Gazette numéro 2 Festival international du film 2014
1. 17 octobre
# 2
Première mondiale Manège 20 h 15 127 min
Dos disparos Martín Rejtman Première française
Martín Rejtman, qu’est-ce qui vous a décidé à prendre
pour point de départ un héros qui rate son suicide
et vit ensuite avec une balle dans le corps ?
Je n'écris pas en partant d’une idée d’histoire mais d’une
multitude d’idées : des situations, des personnages...
J’essaie
ensuite de mettre ensemble des petites scènes, de
trouver la construction de chacunes d’elles, puis de trou-ver
une trame. ça s’est passé comme ça pour l’ouverture
du film, quand le héros se tire deux fois dessus : une fois,
un ami m'a dit qu'un jeune homme s’était tiré dessus
deux fois et avait survécu. Cette anecdote m’a servi de
base.
Dans Dos Disparos, il y a un décalage entre l’histoire
assez noire et l’humour.
Dans mes films précédents, il y a beaucoup d’humour.
Mais pour ce film, je ne sais pas pourquoi, je voulais
Manège 14 h 30 104 min
compétition internationale compétition internationale compé
le dos rouge
Antoine Barraud
Pour réaliser son prochain film, un cinéaste (Bertrand
Bonello) recherche un tableau représentant un
monstre. Il va rencontrer pour cela une historienne d'art,
Célia, qui va l'aider en lui montrant des oeuvres et en lui
donnant ses interprétations. Mais une tache rouge appa-raît
dans le dos du cinéaste et grandit au fur et à mesure
de ses rencontres avec Célia…
Avec Le Dos rouge, Antoine Barraud, passionné depuis long-temps
d'art et de peinture, tient à partager le plaisir que
peut procurer la contemplation d’une oeuvre. Ayant beau-coup
filmé de cinéastes (il a notamment consacré des por-traits
expérimentaux à Kenneth Anger et Koji Wakamatsu),
Barraud a trouvé intéressant de confronter un regard de
réalisateur à la peinture, à son utilisation du cadre et de
couleurs. Il nourrit en plus une certaine fascination, voire
une affection, pour les monstres que la couleur rouge sym-bolise
bien à ses yeux : la honte de leur condition, les accès
de colère mais aussi la passion qu’implique leur description
romanesque.
« Je pense qu'il ne faut pas trop réfléchir quand on fait des
films », affirme toutefois Antoine Barraud. « J’aime bien
rester sur le ressenti, il ne faut pas trop creuser ». Pour lui,
Le Dos rouge appartient au cinéma expérimental. « On va
chercher des choses abstraites, narratives, folles, délirantes,
qui ne sont pas esclaves du sens ». à la manière de In the
Mood for Love de Wong Kar-Wai, que le réalisateur définit
comme illogique mais formidable de beauté. Particulière-ment
mystérieux, Le Dos rouge envoûte par son lyrisme et sa
poésie. Quant au sens, libre à chacun de tirer ses propres
conclusions sur les interprétations possibles l
Ophélie Boureau, Charlotte Sinaud
DR
aller contre cette tendance, être très aride, sec. Et, petit
à petit, j'ai commencé à mettre de l’humour, parce que
c'est ce qui me fait plaisir.
Avez-vous choisi vos acteurs parmi des personnes
que vous connaissiez déjà ?
J'avais déjà travaillé avec Suzana, qui joue la mère, et
Arturo, le type qu'elle rencontre. Tous les autres sont
nouveaux. Je travaille d'une façon particulière les dialo-gues.
On fait beaucoup de répétitions et rien ne dit que
tous les acteurs vont faire partie du film finalement. Il
leur faut vraiment entrer dans un certain état d'esprit,
une certaine façon de réciter, une certaine façon d'être.
Certains acteurs veulent improviser davantage, ont peut-être
une personnalité trop forte, et ça ne marche pas, car
pour faire un film, il faut de l’harmonie.
Louise-Marie Heuzé, Jasmine Hiltscher
2. variété variété variété variété variété variété variété variété variété variété Les Avant-première Manège 12 h 77 min
les nuits d'été
Mario Fanfani
Avant-première
Théâtre 18 h 15 100 min
Quinze ans après sa trilogie Un dimanche à Marseille, Mario Fanfani
raconte, avec Les Nuits d'été, l'histoire d'un homme marié, Michel
(Guillaume de Tonquédec, César du meilleur second rôle en 2013 pour Le
Prénom) qui, chaque week-end, part dans sa résidence secondaire et devient
Mylène, en compagnie d'autres travestis.
