1. LE PLUS
DE JEUNE AFRIQUE
TUNISIE
1987-2009
Les années
Ben Ali
HICHEM
2.
3. LE PLUS 53
PRÉLUDE
LE PLUS
DE JEUNE AFRIQUE
TUNISIE
TUNISIE
TUNISI
UNISIE
MARWANE BEN YAHMED
Demain, la Tunisie...
Les années
es années
année
année
n es INUTILE DE CHERCHER SUSPENSE ET ENJEU LÀ OÙ IL N’Y EN A PAS: la Tunisie
va réélire, le 25 octobre prochain, Zine el-Abidine Ben Ali à la tête de l’État. Ce Plus
de Jeune Afrique vous propose de mesurer le chemin parcouru depuis son accession
HICHEM
au pouvoir, le 7 novembre 1987. C’est l’occasion, aussi, de s’interroger sur l’avenir
PA N O R A M A d’une nation qui suscite parfois les passions. Citée en exemple par les uns, flagornée
Lʼheure du bilan p. 54 par certains, critiquée, voire vilipendée, de manière pavlovienne par d’autres, la Tu-
nisie n’est pourtant pas Janus. Pas de double visage, mais un pays complexe, loin de
CO N FI D E N C E S D E . . . l’image caricaturale – positive comme négative – que certains s’échinent à brosser.
Zouheir Mdhaffar p. 57 Que fera le président de ce cinquième mandat? Quelles devraient être ses préoccu-
D I PLO M AT I E pations majeures? Répondre aux aspirations des Tunisiens (qui manquent cependant
Le changement de canaux pour les exprimer) et, surtout, préparer l’avenir, donc la relève. Deux défis
dans la continuité p. 58 d’envergure se présentent à l’horizon, qui nécessitent une vision sur le long terme.
Le premier d’entre eux : ne pas se contenter des acquis. On l’a dit et répété (trop,
PA R T E N A R I AT
peut-être…), depuis plus de vingt ans, la liste des progrès réalisés ne cesse de
Europe, mon amour p. 60 s’allonger : émergence d’une véritable classe moyenne, scolarisation généralisée,
INTERVIEW accès à l’eau, à l’électricité, aux soins, droits des femmes (mais pas encore assez),
Mohamed Rachid Kechiche, économie aux taux de croissance flatteurs, faible pauvreté (comparativement aux
ministre des Finances p. 62 voisins), stabilité, absence de crises politiques ou sociales, etc. Mais ces avancées
D É V E LO PPE M E NT H UM AIN
restent fragiles.
Malgré sa résistance certaine à la crise qui frappe la planète, l’économie tunisienne
Pas dʼéconomie
sans social p. 66 donne des signes d’essoufflement. Certains investisseurs étrangers hésitent encore
à s’y installer et préfèrent la destination Maroc, pourtant moins compétitive sur le
MODE DE VIE papier. En outre, si les entreprises tunisiennes demeurent performantes, aucune
Bienvenue dans la société n’occupe le haut du pavé sur la scène internationale, voire méditerranéenne. Les
de consommation p. 68
grands groupes du pays multiplient leurs activités, se diversifient. Mais aucun n’est
INTERVIEW numéro un sur un secteur précis. Et rares sont ceux qui exportent leur savoir-faire
Mohamed Nouri Jouini, en dehors des frontières d’un marché restreint, contrairement, par exemple, à cer-
ministre du Développement tains « champions » marocains qui lorgnent avec gourmandise le sud du Sahara. En
et de la Coopération p. 70 matière économique, on ne peut se permettre de faire du surplace…
I N FR A S T R U C T U R E S Enfin, condition sine qua non d’un avenir serein, l’indispensable ouverture démo-
Au rythme des grands cratique. Davantage de libertés, davantage de débats, une opposition qui joue son rôle
chantiers p. 72 et non celui qu’on lui assigne… Sinon, le risque est grand de voir nombre d’entrepre-
neurs, de créateurs, de chercheurs ou d’intellectuels aller exercer leurs talents sous
SOCIÉTÉ
d’autres cieux. Il faut nourrir son cerveau autant, si ce n’est plus, que son estomac…
Fières et libres p. 74
L’autre grand défi, certainement le plus complexe, consistera à se forger une
véritable identité nationale. Que signifie être tunisien aujourd’hui ? Être maghré-
bin, méditerranéen, africain, musulman, laïc, regarder vers l’Europe, au-delà du
Direction : Danielle Ben Yahmed Sahara ou vers le Moyen-Orient ? Quel socle commun de valeurs veut-on définir ?
et Marwane Ben Yahmed
Quel avenir désire-t-on construire ? Autant de questions sans réponses précises.
Rédaction en chef : Cécile Manciaux
Aujourd’hui, le ciment de la nation, sa cohésion, c’est l’État, et donc son chef. Le
Rédaction : Abdelaziz Barrouhi, à Tunis,
Samir Gharbi, Leïla Slimani, Fawzia Zouari,
seul point d’ancrage, la seule référence, l’unique centre de décisions et d’impulsions.
envoyés spéciaux, et Samy Ghorbal Personne ne peut dire ce qu’il adviendra du pays quand il ne sera plus à sa tête,
Coordination : Mohamed Ali Aboudi demain, dans cinq ans ou dans dix. Il faudra bien se pencher, un jour, sur cette
Difcom, 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris question. Même si d’aucuns la jugeront déplacée… ■
Tél.: + 33 1 44301960 Fax: + 33 1 45200823
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4. 54 LE PLUS TUNISIE
PANOR AMA
LʼHEURE DU BILAN
À un mois de lʼéchéance présidentielle, retour sur les mandats, il a instauré un système
présidentiel centralisé qui lui per-
mandats de Zine el-Abidine Ben Ali. Le chemin parcouru met de décider aussi bien des gran-
par le pays en vingt-deux ans en matière de développement des orientations que des détails pour
économique et humain est considérable. impulser l’action du gouvernement et
d’en assurer le suivi. Rapidement, il
est devenu ce que l’on appelle chez
les Anglo-Saxons un dirigeant « busi-
ness friendly », qui a permis de réha-
L’
ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis biliter l’entreprise et, à ceux qui ont
l’esprit d’initiative, de s’enrichir sans
année 2009 n’a pas classe la Bourse de Tunis en sixième avoir à en rougir. D’où l’apparition de
été fac i le pou r les position parmi les 41 places boursiè- grands capitaines d’industries dont le
planificateurs et les res internationales qui ont le mieux pays n’est pas peu fier. À cet égard, il
opérateurs de l’éco- résisté à la crise mondiale, et pre- pousse sans relâche le gouvernement
nom ie t u n i sien ne. mière en Afrique et dans le monde à sortir de sa frilosité et à réduire
L a r é c e s sion da n s arabe. Enfin, la Bourse
les pay s de l’ Un ion eu ropéen ne, de Tunis reste dans le
principal partenaire commercial, a vert (avec une hausse Le taux de croissance est
eu un impact sur les exportations, de 12,04 % depuis le
cassa nt le r y t h me de c roissa nce 15 septembre 20 08), honorable, mais insuffisant
honorable de ces dernières années,
dont le taux, depuis v ing t ans, a
alors que les 40 autres
sont dans le rouge. pour les ambitions du pays.
