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V6F02- Histoire de la caméra subjective et du regard à la
caméra

Olivier Beuvelet – Second semestre 2014

Blog du TD : OCULUS : http://culturevisuelle.org/voirensemble/
INTRODUCTION
Définition de la finestra aperta d’Alberti comme
base de la représentation moderne présentant
l’image comme « ouverte » et donc lieu de
passage du regard
•

« D’abord j’inscris sur la surface à peindre un quadrilatère à angles droits aussi
grand qu’il me plaît, qui est pour moi en vérité comme une fenêtre ouverte à
partir de laquelle l’histoire représentée pourra être considérée ; puis j’y détermine
la taille que je souhaite donner aux hommes dans la peinture. Je divise la hauteur
de ce même homme en trois parties, que je fais proportionnelles à cette mesure
appelée vulgairement « bras ». En effet, comme il ressort clairement de la
symmétrie des membres de l’homme, la longueur du corps humain moyen est très
communément de trois bras. Je divise alors à l’aide de cette mesure la ligne
inférieure du quadrilatère tracé en autant de parties qu’elle compte de mesures ;
et je fais cette même ligne inférieure du quadrilatère proportionnelle à la quantité
transversale qui apparaît la plus proche et parallèle sur le pavement. Après cela, je
place un point unique qu’on puisse voir dans le quadrilatère ; et selon moi, comme
ce point occupe le lieu même vers lequel se dirige le rayon de centre, il faut
l’appeler « point de centre ». La position de ce point de centre est convenable par
rapport à la ligne de base lorsqu’il ne s’élève pas au-dessus de la hauteur de
l’homme à peindre, car ainsi les spectateurs et les choses peintes semblent se
trouver sur un même sol. Après avoir placé le point de centre, je trace des lignes
droites depuis ce même point jusqu’à chacune des divisions de la ligne de base ; et
ces lignes me montrent comment les quantités transversales se succèdent en
changeant d’aspect presque jusqu’à une distance infinie ».

•

« La symmetria, à laquelle (cette) traduction rend son double « m », n’est pas la « symétrie » : elle ne désigne pas
nécessairement la correspondance entre deux points ou deux figures de part et d’autre d’un axe ou d’un point, mais plus
largement une harmonie d’ensemble, une juste proportion, obtenues par le report d’une même unité de mesure. » Note des
traducteurs.
Leon Battista Alberti, La peinture, op. cit. p. 83, 85.

•
« sur la surface à peindre »

Base de la représentation
REFLEXIVITE
« j’inscris » … « un quadrilatère à
angles droits aussi grand qu’il me
plaît, qui est pour moi »… « selon
moi » …
« Je »
CHOIX - SUBJECTIVITE
« j’inscris »

« Inscribo »

ECRITURE - NOMINATION
« car ainsi les spectateurs et les choses
peintes semblent se trouver sur un
même sol. »

Continuité spatiale

OUVERTURE
« En effet, comme il ressort clairement de la
symmétrie des membres de l’homme, la
longueur du corps humain moyen est très
communément de trois bras. Je divise alors à
l’aide de cette mesure la ligne inférieure du
quadrilatère tracé en autant de parties qu’elle
compte de mesures
« braccio »

