aux donations volontaires de souscripteurs extérieurs et
non aux cotisations statutaires des membres et des élus du Parti. Ceci est exposé dans le
9° rapport de cette Commission, pour 2005-2006, pp.36 et 37.


Il en résulte que les cotisations d’adhérents et les contributions d’élus au Parti socialiste
peuvent être encaissées, soit par l’association départementale de financement de la fédération
en cause, soit par une section percevant directement des cotisations d’adhérents ou des
contributions statutaires d’élus. Les statuts du PS sont rédigés en sorte de réserver cette
faculté. Les militants et élus procédant ainsi ne peuvent pas bénéficier de la réduction prévue
par l’article 200 du CGI, puisque seule une association de financement peut délivrer un reçu
fiscal ; mais la section bénéficiaire n’est pas pour ce motif en infraction avec la loi sur le


18
financement des partis.


En outre l’obligation de ne détenir qu’un seul compte bancaire n’est applicable qu’à
l’association de financement. La fédération n’est pas soumise à cette règle et les sections ne
sont pas privées du droit de détenir un compte bancaire. La pratique retenue par bon nombre
de fédérations de conserver sur un compte unique leurs ressources et celles des sections, sous
la forme d’un avoir spécifique, est logique mais n’est pas la seule possible. Une fédération
peut également verser les fonds revenant à une section sur un compte détenu par celle-ci.


L’autre contrainte édictée par la législation est la limitation des contributions légales
aux campagnes électorales. Dans le champ couvert par les règles de financement des
campagnes, c’est-à-dire les élections municipales et cantonales dans les villes et cantons de
plus de 9000 habitants (plus les régionales et législatives), les versements apportés aux
comptes de campagne ne peuvent venir d’aucune personne morale sauf les partis eux-mêmes
et ce dans des conditions strictes (article L 52-8 du code électoral, 2° alinéa). Il résulte
également de ce texte, confirmé par le premier alinéa de l’art. 52-12 du même code régissant
la présentation du compte de campagne, que l’apport d’une prestation gratuite ou pour un prix
minoré est assimilé à une contribution que seul peut apporter un parti politique.

En combinant cette règle et celle, analysée plus haut, qui impose au « parti » dans son
ensemble d’avoir une comptabilité régulière, on parvient au constat que la section sur ses
propres ressources ne peut pas être contributrice à une campagne électorale. Le versement ne
peut émaner que du parti lui-même, au sens de l’organisation « consolidée » tenue par la loi
de 1988 d’avoir une comptabilité globale. Dans la mesure où une section n’a pas d’autres
recettes que celles versées par la fédération, on peut présumer que ses comptes sont inclus
dans ceux du parti et que sa contribution à une campagne serait légale. En ce sens une
observation de la CNCCFP, page 56 de son rapport 2010 : « Seules les structures locales d’un
parti soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 1988 peuvent financer une campagne électorale
si leurs comptes sont agrégés à ceux dudit parti ». Toutefois, par précaution, l’usage interne
du PS est de réserver aux seules fédérations les versements aux comptes de campagne.

De ce fait la section qui souhaite, en vue d’élections municipales ou cantonales, constituer une
réserve de financement de campagne est tenue de conserver cet actif dans le compte géré par
la fédération. Il en ira de même de la perception du solde positif d’un compte de campagne,
que les art. L 52-5 et L 52-6 réservent (sauf le cas rare d’une attribution à une œuvre
désintéressée) à une association de financement de parti politique. Seule la fédération pourra
donc en être destinataire, à charge pour elle d’attribuer ce crédit nommément à une section si
un accord a été conclu en ce sens.

Le financement de campagne électorale se fait par l’intermédiaire obligatoire d’un mandataire
ou d’une association de financement, auxquels s’applique également l’obligation de percevoir
toutes recettes sur un compte bancaire unique (art. L 52-5 et L 52-6 du code électoral). Il
s’agit d’en faciliter le contrôle par la CNCCFP, qui est également compétente à l’égard des
comptes de campagne.


Il résulte des observations qui précèdent que la perception de cotisations et


19
contributions d’élus directement par les sections présente au moins trois risques
juridiques.


A. La CNCCFP fait observer que les dons sont soumis à l’obligation de transparence
constituée par le versement à l’association de financement et sont plafonnés par la loi (les
fameux 7500 €) alors que les cotisations et contributions ne le sont pas. Des versements
qualifiés de contributions pourraient donc être requalifiés comme des dons, notamment si leur
caractère obligatoire et leur montant ne sont pas précisément définis par une règle interne du
parti et s’ils peuvent être regardés comme une manière de tourner les obligations applicables
aux dons. L’article 11-5 de la loi de 1988 définit le versement d’un don sans passer par
l’association de financement comme un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 3750 €
d’amende.


B. Les sections « autonomes » ne sont pas privées du droit de faire des dépenses à caractère
politique. Mais elles n’ont pas le droit de contribuer aux campagnes électorales. Seules les
personnes physiques et les partis soumis à la loi de 1988 le peuvent, et la section n’est ni l’un
ni l’autre. Si une section organise un évènement qui met en valeur un futur candidat et que
cela se produit dans le délai fixé par la loi avant l’élection, ce sera une cause de sanction
électorale et financière.


C. La distinction admise par la CNCCFP entre l’activité locale des sections et l’activité
globale du Parti est fragile, la Commission le reconnaît dans ses commentaires. Le principe
selon lequel la comptabilité du parti retrace toutes ses activités supporte l’exception des
dépenses d’intérêt purement local, mais un doute peut s’élever si ce type de dépenses se
révèle dans la durée très répandu sur le territoire. Que se passerait-il par exemple si une
vérification de la CNCCFP révélait que les sections d’un parti dans un département ont
consacré 2 000 000 € à l’action politique du parti et que la fédération, incluse dans la
comptabilité obligatoire du parti, n’a dépensé qu’1 000 000 € ? Il y aurait matière à estimer
que l’obligation de présentation sincère des comptes du parti a été tournée.


La prudence conduit donc à ne pas poursuivre cette habitude de comptes de section
dissociés de ceux du Parti et disposant de ressources séparées.




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Rapport commission-enquete-ps62