été en moyenne de 5 % par an. Les
experts ont cependant de quoi être UN CHEF D’ÉTAT massivement les lourdeurs des ser-
sat i sf a it s : le s fonda ment au x de « BUSINESS FRIENDLY » vices administratifs dès lors que sont
l’économie étant solides, le pays a Bref, à la veille des élections législa- concernés l’investissement, les entre-
pu jusque-là juguler les effets de la tives et de l’élection présidentielle – à prises, le change et la douane. « La
crise économique internationale, et laquelle le président Zine el-Abidine liberté est la règle et l’autorisation
a parfois même su en tirer avantage Ben Ali se présente pour un cinquiè- l’exception », lit-on dans le program-
(voir pp. 70-71). Le taux de croissan- me mandat –, qui se dérouleront le me présidentiel 2004-2016…
ce attendu pour 2009 se situe à 3 % : 25 octobre (voir encadré), le gouver- L’accord d’association conclu en
une performance si on le compare nement est à son aise. Globalement, 1995 avec l’Union européenne, qui a
à celui de ses partenaires commer- le bilan économique et social depuis mené à l’établissement d’une zone de
ciaux européens, en récession. Par 1987 comporte de nombreux points libre-échange effective depuis 2008
ailleurs, dans un classement publié forts unanimement reconnus. (voir p. 60), ainsi que l’adhésion aux
ce mois-ci sur 82 pays, le cabinet bri- Depuis l’accession au pouvoir de règles de l’Organisation mondiale du
tannique Bespoke Investment Group Ben Ali et durant ses quatre derniers commerce (OMC) ont permis au pays
CALENDRIER ÉLECTORAL
• 26 AOÛT-24 SEPTEMBRE Dépôt des dossiers de can- • 11-23 OCTOBRE Campagne électorale officielle pour
didatures à l’élection présidentielle. la présidentielle et les législatives.
Scrutin uninominal majoritaire à deux tours. • 17-24 OCTOBRE Vote des Tunisiens résidant à l’étran-
Le Conseil constitutionnel proclame les candidatures ger pour élire le président de la République.
validées fin septembre. • 25 OCTOBRE Vote en Tunisie pour les élections pré-
• 20-26 SEPTEMBRE Dépôt des candidatures pour les sidentielle et législatives.
élections législatives. • 26 OCTOBRE Annonce des résultats définitifs.
Mode de scrutin mixte : scrutin de liste majoritaire à Pour la présidentielle, dans le cas où la majorité abso-
un tour au niveau des circonscriptions électorales, et lue des suffrages exprimés n’est pas obtenue au pre-
scrutin proportionnel au niveau national, concernant mier tour, il sera procédé à un second tour le deuxiè-
les listes n’ayant pas remporté de sièges au niveau me dimanche qui suit le jour du vote, le 8 novembre.
des circonscriptions). Un scénario toutefois improbable. ■
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5. LE PLUS 55
AGOSTINO PACCIANI
Le nouveau quartier d’Ennasr, à Tunis.
de se façonner une vision. Il a fait le le choix politique de poursuiv re, dix ans, de miser sur les TIC et de
choix d’une politique d’ouverture sur d’adapter et d’approfondir l’œuvre développer dans ce domaine « une
l’économie de marché et celui de la engagée depuis l’indépendance en stratégie avant-gardiste », comme l’a
diversification sectorielle, avec des matière d’éducation et de formation relevé l’Américain Steve Balmer, le
entreprises tournées vers l’exporta- professionnelle – secteur qui reçoit directeur général de Microsoft, lors
tion en raison de l’exiguïté du marché actuellement 7,5 % du PIB et dont d’une visite au Palais de Carthage,
local et pour l’attraction des investis- le budget annuel est augmenté en en octobre 2007. Résultat : le pays
sements directs étrangers (IDE). Une moyenne de 10 % chaque année. forme désormais 50 000 étudiants
vision qui rappelle celle des dragons Ainsi, de moins de 40 000 en 1986- par an dans cette spécialité, dont
asiatiques, comme la Corée du Sud, 1987, les étudiants sont aujourd’hui 5 000 ingénieurs – un nombre qui
Singapour ou Taïwan, tout en gardant 400 000, soit des effectifs universi- devrait être porté à 7 000 en 2011 –,
un œil sur le modèle méditerranéen taires multipliés par dix… et majori- et, attirés par ces compétences, de
de l’Espagne et du Portugal dans leur tairement composés de jeunes fem- grands groupes internationaux s’im-
démarche d’arrimage à l’Europe. Et, mes (voir p. 74). plantent dans les technopoles dédiées
en cela, la petite Tunisie voit grand. Autre point fort sur le plan des com- aux TIC et créées par l’État ou par
pétences : les technologies de l’infor- des investisseurs étrangers. Désor-
PARI SUR L’HUMAIN mation et de la communication (TIC). mais, la part du secteur dans le PIB
Pour y pa r ven i r, son pr i nc ipa l Là encore, sous l’impulsion du chef avoisine les 10 %. Mais il faut aller
point fort réside dans ses ressour- de l’État, que l’on sait féru d’informa- encore plus loin : « L’objectif du chef
ces humaines. Au cours des deux tique – et, même, « surfeur » assidu –, de l’État dans ce domaine est de faire
dernières décennies, l’État a fait le pays a fait le choix, depuis plus de de la Tunisie une destination techno-
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6. 56 LE PLUS TUNISIE
logique et un pôle régional d’activités LE PAYS EN BREF connaît pas la crise : près de 80 % des
innovantes », souligne El Hadj Gley, Données pour lʼannée 2008 ménages sont propriétaires, et « nous
ministre des Technologies de la com- avons un nombre de logements de
munication. 14 % supérieur à celui des ménages,
Cette valorisation des ressources Tunis ce qui est à ma connaissance une pre-
humaines, associée à la politique Sousse mière mondiale », remarque Moha-
d’ouverture, a permis à la Tunisie ALGÉRIE med Hédi Slim, le directeur général
de diversifier son économie, d’atti- Sfax Mer de l’Habitat au ministère de l’Équi-
rer plus d’IDE et d’exporter davan- Méditerranée pement. Mieux : officiellement, les
tage. Elle compte aujourd’hui plus de 0,8 % de logements rudimentaires et
5 700 entreprises industrielles (2 670 TUNISIE insalubres recensés en 2004 ont pres-
totalement exportatrices), dont plus que tous été éradiqués dans le cadre
LIBYE du Fonds de solidar ité nationale
(« 26-26 »). Ce choix politique résolu
Une stratégie à 150 km de la solidarité explique aussi que le
taux de pauvreté se situe en dessous
mi-chemin des dragons Superficie 163610 km2
de 4 %, les autorités évaluant par
ailleurs la part de la classe moyenne
asiatiques et du modèle Population 10,4 millions d’hab. à plus de 80 % de la population.
