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Entretien avec Fabien Galthié dans Midol - 15 juin
- 1. 15/6/2015 Detaille Article
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FABIEN GALTHIÉ EXCAPITAINE DU XV DE FRANCE ET ANCIEN
ENTRAÎNEUR DE PARIS ET DE MONTPELLIER
« Je ne suis pas sûr d’entraîner
à nouveau »
Propos recueillis par Arnaud BEURDELEY, Émilie
DUDON et Marc DUZAN
Samedi, 13 heures. C’est à Meudon, là où il vécut dix
ans, que Fabien Galthié nous a donné rendezvous.
L’homme a la peau tannée par le soleil méridional. Il
est affûté comme une lame. « J’ai flirté avec le
quintal, dans les pires moments. Puis je me suis
remis au sport. Croyezmoi, ça m’a fait beaucoup de
bien. » L’ancien capitaine du XV de France vit
toujours dans l’Hérault. Son fils aîné, Mathis, vient
d’ailleurs de remporter le Challenge Midi Olympique
avec les minimes du MHR. Avant de rejoindre le
Stade de France pour commenter la finale du Top 14,
Galthié a passé deux heures à nos côtés, réfutant le
« off » pour balayer l’intégralité de nos questions
avec sincérité.
Pourquoi ne pas avoir répondu aux propos de
Mohed Altrad, le président qui vous a écarté de
Montpellier ?
Je ne vois pas ce que j’aurais pu répondre. Tout est allé très vite. Un staff, une équipe, un club,
constituent un écosystème qui est très fragile. Cet écosystème a commencé à être modifié très tôt
dans la saison, avec des gens qui ont été sortis (Navizet, Elias, N.D.L.R.). Après, ça s’est accéléré,
un autre élément de l’écosystème a été enlevé (Ledesma) en novembre… Lors de la 13e journée,
on bat Toulouse pour le dernier match de la phase aller. C’est notre septième victoire et on
repasse sixième, malgré une grosse dizaine de blessés. Je trouve qu’on fait plutôt un bon match.
Mais le président me convoque dans le vestiaire des entraîneurs et me dit : « C’est terminé pour
vous, je vais vous sortir et je vais vous faire mal. » Sur le coup, je ne comprends pas trop. Une
- 2. 15/6/2015 Detaille Article
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trêve de cinq jours intervient. Le mercredi, on annonce partout que White est là. Le vendredi, on
va à Castres et le lundi, je suis convoqué à 8 heures pour une mise à pied pour faute grave, qui va
durer à peu près vingt jours. À 8 h 15, j’étais dehors et j’avais interdiction de revenir au stade.
Pourquoi ne pas répondre alors ?
D’abord parce que je ne comprends pas. Deuxièmement, je ne vois pas ce que je peux dire face à
cette forme de diffamation permanente. […] La seule chose que je peux dire, c’est que, quand il
me sort, on est sixième avec 31 points et 7 victoires. Et malheureusement, sur la phase retour,
l’équipe a gagné quatre matchs et 24 points. Ce sont les chiffres et ils sont têtus.
Pourquoi avezvous refusé d’exécuter la nouvelle
mission qu’il vous avait confiée à l’issue de votre
mise à pied, celle de réaliser un audit pour le club ?
Dans la convention collective des entraîneurs professionnels, le travail est d’entraîner l’équipe sur
le terrain. Cela fait aussi partie de la volonté de nuire et de dégrader. Ce sont des méthodes
vexatoires. L’important, c’est de s’appuyer sur les faits. J’ai fait huit saisons en Top 16 et Top 14,
quatre avec le Stade français et quatre avec le MHR. Montpellier n’avait jamais été qualifié et
jouait le maintien. C’est comme Oyonnax cette année, à la différence que nous sommes allés en
finale en 2011. En huit saisons, j’ai 100 % de qualifications, 40 % de demifinales, 50 % de finales
dont un titre. Je ne peux rien dire de plus.
Vous êtesvous remis en cause à un moment ?
Je crois qu’en tant qu’entraîneur, je n’ai pas grandchose à prouver à ce niveaulà. Je vous cite les
faits, et ils sont têtus.
Vous avez connu les évolutions du rugby ces vingtcinq dernières années. Imaginiezvous
qu’un jour vous puissiez vivre ça ?
Je ne sais pas… Vivre quoi en fait ?
Une situation qui ressemble à ce que l’on peut vivre dans le monde de l’entreprise, avec la
nouvelle
génération de présidents issus de cet universlà ?
Je vais vous citer deux présidents : Michel Bendichou, qui dirigeait une PME de menuiserie
industrielle et que j’ai eu pendant vingt ans. C’était un chef d’entreprise. Il y a aussi eu Max
Guazzini pendant dix ans, qui était président de NRJ. J’avais une relation paternaliste avec eux.
- 3. 15/6/2015 Detaille Article
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Les deux m’ont fait grandir et m’ont accompagné. Quand on a commencé avec Colomiers,
l’équipe était 88e club français, en Groupe B. Elle a joué quatre finales en tout, dont une gagnée.
Au Stade français, il y avait la pression du résultat mais il y avait aussi une relation affective. Max
parle d’amour, moi je parle de paternalisme. Et ces deux présidents étaient aussi des chefs
d’entreprise. Pour moi, ce n’est pas antinomique avec ce que j’ai vécu, bien au contraire. Ces
genslà aimaient le rugby déjà, ceux qui le pratiquaient, ils nous considéraient un peu comme leurs
enfants. Il y avait une relation de confiance totale. Je n’ai jamais eu le moindre doute sur ce qui
pouvait arriver entre nous, malgré la pression sur les résultats.