  • 1. Parti Socialiste. Conseil National - Commission d’enquête sur le fonctionnement de la fédération socialiste du Pas de Calais – 26/06/2012 Rapport au Bureau National I. Circonstances et motifs de la création de la commission Une succession d’évènements locaux a conduit le Bureau National du Parti Socialiste, par délégation du Conseil National, à engager une enquête sur le fonctionnement de la fédération du Pas de Calais. Une situation préjudiciable s’est instaurée d’abord du fait de la dégradation de la vie municipale d’Hénin-Beaumont (26000 habitants), où des conflits successifs au sein de la municipalité à direction socialiste à partir de 2001 ont conduit, d’une part, au constat d’une grave désorganisation et d’une crise financière de la ville et à l’engagement de poursuites pénales contre l’ancien maire Dalongeville pour détournement de fonds publics, et, d’autre part, à un renouvellement chaotique en 2008 suivi en mai-juin 2009 de nouvelles élections lors desquelles des socialistes se sont confrontés sur trois listes distinctes et une municipalité composite a été finalement élue, avec aujourd’hui à sa tête un élu centriste. Cette situation a conduit à partir des élections municipales de 2008 à une montée très nette du vote des citoyens d’Hénin-Beaumont pour le Front National, qui a décidé Mme Le Pen, auparavant candidate en Ile-de-France, à venir s’y présenter et à exploiter ces résultats dans sa propagande nationale. Dalongeville, maintenu en détention pendant plusieurs mois au cours de l’instruction puis mis en liberté alors qu’il présentait à la justice des indications mettant en cause d’autres protagonistes, a publié à l’automne 2011 un livre intitulé « Rose Mafia » énonçant diverses accusations contre plusieurs élus et responsables socialistes départementaux tout en minimisant les infractions dont il serait personnellement responsable. Des échos de presse de plus en plus précis ont mis en cause, à partir de rapports rendus par la Chambre régionale des Comptes, le fonctionnement de la SOGINORPA, société commerciale constituée sous forme de société par actions simplifiées (SAS) dont le seul actionnaire est l’EPINORPA, établissement public industriel et commercial placé sous l’autorité de la Région Nord Pas de Calais. Cette société chargée de gérer et rénover le parc de 62000 logements de mineurs transmis par les Houillères lors de leur dissolution. Les critiques portaient principalement sur l’insuffisante réalisation des programmes d’activités de cette société publique, sur ses coûts non maîtrisés, sur les conditions insuffisamment concurrentielles de conclusion de ses achats et commandes, sur les méthodes de recrutement et de gestion du personnel. Ces mises en cause présentaient un discrédit potentiel pour le Parti Socialiste du fait que la Région Nord-Pas-de-Calais est l’unique responsable politique de cette institution et que sa présidence comme celle de l’EPINORPA ont été exercées depuis 2005 par le député Jean- Pierre Kucheida, un des principaux leaders socialistes du département (qui en a démissionné 1
  • 2. dans les jours précédant la remise du présent rapport). Une autre information progressivement précisée a fait apparaître une utilisation excessive par le même élu de sa carte de crédit de l’entreprise. Des observations négatives de même sens ont été émises sur la gestion de la société publique d’aménagement ADEVIA, dans laquelle JP. Kucheida a détenu durablement une responsabilité exécutive. Une lettre adressée le 21 novembre 2011 par Arnaud Montebourg à Martine Aubry, première secrétaire du Parti, s’est appuyée sur ces données déjà publiques pour alerter, sans fournir d’autres précisions, sur l’existence « d’un système de corruption touchant des élus socialistes du Pas-de-Calais dont on mesurera bientôt l’étendue ». Ce courrier non destiné à la publication s’est trouvé repris dans divers organes de presse, en premier lieu dans un long article des « Inrockuptibles » publié le 7 décembre 2011 et décrivant un ensemble de faits plus ou moins précis de nature, selon les auteurs, à étayer les mêmes accusations. Suivant un mécanisme éprouvé d’emballement autour d’une accusation spectaculaire, la presse a émis un ensemble de questions à l’encontre de la direction du PS, en particulier sur la connaissance que le PS national aurait pu avoir d’agissements irréguliers, soit d’élus socialistes, soit de son organisation départementale elle-même. Les questionnements politiques à ce sujet présentaient d’autant plus d’importance que dans la même période s’engageait, à l’issue des primaires, la campagne présidentielle de François Hollande et que le PS procédait à la désignation de ses candidats aux élections législatives. La première secrétaire de la fédération du Pas-de-Calais, Catherine Génisson, a demandé à la direction nationale d’engager une enquête pour que toute la clarté soit faite sur le fonctionnement de la fédération. C’est dans ces conditions que, dans sa séance du 13 décembre 2011, le bureau national du PS unanime a décidé sur proposition de la Première secrétaire la création d’une commission d’enquête régie par l’article 11.1 des statuts. L’enquête devait porter sur le fonctionnement et le financement de la fédération. Il a été convenu que le rapport de la commission serait présenté au Bureau National au terme de six mois. Simultanément, le Bureau, également par délégation du Conseil National, décidait de geler l’investiture du Parti dans la 12° circonscription du Pas-de-Calais, dont le député sortant était Jean-Pierre Kucheida ; et dans la 11° circonscription, où se trouve Hénin-Beaumont et où Mme Le Pen avait annoncé sa candidature, le Bureau décidait après un premier tour de vote des adhérents non conclusif entre trois candidats, de donner l’investiture à Philippe Kemel, maire de Carvin. II. Objectif et méthode de la commission d’enquête Le bureau national a choisi Alain Richard comme président de la commission et Dominique Lefebvre et Philippe-Xavier Bonnefoy comme vice-présidents. Les autres membres ont été proposés par les diverses sensibilités représentées, en application du principe énoncé à l’article 1.5.1 des statuts. Ont ainsi été choisis Pascale Boistard, Frédéric Léveillé, Marianne Louis, Roberto Romero, Jean-Jacques Thomas. La commission a été soutenue dans son travail par les collaborateurs du secteur Fédérations du Parti. Appelée à préciser son objectif d’enquête, elle a estimé que sa mission consistait à : 2
  • 3. 1 Informer le Bureau National des conditions de fonctionnement pratique de la fédération et de ses finances, en émettant si nécessaire des propositions de réforme ; 2 Evaluer le fonctionnement politique et les rapports de vie démocratique dans cette fédération et formuler le cas échéant des recommandations pour les faire évoluer ; 3 Porter une appréciation politique sur l’important réseau d’élus locaux socialistes du département et sur son impact dans la vie politique de la fédération du PS. La commission a procédé à une quarantaine d’auditions au cours de ses travaux. Ses membres et les collaborateurs à sa disposition ont analysé des centaines de documents, notamment des pièces de comptabilité et des comptes rendus d’instances statutaires. Elle doit remercier tous ceux qui l’ont aidée et donner acte de leur volonté de coopération aux dirigeants et collaborateurs de la fédération du Pas-de-Calais. III. Le contexte politique de la fédération du Pas-de-Calais La vie politique du Pas-de-Calais est marquée par la réalité sociale d’un département industriel et minier, touché par de profondes mutations et comptant dans sa population active une proportion élevée de travailleurs modestes, et par une prédominance prononcée du Parti Socialiste dans sa représentation politique. Cette prédominance construite autour de Guy Mollet par les équipes issues de la Résistance s’est renouvelée et accentuée au cours des années 1980 et 1990, alors même que le département subissait une reconversion économique difficile et une stagnation démographique. Aujourd’hui la grande majorité de la représentation parlementaire, le conseil général, la plupart des villes moyennes et petites sont confiés à des élus socialistes. Dans le bassin minier en particulier, qui représente plus du tiers de la population départementale, cette situation majoritaire s’est étendue au détriment du parti communiste, qui y détenait une position beaucoup plus large il y a 2 ou 3 décennies. Il convient de relever l’originalité de la carté administrative du département, qui pour 1 461 000 habitants compte 895 communes et groupe l’essentiel de sa population dans des petites et moyennes villes de 2 000 à 25 000 habitants. Ce département, le 4° de France par sa population, ne compte qu’une commune de plus de 50 000 habitants, Calais, et deux autres au-dessus de 40 000, Arras et Boulogne, celle-ci seule à municipalité socialiste. Le PS dans son implantation électorale s’est adapté à cette structure spécifique et concentre la très grande majorité de ses positions de force dans ce tissu de petites et moyennes communes. Cela lui confère en particulier une supériorité massive au sein du Conseil général et dans le réseau des communautés de communes et communautés urbaines ou d’agglomération. Cette situation dominante a en outre une triple répercussion au sein de la fédération. D’abord, comme dans beaucoup de fédérations socialistes, une influence certaine des élus locaux s’exerce sur la vie des instances fédérales même si les élus ne constituent eux-mêmes qu’une proportion limitée de ces instances. Ensuite les élus locaux sont, dans les sections de base, une composante très substantielle. Dans une commune de 5 à 10000 habitants, la majorité municipale compte de 22 à 25 élus. Lorsque cette majorité est composée essentiellement d’élus socialistes, cette vingtaine de conseillers municipaux souvent accompagnés de 3