méditerranéen. Monnaie Dinar tunisien (DT)
Parité au 10/09/2009: NE PAS S’ENDORMIR
1 DT = 0,53 euro = 0,77 dollar SUR SES LAURIERS
de 4 000 ont bénéficié de soutiens PIB (prix courants) Pays émergent, la Tunisie ne doit
pour moderniser leurs outils de pro- 50,3 milliards de DT cependant pas s’endormir sur ses
duction et leur gestion. lauriers si elle veut rejoindre le cer-
PIB par habitant (prix courants)
Le pays ne se cantonne plus aux cle des pays développé. Ainsi, les
4830 DT (2600 euros)
secteurs classiques, comme celui du performances relatives du taux de
textile où, selon les années, il est le Répartition du PIB Primaire: 11,3 %, croissance que nous évoquions pré-
cinquième ou sixième fournisseur de secondaire: 28,5 %, tertiaire: 60,2 % cédemment (près de 5 % en moyenne
l’Europe. Il s’est positionné, à temps, Taux d’investissement par an depuis vingt ans) sont, certes,
25,1 % (+ 4,6 %)
SOURCE : BCT, INS, FMI
sur d’autres créneaux à plus forte honorables, mais insuffisantes pour
valeur ajoutée et s’impose aujourd’hui Exportations 23,6 milliards les ambitions du pays. Le gouverne-
sur les marchés des industries méca- de DT (+ 21,9 %) ment lui-même et la Banque mondiale
niques électriques et électroniques Importations 30,2 milliards de DT estiment que ce taux devrait se situer
(IMEE). Avec plus de 380 entrepri- (+ 23,7 %) au moins à 7 % pour créer un nombre
ses, dont les exportations ont dépassé d’emplois qui permette de résorber
les 6 milliards de DT (3,2 milliards le taux de chômage, stagnant depuis
CHRONOLOGIE
d’euros) en 2008, soit six fois plus des années autour de 14 %.
qu’il y a dix ans, ce secteur ne cesse Dans le même ordre d’idée, lors
20 mars 1956 Indépendance.
d’innover et d’aller vers toujours plus d’un débat national organisé cet
de valeur ajoutée, notamment dans 25 juillet 1957 Proclamation de la été, le Premier ministre Mohamed
l’aéronautique. République. Habib Bourguiba est Ghannouchi, à l’unisson avec les
désigné président de la République, patrons tunisiens, a fait l’inventaire
PRIORITÉ À LA COHÉSION puis est élu le 8 novembre 1959. des points faibles qui entravent la
TERRITORIALE ET SOCIALE 26 janvier 1978 Grève générale et productivité, dans le public comme
Dans le même temps, le pays s’est émeutes (c’est le « Jeudi noir »). dans le privé : absentéisme, absence
doté d’une politique d’aménagement 7 novembre 1987 Zine el-Abidine de culture d’entreprise et d’esprit
du territoire qui a privilégié et les Ben Ali prend le pouvoir. Il est élu d’initiative, manque de motivation du
infrastructures et la qualité de vie président le 2 avril 1989 et réélu personnel, taux d’encadrement dans
des Tunisiens. Désormais, plus de le 20 mars 1994, le 24 octobre le privé encore trop faible, lacunes en
99 % des ménages ont l’électricité, 1999 et le 24 octobre 2004. matière de transparence financière…
98 % sont raccordés au réseau d’eau La liste est longue.
courante et plus de 81 % au réseau 24 juillet 2008 Adoption par le « Les réalisations économiques
d’assainissement. Parlement d’un amendement de la Tunisie ne sont pas une raison
E n m at iè r e de déve lopp e me nt constitutionnel, promulgué le pour s’adonner à l’autosatisfaction,
humain (voir pp. 66-67), l’espérance 28 juillet, qui abaisse l’âge de la rappelle Mohamed Ghannouchi. Et
de vie se situe à 74 ans, on compte majorité électorale de 20 ans à il serait utile d’évaluer les capaci-
1 médecin pour 865 habitants, avec 18 ans et supprime la condition de tés du pays à atteindre ses objectifs
un taux de couverture sociale qui parrainage des candidats par au dans l’actuelle conjoncture interna-
est passé de 53 % en 1987 à 93 % moins 30 élus (députés et maires). tionale. » Une remise en question qui
aujourd’hui. Volet essentiel de l’amé- 13 avril 2009 Amendement du constitue, mine de rien, un signe sup-
nagement urbain, le logement, ici, ne code électoral (voir p. 57). plémentaire de bonne santé. ■
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7. LE PLUS 57
CONFIDENCES DE…
Zouheir Mdhaffar
Ministre délégué auprès
du Premier ministre, chargé
de la Fonction publique et du
Développement administratif.
E
n juillet 2008, la Constitution a été modifiée pour
abaisser l’âge de la majorité électorale de 20 ans à
18 ans, et, en avril dernier, les députés ont adopté
un projet de loi organique amendant le code électoral.
À l’approche de la présidentielle et des législatives du
25 octobre, retour sur la teneur et les raisons de ces
modifications.
JEUNE AFRIQUE: Pourquoi avoir abaissé l’âge du vote de
20 ans à 18 ans?
ZOUHEIR MDHAFFAR: Pour la première fois cette année,
450000 jeunes entre 18 ans et 20 ans auront la possibilité
d’exercer leur droit de vote grâce à une nouvelle disposi-
tion du code électoral. Les jeunes représentent près de
HICHEM
la moitié de la population tunisienne, et le président Ben
Ali, qui, depuis des années, a entamé un véritable dialo-
gue avec la jeunesse, a considéré qu’il était temps de leur
donner, dès l’âge de 18 ans, la possibilité de s’assumer en Dans quelle mesure la campagne 2009 sera-t-elle diffé-
tant que citoyens à part entière. rente des précédentes?
Pour inciter ces jeunes à s’inscrire sur les listes électo- La campagne est un moment clé qui doit permettre
rales, nous avons lancé une vaste campagne d’information à chaque candidat d’exposer son programme dans les
et de sensibilisation, notamment dans les lycées et les uni- meilleures conditions possibles. À cet égard, l’amende-
versités. En règle générale, l’élargissement du champ de ment du 13 avril 2009 permet de mettre en œuvre les
la participation électorale a toujours été un objectif du pré- garanties réglementaires nécessaires pour assurer la neu-
sident. C’est d’ailleurs pour cela qu’un enfant né de mère tralité des médias durant la campagne et l’égalité d’accès
tunisienne peut maintenant voter et que les Tunisiens des candidats à ces médias. Selon l’article 37 du code élec-
résidant à l’étranger sont représentés à la Chambre des toral, c’est le président du Conseil supérieur de la commu-
conseillers [Chambre haute, NDLR].
L’autre volet de la réforme porte sur En octobre, pour la première fois, 450000 jeunes
la transparence des opérations de
vote… de 18 ans à 20 ans pourront voter.
En effet. L’opposition réclamait
depuis longtemps un certain nombre de mesures dont nication qui est en charge de faire respecter cette nouvelle
la réduction du nombre de bureaux de votes car elle se disposition. Il me paraît par ailleurs essentiel d’évoquer les
plaignait de ne pas avoir suffisamment d’observateurs efforts fournis pour renforcer la présence de l’opposition
à envoyer dans les bureaux. Aujourd’hui, les bureaux dans les institutions représentatives. La révision du code
passent de 450 à 600 électeurs – sauf dans les zones électoral a permis d’augmenter le nombre de sièges à la
rurales, où l’on a conservé 250 électeurs par bureau pour Chambre des députés. Ainsi, l’opposition est assurée d’ob-
assurer l’accessibilité des électeurs aux urnes. tenir au moins 53 sièges lors des prochaines législatives.
D’autre part, l’amendement du code électoral du 13 avril De même, afin de développer la culture du pluralisme, une
2009 a permis de porter les délais d’examen des recours liste ne pourra pas obtenir plus de 75 % des sièges au sein
de cinq jours à deux semaines afin que le Conseil consti- d’un conseil municipal, et ce quel que soit le nombre de
tutionnel dispose de tout le temps nécessaire pour en voix obtenues. ■
examiner la légitimité. Propos recueillis à Tunis par LEÏLA SLIMANI
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8. 58 LE PLUS TUNISIE
l’Union pour la Méditerranée (UPM)
et est toujours en lice pour le poste de
secrétaire général de l’organisation.