Ce qui s’est passé avec Montpellier cette saison atil pesé sur votre candidature au poste
de sélectionneur du XV de France ?
J’en suis sûr. Et c’est normal en plus.
Êtesvous en colère ?
Non, c’est mal tombé. C’est une très mauvaise période.
Mais le XV de France est, sinon un rêve, au moins un objectif pour vous…
Par trois fois j’ai pu, entre guillemets, être candidat potentiel. En 2007, en 2011 et cette année où
j’avais conscience qu’avec ce qui est arrivé, j’étais moins « bankable » comme on dit. Mais ce n’est
pas grave. C’était super intéressant. D’abord, parce que la FFR a mis en place cet appel d’offres.
Sur le coup, je me suis posé la question : « J’y vais, j’y vais pas ? » Quelques personnes
importantes du rugby français m’ont dit : « Vasy, pose ta candidature. » Ça me tentait et j’avais du
temps alors je me suis appliqué à faire une sorte de thèse de cinquante pages, avec une belle
présentation. Et je me suis régalé.
Comment s’est déroulé votre entretien ?
J’ai adoré ce moment, j’avais l’impression de redevenir étudiant. J’ai soutenu ma thèse (sourire)
pendant deux heures et demie. J’ai trouvé des interlocuteurs attentifs, intéressés.
Malheureusement, mon projet n’a pas été retenu. J’en ai été informé un dimanche matin,
quelques heures avant la nomination de Guy Novès.
Comment l’avezvous vécu ?
Sans grande déception. Je ne pouvais pas faire mieux.
N’avezvous jamais eu le sentiment que les dés étaient pipés ?
Même si une équipe n’a que 1 % de chance de gagner un match, elle se doit de jouer cette
- 4. 15/6/2015 Detaille Article
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chance à fond. C’est pour ça que j’ai envoyé ma candidature. Je me suis battu jusqu’au bout.
Comment vous êtesvous retrouvé au cœur de plusieurs autres candidatures, comme
celles de Clive Woodward, Raphaël Ibanez ou Fabrice Landreau ?
J’ai effectivement appris que mon nom figurait au sein de trois projets mais je ne dirai pas
lesquels. De toute façon, tout était secret.
Vous interrogezvous sur les raisons qui poussent le rugby français à vous rejeter de cette
façon ?
C’est la vie. Et la vie n’est pas toujours juste.
Vous considérez donc que c’est une injustice ?
Non, je ne pense pas. Le poste de sélectionneur n’est pas facile à atteindre. En tout cas, moi, je
n’y arrive pas.
Votre réputation de manager très dur humainement nuitelle à votre carrière ?
Je fais ce que je peux, je fais le maximum. Je ne pense pas être totalement idiot. Vous souvenez
vous de la dernière fois où le XV de France était premier au ranking de l’IRB ? C’était en 2002.
Regardez qui étaient les leaders, qui était le capitaine. Pour être premier à l’IRB, il faut battre
souvent le « big four », les trois nations de l’hémisphère Sud et l’Angleterre. Cette annéelà, sur six
rencontres contre le « big four », il y a eu quatre victoires. Après, j’entends ce qui se dit, et je ne
peux pas lutter contre. Et puis, je n’ai pas très envie d’aller sur ce terrainlà. Cette année par
exemple, j’ai été trop lâche, trop flexible. Il y a un cadre à faire respecter et j’ai laissé beaucoup de
libertés.
Vous êtes parti de Montpellier sans avoir remporté le moindre titre. Peuton parler d’échec
?
Non, c’était même une grande réussite et une très belle histoire. J’aime ce club, j’aime les gens qui
travaillent dans ce club. Je parle de l’école de rugby, des éducateurs. J’aime l’endroit où je vis. Et
puis, je ne suis pas un voyageur. Je n’ai vécu que trois histoires. Et chacune d’elle m’a apporté de
très belles choses. Je n’ai pas eu de titre à Colomiers non plus. Alors, pourquoi ne pas aller vivre
ailleurs une autre aventure ? Mais, aujourd’hui, je n’ai rien de prévu.
On nous parle d’un poste de sélectionneur en Italie…
Je ne crois pas. J’ai entendu, j’ai lu… Mais entre être appelé et s’engager, il y a un monde.
- 5. 15/6/2015 Detaille Article
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De quoi avezvous envie aujourd’hui ?
D’abord, j’ai une réflexion autour de ma famille. J’ai fait vingt ans à Colomiers, dix ans à Paris. À
chaque fois, nous avons écrit de belles pages. Et puis, il y a eu Montpellier avec Éric (Béchu,
N.D.L.R.). Quand nous sommes arrivés làbas, l’équipe jouait le maintien depuis plusieurs saisons.
Tout le monde me demandait ce que j’allais y faire. La première saison, on a failli être champion.
Ensuite, nous nous sommes qualifiés chaque saison. À Montpellier, je me suis enraciné, comme à
Paris ou à Colomiers. Aujourd’hui, ma vie de famille est à Montpellier. D’ailleurs, je vais être franc
avec vous : je ne suis pas sûr d’entraîner à nouveau un jour. C’est peutêtre même ma dernière
interview rugby…