CORPOREITE
Portrait de Louis II d’Anjou, 1456-1465

Jan Van Eyck, Homme au turban rouge, 1433
• Ces cinq dimensions de la finestra, que nous prenons à son origine
dans les propos d’Alberti, nous les appelons
• dimension réflexive (métadiscours du cadre),
• dimension éthique (choix),
• dimension énonciative (« j’inscris » …),
• dimension phatique (continuité de l’espace, échanges/passages)
• dimension corporelle (corporéité plus ou moins importante du
cadre).
• Nous y ajoutons une dimension qui les englobe toutes et qui, en
plus, constitue la base et le soutien concret de la représentation, de
l’histoire, c’est la dimension qui provient de l’origine architecturale
du comparant choisi par Alberti, nous l’appelons ici
• dimension architectonique.
• « Il n’y a pas de sujet, sans, quelque part,
aphanisis du sujet, et c’est dans cette
aliénation, dans cette division fondamentale,
que s’institue la dialectique du sujet. »
• Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la
psychanalyse, Le séminaire Livre XI, op. cit. p. 246.
• - sur un petit panneau qu'on peut tenir à la main, Brunelleschi a peint le
baptistère de San Giovanni tel qu'on le voyait à partir de l'intérieur du portail
central de la cathédrale de Florence, avec tout son environnement. Petit
détail : une partie du panneau est argentée pour que le ciel puisse s'y
refléter. Seul l'espace urbain est représenté en perspective.
• - il perce un trou dans le panneau, de sorte que l'oeil de l'observateur puisse
se placer derrière.
• - de l'autre main, il tient un miroir.
• - en regardant, de derrière le panneau, la surface du miroir, un effet
d'illusion se produit. N'importe quel florentin de l'époque habitué à regarder
le baptistère depuis cet angle de vue le reconnaîtra, avec tous ses détails.
• Cette expérience est le prototype, le modèle de la perspective artificielle.
N'importe qui peut vérifier qu'à partir du tableau, il est possible de désigner
le lieu d'où il a été peint.
• Comment Brunelleschi s'y est-il pris pour peindre le panneau? Manetti ne le
précise pas. Il aurait fort bien pu s'aider d'un miroir en peignant à même la
surface, mais compte tenu de la démonstration qu'il voulait faire, on peut
imaginer qu'il a utilisé un procédé de perspective dont il voulait prouver la
justesse. Il aurait pu, par exemple, se servir d'un plan au sol et d'une vue en
élévation des bâtiments, pour les rapporter sur un plan de projection
(intersection de la pyramide visuelle).
• « Ce que l’expérience, en revanche, visait à mettre au
jour, par une façon de retour réflexif du dispositif sur
lui-même, n’était rien moins que le présupposé dont
elle empruntait son ressort : savoir, qu’une peinture
construite en perspective (…) demande à être vue
depuis un certain lieu, par principe unique (uno luogo
solo) astreint qu’il est à un système de coordonnées
cartésiennes rectangulaires portées sur trois axes dont
deux s’inscrivent dans le plan du tableau tandis que le
troisième lui est perpendiculaire. »
• Hubert Damisch, L’origine de la perspective, Paris, (Champs)
Flammarion, p. 138-139.
• « Ce que démontre en effet l’expérience de
Brunelleschi, c’est que le point que nous
nommons aujourd’hui « point de vue », ce point
se trouve coïncider, projectivement parlant, avec
le point dit « de fuite » : l’un et l’autre ont leur
lieu commun au point d’intersection entre la
perpendiculaire conduite de l’œil jusqu’au
tableau et le plan où celui-ci s’inscrit. »
• Hubert Damisch, L’origine de la perspective, op. cit. p. 139.
Le quatrième mur
•

Diderot : « Imaginez sur le bord du théâtre un grand mur qui vous sépare du
parterre ; jouez comme si la toile ne se levait pas. » (Chap. 11, Essai sur la poésie
dramatique.)

•

Stendhal : « L’action se passe dans une salle dont un des murs a été enlevé par la
baguette magique de Melpomène, et remplacé par le parterre. Les personnages
ne savent pas qu’il y a un public. » Racine et Shakespeare.