Sur le plan bilatéral, la France,
avec laquelle les relations sont au
beau fixe, reste le premier parte-
naire. L’entente entre les présidents
Ben Ali et Chirac, puis Sarkozy, n’est
pas étrangère au climat de confiance
qui règne désormais entre Paris et
Tunis. L’Italie de Silvio Berlusconi est
un autre allié de poids. Et les États-
Unis, avec lesquels Bourguiba avait
tissé des liens étroits pour éviter un
face-à-face par trop déséquilibré avec
la France, comptent toujours parmi
les partenaires stratégiques de la
Tunisie. Le partenariat sécuritaire
HASSENE DRIDI/AP/SIPA
a d’ailleurs été renforcé après les
attentats du 11 septembre 2001 et
la prise de conscience, par Washing-
Le chef de l’État accueillant Mouammar Kaddafi, en août 2008, ton, du risque terroriste islamiste. Le
lors d’une visite officielle du « Guide » libyen à Tunis. dialogue politique, lui, a connu quel-
ques ratés, les autorités tunisiennes
DIPLOMATIE n’ayant que modérément apprécié les
appels du département d’État améri-
Le changement cain à plus de démocratisation…
UNE POSITION MÉDIANE
dans la continuité
AU SEIN DU MAGHREB
Soutien indéfectible de la cause
palestinienne – Tunis a abrité le
quartier général de l’OLP entre 1982
« Le bon élève du Maghreb et du monde arabe »... Si le cliché et 1995 –, la Tun isie rêve d’êt re
est réducteur, il a le mérite de résumer lʼimage que les l’aiguillon de l’intégration maghré-
bine. Un rêve jusqu’à présent contra-
autorités sʼemploient à projeter hors de leurs frontières. rié par le différend maroco-algérien
À
autour du Sahara occidental. Sur le
l’origine d’avancées écono- investissements ont, en 2007, dépassé plan bilatéral, Tunis entretient d’ex-
miques et sociales décisives, pour la première fois, en valeur, ceux cellentes relations avec l’Algérie du
Habib Bourguiba, le père de des Occidentaux. Une performance président Boutef lika et la Libye de
l’indépendance, a grande- qui n’a pas été rééditée en 2008, Mouammar Kaddafi. La réconciliation
ment contribué à bâtir le mythe d’une crise financière oblige. Et la péren- – dès 1988-1989 – avec le remuant
Tunisie avant-gardiste, pays « de la nité de certains projets immobiliers voisin de l’Est est à mettre au crédit
modération et du juste milieu ». Son pharaoniques, à l’instar
successeur, Zine el-Abidine Ben Ali, de celui de Sama Dubai
a poursuivi, sans trop la dénaturer, à Tunis, est aujourd’hui La Tunisie rêve d’être
l’œuvre entamée, tout en mettant un sérieusement remise en
accent particulier sur la diplomatie question. l’aiguillon de l’intégration
économique.
Devenue un pay s émergent, la IDYLLE EUROPÉENNE maghrébine.
Tunisie mise aujourd’hui moins sur Ce nouveau tropisme
la coopération que sur les capitaux arabe de la diplomatie tunisienne ne de Zine el-Abidine Ben Ali. Tripoli est
étrangers pour rejoindre le peloton doit cependant pas occulter l’essen- désormais un partenaire essentiel.
de tête des nations avancées. Sa sta- tiel : l’ancrage économique à l’Union Plus d’un million et demi de Libyens
bilité politique et sa fiscalité accom- européenne (voir p. 60), matérialisé passent chaque année leurs vacan-
modante sont autant d’atouts pour en 1995 par la signature d’un accord ces en Tunisie, et, contrairement aux
séduire les investisseurs. Elle a noué d’association qui a servi de modèle autres ressortissants étrangers, les
de nouveaux partenariats, en parti- aux autres pays de la rive sud de la Tunisiens qui se rendent ou vivent
culier avec les pays du Golfe, comme Méditerranée. La Tunisie réalise plus en Libye sont exemptés d’un certain
le Qatar, Bahreïn ou les Émirats de 70 % de son commerce extérieur nombre de pénibles formalités. ■
(notamment celui de Dubaï), dont les avec l’UE. Elle est l’un des piliers de SAMY GHORBAL
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9.
10. 60 LE PLUS TUNISIE
PARTENARIAT
Europe, mon amour
Premier pays du sud de la Méditerranée à avoir instauré, commerciaux), entrée en vigueur le
1er janvier 2008. Et les négociations
en 2008, une zone de libre-échange avec lʼUnion se poursuivent afin d’étendre cette
européenne, la Tunisie veut aussi être lʼun de ses libéralisation aux produits agricoles
interlocuteurs et médiateurs privilégiés sur le continent. et aux services.
L’UPM, ACCÉLÉRATEUR
DE PROJETS
L’année 2008 est aussi celle de la
création de l’Union pour la Méditer-
ranée (UPM), projet initié par Nicolas
Sarkozy et dont la Tunisie a été l’un
des premiers soutiens. Comme l’a rap-
pelé le président Zine el-Abidine Ben
Ali lors de la visite d’État du président
français en 2008, le lancement effec-
tif de l’UPM est essentiel pour créer
« une plus grande complémentarité
et solidarité entre les peuples de la
région » et « consolider la sécurité, la
stabilité, la paix et le développement
dans l’espace méditerranéen ».
Favorable à une participation plus
large des pays de la rive sud à l’éla-
DOMINIQUE FAGET/AFP PHOTO
boration et à la prise des décisions,
le chef de l’État français avait même
soutenu l’idée d’installer à Tunis
le siège du secrétariat général de
l’UPM… Si ce dernier a finalement
Le président Ben Ali, entouré de ses homologues français, Nicolas Sarkozy, et égyptien, échu à Barcelone, la Tunisie n’en
Hosni Moubarak, lors du sommet fondateur de l’UPM, le 13 juillet 2008, à Paris. reste pas moins l’un des fers de lance
L
de l’Union et ne cesse d’appeler à la
a Tunisie entretient des liens dissement de la coopération politique. mise en place de projets concrets
commerciaux, politiques et En 2005, la Tunisie signe un plan d’ac- pour créer des convergences.
culturels anciens et intenses tion voisinage avec l’UE qui couvre Face aux divisions qui ont para-
avec ses voisins européens. une période de cinq ans (2007-2012). lysé le projet, en particulier liées au
Elle est le premier pays de la rive Les moyens mis en œuvre sont à la conflit à Gaza fin 2008, une quinzaine
sud de la Méditerranée à conclure, mesure des ambitions : entre 2007 d’économistes européens et méditer-
en juillet 1995, un accord d’associa- et 2010, la Commission
tion avec l’Union européenne (UE) européenne a affecté
dans le cadre du processus de Barce- 330 millions d’euros à La coopération financière
lone. Entré en vigueur en 1998, cet la Tunisie. En 2009, la
accord constitue la base juridique coopération financière de l’UE devrait s’élever pour
des relations entre la Tunisie et l’UE devrait s’élever à près
et prévoit trois axes prioritaires de de 77 millions d’euros 2009 à 77 millions d’euros.
coopération : politique et sécurité, avec une attention par-
partenariat économique et financier ticulière portée aux secteurs de l’édu- ranéens ont lancé en janvier dernier
et partenariat social et culturel. cation et de l’emploi. l’« appel de Tunis » pour réactiver
Mais c’est sans doute la coopéra- l’intérêt pour l’UPM, accélérer la mise
EN BONS VOISINS tion économique et commerciale qui en place de ses institutions et enta-
En 2004, l’Union européenne, qui a connu les plus grandes avancées. mer l’exécution de projets concrets.
s’est élargie à l’est, veut approfondir Pour preuve, la Tunisie est le premier Ils étaient fermement soutenus par
sa politique de voisinage et propose pays à avoir instauré une zone de les chefs d’entreprise tunisiens qui
donc aux pays de la rive sud de la libre-échange des produits industriels voient cette nouvelle union comme
Méditerranée une plus grande inté- avec l’Union européenne (qui repré- un « accélérateur de projets ». ■
gration économique et un approfon- sente plus de 70 % de ses échanges LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale
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11.