  • 4. membres de leur famille constituent déjà une proportion significative des membres de la section ; et ceci se reproduit à des dizaines d’exemplaires parmi les quelque 160 sections actives que compte la fédération. Enfin, dans des sections fréquemment concentrées sur une seule commune, l’activité de la section se place en accompagnement de la vie municipale tant par les sujets de discussion interne que par les méthodes de recrutement des adhérents. IV. Les usages et traditions de la fédération Forte d’un recrutement centré sur la classe ouvrière et les fonctionnaires, en particulier enseignants, la fédération du Pas-de-Calais est parvenue à un niveau d’implantation enviable, grâce à une volonté persévérante de rendre l’adhésion très accessible et à une tradition de convivialité et de solidarité qui encourage une grande fidélité des adhérents. Cette politique favorable aux adhésions nombreuses et durables a permis au PS du Pas-de- Calais de tenir de longue date le premier rang des fédérations socialistes, avec dans les décomptes récents un effectif de 10 000 à 11 000 adhérents, représentant un ratio d’adhérents d’environ 75 par 10 000 habitants, trois fois plus élevé que la moyenne nationale. Comme dans les deux autres grandes fédérations, le Nord et les Bouches-du-Rhône, les dirigeants fédéraux ont eu tendance dans la longue durée à rechercher des votes politiques largement majoritaires pour en tirer une capacité à influer sur l’équilibre politique national du Parti et à s’assurer un rôle appréciable dans ses instances dirigeantes. La direction de la fédération a été conquise dans les années 70 par un groupe de jeunes cadres politiques décidés à faire prévaloir la ligne instaurée par François Mitterrand après le Congrès d’Epinay, qui ont en quelques années pris le dessus sur la direction fédérale qui soutenait Guy Mollet, porteur d’une autre orientation. Cette nouvelle direction, animée pendant 24 ans par Daniel Percheron, devenu sénateur puis président de la Région, a mené un travail de structuration et de développement qui forme encore la base des sections et de la fédération d’aujourd’hui. Elle a graduellement renouvelé les municipalités socialistes anciennes, et mené la conquête de nombreuses positions électives locales, en concurrence avec la droite dans les villes de l’Artois et du littoral et avec le Parti communiste dans le bassin minier. Une grande partie des élus qui donnent au PS sa forte implantation sont issus de cette période de conquête et ont développé des sections locales fortement liées à leur municipalité pour en assurer la pérennité. Ces éléments de l’histoire collective induisent des réalités politiques spécifiques dans la vie fédérale actuelle. La fédération a longtemps cherché à préserver une relative autonomie vis-à- vis de l’appareil national du Parti. Cela s’est traduit en particulier par la conservation d’un système distinct de recueil des adhésions. Ce n’est que tardivement que le Pas-de-Calais a intégré le fichier national, dit ROSAM, des adhérents du PS. La remontée des cotisations d’adhérents dues à l’échelon national a aussi connu des épisodes problématiques. Il en a été de même du recueil des résultats de votes de congrès jusqu’à une époque récente. On doit toutefois considérer qu’aujourd’hui, après des décisions prises lors de la préparation du dernier Congrès national, ces questions de transparence entre la fédération et le Parti national sont réglées. Une autre particularité de la vie fédérale est le grand nombre de sections, 184 au moment de la période d’enquête, dont la majorité correspondent à une seule commune, petite ou moyenne ville. L’identification de ces sections avec la municipalité locale est souvent assez prononcée et leurs centres d’intérêt sont liés à la vie communale. Les adhérents manifestent un soutien 4
  • 5. personnel fort à leur maire et à leur municipalité. Ce « localisme » a un autre symptôme : cette grande fédération ouvrière et industrielle ne compte aucune section d’entreprise. L’état des effectifs fait apparaître un grand nombre de sections comptant de 30 à 100 adhérents. Une vingtaine d’entre elles s’échelonne entre 100 et 400 adhérents, la quasi-totalité correspondant à une municipalité socialiste – à l’exception notable d’Arras, ville perdue par la gauche en 1995 et dont la section demeure forte de 300 adhérents environ. Une section domine nettement les autres, celle de Liévin avec 1200 adhérents en moyenne dans les dernières années pour une ville de 32000 habitants (ratio d’implantation record qui, transposé au niveau national, donnerait un PS de 2,5 millions d’adhérents !). Cette section dispose d’une influence appréciable dans la vie de la fédération. La tendance à grouper les votes sur une seule motion politique lors des congrès, habituelle dans le Pas-de-Calais comme dans les deux autres grandes fédérations traditionnelles, a fait place peu à peu à une répartition des sections sur les positions préconisées par leur leader local, qui entraîne une certaine diversification dans les scrutins internes nationaux. Le « vote au canon » n’a pas pour autant disparu : il s’applique bastion par bastion. On a pu constater à plus d’une reprise des phénomènes de pressions à l’approche des votes, et de « représailles » en cas de « rébellion », qui ne concourent pas à une ambiance de pluralisme apaisé lors des échéances politiques internes. La forte composante locale de la vie des sections, le contexte économique et démographique et l’histoire politique de la fédération ont contribué à une grande stabilité du personnel politique. Les enjeux de renouvellement humain sont donc sérieux dans cette grande fédération. Une mention particulière doit être faite de la situation de l’ancien bassin minier qui constitue une entité humaine originale au sein du département et dont la réalité territoriale se perpétue bien après la fin d’activité des Houillères. L’adhésion très profonde de la population aux idées de la gauche, la force des réflexes de solidarité et la culture issue du travail de la mine, le poids des prestations sociales dans les revenus des habitants, la structure urbaine et résidentielle en font un espace politique particulier, largement dominé par le PS et donc très présent au sein de la vie fédérale dans laquelle subsistent des clivages géographiques marqués. L’hégémonie politique du PS dans ce secteur-clé du département, qui aboutit à une concentration de pouvoirs très prononcée et à la confrontation d’intérêts ou de stratégies locales presque exclusivement entre élus socialistes, peut donner lieu à des pertes de maîtrise comme l’illustre la dégradation extrême de la situation d’Hénin-Beaumont avec des conséquences politiques graves. C’est dans ce territoire que la progression du FN dans les dernières années a été la plus marquée. V. Les problèmes de fonctionnement de la fédération Deux difficultés essentielles apparaissent dans la vie de la fédération socialiste du Pas-de- Calais : l’insuffisante coordination entre les sections et la fédération, une cohérence dégradée de la stratégie électorale. 5
  • 6. A. La fédération et les sections. La réalité communale très ancrée des sections se traduit, avec le temps, par un niveau d’autonomie qui nuit à l’efficacité de la vie fédérale. Les créations et suppressions de sections apparaissent peu contrôlées. A la récapitulation des cartes d’adhérents attribuées pour 2011, 36 sections locales sur les 184, soit 1 sur 5, sont portées comme ayant, soit 0 adhérent, soit un nombre inférieur à 5, contrairement à la règle fixée par l’article 3.1 des statuts. Sur ce nombre, plus de la moitié présentaient déjà un nombre d’adhérents inférieur au seuil statutaire en 2010, plusieurs étaient même dans ce cas depuis 3 ou 4 ans. La fédération est donc nettement en défaut sur le maintien à jour de la liste et du ressort territorial des sections. A plusieurs reprises dans les dernières années, ont coexisté en raison d’oppositions locales des sections ayant la même base géographique. Sous des dénominations diverses (la plus originale étant la section « radicale socialiste » qui accueillait l’un des groupes rivaux d’Hénin- Beaumont) ces sections représentaient des situations de scission de fait sur lesquelles la fédération n’a pas exercé en temps utile sa mission de régulation. On en retrouve l’effet dans une rubrique « divers » de l’effectif fédéral, représentant les adhérents hors sections, qui a compté en 2007 jusqu’à 308 adhérents. De même des mouvements d’effectifs massifs ont affecté plusieurs sections importantes : entre 2008, année du dernier congrès national et 2011, la section de Boulogne-sur-Mer passe de 820 adhérents à 342, celle de Bruay-La Buissière de 805 à 317, celle de Calais de 501 à 214, celle de Lens de 1161 à 450 . Les variations au cours du même cycle politique dans les sections de taille moyenne étaient beaucoup plus faibles, indiquant que la compétition pour le pouvoir départemental s’est concentrée sur quelques sections majeures. D’autres fortes variations d’effectifs de certaines sections retracées par les états de votes statutaires au cours des dernières années sont également révélatrices d’un manque de pilotage de situations locales troublées. Le partage territorial entre zones d’influence d’élus locaux ou nationaux fait obstacle à la remise en cohérence de situations politiques dégradées comme celles qu’ont marquées la perte de Béthune en 2008 ou celle d’Hénin-Beaumont. Témoigne aussi de ce déficit de leadership fédéral le maintien depuis de nombreuses années de la section de Liévin au-dessus du seuil d’effectifs de 1000 adhérents qui impose statutairement (art. 3.2) à la fédération de procéder à la scission d’une section. L’analyse des documents internes et des budgets montre que la fonction d’impulsion politique et de mise en synergie des sections est des plus limitées. Les actions de communication émanant du Parti à l’échelle départementale sont espacées et de faible ampleur. L’essentiel de la représentation du Parti vers le public est renvoyé aux sections, avec pour effet une inégalité marquée de présence politique selon les zones géographiques. B. Les difficultés de stratégie électorale. Les évènements électoraux des derniers mois témoignent également d’un repli sur soi et d’une capacité trop réduite à piloter l’application de la stratégie du Parti dans son ensemble. Les sénatoriales de la série 2011, dont relève le Pas-de-Calais, et les législatives de 2012 ont été conçues par la direction nationale unanime comme une phase-clé de renouvellement, de progrès de la parité et de rassemblement avec nos partenaires politiques pour assurer la victoire aux présidentielles. Du fait de ses difficultés à arbitrer entre ses composantes locales, la fédération a échoué de façon marquante à appliquer ces objectifs. 6