•

André Antoine : « Comme on a la fâcheuse habitude de régler les premiers
groupements des artistes sur le théâtre vide, sur la scène nue, avant la
construction du décor, on est ramené sans cesse aux quatre ou cinq plantations
classiques, (…). Pour qu’un décor fût original, ingénieux et caractéristique, il
faudrait l’établir d’abord, d’après une chose vue, paysage ou intérieur ; il faudrait
l’établir, si c’est un intérieur, avec ses quatre faces, ses quatre murs, sans se soucier
de celui qui disparaîtra plus tard pour laisser pénétrer le regard du spectateur. Il
faudrait ensuite en disposer les issues naturelles en observant les vraisemblances
architecturales, (…) en un mot, établir la maison complète autour du lieu de
l’action.” André Antoine, Causerie sur la mise en scène, Revue de Paris, 1903. »
Le Décalogue 6, Krzysztof Kieslowski, 1989
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  • 1. V6F02- Histoire de la caméra subjective et du regard à la caméra Olivier Beuvelet – Second semestre 2014 Blog du TD : OCULUS : http://culturevisuelle.org/voirensemble/
  • 2.
  • 3. INTRODUCTION Définition de la finestra aperta d’Alberti comme base de la représentation moderne présentant l’image comme « ouverte » et donc lieu de passage du regard
  • 4. • « D’abord j’inscris sur la surface à peindre un quadrilatère à angles droits aussi grand qu’il me plaît, qui est pour moi en vérité comme une fenêtre ouverte à partir de laquelle l’histoire représentée pourra être considérée ; puis j’y détermine la taille que je souhaite donner aux hommes dans la peinture. Je divise la hauteur de ce même homme en trois parties, que je fais proportionnelles à cette mesure appelée vulgairement « bras ». En effet, comme il ressort clairement de la symmétrie des membres de l’homme, la longueur du corps humain moyen est très communément de trois bras. Je divise alors à l’aide de cette mesure la ligne inférieure du quadrilatère tracé en autant de parties qu’elle compte de mesures ; et je fais cette même ligne inférieure du quadrilatère proportionnelle à la quantité transversale qui apparaît la plus proche et parallèle sur le pavement. Après cela, je place un point unique qu’on puisse voir dans le quadrilatère ; et selon moi, comme ce point occupe le lieu même vers lequel se dirige le rayon de centre, il faut l’appeler « point de centre ». La position de ce point de centre est convenable par rapport à la ligne de base lorsqu’il ne s’élève pas au-dessus de la hauteur de l’homme à peindre, car ainsi les spectateurs et les choses peintes semblent se trouver sur un même sol. Après avoir placé le point de centre, je trace des lignes droites depuis ce même point jusqu’à chacune des divisions de la ligne de base ; et ces lignes me montrent comment les quantités transversales se succèdent en changeant d’aspect presque jusqu’à une distance infinie ». • « La symmetria, à laquelle (cette) traduction rend son double « m », n’est pas la « symétrie » : elle ne désigne pas nécessairement la correspondance entre deux points ou deux figures de part et d’autre d’un axe ou d’un point, mais plus largement une harmonie d’ensemble, une juste proportion, obtenues par le report d’une même unité de mesure. » Note des traducteurs. Leon Battista Alberti, La peinture, op. cit. p. 83, 85. •
  • 5. « sur la surface à peindre » Base de la représentation REFLEXIVITE
  • 6. « j’inscris » … « un quadrilatère à angles droits aussi grand qu’il me plaît, qui est pour moi »… « selon moi » … « Je » CHOIX - SUBJECTIVITE
  • 7. « j’inscris » « Inscribo » ECRITURE - NOMINATION
  • 8. « car ainsi les spectateurs et les choses peintes semblent se trouver sur un même sol. » Continuité spatiale OUVERTURE
  • 9. « En effet, comme il ressort clairement de la symmétrie des membres de l’homme, la longueur du corps humain moyen est très communément de trois bras. Je divise alors à l’aide de cette mesure la ligne inférieure du quadrilatère tracé en autant de parties qu’elle compte de mesures « braccio » CORPOREITE
  • 10. Portrait de Louis II d’Anjou, 1456-1465 Jan Van Eyck, Homme au turban rouge, 1433