12. 62 LE PLUS TUNISIE
INTERVIEW Mohamed Rachid
Kechiche MINISTRE DES FINANCES
« Pas dʼaugmentation Mais, en tant que pays émergent for-
tement ancré à l’économie mondiale,
des taxes en 2010 »
la Tunisie ne peut pas ne pas subir
les effets de la crise…
C’est vrai pour certains secteurs re-
levant de l’industrie manufacturière
Solidarité redoublée, plan de relance... Quels sont comme le textile, la mécanique et les
équipements électriques. Ces secteurs
les choix budgétaires pour relever les défis en termes ont effectivement enregistré une baisse
dʼobjectifs de croissance et dʼélévation du niveau de vie? de leurs échanges [import et export]
durant les six premiers mois de 2009.
À
Mais on ressent à partir de juillet les
58 ans, Mohamed Rachid lier avec les impératifs d’une gestion prémices d’une certaine amélioration.
Kechiche n’est pas seulement équilibrée des finances publiques. Les
un homme qui aime jongler défis sont plutôt inhérents à l’ambition Pour sortir de la crise, les dirigeants
avec les chiffres. Il sait aussi de nos objectifs de croissance et d’élé- des pays industrialisés ont prôné
prêter attention à l’analyse de ces der- vation du niveau de vie, forts des acquis une intervention musclée de l’État.
niers, particulièrement en ces temps de importants obtenus depuis plus de vingt Quelle est votre stratégie ?
crise mondiale. Titulaire d’une licence ans sous la conduite de notre président, Tout d’abord, dois-je vous rappeler
en sciences économiques acquise à Zine el-Abidine Ben Ali. Ils ont permis au que l’action entreprise par les pays dé-
Tunis, il entre en 1972 à la Banque pays d’avancer vers le progrès, sans dis- veloppés a été axée sur le système de
centrale de Tunisie (BCT) avant de continuité, et au peuple tunisien de vivre financement de l’économie, touché par
reprendre le chemin des cours à Paris, dans un cadre de paix et
où il décroche son diplôme d’ingénieur de cohésion sociale.
statisticien économiste ainsi qu’un « Une de nos priorités est de
DEA en mathématiques de la décision. Depuis 2008, la crise
De retour à Tunis, il intègre l’Institut n’a é p a r g n é au c u n ne pas hypothéquer l’avenir
d’études quantitatives puis le cabinet pays. La Tunisie est-elle
du ministre du Plan et des Finances. à l’abri? par un endettement lourd. »
En 1988, il est promu chef du Contrôle Non, bien sûr. Ne se-
général des finances puis, en 1993, chef rait-ce que par l’effet de la récession la crise de confiance entre les banques.
du Contrôle général des services publics qui affecte ses principaux partenaires. Cela n’a été à aucun moment le cas en
au Premier ministère. En janvier 1999, À titre d’illustration, environ 70 % de Tunisie. Au niveau financier, nos pré-
il est nommé secrétaire d’État chargé nos importations et exportations hors occupations sont de ce fait ciblées sur
de la Privatisation, puis secrétaire géné- énergie se font avec l’Union européen- deux volets: le premier concerne le sou-
ral du gouvernement en 2001. Trois ans ne, trois pays – France, Italie et Alle- tien aux entreprises qui rencontrent des
après, il prend la tête du ministère des magne – totalisant à eux seuls 78 % de difficultés de recouvrement de leurs re-
Finances, place de la Kasbah. ■ notre commerce avec la zone euro. cettes d’exportation, le second concerne
le financement des PME.
Justement, comment percevez-vous
JEUNE AFRIQUE : Quels sont vos l’effet de la crise financière? Quel a été votre rôle face à la crise ?
contraintes et vos défis dans l’élabo- Comme dit le proverbe, on a eu Le budget de l’État a toujours été
ration du budget 2010? « plus de peur que de mal ». Nos re- orienté vers une stratégie de soutien de
MOHAMED RACHID KECHICHE : lations bancaires avec l’extérieur sont l’action de développement qui répond
Effectivement, nous sommes en plein certes importantes, mais elles sont en à nos impératifs d’équilibre social et à
dans la préparation du prochain budget corrélation directe avec l’économie nos valeurs de solidarité. Globalement,
de l’État. Préparation sous contraintes, réelle. Donc, les équilibres fondamen- il s’inscrit en augmentation sensible des
bien sûr. C’est toujours le cas. Les exi- taux du secteur n’ont, heureusement, dépenses de fonctionnement, avec no-
gences de développement économique pas été touchés. Nous n’avons observé tamment une amélioration notable des
du pays confèrent un rôle important au ni resserrement du crédit ni crise de salaires des quelque 400 000 fonction-
budget de l’État, qu’il convient de conci- confiance entre banques. naires, donc de leur pouvoir d’achat,
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13. LE PLUS 63
tion, et par une consolidation de l’assise
financière des banques publiques.
Quel en sera l’impact sur la dette
publique ?
Il existe, au plus haut niveau de la
hiérarchie politique, une conscience
profonde de la nécessité de sauvegarder
et de maîtriser les équilibres macroéco-
nomiques, notamment au niveau des fi-
nances publiques, et de ne pas hypothé-
quer l’avenir par un endettement lourd.
Ce souci est illustré par l’évolution très
satisfaisante du taux d’endettement pu-
blic, qui est passé de 62,5 % du produit
intérieur brut (PIB) en 2001 à 48 % fin
2008 – soit un gain de 14,5 points, une
performance obtenue à la faveur d’une
croissance économique continue, la-
quelle a eu un effet positif sur les recet-
tes fiscales. Et ce malgré la succession
des chocs externes, l’envolée des prix
du baril du pétrole, des matières pre-
mières et des biens de consommation,
sans oublier la crise actuelle.
Selon vous, combien de temps cette
crise va-t-elle durer ?