  • 7. Lors des sénatoriales, cette fédération a été la seule de celles pouvant faire élire au moins trois sénateurs à la proportionnelle qui n’ait pas contribué à assurer la représentation de l’un de nos partenaires. Dûment associée à la conclusion d’un accord national qui réservait une place éligible dans le département à une candidate du PRG, la fédération n’en a pas moins déposé une liste, dirigée par Daniel Percheron, qui ne respectait pas l’accord sur lequel le Parti s’était engagé. Par ailleurs la suppression de deux circonscriptions législatives ne justifie que partiellement le choix d’une liste sénatoriale qui comportait 3 députés sur 4 candidats éligibles. Appelée à plusieurs reprises à apporter sa part à la parité dans les circonscriptions législatives offrant les meilleures chances d’élection, la fédération n’a présenté au secrétariat national, très tardivement, qu’une proposition comportant 2 circonscriptions réservées à la parité sur les 10 les plus gagnables. Dans l’Arrageois qui comportait toujours deux circonscriptions après le redécoupage, la fédération n’a pu trouver de solution assurant de garder deux candidates alors que c’était la situation issue des élections de 2007. Dans la 6° circonscription où était investie la seule candidate nouvelle, la fédération n’a pu éviter une candidature dissidente mettant en danger l’élection ; elle n’a pas non plus pris les mesures propres à dissuader de nombreux responsables et élus locaux de se mobiliser pour la candidature dissidente. Il en a été de même dans la 9° circonscription, la seule qui ait été concédée à un partenaire. Après que la direction nationale eut décidé de désigner Nicolas Baÿs dans la 12° circonscription et d’exclure Jean-Pierre Kucheida qui maintenait sa candidature hors Parti, la direction fédérale n’a pris aucune mesure pour appliquer cette décision politique et a maintenu sans réagir le dispositif de campagne organisé autour du candidat exclu. Dans la 11° circonscription où les résultats antérieurs, comme ceux de la présidentielle récente, démontraient un risque grave de victoire de Mme Le Pen, le dispositif local de campagne n’a pas été renforcé comme il était nécessaire. Ceci doit être mis en relation avec un résultat inquiétant du premier tour, à 23,7 % pour le PS dans un total gauche de 48,0 %, plus faible que lors des défaites nationales de 2002 et 2007 ; et avec un résultat de 50,1% au second tour face au FN dans une circonscription ayant donné plus de 60 % à François Hollande le 6 mai. Plus anciennement, la difficulté de gérer les situations de concurrence électorale au sein des secteurs dominés par le PS a débouché sur un nombre très préoccupant de dissidences aux dernières élections municipales, notamment dans le bassin minier. Dans ce secteur, en 2008 au moins un tiers des villes de plus de 3500 habitants ont vu se confronter des candidats venant du PS sur des listes concurrentes. Si la situation d’Hénin-Beaumont a illustré ce phénomène avec des conséquences d’une particulière gravité, l’absence de maîtrise des procédures de désignation et des situations de conflit qu’elles révélaient a été beaucoup plus répandue. Cela a constitué un signal d’alarme dont les conséquences n’ont pas été tirées. VI. L’application défectueuse de la législation sur le financement politique. A. Les finances de la fédération. Le déclenchement de la présente enquête a été largement déterminé par l’allégation d’un financement gravement irrégulier de la fédération socialiste, véhiculée par divers médias sur la base d’une alerte émise par un secrétaire national. L’invocation d’un « système de corruption » dont « l’étendue » allait se révéler a conduit la commission à porter une attention particulière sur le budget fédéral, son alimentation et sa gestion. 7
  • 8. L’analyse financière de la fédération n’apporte aucune confirmation de cette allégation. La présentation du budget fédéral est conforme au modèle imposé par la comptabilité générale du Parti. Les recettes sont celles que prévoit la législation en vigueur : cotisations des adhérents, contributions statutaires des élus, et attribution de la part du financement public du Parti après péréquation. Le niveau global des recettes est comparativement faible au regard de l’effectif militant du département : cela tient essentiellement au choix, ou plutôt à l’habitude, de maintenir la cotisation due à la fédération à un niveau très bas. On verra ensuite que cela recouvre un partage de ressources favorable aux sections. Les comptes de la fédération assortis de leurs justificatifs, au titre de 2011 comme des années antérieures, ont été dûment approuvés par le commissaire aux comptes lors de leur consolidation avec les comptes nationaux. Les vérifications de cohérence auxquelles a procédé la commission d’enquête ne révèlent aucune anomalie pouvant évoquer une dissimulation de recettes ou de dépenses. Il est donc avéré, aux yeux des membres de la commission, que l’accusation énoncée à l’encontre d’un « système de corruption » pouvant bénéficier au PS dans le Pas-de- Calais est dénuée de fondement. Ce nouveau constat de la frivolité avec laquelle sont mises en circulation sans vérification sérieuse des accusations graves, au risque de tromper les citoyens avant une élection décisive, appelle certes des réflexions sur le fonctionnement de notre démocratie médiatique mais ceci n’est pas du ressort de la commission. Celle-ci a cependant noté que le périodique « les Inrockuptibles », qui s’était fait le diffuseur le plus catégorique de cette accusation en affirmant que les détournements qu’il décrivait « bénéficiaient à la cagnotte politique […] du Parti Socialiste », a été condamné en diffamation le 7 mai dernier à la demande de la fédération. Ce jugement énonce notamment que les auteurs de cette enquête n’ont recueilli que des éléments « insuffisants pour [les] autoriser à écrire un article dont la lecture ne laisse aucun doute sur la véracité des graves accusations de financement illégal ». Beaucoup de ceux qui ont donné une large publicité à ces allégations auraient pu encourir les mêmes reproches mais avaient eu l’habileté de retenir des formulations de même sens assorties de circonlocutions faisant usage de coupe-circuit juridique. Si l’accusation-« choc » initiale est écartée, en revanche une anomalie subsiste dans le dispositif financier fédéral. Le montant de la cotisation versée par chaque adhérent à l’échelon fédéral est de 18 € par an pour la majorité des membres (ce qui ne laisse pratiquement rien à la fédération après le versement de sa quote-part au Parti national) et de 40 € pour une fraction des adhérents que chaque trésorier de section définit à sa guise, sans référence à un barème commun de ressources. De ce fait les cotisations à 18 € sont la grande majorité, d’où la faiblesse du budget fédéral déjà évoquée. Par ailleurs la contribution des élus est fixée à 10 % seulement du montant net des indemnités. Cela présente un double inconvénient : d’une part un sous-financement de l’échelon fédéral, qui a la responsabilité politique la plus étendue – et qui seul peut apporter une contribution au financement des campagnes ; et d’autre part une inégalité peu justifiable entre adhérents du Parti selon la section à laquelle ils participent. Ceci corrobore l’appréciation d’un défaut de coordination et d’encadrement des pratiques des sections auquel il convient de remédier. B. Les comptes des sections. La suspicion soulevée par les accusations mentionnées précédemment imposait évidemment à la commission d’enquête de procéder à des contrôles 8