Le réalisateur italien a trouvé son inspiration dans un livre, Casa Susanna,
contenant des photographies de travestis des années 1950-1960. « Ces pho-tos
m'ont habité pendant un certain temps » raconte Mario Fanfani. « Je les
ai regardées avec leur mystère et j'ai vu un moment, une occasion assez belle
de travailler sur ce sujet là. » Le contexte joue aussi un rôle : nous sommes
à une période charnière, « après la Seconde Guerre mondiale et avant la
Libération des années 1960 », précise Fanfani, et sur fond de guerre d'Algé-rie.
Traitement intelligent du droit à la différence, Les Nuits d’été a remporté
le Queer Lion à la dernière Mostra de Venise l
Louise-Marie Heuzé, Clémence Renaud
Apaches
Thierry de Peretti
La Corse du sud est la terre
natale du réalisateur Thierry
de Peretti, membre du jury de la
compétition internationale.
C’est là qu’il a posé sa caméra pour
tourner Les Apaches, l’histoire de cinq
jeunes gens qui, au cours d'une soi-rée
dans une villa, volent quelques
objets dont deux fusils de collection.
Cette fiction est inspirée de faits
réels. Découvert l’année dernière
lors de la Quinzaine des réalisa-teurs
à Cannes, Les Apaches est bien
éloigné de la vision que nous nous
faisons des Indiens. « Ça m'intéres-sait
d'avoir un titre qui renvoie à
une forme d’artificialité », explique
Thierry de Peretti. « Les Apaches, ça
renvoie au film de genre, au western,
alors que ma mise en scène et mon
propos ont une charge réaliste très
forte. » La Corse du sud du film
apparaît à la fois déchirée et unie, à
l'image des personnages. « Se pose
la question de l’origine, de l’identité,
et de ce qui nous relie les uns aux
autres », précise le réalisateur.
Les Apaches est plus que la simple
reprise d'un fait divers. C'est aussi
une façon de plonger le spectateur
dans des problématiques propres à
la Corse – un territoire qui, d'après
Thierry de Peretti, reste très peu
représenté au cinéma – avec la
volonté de casser les clichés et de
« réarmer l'imaginaire, construire
une mythologie ». La caméra, elle,
fait tout pour donner au public le
sentiment d’être le sixième membre
du groupe. « Mais je n’ai pas de
conseil à donner aux spectateurs »,
insiste Thierry de Peretti, « sinon de
garder les yeux ouverts » l
Coralier Mercier, Elodie Girardin
films du jury film du jury film du jury film du jury film du jury film film du jury film Vincent n'a pas d'écailles
Thomas Salvador
Tourné dans les gorges du Verdon et au Canada, le premier
long-métrage de Thomas Salvador a fait l'ouverture du festival.
Comment vous est venue l'idée de ce héros qui se découvre
une force surhumaine, une fois mouillé ?
L'image première, c'était un homme dans l'eau. Pas dans une piscine, ni
dans la mer, mais dans un cours d'eau très étroit, un endroit non appro-prié,
qui produisait un décalage. Le lavoir, c'était ça la première image
du film. Je ne suis pas du tout nageur et je vais très peu à la piscine, mais
j'aime bien essayer des choses, me fixer des challenges. Donc je me suis
mis à l'eau pour le film.
Vous jouez le rôle de Vincent, capable de grandes performances
athlétiques. Avez-vous été doublé pour certaines scènes ?
Tout ce qui est dans l’eau, je l’ai fait. Pour des questions de temps de tour-nage,
de risques et d'assurances, il y a deux plans hors de l’eau où je suis
doublé, mais je ne vous dirai pas lesquels.
Pour ce premier long-métrage, qu'est-ce que ça fait
d'être en même temps réalisateur et acteur principal ?
Ça a démarré par mes courts-métrages de manière très naturelle, et aussi
peut-être par timidité, par crainte de déléguer, de demander à quelqu'un.
J'aime les films dans lesquels il y a des enjeux physiques et c'est vraiment le
cas dans Vincent n’a pas d’écailles. Les acrobaties, les cascades : j'aime faire ça.
Comment qualifieriez-vous votre film ?
D’économe en information, peut-être même parfois en dialogue. Je vou-lais
faire un film qui parle vraiment des personnages, mais uniquement
grâce aux outils du cinéma : la mise en scène, le rythme, les acteurs, leurs
corps surtout. Vincent n’a pas d’écailles parle de différence, du don, du fait de
trouver sa place dans la société, d’être comme on est, avec ce qu'on a, et
de faire des choix. Il raconte des choses, mais pas explicitement.
Ophélie Boureau, Jasmine Hiltscher
Concorde 2 11 h 45 min 90 min
DR
3. Première française Concorde 1 16 h 15 23 min
Ce court-métrage de Ben Russell a pour cadre Malte, île censée se
trouver au-dessus du territoire englouti de l’Atlantide.