Il est difficile de se prononcer avec
certitude. L’ambiguïté et la fréquence
inhabituelle des ajustements des ni-
veaux de croissance dans les pays
industrialisés, particulièrement nos
partenaires, impliquent beaucoup de
prudence. Espérons que d’ici à fin 2010
ONS ABID POUR J.A.
la situation économique s’améliore
sensiblement. Il est donc important de
donner à nos opérateurs économiques
un message clair concernant notre
volonté de maintenir une interven-
tion forte de l’État, ce dernier étant le
ainsi que des dépenses d’investissement s’ajoute une enveloppe budgétaire pour premier investisseur et le premier em-
pour doter le pays d’infrastructures mo- une formation complémentaire pour ployeur du pays.
dernes et d’équipements collectifs. aider à une réadaptation professionnelle
s’il le faut. Ce soutien facilite également Quel sera le niveau du déficit budgé-
La loi de finances complémentaire la consolidation et le rééchelonnement taire en 2010 ?
adoptée par le Parlement en juillet des impayés éventuels sur les crédits Il se situera à un niveau comparable
comporte un plan de relance d’un à l’exportation à la suite des retards à celui de 2009, environ 3,7 %, un taux
montant de 730 millions de dinars en de paiement de clients étrangers. Sur nettement en deçà du niveau maximum
2009 [près de 390 millions d’euros]. 2 800 entreprises exportatrices, seules tolérable. Cela permettra au Budget
À quoi cela a-t-il servi ? 240 ont eu recours à ces mécanismes, d’assumer convenablement son rôle de
Ce programme est articulé autour ce qui nuance très largement l’impact soutien et de relance, sans compromet-
de deux axes principaux. Une action réel effectif de la crise. tre l’équilibre des finances publiques ni
de soutien par la prise en charge d’une remettre en question les efforts conti-
partie ou de la totalité, selon les cas, Et quid de l’autre axe d’interven- nus pour réduire encore davantage no-
des cotisations patronales, une aide tion ? tre taux d’endettement.
destinée aux entreprises dont l’activité Il porte sur des actions de relance de
est liée à l’exportation et qui acceptent, l’activité économique en général par un Comptez-vous augmenter les taxes
malgré les difficultés, de ne pas recou- accroissement de l’investissement pu- en 2010 ?
rir au licenciement définitif mais à une blic dans les infrastructures de base, Non. Le schéma préliminaire d’équi-
simple réduction de l’horaire du travail par des incitations favorisant une atti- libre pour le budget 2010 ne comporte
ou au chômage technique partiel. À cela tude « agressive » en matière d’exporta- pas d’hypothèse d’augmentation des
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14. 64 LE PLUS TUNISIE
taxes, surtout pas au niveau de l’appa- utiles. Tout d’abord, le niveau de pres- que la Tunisie est, depuis plusieurs an-
reil de production. Si cela était le cas, sion fiscale, hors recettes pétrolières, nées, très bien classée par le Forum de
ce serait à mon avis incohérent avec se situe à 18,4 % du PIB en 2009. C’est Davos selon le critère de « non-gaspilla-
notre stratégie de soutien et de re- tout à fait acceptable compte tenu du ge des dépenses publiques » [selon le
lance, et peut-être même improductif. niveau et de la structure de notre tissu rapport publié le 8 septembre par le Fo-
Nous comptons plutôt sur une amélio- économique et du stade de développe- rum économique mondial 2009-2010,
ment atteint. Secundo, la Tunisie se place au 5e rang mondial,
il est tout à fait possible NDLR]. À cela s’ajoute la succession
« Avec la crise, comme dit d’améliorer cette pres- d’une multitude de réformes qui ont
sion fiscale globale sans permis de moderniser la fiscalité, d’as-
le proverbe, il y a eu pour autant augmenter souplir les procédures, de garantir tous
les taxes, grâce à une les droits au contribuable par un dis-
“plus de peur que de mal”. » meilleure répartition positif juridique complet et, enfin, de
de l’effort contributif de réduire le niveau des taux de l’impôt
ration de l’assiette fiscale, en relation tous les agents économiques. Une dou- sur les sociétés et de la TVA.
d’ailleurs avec l’hypothèse de crois- ble action est actuellement engagée à
sance retenue pour notre PIB de 4 % à ce titre. Une action de modernisation Confiant, donc, dans l’avenir ?
prix constants en 2010. de l’administration fiscale (pour se Absolument. Une confiance dans no-
rapprocher au mieux de cette équité tre capacité de réagir au plus vite si la
Pourtant, les chefs d’entreprise se fiscale réclamée par tous et pour lutter situation économique et financière l’exi-
plaignent de la lourdeur de votre efficacement contre la fraude) et une ge, mais aussi une confiance soutenue
fiscalité… action de sensibilisation à l’intention de par l’optimisme d’un nouveau program-
Souhaiter moins de taxes tout en res- tous les contribuables. me de réformes et de modernisation de
tant exigeant sur le rôle de l’État en ma- l’économie, sachant que la Tunisie vivra
tière d’infrastructures et d’équipements Quels sont vos arguments ? dans quelques semaines un événement
collectifs de base est peut-être quelque Notre double action est légitimée par politique majeur avec l’élection prési-
chose d’humain… Mais votre question la qualité de notre gestion des dépenses dentielle et les législatives. ■
m’amène à faire quelques précisions publiques. Vous n’êtes pas sans savoir Propos recueillis par SAMIR GHARBI
15.
16. 66 LE PLUS TUNISIE
DÉVELOPPEMENT HUMAIN
Pas dʼéconomie sans social
Grande pauvreté éradiquée, système de soins performant, éducation et logement pour tous...
la politique de solidarité joue à plein. Pourtant, la précarité et les inégalités nʼont pas disparu.
D
ès l’indépendance, en 1956, les autorités tunisien- en milieu rural et des régions pauvres. La politique de planning
nes ont bâti leurs budgets et leurs plans de dévelop- familial a porté ses fruits: baisse de la fécondité (2 enfants par
pement sur deux termes: économique et social. Et femme, au lieu de 6 en 1956 et 3 en 1990) et division par trois
les efforts se poursuivent. Dernier chiffre en date: du taux de croissance démographique (aujourd’hui à 1 %).
la part des dépenses à caractère social (éducation, santé, habi-
tat) atteint cette année 60 % du budget de l’État. UNE CLASSE MOYENNE MAJORITAIRE… ET FRAGILE
Le chemin parcouru est immense: la population vivant au- Grâce à l’amélioration générale de la santé (augmentation
dessous du seuil de pauvreté ne représente plus que 3,8 % de du nombre d’hôpitaux et de dispensaires, de médecins et d’in-
la population totale, contre 7,7 % en 1985 et 75 % en 1959. Le firmières), l’espérance de vie à la naissance a augmenté de
revenu moyen par habitant a été multiplié par dix entre 1959 vingt-cinq ans, passant de 49 à 74 ans (l’écart avec les pays
et 1987 puis par cinq entre 1988 et 2009. Sous la présidence riches n’est plus que de cinq ans, contre vingt en 1959).