  • 11. • Ces cinq dimensions de la finestra, que nous prenons à son origine dans les propos d’Alberti, nous les appelons • dimension réflexive (métadiscours du cadre), • dimension éthique (choix), • dimension énonciative (« j’inscris » …), • dimension phatique (continuité de l’espace, échanges/passages) • dimension corporelle (corporéité plus ou moins importante du cadre). • Nous y ajoutons une dimension qui les englobe toutes et qui, en plus, constitue la base et le soutien concret de la représentation, de l’histoire, c’est la dimension qui provient de l’origine architecturale du comparant choisi par Alberti, nous l’appelons ici • dimension architectonique.
  • 12. • « Il n’y a pas de sujet, sans, quelque part, aphanisis du sujet, et c’est dans cette aliénation, dans cette division fondamentale, que s’institue la dialectique du sujet. » • Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le séminaire Livre XI, op. cit. p. 246.
  • 13. • - sur un petit panneau qu'on peut tenir à la main, Brunelleschi a peint le baptistère de San Giovanni tel qu'on le voyait à partir de l'intérieur du portail central de la cathédrale de Florence, avec tout son environnement. Petit détail : une partie du panneau est argentée pour que le ciel puisse s'y refléter. Seul l'espace urbain est représenté en perspective. • - il perce un trou dans le panneau, de sorte que l'oeil de l'observateur puisse se placer derrière. • - de l'autre main, il tient un miroir. • - en regardant, de derrière le panneau, la surface du miroir, un effet d'illusion se produit. N'importe quel florentin de l'époque habitué à regarder le baptistère depuis cet angle de vue le reconnaîtra, avec tous ses détails. • Cette expérience est le prototype, le modèle de la perspective artificielle. N'importe qui peut vérifier qu'à partir du tableau, il est possible de désigner le lieu d'où il a été peint. • Comment Brunelleschi s'y est-il pris pour peindre le panneau? Manetti ne le précise pas. Il aurait fort bien pu s'aider d'un miroir en peignant à même la surface, mais compte tenu de la démonstration qu'il voulait faire, on peut imaginer qu'il a utilisé un procédé de perspective dont il voulait prouver la justesse. Il aurait pu, par exemple, se servir d'un plan au sol et d'une vue en élévation des bâtiments, pour les rapporter sur un plan de projection (intersection de la pyramide visuelle).
  • 14.
  • 15. • « Ce que l’expérience, en revanche, visait à mettre au jour, par une façon de retour réflexif du dispositif sur lui-même, n’était rien moins que le présupposé dont elle empruntait son ressort : savoir, qu’une peinture construite en perspective (…) demande à être vue depuis un certain lieu, par principe unique (uno luogo solo) astreint qu’il est à un système de coordonnées cartésiennes rectangulaires portées sur trois axes dont deux s’inscrivent dans le plan du tableau tandis que le troisième lui est perpendiculaire. » • Hubert Damisch, L’origine de la perspective, Paris, (Champs) Flammarion, p. 138-139.
  • 16. • « Ce que démontre en effet l’expérience de Brunelleschi, c’est que le point que nous nommons aujourd’hui « point de vue », ce point se trouve coïncider, projectivement parlant, avec le point dit « de fuite » : l’un et l’autre ont leur lieu commun au point d’intersection entre la perpendiculaire conduite de l’œil jusqu’au tableau et le plan où celui-ci s’inscrit. » • Hubert Damisch, L’origine de la perspective, op. cit. p. 139.
  • 18. • Diderot : « Imaginez sur le bord du théâtre un grand mur qui vous sépare du parterre ; jouez comme si la toile ne se levait pas. » (Chap. 11, Essai sur la poésie dramatique.) • Stendhal : « L’action se passe dans une salle dont un des murs a été enlevé par la baguette magique de Melpomène, et remplacé par le parterre. Les personnages ne savent pas qu’il y a un public. » Racine et Shakespeare. • André Antoine : « Comme on a la fâcheuse habitude de régler les premiers groupements des artistes sur le théâtre vide, sur la scène nue, avant la construction du décor, on est ramené sans cesse aux quatre ou cinq plantations classiques, (…). Pour qu’un décor fût original, ingénieux et caractéristique, il faudrait l’établir d’abord, d’après une chose vue, paysage ou intérieur ; il faudrait l’établir, si c’est un intérieur, avec ses quatre faces, ses quatre murs, sans se soucier de celui qui disparaîtra plus tard pour laisser pénétrer le regard du spectateur. Il faudrait ensuite en disposer les issues naturelles en observant les vraisemblances architecturales, (…) en un mot, établir la maison complète autour du lieu de l’action.” André Antoine, Causerie sur la mise en scène, Revue de Paris, 1903. »
  • 19. Le Décalogue 6, Krzysztof Kieslowski, 1989 (photogramme)