  • 9. approfondis sur les comptes des sections, qui auraient pu être bénéficiaires de versements irréguliers évoqués en lieu et place de la fédération elle-même. Elle a donc recueilli l’ensemble des données permettant de retracer les comptes de 12 sections parmi les plus importantes de la fédération pour étayer son appréciation d’ensemble. L’observation majeure est que beaucoup de sections ont conservé des habitudes de gestion financière issues de la période antérieure aux lois sur le financement politique de 1988, 1990 et 1995 et que la fédération n’a pas fait le nécessaire, ni pour les rendre plus conscientes de ce changement complet de cadre légal, ni pour s’assurer des opérations auxquelles se livraient les sections. Le trésorier fédéral a déclaré à la commission, comme constituant une évidence, que « la fédération ne contrôle pas les comptes des sections ». La grande majorité des sections gèrent un ou plusieurs comptes bancaires distincts de ceux de la fédération. La plupart d’entre elles n’y font entrer que le reversement par la trésorerie fédérale de la part des cotisations de militants et des contributions d’élus qui leur reviennent. Les ressources en question sont donc entrées en compte par le biais de l’association départementale de financement du Parti et ne se heurtent à aucune objection du point de vue de la transparence du financement. L’ensemble des interrogations adressées par la commission aux responsables des sections concernées, et l’analyse des documents qu’ils ont communiqués, conduisent la commission d’enquête à conclure que ces sections n’ont pas bénéficié de financements provenant d’autres sources que les cotisations d’adhérents, les contributions d’élus et le produit des évènements festifs qu’elles organisent. Aucun indice de ressources anormales ou inexpliquées n’a été décelé. Donc, à l’échelon des sections également, l’accusation de « système de corruption » se révèle infondée. C. Les problèmes de régularité financière des sections. Toutefois les sections détiennent ces comptes distincts (souvent depuis des périodes très antérieures à l’entrée en vigueur de la législation actuelle) dans une situation juridiquement incertaine. Ou bien ces comptes sont ouverts au nom de la section elle-même, alors qu’elle n’a aucune personnalité morale en droit civil, et la signature attribuée sur ces comptes aux responsables de la section peut être contestée. Ou bien ces comptes sont au nom d’une association « des amis du parti socialiste de X », et alors ce sont les opérations menées à partir de ces comptes qui risquent d’être requalifiées comme constituant un financement d’activité politique hors du cadre fixé par la loi. Un cas plus problématique encore est posé par un certain nombre de sections, que la commission n’a pas toutes identifiées, qui perçoivent directement des contributions d’élus versées sur leurs comptes locaux sans passer par l’association départementale de financement. En soi-même cette méthode n’est pas directement contraire à la loi [ce point fait l’objet d’explications plus détaillées dans la note juridique annexée en fin du rapport]. Hors du cas de financement d’une campagne électorale, la législation n’interdit pas à une composante locale d’un parti de financer des activités politiques sans inclure ces charges dans le budget global du parti, et l’obligation de faire encaisser les dons destinés aux partis par les mandataires ou associations de financement agréés ne s’applique qu’aux « dons » et non aux contributions statutaires d’élus. Mais cette pratique suscite au moins trois risques juridiques : 9
  • 10. - les contributions d’élus ne résultant pas d’une obligation statutaire formalisée peuvent être requalifiées en « dons », surtout si elles sont d’un montant élevé, et donc être jugées irrégulières puisque non enregistrées par l’association de financement ; - les dépenses ainsi financées, selon leur nature et leur date, peuvent être réintégrées dans des dépenses de campagne et entraîner une sanction pour contribution illégale d’une personne morale (car au regard des règles du financement politique la section serait regardée comme telle) ; - si les dépenses d’action politique atteignent une régularité et une importance qui les font apparaître équivalentes ou supérieures à celles de la fédération sur un territoire donné, elles peuvent être analysées comme finançant en réalité l’activité du Parti dans ce lieu et donc elles peuvent conduire à mettre en doute la sincérité des comptes du Parti lui-même dans la fédération concernée. C’est en considération de ces risques, qui peuvent donner lieu à des interprétations différentes entre la CNCCFP (laquelle souligne elle-même ces incertitudes), un juge de l’élection et un juge pénal, qu’il apparaît très souhaitable de ne pas conserver ce système de comptes distincts des sections et de faire transiter l’ensemble des cotisations et contributions par l’association de financement, y compris pour la part revenant finalement aux sections. Un grand nombre de fédérations ont adopté un mécanisme consistant à ouvrir dans leurs comptes un sous-compte dédié à chaque section où sont créditées les sommes qui lui reviennent, et dont ses responsables peuvent disposer par une délégation de signature. Ceci, outre la cohésion de l’action, garantit contre le risque que les dépenses d’activité politique des sections soient jugées contraires à l’obligation faite au Parti de regrouper l’ensemble de ses dépenses dans une comptabilité globalisée et vérifiable. La fédération du Pas-de-Calais aurait le plus grand intérêt à faire de même. Cela évacuerait les critiques des sections qui remarquent que la fédération met un temps trop long à leur reverser la part de recettes statutaires qui leur revient. Cela mettrait fin en même temps à une situation anormale, héritée du passé, dans laquelle l’échelon politique fédéral s’abstient de vérifier les ressources et les engagements financiers des sections alors qu’elles sont des composantes placées sous sa responsabilité et non des entités politiques indépendantes. D. Le cas particulier de la section de Liévin. Les auditions et analyses de documents ont fait apparaître que la section de Liévin, la plus importante de la fédération en lien avec une des principales municipalités socialistes du département, avait pour pratique, comme celles qui viennent d’être citées, de collecter des contributions d’élus indemnisés (maires-adjoints et conseillers délégués) complémentaires à celles dues à la fédération, mais de demander le paiement de la moitié de ces contributions en espèces et non en chèque ou virement. En temps ordinaire le montant recueilli par ce procédé est de l’ordre de 20 000 € annuels : les maires-adjoints socialistes contribuent, en plus des 10 % de leur indemnité versés à la fédération, pour 380 € par mois à la caisse de section, un mois sur deux en espèces. Ce mode de versement de contributions de Parti est évidement inhabituel et entraîne inévitablement des doutes sur la régularité de l’ensemble des comptes de la section. Il est indiqué à la commission que cette méthode d’alimentation de la caisse de la section résulte d’une tradition locale remontant au moins aux années 70. L’utilisation des sommes en espèces se répartit entre un « forfait » de 44 € reversé aux conseillers municipaux non indemnisés pour couvrir leurs frais courants de mandat (notamment dans les fêtes et animations locales où il est attendu qu’ils participent aux dépenses) et le financement par la section de 10
  • 11. manifestations conviviales et d’évènements politiques. Ces justifications sont peu convaincantes puisque l’indemnisation des conseillers municipaux, dans la limite du crédit global défini par la loi, peut être décidée par la commune elle-même en considération des délégations qu’ils détiennent et que le financement de fêtes ou de réunions peut se faire par des modes de paiement autres que les espèces. En outre l’examen des comptes rétrospectifs montre que ces sommes encaissées en espèces sont excédentaires et qu’en cours d’exercice une partie est reversée sur un des comptes de placement dont dispose la section par ailleurs. Après vérification, l’ensemble des élus contributeurs affirment que ces versements en espèces proviennent bien de leurs ressources personnelles, plusieurs d’entre eux justifiant qu’ils font un retrait d’espèces spécial lors de ces versements périodiques. Tout en enregistrant ces déclarations dont la sincérité ne fait pas de doute, la commission ne peut que constater que cette pratique méconnaît la prudence la plus élémentaire et alimente des suspicions inutiles. Comprenant les risques qui en découlent, les responsables de la section de Liévin y ont mis fin depuis le mois d’avril 2102 après les premiers échanges avec la commission sur ce sujet. La commission a acquis la certitude que d’autres sections du Pas-de-Calais ayant des élus municipaux indemnisés ont pratiqué un usage analogue, sans doute pour des montants moindres. Il ne peut que leur être recommandé d’y renoncer sans délai. Le dialogue avec la section de Liévin a fait apparaître – ses responsables ayant témoigné d’une authentique volonté de transparence avec la commission – que cette section, sous son propre titre sans association « adjointe », avait grâce à ces contributions accumulées au long des années constitué une réserve financière de plus de 120 000 € détenue en compte sur livret et en parts de SICAV. L’objectif de la constitution de cette importante réserve ne semble pas avoir été réellement débattu, et cette somme est simplement le résultat d’années d’apports financiers dont le montant paraît avoir été maintenu par routine sans lien avec les besoins effectifs. Il n’a pas été indiqué d’autre destination que celle d’une « précaution » en cas d’évènements défavorables. Aucun débat collectif en section n’a été consacré à ce sujet depuis des années. Ce raisonnement, né sans doute dans la concertation entre un petit nombre de responsables, ne tient aucun compte des règles actuelles de financement de l’activité politique. La somme en cause figure dans des comptes ouverts au nom de la section de Liévin elle-même, qui en est ainsi seule propriétaire. Elle ne peut, constituant une personne morale au regard de la loi de 1988, apporter une telle somme à une organisation politique sans enfreindre la loi. Elle ne peut non plus, pour les mêmes raisons, en faire apport aux comptes de campagne de ses candidats aux élections locales. Elle peut certes financer des activités politiques courantes avec cette ressource mais les comptes communiqués à la commission montrent que les dépenses correspondantes nécessiteraient de nombreuses années pour épuiser cette réserve. Il est donc évident que la section de Liévin doit cesser d’alimenter cette réserve financière et que, si elle souhaite continuer à accumuler des ressources pour ses actions futures (mais est-ce cohérent avec son niveau réel d’activité et de dépenses ?) les versements doivent être destinés à l’association départementale de financement et aller dans un compte dédié au sein du budget fédéral. Là encore, la commission a des raisons d’estimer que d’autres sections du département ont aussi constitué des réserves dépassant leurs besoins de dépenses courantes d’activité politique locale ; et elle ne peut que recommander qu’elles mettent fin sans retard à cette pratique. 11