de Habib Bourguiba (1956-1987), comme sous celle de Zine Cependant, beaucoup d’efforts restent à accomplir pour éra-
el-Abidine Ben Ali (depuis 1987), les mêmes consignes se sui- diquer l’analphabétisme parmi les adultes (23 %), surtout les
vent, avec plus d’ampleur en faveur, notamment, des femmes femmes, pour lutter contre l’abandon scolaire au cours des
INDICATEURS DÉMOGRAPHIQUES
Population Taux de croissance démographique Taux de natalité
(en millions d'habitants, 2008) (en %, est. 2009) (pour 1 000 habitants, est. 2009)
Rang mondial Rang mondial Rang mondial
15 Égypte 81,5 41 Jordanie 2,3 87 Égypte 21,7
17 Turquie 73,9 80 Égypte 1,6 91 Turquie 21,0
35 Algérie 34,4 92 Maroc 1,5 104 Algérie 19,6
38 Maroc 31,2 101 Turquie 1,3 108 Maroc 18,7
71 Grèce 11,2 110 Algérie 1,2 122 Grèce 16,9
74 Portugal 10,6 125 Tunisie 1,0 135 Portugal 15,4
75 Rép. tchèque 10,4 175 Portugal 0,3 189 Rép. tchèque 10,3
76 Tunisie 10,3 186 Grèce 0,1 203 Tunisie 9,5
77 Hongrie 10,0 211 Rép. tchèque -0,1 204 Hongrie 9,5
103 Jordanie 5,9 218 Hongrie -0,3 213 Jordanie 8,8
INDICATEURS SOCIAUX
Indice de développement humain (IDH) Espérance de vie à la naissance Taux d'alphabétisation des adultes
(2006) (nombre d'années) (en %, 2006)
Rang mondial Rang mondial Rang mondial
18 Grèce 0,947 20 Grèce 79 12 Rép. tchèque 99,0
33 Portugal 0,900 33 Portugal 78 20 Hongrie 98,9
35 Rép. tchèque 0,897 39 Rép. tchèque 76 34 Grèce 97,0
38 Hongrie 0,877 60 Tunisie 74 44 Portugal 94,6
76 Turquie 0,798 65 Hongrie 73 54 Jordanie 92,7
90 Jordanie 0,769 78 Jordanie 72 74 Turquie 88,1
95 Tunisie 0,762 82 Algérie 72 99 Tunisie 76,9
100 Algérie 0,748 87 Turquie 72 103 Algérie 74,6
116 Égypte 0,716 97 Égypte 71 110 Égypte 71,4
127 Maroc 0,646 99 Maroc 71 129 Maroc 54,7
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17. années du collège et du lycée (par manque de réussite, mais
aussi par manque de moyens financiers) et pour réduire les
inégalités. En effet, beaucoup de gens vivent juste au-dessus
du seuil de pauvreté, avec le risque de tomber plus bas et de
décrocher, donc, de la classe moyenne, estimée à 80 % de la
population. L’écart est nettement visible lorsqu’on regarde le
classement selon l’Indice de développement humain (IDH)
établi par le Programme des Nations unies pour le développe-
ment (Pnud). La Tunisie est certes loin devant le Maroc, mais
aussi loin derrière la Hongrie, par exemple.
Négligée sous Bourguiba, la politique de solidarité a été
lancée en 1993 avec le Fonds 26-26, financé par une collecte
systématique de dons auprès des particuliers et des entrepri-
ses ainsi que par des contributions fiscales. Ce fonds couvre
1829 « zones d’ombre » (très pauvres) peuplées de 1,3 million
d’habitants (soit 12,5 % de la population). En quinze ans, le
Fonds a mobilisé 900 millions de DT (480 millions d’euros)
en leur faveur. Mieux, il a favorisé la création, en 1997, de
la Banque tunisienne de solidarité (BTS). En onze ans d’ac-
tivité, la BTS a financé 580 000 opérations (microprojets
montés par de jeunes entrepreneurs et microfinance pour
les petits métiers) pour un montant de plus de 1 milliard de
DT (533 millions d’euros). ■ SAMIR GHARBI, envoyé spécial
Taux de mortalité
(pour 1 000 habitants, est. 2009)
Rang mondial
30 Hongrie 12,9
51 Rép. tchèque 10,7
53 Portugal 10,7
56 Grèce 10,5
158 Turquie 6,1
176 Maroc 5,5
181 Tunisie 5,2
185 Égypte 5,1
195 Algérie 4,6
215 Jordanie 2,8
Taux de scolarisation global
(en %, 2006)
SOURCE S: BANQUE MONDIALE - PNUD - WORLD FACTBOOK
Rang mondial
1 Grèce 100
28 Hongrie 90
34 Portugal 89
44 Rép. tchèque 83
61 Jordanie 79
78 Égypte 76
79 Tunisie 76
89 Algérie 74
106 Turquie 71
140 Maroc 60
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18. 68 LE PLUS TUNISIE
MODE DE VIE
Bienvenue dans la société
de consommation
Avec le niveau de vie le plus élevé de la région, les Tunisiens, ouverts aux influences
extérieures, sʼéquipent et se font plaisir.
Enfin, la plupart des ménages ont
au moins une voiture.
Signe que les traditions ont encore
la vie dure, plus de 80 % des achats
sont encore effectués dans des épi-
ceries, le reste dans la grande distri-
bution. Cependant, tous les analystes
s’accordent à reconnaître que le mode
de consommation des Tunisiens va
s’occidentaliser de plus en plus : à
l’horizon 2016, 40 % des achats s’ef-
fectueront dans une grande enseigne.
Par ailleurs, les consommateurs « sont
aujourd’hui très sensibles à la publicité
et, tout comme en Europe, ils prévoient
longtemps à l’avance les périodes de
soldes », ajoute Ali Gharbi.
VINCENT FOURNIER/J.A.
UN ENDETTEMENT DES MÉNAGES
CONTRÔLÉ
Avec un revenu mensuel moyen de
600 dinars (près de 320 euros) par
Les tentations et les promotions d’un hypermarché Carrefour, à Tunis. foyer, les ménages sont souvent ten-
L
tés de recourir au crédit pour pouvoir
e consommateur tunisien est être de plus en plus souvent confron- satisfaire leur appétit de consomma-
un cas à part au Maghreb. tés à des marques étrangères, grâce tion. L’endettement par habitant et par
Comme le rappelle A li au développement à venir des fran- an est de 100 euros, contre 200 euros
Gharbi, directeur de l’Insti- chises, qu’une loi vient d’autoriser, et au Maroc et 2 000 euros en France. « Il
tut national de la consommation, « les du fait du matraquage publicitaire », n’y a pas de fuite en avant dans l’en-
modes de consommation en Tunisie explique un diplomate. dettement des ménages. Le système
connaissent une évolution très rapide Selon Hassen Zargouni, président bancaire tunisien est très contrôlé et
et empruntent à la fois aux traditions du bureau d’ét udes marketing et les risques de dérapages sont donc peu
propres aux Maghreb et aux nouvelles médias Sigma Conseil, « le panier du importants », explique Hassen Zar-
habitudes de la société de consomma- Tunisien est un peu plus élaboré et la gouni. Par ailleurs, contrairement au
tion de type occidental ». Pourtant, part de l’alimentaire [35 %] sensible- Maroc, les sociétés spécialisées dans
jusqu’à la fin des années 1980, les ment plus basse qu’au Maroc [40 %] le crédit à la consommation – comme
Tunisiens vivaient dans une écono- ou en Algérie [47 %]. Cela s’explique Cetelem – n’existent pas encore en
mie relativement fermée et n’étaient par le fait que le niveau de vie y est Tunisie. Ce sont les banques qui y
exposés qu’à des produits locaux. plus élevé. » En effet, ici, le consom- assurent ce type de prestation.