Le réalisateur américain procède à un ajustement : pour lui, c’est le
pays de Malte tout entier qui est cette fameuse Atlantide. En s’inspi-rant
de En attendant Godot de Beckett, il questionne le spectateur sur la
manière d’avancer dans la vie, une fois que l’on a trouvé ce fameux
bonheur dont la quête est un thème cher à Russell. Mélange de réa-lisme
et de surnaturel, Atlantis parcourt les paysages de Malte, écoute
les gens, aussi bien leurs conversations que leurs chants religieux,
s’attarde
sur des costumes comme hérités de l’île perdue. « Un travail
filmé à l’instinct, avec la matière que je pressentais importante pour
mon oeuvre, sans vraiment savoir pourquoi », dit Russell. En résulte
une oeuvre où les questions métaphysiques se mêlent à l’histoire et à la
beauté du pays maltais l
Gwendoline Cantin
BUFFALO JUGGALOS
Scott Cummings
Première française
Concorde 1 16 h 15 30 min
Lauréat d’une mention honorable au Underground Chicago Film
Festival, Buffalo Juggalos fait sa première française à La Roche-sur-
Yon.
Ce court-métrage de Scott Cummings traite des Juggalos, les fans très
particuliers d’un duo de hip-hop américain, Insane Clown Posse, duo
tout aussi particulier puisqu’il est issu du « horrorcore », un mouve-ment
dont la raison d’être consiste à magnifier l’atmosphère sombre
d’histoires d’horreur et de meurtres. Le réalisateur nous entraîne
dans l’univers de ces personnes qui se maquillent en clowns, sans
pour autant renier la fiction. « Mon film n’est pas un documentaire »,
affirme d’ailleursScott
Cummings. « Mon film n’est pas sur les Jug-galos.
Il est un Juggalo ». Un Juggalo qui parle de Juggalos, alors ?
Pour s’y retrouver, mieux vaut directement se plonger dans les trente
minutes hors du temps promises par ce court-métrage l
élodie Girardin
Violet Bas Devos
Première française
Ce premier long-métrage de Bas Devos, réalisateur belge, a rem-porté
le grand prix de la sélection Génération 14plus de la der-nière
Berlinale, où celui-ci fut salué pour sa manière d'explorer les
émotions.
Violet privilégie la perception plutôt que le réalisme et s'appuie davan-tage
sur les images que sur les dialogues pour retranscrire un violent
sentiment d'isolement et d'incompréhension. Au début, il appartient
au spectateur de chercher le sens de ce qu'il voit et d’essayer de com-prendre
comment s'emboîtent les pièces du puzzle. Un processus fina-lement
pas très différent de celui par lequel passe le jeune protago-niste,
Jesse, après avoir assisté au meurtre de son meilleur ami. à coups
d'ellipses,
de silences, de mystères et d'ambiguïtés, Violet montre un
monde devenu illisible parce qu’il a perdu tout son sens l
Laura Hélaine
Black Diamond
Samir Ramdani
Concorde 2 9 h 15 82 min
Première mondiale
Concorde 1 20 h 45 41 min
Samir Ramdani, comment est née
cette quête artistique au coeur
de South Central, quartier difficile
de Los Angeles ?
J'ai repéré, lors d'un précédent tour-nage,
des sortes de HLM appelés
Projects qui venaient d'être désaffec-tés.
J'ai trouvé intéressant le fait que
des bâtiments relativement récents
deviennent des ruines contempo-raines
et j'ai eu envie d'en faire
quelque chose. J'étais impatient de
filmer. Il y a eu peu de scénario, on
savait grossièrement le déroulé mais
le but était ensuite de rajouter la
voix d’un narrateur pour préciser les
choses.
Pourquoi avoir choisi le rappeur
Yung Jake comme narrateur ?
Le rap était la forme idéale de narra-tion
parce qu'il est né dans l'univers
décrit dans le film. L'idée de Black
Diamond, c'est de faire se frotter les
différentes couches sociales. Le rap
ne vient pas de la bourgeoisie, il a
une forme simple. Yung Jake est à la
fois rappeur et il a fait les beaux-arts.
Il fait naturellement le lien entre dif-férents
Quelle est l'histoire du titre
Black Diamond ?
C'est Yung Jake qui l'a proposé. Je
voulais qu'il utilise le mot « cristal »
en clin d’oeil au livre du sociologue
de Los Angeles Mike Davis, City of
Quartz. Seulement Black Cristal ne fai-sait
pas assez rap pour Yung Jake. Il
m'a donc suggéré Black Diamond, que
j'ai apprécié pour son côté plus pop.
Propos recueillis par Eva Tedesco
à partir
de 22 h 45
milieux.
YUNG JAKE
rappeur et co-scénariste de Black Diamond
compétition nouvelles vagues compétition nouvelles VaGUES compétition nouvelles
Atlantis
Ben Russell
DR
4. Hervé et Chloé Millet. Et ces trois points de départ vont se
rapprocher pour livrer aux spectateurs la clé de l'histoire.