  • 12. Même s’il n’apparaît pas à ce stade d’indices de financement d’origine suspecte, cette manière d’agir est susceptible, du fait du maniement de sommes importantes en espèces et de l’apparente inutilité de cette pratique pour le financement de l’activité politique légale, de déclencher des investigations de la part de l’autorité judiciaire. La commission proposera donc au trésorier national et aux premiers secrétaires fédéraux de veiller à ce que soit interrompue, si elle devait se révéler ailleurs, la pratique de constitution de réserves financières de sections inscrites ailleurs que dans les comptes des fédérations elles-mêmes. Enfin, en liaison avec ces problèmes de financement des sections, la commission d’enquête a rencontré de nouveau, comme dans les Bouches-du-Rhône, des situations de locaux destinés à l’activité d’une section, financés par apport de la section et qui lui sont loués par une société civile immobilière (SCI) constituée de militants anciens bénéficiant de la confiance de tous. Les SCI de la sorte n’ont pas toujours été gérées attentivement et leur durée a fréquemment abouti à ce que de moins en moins de porteurs de parts puissent encore participer à leur gestion. Il en résulte des situations de blocage qui peuvent entraîner de sérieux préjudices pour le Parti lui-même. C’est d’autant plus illogique que la loi prévoit expressément le droit pour les partis de posséder et de gérer les locaux utiles à leur activité politique. La commission croit donc de son rôle d’adresser au Secrétariat et au Bureau national une recommandation à ce sujet qui sera explicitée en fin de rapport. VII. Le dossier SOGINORPA et ses incidences pour le Parti Comme il a été évoqué plus haut, l’accumulation d’éléments conflictuels sur la fédération du Pas-de-Calais a inclus la mise en cause de la gestion de cette société par actions simplifiée chargée de gérer et de rénover l’ensemble du patrimoine de logements laissé par les Houillères de Bassin du Nord-Pas-de-Calais à leur dissolution, qui représente aujourd’hui 62000 logements. Le gouvernement Jospin, procédant à la fermeture de cette entreprise publique comme l’imposait sa fin d’activité économique déjà ancienne, avait, après une concertation attentive, fait le choix de remettre la propriété et la gestion de son considérable patrimoine résidentiel à une nouvelle entité publique dépendant de la Région Nord-Pas-de-Calais. La loi a donc créé un établissement public, l’EPINORPA, rattaché à la Région – qui associe à sa gestion les deux départements et les communes minières. Et l’EPINORPA a acquis la totalité du capital de la SOGINORPA qui était déjà la société support du patrimoine résidentiel des Houillères. La SOGINORPA est donc missionnée, depuis sa réorganisation effective en 2002, pour assurer la bonne gestion et surtout le renouvellement progressif de ces ensembles de logements construits au long des décennies dont les locataires sont encore en grande partie des mineurs retraités et surtout des veuves de mineurs, ensembles qui fournissent aussi pour l’avenir des territoires concernés une offre de logement accessible et de qualité si le programme de rénovation est mené à bien. La gestion de la SOGINORPA est placée sous le contrôle du président de l’EPINORPA, puisque cet organisme est le seul actionnaire de la société. Ce président a été jusqu’à une date très récente Jean-Pierre Kucheida, maire de Liévin, président de la communauté d’agglomération de Lens-Liévin et, jusqu’au 17 juin 12
  • 13. dernier, député du Pas-de-Calais. Le rapport sur la gestion de la SOGINORPA adopté par la Chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais, qui couvre les années 2006 à 2010, est public. Sans préjuger d’éventuels faits relevant d’une qualification pénale qui auraient pu être transmis au Parquet par la Chambre et qui, de ce fait, ne pourraient apparaître dans le rapport rendu public, ce rapport fait apparaître diverses faiblesses, notamment une augmentation non prévue et non maîtrisée des coûts de maintenance et de rénovation des logements, qui coïncide avec un retard important dans le programme de mise aux normes de ce patrimoine immobilier ancien. Mais il met surtout en question la conformité au droit en vigueur des procédures utilisées au sein de la société pour passer les marchés et commandes de l’entreprise, ainsi que des usages critiquables en matière de ressources humaines, qu’il s’agisse de recrutements sans véritable appel à candidatures ou de licenciements amiables assortis d’indemnités trop élevées. Le rapport conclut en outre que le bilan de la SOGINORPA présente pour l’avenir une fragilité préoccupante puisque son déficit réel s’élève à 170 millions d’euros. Le rôle de la commission d’enquête du Parti socialiste n’est pas de porter une appréciation sur la gestion de cette société. Les suites légales qu’impliquent les appréciations de la Chambre régionale seront décidées par les autorités compétentes. Si des poursuites judiciaires devaient notamment en résulter, le respect de l’indépendance de la justice serait un motif supplémentaire de réserve de la part d’une instance de Parti. La commission d’enquête est en revanche amenée à soumettre aux instances dirigeantes du Parti trois critiques de nature politique. 1. Les sérieuses défaillances démontrées par le contrôle financier officiel, s’agissant d’un organisme dédié à des objectifs particulièrement emblématiques de solidarité sociale et de redynamisation de territoires traumatisés, attirent un discrédit sur le Parti : sa création est le choix d’un gouvernement qui nous a fait honneur, sa gouvernance est confiée à l’une des plus grandes collectivités territoriales dirigées par le Parti et sa direction exécutive incombe à un élu très représentatif de la gauche dans le bassin minier. S’il y avait une mission où nous devions collectivement démontrer conviction et compétence, c’était celle-là. 2. La Région Nord-Pas-de-Calais, à laquelle a été confiée la mission de diriger la gestion de la SOGINORPA à travers un établissement placé sous sa tutelle unique, voit sa responsabilité politique engagée par ces défaillances caractérisées. Elle est tenue d’établir un dispositif d’information et de contrôle de gestion qui a manqué pendant toutes les premières années ; des dispositions ont été prises en ce sens après le rapport de la Chambre régionale. La Région a aussi la charge de veiller au rétablissement de l’équilibre financier de la SOGINORPA, ce qui peut impliquer des décisions controversées. Là aussi les intérêts moraux du Parti sont affectés. 3. Enfin, en marge de ces débats sur une gestion publique problématique, il a été révélé que Jean-Pierre Kucheida avait pendant sa gestion recouru pour des dépenses personnelles à la carte de crédit qu’il s’était fait attribuer comme mandataire social de la SOGINORPA. Il a confirmé à la commission d’enquête que les dépenses en cause se sont montées, sur une 13
  • 14. période de six ans, à 47 000 € et précisé qu’il avait commencé à les rembourser. Quelle que soit l’importance relative des sommes en cause, il doit être rappelé que les dispositions organiques régissant les parlementaires (art. L.O. 145 et L.O. 148 du Code électoral) excluent la possibilité pour un député ou un sénateur de diriger une entreprise publique sauf si cette fonction lui est confiée au titre d’un mandat local. Le mandat ainsi détenu doit alors être exercé gratuitement. Cette erreur de comportement est également de nature à porter sérieusement préjudice au Parti. La commission n’a pas cru devoir, dans le cours de ses travaux, saisir le Bureau national pour mise en œuvre éventuelle de l’article 11.5 des statuts permettant une sanction interne. Son président a toutefois porté ces éléments de fait à la connaissance du Secrétariat national appelé à décider, par délégation, de l’investiture du Parti dans la circonscription où Jean-Pierre Kucheida était candidat. Le Secrétariat ayant désigné un autre candidat, et Jean- Pierre Kucheida ayant été exclu pour s’être présenté sans l’aval du Parti, il n’y a plus lieu de recourir à une sanction statutaire de ce chef. VIII. Recommandations de la commission. Il ne revient pas à la commission d’enquête de prendre des décisions à la place du secrétariat national, du bureau ou du conseil national. Mais en cohérence avec ses observations elle peut et doit, selon ses membres, présenter aux instances décisionnaires des recommandations qui seront retenues, écartées ou développées après débat politique. Elle est d’autant plus incitée à le faire que, comme l’ont montré les précédents de l’Hérault et des Bouches-du-Rhône, une réflexion collective comme celle-ci peut déclencher une volonté d’avancer chez les cadres et les militants du département en cause et une partie des mesures de rénovation envisagées peuvent être acceptées librement par la fédération qui les fera siennes. Voici les recommandations de la commission d’enquête. 1. La relation entre les sections et la fédération doit évoluer dans le sens d’une plus grande cohésion et d’une véritable synergie entre tous les socialistes du Pas-de-Calais. Dans ce sens la commission préconise : . L’adoption par le conseil fédéral d’une procédure précise et cadrée dans le temps pour la constitution et la suppression des sections locales, dans le respect des statuts nationaux qui fixent des règles impératives, mettant fin à la persistance de sections n’atteignant pas l’effectif requis de cinq adhérents ou à la coexistence non régulée de deux sections locales sur le même territoire ; . La scission de la section de Liévin, durablement composée de plus de 1000 adhérents et donc en contradiction avec l’article 3.2.3 des statuts ; . La mise au point en conseil fédéral, trois mois au plus tard après le congrès de 2012, d’une carte des sections recherchant un effectif suffisant d’adhérents et une vie politique partagée entre communes proches ; . La définition d’un programme de débats politiques départementaux permettant la mise en commun d’enjeux locaux ou nationaux entre sections peu habituées à débattre ensemble. 14