Conséquence de ce relatif isolement, mateur consacre 20 % à 25 % de son La véritable spécificité de la société
u n for t développement des PM E revenu à l’immobilier (près de 80 % de consommation tunisienne est sa
nationales et une position de leader des Tunisiens sont propriétaires de relative homogénéité. « On a une
pour les marques locales. Aujourd’hui leur logement), 10 % à 15 % au tex- importante classe moyenne, qui a plus
encore, malgré l’ouverture aux impor- tile et à l’habillement et, nouveauté, ou moins le même rythme de vie et
tations, les consommateurs conti- depuis cinq ans, la part dédiée à la les mêmes habitudes de consomma-
nuent d’utiliser principalement des consommation des services télécom tion », analyse Hassen Zargouni. Une
produits nationaux. Ainsi, 80 % des n’a cessé d’augmenter, pour atteindre homogénéité sociale propice à une
articles vendus par l’enseigne Carre- près de 5 %… Aujourd’hui, 90 % des entrée de plain-pied dans la société
four sont d’origine tunisienne. « Les Tunisiens ont un téléphone portable de consommation. ■
Tunisiens sont cependant appelés à et 95 % possèdent une télévision. LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale
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19.
20. 70 LE PLUS TUNISIE
INTERVIEW Mohamed Nouri Jouini
MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE
« Nous gardons le cap sur lʼouverture »
Malgré la conjoncture mondiale, qui affecte la plupart de ses partenaires, le pays
est optimiste. Après un fléchissement en début dʼannée, les implantations et les
investissements étrangers se poursuivent. Dans certains secteurs, ils sʼaccélèrent.
N
ommé au portefeuille du internationales, ainsi qu’à l’améliora- licence de téléphonie fixe et mobile de
Développement et de la tion de l’environnement des affaires. troisième génération à un consortium
Coopération internationale tuniso-français.
en 2002, Mohamed Nouri Comment la Tunisie s’en sort-elle Cette dynamique a favorisé l’en-
Jouini est, à 48 ans, à la tête d’un cette année ? trée en production, durant le premier
département dont le rôle est central Mieux que prév u. Elle s’en sort semestre de 2009, de 93 nouvelles
en termes de gestion macroéconomi- pas mal, grâce aux mesures décidées entreprises à participation étrangère
que, de planification et de soutien à depuis le dernier trimestre de 2008 et et la réalisation de 104 opérations
l’investissement extérieur. Formé aux au suivi permanent effectué par une d’extension, qui ont permis la créa-
sciences de la décision aux États-Unis, commission nationale, décidée par le tion de 6 200 nouveaux emplois, dont
il a notamment été le conseiller écono- président Ben Ali et présidée par le plus de 5 700 dans l’industrie manu-
mique du chef de l’État puis secrétaire Premier ministre. Cette commission, facturière.
d’État à la Privatisation. ■ qui comprend des membres du gou-
vernement, des organisations profes- Quelles sont les perspectives pour
sionnelles et des experts, assure une le pays ?
JEUNE AFRIQUE : Quel a été l’effet veille continue et est prête à propo- Il y a des sig nes positifs. Nous
de la crise sur l’ouverture du pays ? ser les mesures nécessaires pour faire sommes dans une phase de stabili-
MOH A MED NOU R I JOU INI : face à la crise. sation et, même, de début de relance
La crise n’a pas freiné le processus Durant cette crise, nous avons tenu au niveau mondial. Pour la Tunisie,
d’ouverture de l’économie tunisienne. un discours très franc avec les Tuni- cela se traduit par des commandes
Bien au contraire, elle a incité le gou- siens, avec les patrons, avec les syndi- plus importantes dans plusieurs sec-
cats et avec les partenai- teurs. C’est donc positif. Après envi-
res étrangers. Nous avons ron 3 % en 2009, nous espérons un
« La Tunisie a su renforcer pris des mesures pour début de retour aux taux de crois-
atténuer son impact et sance normaux, de 4 % à 5 %, en
sa capacité de résistance pour compenser la baisse 2010. À partir de 2011, nous nous
des échanges extérieurs attendons à un taux de croissance
aux chocs exogènes. » par un accroissement de similaire à celui d’avant la crise,
l’investissement. c’est-à-dire 6 %, qu’il nous faudra
vernement à persévérer sur la voie de d’ailleurs encore améliorer.
l’intégration à l’économie mondiale. L a c r i se a - t- e l le eu de s e f f et s
D’ailleurs, c’est grâce à l’élan de réfor- positifs ? Comment se sont comportés les
mes sans relâche depuis deux décen- La Tunisie a réussi à tirer profit de investissements directs étrangers
nies sur la voie de la libéralisation que cette conjoncture en drainant, en plei- (IDE) ?
la Tunisie est parvenue à asseoir de ne période de crise, des investisseurs Globalement, il y a une baisse. Mais
solides fondements qui lui ont permis étrangers de renommée internationa- c’est normal, cette dernière étant due
de renforcer sa capacité de résistance le dans des secteurs porteurs. Cette essentiellement à l’énergie. En revan-
aux chocs exogènes. Et nous persévé- attractivité s’est manifestée à travers che, et malgré la crise, les IDE dans
rons sur la voie de l’ouverture, même la multitude des projets d’investis- les industries manufacturières ont
en pleine période de crise. sement et de partenariat qui ont été connu une hausse de 15 %. C’est un
Ainsi, la majorité des mesures struc- conclus avec des entreprises étrangè- mérite, parce que la compétition dans
turelles repose sur des réformes liées à res : la création d’un parc aéronauti- ce secteur est plus forte.
la réduction de la protection tarifaire, que, l’entrée en production de grands Mieux encore : depuis deux ou trois
à la facilitation des procédures du com- projets à haute valeur ajoutée dans les ans, nous observons que la qualité de
merce extérieur, à la promotion des secteurs des composants automobiles l’investissement s’améliore. Et c’est le
exportations, à l’adoption des normes et du textile, ainsi que l’octroi d’une cas pour 2009 et 2010, avec de nou-
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21. LE PLUS 71
HICHEM
Pour le ministre du Développement et de la Coopération, les efforts se concentrent sur l’intégration à l’économie mondiale.
veaux investissements dans des sec- cier. Et les travaux pour Telecom City drier fixé. Nous sommes dans la phase
teurs et créneaux tout à fait inédits, doivent démarrer prochainement. du démarrage de l’implantation.
comme le textile haut de gamme,
l’aéronautique, la microélectronique, Mais les travaux sur les berges du Y a-t-il d’autres grands chantiers
la production de logiciels et les ser- lac sud de Tunis pour le projet Porte programmés ?
vices informatiques, où des leaders de la Méditerranée, où Sama Dubai Ce que je peux vous dire au stade
mondiaux installent en Tunisie des disait vouloir investir plus de 25 mil- actuel, c’est que nous travaillons avec
plates-formes de compétence. liards de dollars, sont en arrêt… un grand sérieux sur plusieurs projets,
Le groupe concerné n’a pas renoncé notamment cinq grands projets qui
À propos d’IDE, les grands projets au projet : il y a un retard en raison de doivent être implantés dans différentes
immobiliers financés par des grou- difficultés inhérentes à la crise finan- régions du pays, en plus de Tunis. Ils ne
pes du Golfe ont beaucoup fait par- cière mondiale, et il a demandé un concernent pas seulement le développe-
ler d’eux (voir pp. 72-73). Où en délai par rapport au calendrier initial. ment immobilier, mais aussi le domaine
sont-ils aujourd’hui ? de l’énergie, du dessalement de l’eau de
Trois sont en cours de réalisation Et comment évolue le projet de la mer, de l’environnement, des infrastruc-
sur la région de Tunis. Pour Tunis filiale d’Airbus au sein du nouveau tures et des zones logistiques. ■
Sports City, les travaux sont en cours. parc aéronautique ? Propos recueillis à Tunis
C’est aussi le cas pour le pôle finan- Il avance conformément au calen- par ABDELAZIZ BARROUHI
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