« N'y a-t-il pas des formes de post-humanité déjà présentes
et qui seront encore plus marquées dans le futur ? », inter-rogent
les réalisatrices.
Sous des airs de reportage, Un passage d'eau nous entraîne
vers un monde surréaliste où l'immortalité est un enjeu
majeur. Louise Hervé et Chloé Millet veulent « faire res-sortir
des choses un peu étranges et fantastiques dans un
discours qui paraîtrait banal » et faire cohabiter la réalité
et l’imagination : « Les choses qui sont de l'ordre du mythe
peuvent aussi être réelles, et l'imaginaire peut également
façonner la réalité ».
Entre poésie et hypothèses scientifiques, ce court-métrage
interpelle et fait réfléchir sur le désir de la vie éternelle et les
conséquences de cette quête sur les Hommes l
Pour fêter son vingt millième jour sur Terre, l’artiste
aux multiples facettes, Nick Cave, présente vingt-quatre
heures de son existence dans un subtil mélange de
réalité et de fiction.
20 000 Days on Earth représente de manière intime la créa-tion
artistique, à travers une journée ordinaire de l’auteur,
compositeur et interprète (qui a également participé au scé-nario
et a écrit lui-même les textes qu'il dit en off), et au fil
de rencontres ayant marqué sa vie, comme celle avec Kylie
Minogue, et des concerts. Les fans du musicien seront d'ail-leurs
enchantés de le voir interpréter Jubilee Street sur scène.
Entre documentaire musical et portrait, ce long-métrage
de Ian Forsyth et Jane Pollard casse le mythe de l’artiste
étrange aux sombres pulsions et découvre l’homme en père
de famille, à la fois ordinaire et fascinant. 20 000 Days on
Earth a remporté un prix pour sa réalisation et un autre
pour son montage au dernier festival de Sundance l
Coralie Mercier
un passage d'eau
Louise Hervé et Chloé Maillet, les deux réalisatrices
d’Un passage d’eau, travaillent ensemble depuis 2001.
Elles ont créé une association au nom un rien loufoque,
I.I.I.I. (International Institute of Important Items).
Alternant courts-métrages et performances, elles mêlent
aujourd’hui science, mythologie et fantaisie dans un
court-métrage fascinant, présenté en première européenne
à La Roche-sur-Yon : Un passage d’eau.
Dans une station balnéaire, des curistes tentent de retrou-ver
leur santé perdue. Coquillages centenaires, homards
immortels et régénérescence des méduses sont les sujets
favoris d'un mystérieux club. Au large des Sables d'Olonne,
des archéologues essayent de retrouver des vestiges de
l'Atlantide.
Ces trois situations traitent toutes du milieu
marin. « Nous nous sommes beaucoup intéressées au dis-cours
médical sur les vertus de l'eau pour prévenir toutes les
maladies liées à l'âge, le vieillissement... », expliquent Louise
Vainqueur du Léopard d'or au festival de Locarno
cette année, From What is Before met en scène la
déchéance des valeurs traditionnelles des Philippines.
Lav Diaz, son réalisateur, s’attache aux rituels et aux rela-tions
typiques d’une époque passée, quand les choses étaient
plus simples qu’aujourd’hui a priori, et remet en cause le
cynisme croissant qui caractérise la génération amenée à
diriger le pays dans les décennies à venir. Ce long-métrage
accuse le climat social d'être responsable de la décadence
et affirme que le présent et le futur ne sont pas des temps
agréables pour ceux qui restent attachés aux valeurs d’an-tan.
Pour son film le plus engagé politiquement jusque ici,
Lav Diaz prolonge son esthétique habituelle en recourant à
une image en noir et blanc et à une mise en scène méticu-leuse.
Il réalise une oeuvre colossale par sa durée (5 h 38) et
son approche à la fois dramatique et énergique de la lutte
contre l'histoire et la politique l
Laura Hélaine
20 000 Days on Earth
Ian Forsyth, Jane Pollard
Concorde 2 14 h 338 min
séances spéciales séances spéciales séances spéciales séances spéciales séances spéc
Concorde 1 20 h 45 30 min
Encadrement éditorial : Christophe Beney
Rédaction : étudiants de l’IUT de La Roche-sur-Yon,
département Information et communication
Impression : Belz, La Roche-sur-Yon
Première européenne
Première française
Audrey Gris, Charlotte Sinaud
From what is before
Lav Diaz
Première française Manège 17 h 30 95 min
DR
DR
Louise Hervé, Chloé Maillet
Tout le programme du festival sur www.fif-85.com
et sur http://blogs.iutlaroche.univ-nantes.fr/festival-film-2014
Facebook : Festival international
du film de La Roche-sur-Yon
@Festival_Film85
et #FestFilmLRSY