  • 15. 2. La préparation des échéances électorales à venir, après le « cycle » 2008-2012, doit donner lieu à un travail collectif sur le renouvellement, la parité réelle et la fixation d’options mises en commun sur l’évolution du territoire départemental. Il est souhaitable qu’une commission représentative du bureau fédéral, de celui de l’UDESR et des sections par secteur géographique puisse en particulier détecter à l’avance les concurrences prévisibles au sein des sections pour les échéances locales du printemps 2014 et s’assurer que ces concurrences seront tranchées démocratiquement de manière incontestable dans les sections et régulées au niveau fédéral pour contenir les risques de dissidence. Les relations et les tensions possibles au niveau départemental avec les partenaires de la majorité de gauche nationale devront donner lieu à des échanges transparents avec le secrétariat national et la commission électorale nationale. L’enjeu décisif de la confrontation politique avec le Front National, dont les résultats dans ce département sont le symptôme d’un décrochage d’une partie des travailleurs avec le Parti Socialiste, devrait également constituer une priorité d’action politique de la fédération ; et compte tenu de l’incidence nationale de cette évolution négative, particulièrement sensible dans le bassin minier, les cadres politiques fédéraux se consacrant à ce travail devraient assurer des échanges suivis avec la direction nationale. 3. La gestion financière de la fédération et des sections doit évoluer dans le sens de la lisibilité et de la cohérence. . Les caisses autonomes de sections doivent être mises en extinction et être remplacées par des avoirs identifiés sous la forme de comptes ouverts pour chaque section, rattachés aux comptes de la fédération, sur lesquels les secrétaires et trésoriers de section doivent disposer d’une délégation de signature. Les usages locaux de contributions additionnelles d’élus peuvent être poursuivis par le biais de l’association départementale avec imputation sur le compte de la section bénéficiaire. La fédération de son côté doit assurer une mise à disposition immédiate des avoirs des sections issus des cotisations d’adhérents et contributions d’élus. .Les ressources actuelles des caisses de section existantes seront utilisées pour l’action militante locale dans le respect de la loi sur le financement des partis politiques. .L’inégalité de ressources entre les sections disposant d’élus indemnisés et celles qui en sont dépourvues doit donner lieu à une péréquation substantielle favorisant le développement politique du Parti dans les secteurs moins favorables, y compris ceux où le PS a perdu la municipalité. .Un barème fédéral de cotisations clair et réaliste doit être mis au point et approuvé par le conseil fédéral dans les trois mois suivant le Congrès national 2012. Il doit permettre une progressivité minimale, avec une tranche à 20 € adaptée aux revenus inférieurs au SMIC et deux tranches pour les revenus supérieurs à ce seuil. Sans faire nullement obstacle à l’accessibilité de l’adhésion pour les travailleurs et retraités à faibles ressources, ce barème établirait une égalité réelle entre les militants du Pas-de-Calais et donnerait à la fédération des moyens d’actions plus conformes à ses responsabilités. La conduite de l’ensemble de ces évolutions, au sortir d’une période marquée par des difficultés politiques sérieuses du Parti dans le Pas-de-Calais (dont le présent rapport n’a 15
  • 16. évoqué que celles relevant de la vie interne), justifient l’établissement d’une coordination politique étroite entre la fédération et la direction nationale. La commission s’en remet aux décisions du Bureau national quant à la forme à donner à cette coordination. 4. Au niveau national le travail conduit par la commission d’enquête la conduit à présenter trois propositions à étudier par les instances politiques compétentes. 1° Il apparaît préférable d’inscrire dans les statuts, par modification de l’article 2.5, la règle de l’inclusion des ressources financières des sections dans les budgets fédéraux avec mise à leur disposition d’un avoir identifié. Ceci impliquerait que l’ensemble des cotisations et contributions d’élus soient acquittées par le biais des associations départementales de financement, nécessitant une clarification de l’article 9.10 des mêmes statuts. C’est un gain assuré de clarté dans les relations entre échelons politiques ; c’est aussi une précaution de sécurité juridique au regard du principe, inscrit dans la loi, que les activités financières des partis doivent être retracés dans une comptabilité globale présentée annuellement à la Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique. 2°) Un groupe de travail doit être créé auprès de la trésorerie nationale, avec l’expertise juridique nécessaire, pour traiter le problème en cours d’aggravation des nombreux locaux d’organisations du Parti encore détenus par des sociétés civiles immobilières dont les parts ont été confiées à des militants anciens et reconnus. La disparition ou la perte d’autonomie des sociétaires aboutit en maints endroits à des situations inextricables alors que la législation autorise le Parti lui-même à posséder et gérer les locaux utiles à son activité. Il convient sans plus tarder de fournir aux sections et fédérations intéressées une méthode adaptée de transition. 3°) L’expérience accumulée ces dernières années avec les situations spécifiques de l’Hérault, des Bouches-du-Rhône et du Pas-de-Calais indique qu’il conviendrait d’établir un mécanisme plus permanent et préventif de vérification de la conformité de l’organisation et de l’activité des fédérations aux règles et aux objectifs politiques du Parti. En plus des commissions d’enquête ad hoc déjà prévues par les statuts, la constitution d’une mission du Conseil national affectée à ces contacts devrait être étudiée. En revanche, s’agissant des situations de mise en cause individuelle de responsables ou élus du Parti au regard de la loi pénale, le recours aux sanctions statutaires prévues pour comportement de nature à porter gravement préjudice au Parti et la demande de mise en réserve volontaire exprimée par l’instance politique (telle qu’exposée dans le rapport relatif aux Bouches-du-Rhône) apparaissent la meilleure conciliation possible entre le respect de l’indépendance de la justice et de la présomption d’innocence, d’une part, et les intérêts moraux du Parti, d’autre part. ** 16
  • 17. NOTE JURIDIQUE SUR LES OBLIGATIONS FINANCIERES DES SECTIONS Le cadre juridique de l’activité financière des sections résulte des termes de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, complétée et modifiée par les lois du 15 janvier 1990 et du 8 février 1995. Le parti politique n’a pas de statut juridique à proprement parler. Il peut adopter toute forme de personnalité morale, y compris celle d’un simple groupement de fait. Ceci s’explique par une réticence républicaine traditionnelle à instaurer un cadre qui pourrait aboutir à restreindre la liberté d’action de la formation. L’article 4 de la Constitution, complété lors de la révision du 27 juillet 2008, énonce en ce sens le principe selon lequel « Ils se forment et exercent leur activité librement. » L’article 7 de la loi de 1988 se borne à ajouter qu’ils disposent de la personnalité morale. Les seules obligations juridiques qui l’encadrent sont donc celles qui dérivent de la législation sur le financement et la comptabilité des partis. On a donc quelques difficultés à cerner à quel périmètre correspond un parti à proprement parler. Il peut avoir des satellites, comme des sociétés immobilières, des associations liées, voire des entreprises qui travaillent en relation avec lui. L’article 11-7 de la loi de 1988, qui instaure l’obligation de tenue d’une comptabilité, prend en compte cette possibilité en obligeant tout parti à compléter ses comptes par ceux d’entités dans lesquelles il détient un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion. Ceci implique que le législateur entend prévenir la tentative de maintenir « hors bilan » une part significative de l’activité financière des partis. Dans le cas qui nous intéresse il peut être soutenu que le Parti Socialiste de par sa structure statutaire (voir les art. 3.1 et 4.2 des statuts) inclut, pour l’application des règles relatives au financement et à la comptabilité, les sections au même titre que les fédérations. Les unes et les autres sont les éléments constitutifs de l’entité du parti et ne peuvent en être dissociées. Toutefois l’usage retenu par le PS et d’autres partis, avec l’accord de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), consiste à admettre que des composantes locales du Parti comme les sections peuvent avoir une vie financière autonome qui n’entre pas dans la comptabilité globale du Parti. Pour l’application de l’article 11-7 précité de la loi de 1988, la comptabilité du Parti englobe donc les comptes des sections qui sont inclus dans ceux des fédérations, mais non ceux des sections qui encaissent des cotisations ou contributions directement et assument des dépenses d’activité politique pour un montant correspondant. A part cette importante obligation de forme de présenter une comptabilité, dont la validité est contrôlée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), la législation n’introduit que deux règles de fond quant aux finances 17
  • 18. des partis : l’unicité d’encaissement des « dons » et la faculté encadrée de contribuer aux campagnes électorales. Tout le reste est libre dans le silence de la loi, en vertu du principe constitutionnel déjà cité. Quelles conséquences ces deux règles entraînent-elles quant au fonctionnement financier des sections ? La première règle est celle de l’exclusivité d’entrée des « dons » par l’association de financement adjointe au Parti. Cette association est une personne morale distincte du parti mais lui est légalement liée. L’article 11 de la loi de 1988 dispose que chaque parti crée une association de financement, qui seule est habilitée à recevoir les dons destinés au parti (avec l’alternative, peu opérante dans le cas d’une grande formation, du mandataire financier individuel). Elément-clé de la transparence voulue par le législateur, cette association agit comme un sas d’entrée obligatoire de ses sources légales de financement et permet à la CNCCFP d’en vérifier la régularité. En revanche, une fois transférées ces recettes sur son propre compte, le parti a toute liberté pour en disposer comme il l’entend : l’association de financement n’a aucun rôle dans l’utilisation des fonds. La logique de la loi est que, avec l’obligation de présenter une comptabilité d’ensemble de ses activités, le parti est suffisamment dissuadé d’entreprendre des dépenses irrégulières qui seraient forcément détectées. La rédaction de l’article 11 de la loi donne aux partis la possibilité d’organiser leur financement légal soit uniquement au niveau national soit dans « les organisations territoriales qu’ils désignent ». Sur cette base légale le PS a choisi dès l’origine d’avoir une association de financement par fédération, plus une association nationale. Pour faciliter le contrôle, l’association de financement est légalement tenue de n’avoir qu’un compte où entrent tous les « dons ». Mais les cotisations des membres et les contributions des élus doivent-elles, pour l’application de cette législation, être considérées comme des dons ? Le seul texte en ce sens est l’article 200 du code général des impôts instituant la réduction d’impôts correspondante, qui englobe pour bénéficier de cet avantage fiscal les montants des dons et des cotisations elles-mêmes. Mais la CNCCFP considère que l’expression de « dons » dans la loi de 1988 ne s’applique qu’aux donations volontaires de souscripteurs extérieurs et non aux cotisations statutaires des membres et des élus du Parti. Ceci est exposé dans le 9° rapport de cette Commission, pour 2005-2006, pp.36 et 37. Il en résulte que les cotisations d’adhérents et les contributions d’élus au Parti socialiste peuvent être encaissées, soit par l’association départementale de financement de la fédération en cause, soit par une section percevant directement des cotisations d’adhérents ou des contributions statutaires d’élus. Les statuts du PS sont rédigés en sorte de réserver cette faculté. Les militants et élus procédant ainsi ne peuvent pas bénéficier de la réduction prévue par l’article 200 du CGI, puisque seule une association de financement peut délivrer un reçu fiscal ; mais la section bénéficiaire n’est pas pour ce motif en infraction avec la loi sur le 18
  • 19. financement des partis. En outre l’obligation de ne détenir qu’un seul compte bancaire n’est applicable qu’à l’association de financement. La fédération n’est pas soumise à cette règle et les sections ne sont pas privées du droit de détenir un compte bancaire. La pratique retenue par bon nombre de fédérations de conserver sur un compte unique leurs ressources et celles des sections, sous la forme d’un avoir spécifique, est logique mais n’est pas la seule possible. Une fédération peut également verser les fonds revenant à une section sur un compte détenu par celle-ci. L’autre contrainte édictée par la législation est la limitation des contributions légales aux campagnes électorales. Dans le champ couvert par les règles de financement des campagnes, c’est-à-dire les élections municipales et cantonales dans les villes et cantons de plus de 9000 habitants (plus les régionales et législatives), les versements apportés aux comptes de campagne ne peuvent venir d’aucune personne morale sauf les partis eux-mêmes et ce dans des conditions strictes (article L 52-8 du code électoral, 2° alinéa). Il résulte également de ce texte, confirmé par le premier alinéa de l’art. 52-12 du même code régissant la présentation du compte de campagne, que l’apport d’une prestation gratuite ou pour un prix minoré est assimilé à une contribution que seul peut apporter un parti politique. En combinant cette règle et celle, analysée plus haut, qui impose au « parti » dans son ensemble d’avoir une comptabilité régulière, on parvient au constat que la section sur ses propres ressources ne peut pas être contributrice à une campagne électorale. Le versement ne peut émaner que du parti lui-même, au sens de l’organisation « consolidée » tenue par la loi de 1988 d’avoir une comptabilité globale. Dans la mesure où une section n’a pas d’autres recettes que celles versées par la fédération, on peut présumer que ses comptes sont inclus dans ceux du parti et que sa contribution à une campagne serait légale. En ce sens une observation de la CNCCFP, page 56 de son rapport 2010 : « Seules les structures locales d’un parti soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 1988 peuvent financer une campagne électorale si leurs comptes sont agrégés à ceux dudit parti ». Toutefois, par précaution, l’usage interne du PS est de réserver aux seules fédérations les versements aux comptes de campagne. De ce fait la section qui souhaite, en vue d’élections municipales ou cantonales, constituer une réserve de financement de campagne est tenue de conserver cet actif dans le compte géré par la fédération. Il en ira de même de la perception du solde positif d’un compte de campagne, que les art. L 52-5 et L 52-6 réservent (sauf le cas rare d’une attribution à une œuvre désintéressée) à une association de financement de parti politique. Seule la fédération pourra donc en être destinataire, à charge pour elle d’attribuer ce crédit nommément à une section si un accord a été conclu en ce sens. Le financement de campagne électorale se fait par l’intermédiaire obligatoire d’un mandataire ou d’une association de financement, auxquels s’applique également l’obligation de percevoir toutes recettes sur un compte bancaire unique (art. L 52-5 et L 52-6 du code électoral). Il s’agit d’en faciliter le contrôle par la CNCCFP, qui est également compétente à l’égard des comptes de campagne. Il résulte des observations qui précèdent que la perception de cotisations et 19
  • 20. contributions d’élus directement par les sections présente au moins trois risques juridiques. A. La CNCCFP fait observer que les dons sont soumis à l’obligation de transparence constituée par le versement à l’association de financement et sont plafonnés par la loi (les fameux 7500 €) alors que les cotisations et contributions ne le sont pas. Des versements qualifiés de contributions pourraient donc être requalifiés comme des dons, notamment si leur caractère obligatoire et leur montant ne sont pas précisément définis par une règle interne du parti et s’ils peuvent être regardés comme une manière de tourner les obligations applicables aux dons. L’article 11-5 de la loi de 1988 définit le versement d’un don sans passer par l’association de financement comme un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 3750 € d’amende. B. Les sections « autonomes » ne sont pas privées du droit de faire des dépenses à caractère politique. Mais elles n’ont pas le droit de contribuer aux campagnes électorales. Seules les personnes physiques et les partis soumis à la loi de 1988 le peuvent, et la section n’est ni l’un ni l’autre. Si une section organise un évènement qui met en valeur un futur candidat et que cela se produit dans le délai fixé par la loi avant l’élection, ce sera une cause de sanction électorale et financière. C. La distinction admise par la CNCCFP entre l’activité locale des sections et l’activité globale du Parti est fragile, la Commission le reconnaît dans ses commentaires. Le principe selon lequel la comptabilité du parti retrace toutes ses activités supporte l’exception des dépenses d’intérêt purement local, mais un doute peut s’élever si ce type de dépenses se révèle dans la durée très répandu sur le territoire. Que se passerait-il par exemple si une vérification de la CNCCFP révélait que les sections d’un parti dans un département ont consacré 2 000 000 € à l’action politique du parti et que la fédération, incluse dans la comptabilité obligatoire du parti, n’a dépensé qu’1 000 000 € ? Il y aurait matière à estimer que l’obligation de présentation sincère des comptes du parti a été tournée. La prudence conduit donc à ne pas poursuivre cette habitude de comptes de section dissociés de ceux du Parti et disposant de ressources séparées. 20